LES FORCES SPECIALES
DU PENTAGONE :

LES MILICES DE L'EMPIRE US/SS

 

 

Donald Rumsfeld développe ses forces spéciales : Les milices de l'Empire

 

Le général Charles R. Holland commande publiquement les forces spéciales.
Le général John A. Gordon est nouveau conseiller-adjoint de sécurité, dispositif national pour la lutte contre le a terrorisme.

 

En développant très rapidement les "Forces spéciales", le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ne cherche pas seulement à doter les États-Unis de moyens d'intervention rapides échappant au droit international. Il constitue surtout une armée parallèle pour vaincre les résistances de l'establishment militaire. Mais en affranchissant les Forces spéciales aussi bien du droit international que de la chaîne de commandement traditionnelle, il en fait des milices incontrôlables et s'expose à devoir assumer leurs pires exactions.

9 janvier 2003 - À Washington, les partisans de l'impérialisme militaire US - et principalement les membres du Center for Security Policy [1] - considèrent chaque jour un peu plus la Charte de San Francisco et le Conseil de sécurité des Nations Unies comme des obstacles à leurs ambitions. Ils interviennent sans cesse dans les médias pour mettre en cause la suprématie des traités internationaux sur la Constitution et les lois adoptées par les États-Unis.

Ils rencontrent surtout l'opposition d'officiers supérieurs qui se considèrent comme responsables de la sécurité collective et redoutent donc, par principe, de faire parler les armes; ainsi que l'opposition de diplomates, par nature peu enclins à souhaiter des affrontements généralisés. Ces partisans du multilatéralisme ont fait du général-secrétaire d'État Colin L. Powell leur porte-parole.
La réforme des armées est devenue l'un des points essentiels de cristallisation de ce débat. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, ne manque aucune occasion de stigmatiser en public la lourdeur bureaucratique de sa propre administration et d'exhorter le corps des officiers à s'adapter à ses exigences. Cette crise perpétuelle est devenue si aiguë qu'elle paralyse partiellement l'état-major interarmes et rend difficile toute nomination.

Au cours des derniers mois, premièrement, un Commandement central d'Amérique du Nord a été créé. En violation de l'esprit, sinon de la lettre, du Comitatus Act [2], il place la Garde nationale dépendant des gouverneurs et les forces armées présidentielles sous un commandement unique permettant une ingérence des militaires dans la politique intérieure. En outre, par voie de traité, le Commandement central a de facto pris autorité sur ce qui reste de l'armée canadienne [3]. Deuxièmement, le Commandement stratégique a absorbé le Commandement spatial en vue de la création d'une armée de l'espace (c'est-à-dire d'une armée présente dans l'espace pour livrer des batailles sur terre). Ces restructurations ont exacerbé les conflits dans l'establishment militaire.
C'est dans ce contexte d'obstruction permanente du Pentagone et du département d'État à sa politique que Donald Rumsfeld a annoncé le 7 janvier 2002 la création d'une nouvelle arme, distincte de l'Army, de la Navy, de l'Air Force et du Marine Corps : les Forces spéciales [4].

Celles-ci avaient déjà été restructurées en 1987 par le président Reagan au regard des travaux des sénateurs Goldwater et Nichols faisant suite à l'attentat contre l'ambassade US au Liban. Il s'agissait à l'époque d'unités militaires très peu nombreuses destinées à des interventions éclair. Ronald Reagan ayant déclaré la «Guerre à la drogue», les Forces spéciales furent rapidement utilisées pour conduire des opérations de police contre des narcotrafiquants en dehors de toute règles légales, nationales ou internationales.

Des États latino-américains pouvaient faire appel à ces commandos pour venir discrètement détruire les installations des cartels de la drogue et en éliminer les parrains. Il semble aussi que parfois, en Amérique centrale, ils aient joué le rôle d'escadrons de la mort pour éliminer des leaders marxistes. Avec le temps, ces forces spéciales ont appris à travailler avec la Division des activités spéciales de la CIA et avec les Bérets verts. Elles ont été mises à disposition des commandements suprêmes régionaux et des états-majors états-uniens qui pouvaient les requérir si de besoin. Elles ont donc progressivement étendu leurs types de mission et leurs zones d'intervention.

Quels qu'en soient les véritables auteurs et commanditaires, les attentats du 11 septembre 2001 ont montré l'efficacité des méthodes non-conventionnelles de combat. Ils ont donc aussi fourni une justification à certaines des idées de réforme en matière de doctrine stratégique et d'organisation que l'on désigne sous le nom de «Révolution dans les affaires militaires». Pour les politiciens du Center for Security Policy, tel que Donald Rumsfeld, les attentats fournissent donc à la fois un mobile pour lancer la «Guerre au terrorisme» et pour développer les techniques déjà utilisées par les Forces spéciales [5].

Tout au long de l'année 2002, Donald Rumsfeld a bataillé durement pour modifier le statut des Forces spéciales. Pour imposer sa volonté, il s'est appuyé sur un rapport du Comité consultatif scientifique du Pentagone selon lequel les Forces spéciales ne doivent plus être placées à disposition des autres armes, mais au contraire devenir l'instrument central d'opérations militaires [6]. En outre, pour affranchir les Forces spéciales de l'autorité de l'establishment militaire, le Comité a opportunément suggéré de ne plus les placer sous le commandement des états-majors, mais de les rattacher directement au Conseil de sécurité nationale (NSC). Le nouveau dispositif a été progressivement mis en place.

Désormais, la conseillère nationale de sécurité, Condoleezza Rice, est assistée d'un adjoint pour la lutte contre le terrorisme. Cette fonction, créée par la directive présidentielle NSPD-8 du 24 octobre 2001, a été initialement confiée au général Wayne A. Downing, ancien patron des forces spéciales et «conseiller militaire» de l'opposition irakienne. Depuis le 27 juin 2002, ce poste est occupé par le général John A. Gordon, ancien n°2 de la CIA puis directeur de la sécurité nucléaire.
Il s'est doté d'un groupe d'experts chargé des opérations préventives de projection (Proactive, Preemptive Operations Group - P2OG) composé de spécialistes pointus en matière de guerre de l'information, d'actions secrètes, de diplomatie, de leurres, de renseignement, d'opérations psychologiques, d'infiltrations, d'espionnage électronique, et de forces spéciales d'intervention. Le P2OG comprend également des officiers de liaison avec le Directeur de la communauté du renseignement, les secrétaires d'État, à la Défense et à la Justice. Au total, il emploiera une centaine de personnes.


Pendant la guerre d'Afghanistan, ce sont les Forces spéciales qui sont montées au feu à Mazar-i-Sharif [7]. À cette occasion, le général Wayne A. Downing a créé des organes de coordination sur le théâtre d'opérations (Joint Interagency Task Force, sur la base aérienne de Bagram au nord de Kaboul), au centre de formation des réseaux stay-behind (Campaign Support Group sur la base de Fort Bragg en Caroline du Nord), et au quartier général de l'opération Enduring Freedom (Special Operations Joint Interagency Collaboration Center sur la base aérienne de McDill à Tampa, en Floride). Sur le même principe, il a installé des organes de coordination dans chaque commandement régional US. Il en existe déjà un en Europe et un second pour le Pacifique.

Actuellement, les Forces spéciales sont composées de 47 000 hommes détachés des autres armes : l'équipe 6 des SEALs de la Navy, le 75e régiment des Rangers et la Force Delta de l'Army, les Forces d'administration civile et d'opérations psychologiques, et le 160e régiment aéroporté de l'Air Force. Cette armée dispose de son propre budget et achète directement ses équipements et matériels, y compris navires rapides et hélicoptères. Elle disposait en 2002 d'une enveloppe de 4,9 milliards de dollars, qui devrait être portée à 10 ou 11 milliards de dollars en 2004.

Les forces spéciales sont placées sous le commandement du général Charles R. Holland, un personnage public installé à McDill. Il est assisté par le général Maxwell C. Bailey, qui dirige les opérations dans le plus grand secret, au point que même sa biographie a été classifiée. Quoi qu'il en soit, les généraux Holland et Bailey sont très marqués politiquement et sont membres du Center for Security Policy.

En choisissant ce dispositif, Donald Rumsfeld espère pouvoir conduire deux guerres de front, comme il l'avait déclaré le 23 décembre. Cependant, il ne s'agira pas de deux guerres conventionnelles (contre l'Irak et la Corée du Nord par exemple), mais d'une guerre conventionnelle et d'une guerre de basse intensité (contre l'Irak et la guérilla aux Philippines par exemple) [8].

Désormais, les Forces spéciales auront pour mission d'éliminer les membres d'organisations terroristes, n'importe où dans le monde [9].
Le président George W. Bush a approuvé, en décembre 2002, une liste nominative de suspects à abattre, sans jugement des individus ni respect de la souveraineté des États qui les abritent [10].
Les Forces spéciales ont récemment réalisé des incursions en Géorgie, au Yémen, aux Philippines, au Tchad, etc.
De telles opérations, conduites en dehors des lois de la guerre, ne vont pas sans "bavures".
En janvier 2002, les forces spéciales ont pris d'assaut une école à Ouruzgan, au centre de l'Afghanistan, en croyant y arrêter des leaders d'Al Qaïda. Elles ont tué 17 personnes et fait 29 prisonniers. Ceux-ci ont été emmenés sur la base US de Kandahar, où ils ont été torturés [11]. Le hasard voulu que parmi les victimes se trouvait des parents d'un responsable du gouvernement provisoire afghan, de sorte que les États-Unis furent contraints de reconnaître leur méprise, de relâcher les prisonniers, de présenter leurs condoléances aux familles des défunts et de leur proposer une indemnisation symbolique. Plus grave encore, à Mazar-i-Sharif, les forces spéciales sont accusées d'avoir massacré des prisonniers afghans et commis divers crimes de guerre.
Une autre mission des forces spéciales est de dissuader des États d'entrer en compétition avec les États-Unis et de jouer un rôle militaire régional [12]. En d'autres termes, les forces spéciales peuvent intervenir pour attaquer et saboter des installations dont le développement pourrait à terme donner à un État les moyens de son indépendance par rapport à Washington.
Selon le Boston Globe [13], environ 150 membres des forces spéciales (une centaine de militaires et une cinquantaine de paramilitaires de la CIA) sont à l'¦uvre depuis quatre mois en Irak. Ils sont épaulés par des commandos des SAS britanniques, des Jordaniens et des Australiens. Ils procèdent au repérage des cibles à bombarder, notamment en zones urbaines. Saddam Hussein a accusé les Etats-Unis d'avoir infiltré des membres des Forces spéciales parmi les inspecteurs en désarmement de l'ONU. Les bombardements presque quotidiens du centre Irak visent à couvrir les déplacements de ces unités. La guerre a déjà commencé.

Thierry Meyssan Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.

[1] Sur le Center of Security Policy, voir notre étude Les marionnettistes de Washington, in Réseau Voltaire du 13 novembre 2002. Accessible sur la Zone Réseau http://www.reseauvoltaire.net/article8707.html .
[2] Le Posse Comitatus Act (PCA), adopté à l'issue de la guerre de sécession et incorporé au Titre 18, Section 1385 de l'US Code, interdit aux forces armées (mais pas à la Garde nationale) de participer au maintien de l'ordre, sauf dérogation expresse du Congrès.
[3] Le 9 décembre 2002, le gouvernement canadien a rendu public un accord de défense avec les États-Unis. En théorie, les deux pays ont désormais un système de défense commun, coordonné au sein du Commandement de l'Amérique du Nord. En pratique, cet état-major est purement états-unien et l'armée canadienne n'y est représentée que par un unique officier de liaison (actuellement, le général Ken Pennie). Selon l'ancien ministre des Affaires étrangères canadien, Llod Axworthy, ce traité marque la fin de la souveraineté du Canda.
[4] DoD News Briefing du 7 janvier 2002 http://www.defenselink.mil/news/Jan2003/t01072003_t0107sd.html, Special Ops gets OK to initiate its own missions par Rowan Scarborough, in The Washington Times du 8 janvier 2003 http://www.washtimes.com/national/20030108-12935202.htm .
[5] The Secret War. Frustrated by intelligence failures, the Defense department is dramatically expanding its « black world » of covert operations par William M. Arkin, in Los Angeles Times du 27 octobre 2002.
[6] Defense Science Board Summer Study on Special Operations and Joint Forces in Support of Countering Terrorism, Department of Defense, 16 août 2002 (document partiellement classifié). Le contenu de ce rapport a été révélé par Dan Dupont dans Inside the Pentagon du 26 septembre 2001. Il est partiellement téléchargeable sur http://www.fas.org/irp/agency/dod/dsbbrief.ppt au format Powerpoint.
[7] Conduct of War Is redefined by Success of Special Forces par Thom Shanker, in New York Times du 21 janvier 2002.
[8] Sur la discussion de la capacité des États-Unis à multiplier les théâtres d'opération, voir Ce Gulliver dérisoire, in De Defensa du 26 décembre 2002 http://www.dedefensa.org/article.php ?art_id=528 .
[9] Rumsfeld Wants More Covert Operations to Smash al-Qaeda, dépêche UPI du 3 août 2002. Aggressive New Tactic Proposed for Terror War par Thomas E. Ricks, in Washington Post du 3 août 2002. US to Deploy Elite Units to Hit al-Qaida par Roy McCarthy, in The Guardian du 5 août 2002.
[10] Bush Has Widened Authority of C.I.A. to Kill Terrorists par James Risen et David Johnston, in Washington Post du 15 décembre 2002. Bush orders hunt for terrorists par Frank Gardner, in BBC du 16 décembre 2002. Rumsfeld bolsters special forces par Rowan Scarborough, in The Washington Times du 6 janvier 2003.
[11] Villagers Released by American Troops Say They Were Beaten, Kept in Cage par Molly Moore, in Washington Post du 11 février 2002.
[12] Cette mission a été attestée par le général Charles R. Holland lors d'une audition au Sénat. The State of Special Operations Forces, Senate Armed Service Committee, Emerging Threats and Capabilities Subcommittee, US Senate, 12 mars 2002.
[13] US Operatives are said to be active in Iraq par John Donnelly, in Boston Globe du 5 janvier 2002.

*

Le Pentagone va porter à 65.000 l'effectif des dites "forces spéciales"

par David Morgan

(version française, Pierre Sérisier)

Reuters - 25/10/8 - Le Pentagone envisage d'augmenter dans les prochaines années les effectifs de ses "forces spéciales" qui pourraient atteindre 65.000 hommes, a annoncé un responsable de la Défense américaine.

Michael Vickers, secrétaire-adjoint à la Défense en charge des opérations spéciales à l'étranger, a précisé vendredi que les Etats-Unis voulaient renforcer les effectifs des Bérets verts, des Navy SEALs et d'autres unités d'élite afin de faire face aux menaces partout dans le monde.

"Au début de la prochaine décennie, nos "forces spéciales" seront probablement deux fois plus importantes que ce qu'elles étaient au début de cette décennie", a indiqué Vickers lors d'un forum à Washington.

Vickers a précisé que cette hausse des effectifs visait à participer à une lutte mondiale contre "le terrorisme" [sic] et notamment contre le réseau islamiste Al-Qaïda.

Ces forces spéciales, qui ont fait l'objet d'un programme d'expansion depuis le début de 2006, sont présentes dans environ 60 pays.

 

Accueil désarmement