MONS ABBONIS

& LE MONT SABOT

 

 

Extrait de la notice d'Albert Marlière, publiée en 1859

 

«Neuffontaines - Novi Fontes [Novem Fontes, en fait !] - L'origine de cette commune remonte au XIIe siècle. La cure de Neuffontaines était à la nomination de l'abbé de Chore, diocèse d'Autun. L'ancienne chapelle qui subsiste endore sur le Mont-Sabot, mons abbonis, et qui a été reconstruite en 1670, n'était anciennement qu'un oratoire privé dépendant du château [de Vignes-le-Haut], dont les fondations ont été découvertes en 1826, lorsqu'on fit des fouilles pour établir le cimetière. Ce château [du Mont Sabot] dominait la "montagne" [sic] qui est un des points géographiques les plus élevés du département, sa hauteur étant de 410 mètres 37 centimètres au-dessus du niveau de la mer [hauteur du Mont Vigne et non du Mont Sabot, qui est de 380 mètres ?].

Le prêtre [Venance] Fortunat (note RR n° 1) nous apprend qu'au Ve siècle Mont-Sabot appartenait à un seigneur nommé Abbon, qui avait emprisonné dans sa forteresse quelques ennemis vaincus. Saint-Germain, évêque de Paris [d'Auxerre ?], délivra ces captifs sans qu'on pût se rendre compte des moyens qu'il avait employés, ce qui fut considéré comme un miracle par les populations.» (Voir la note RR n° 2)

 

In Département de la Nièvre. Statistique de l'arrondissement de Clamecy, avec notices historiques, agricoles, industrielles, commerciales, administratives, topographiques et géologiques, par Albert Marlière, sous-préfet de cet arrondissement; Clamecy, imprimerie de C. Cégretin, 1859, pp. 315-318 (Fonds SSAC : Société Scientifique et Artistique de Clamecy).

Notes de Roger Ripert :

- Note n° 1 : Venantius Honorius Clementianus Fortunat ou saint Venance Fortunat, né vers 530 à Valdobbiadene près de Trévise, mort en 609 à Poitiers, est un poète chrétien du VIe siècle. Voir Wikipedia.

- Note n° 2 : Voir à ce sujet l'article de Michel Leconte publié dans La Lettre d'Ile-de-France, bulletin trimestriel du Groupe Ile-de-France de Mythologie française, n° 77, 1er tr. 2011, pp. 10-14. Voir ci-dessous et le fichier pdf de La Lettre.

Voir aussi «Le Mont Sabot, un oronyme gaulois», par Michel Leconte, in La Lettre de l'Ile de France n° 95.

 

 

 

L'empreinte lugienne de saint Germain de Paris *

 

par Michel Leconte

 

«Situé sur la commune de Neuffontaines dans la Nièvre, le mont Sabot qui surplombe les Vaux d’Yonne et sa rivière éponyme constitue, avec le mont Lancioux tout proche, un verrou sur l’ancienne voie gallo-romaine reliant Autun à Orléans (la D. 42) qu’ils dominent tous deux de part et d’autre.

Servant d’assise à ce qui pourrait être une porte du Morvan, ce mont est coiffé d’une jolie chapelle romane du XIIe siècle (l’ancienne église du prieuré de Neuffontaines) dédiée à saint Pierre-aux-liens (1er août). Son origine mythique remonterait à Gargantua dont il serait, selon une légende locale, une “dépatue” (une dépatture). J’ajoute qu’en la petite église qui le couronne, la chèvre y a pris le loup, et que cette légende est illustrée par les deux protomes de loup et de chèvre qui se font face au-dessus des arcades ouvrant sur les deux chapelles latérales de l’édifice. Je ne m’attarderai pas davantage sur cette légende dont je parlerai un prochain jour, préfèrant me cantonner aujourd’hui à une autre légende associée au mont et impliquant saint Germain de Paris.

Avide de la moindre information, historique ou légendaire, portant sur le mont Sabot, je relevais, il y a déjà quelques années, dans un article du journaliste Michel Eit paru en avril 1983 dans le Morvandiau de Paris, l’annotation suivante donnée sans autres précisions [Voir Chitry Mont Sabot] :

«Le lieu aurait appartenu au Ve s. à un certain Seigneur Ablon, ou Abon (d’où le nom de Mons Ablonis ou Abonis). Ce sieur Abon aurait emprisonné dans sa forteresse quelques ennemis vauriens. Saint Germain évêque de Paris, délivra ces captifs sans qu’on puisse se rendre compte des moyens qu’il avait employés. Ce qui fut considéré comme un miracle par les populations».

Repensant aujourd’hui à cette incise (probablement inspirée de la vie de saint Germain de Paris de Venance Fortunat) impliquant Germain dans un contexte gargantuesque et lugien, il me semble avant tout nécessaire de signaler une erreur que le bon sens du lecteur aura sans doute déjà rectifiée : saint Germain, l’évêque de Paris fêté le 28 mai, né près d’Autun vers 496, n’a exercé son magistère que de 555 à 576, c’est-à-dire au VIe s. et non au Ve siècle comme il vient d’être dit. Par contre saint Germain d’Auxerre, son homonyme bourguignon né à Auxerre vers 378, mort à Ravenne en 448, est bien quant à lui un homme du Ve siècle. Sa fête, fixée au 31 juillet, en fait a priori un saint caniculaire.

Toutefois, et malgré l’erreur signalée plus haut, je trancherai sans balancer en faveur de l’évêque de Paris pour la légende du mont Sabot, même si l’évêque d’Auxerre a ma préférence pour le festiaire (voir plus loin). De fait, si l’on donne crédit aux hagiographies des deux saints que je n’hésite pas à qualifier de «cousins germains» tant ils sont régulièrement confondus, force m’est de constater que les attributs prêtés à l’évêque de Paris (des chaînes et des flammes) plaident indéniablement en faveur de ce dernier au mont Sabot puisqu’ils symbolisent, on le sait, les pouvoirs miraculeux de l’évêque thaumaturge invoqué pour conjurer les incendies et pour sortir de prison (je rappelle pour mémoire que lors de son enterrement, tandis que le cortège funèbre passait devant une prison, son cercueil s’enfonça dans la terre et qu’il « fallut délivrer les captifs pour que la dépouille mortelle consentît à repartir»). (1)

Enfin, pensons au séjour que saint Germain de Paris effectua à Avallon où il suivit des études; cette anecdote, d’apparence anodine, a son importance et contribuera peut-être à conforter l’hypothèse étymologique du nom du mont Sabot que je me dois d’aborder à présent.

Ce mont étant, comme je l’ai déjà dit, une dépature des sabots de Gargantua, l’hypothèse la plus simple quant à l’origine du nom est celle qui assimile le mont à son agent, le sabot (de Gargantua).

Mais on peut penser, en second lieu, à une étymologie plus ancienne. La regrettable confusion du journaliste mise à part, celui-ci nous propose une lecture de «mont Sabot» en rapport avec le nom du «seigneur Abbon» qui donne à l’étymologie du toponyme une résonance nouvelle. «Mons Ablonis ou Abonis », écrit-il dans l’article mentionné, un terme sous lequel je verrais assez volontiers le génitif d’Ablo de forme identique à l’Abalo gaulois d’où dérive l’«Avallon» moderne (à une voyelle près cependant : le «a» interconsonnantique qui a chuté).

Ainsi donc, cette butte qui domine la commune de Neuffontaines le long de la D.42, entre Clamecy et Lormes, sommée de sa jolie chapelle romane, serait à rapprocher de l’«Avalo» mythique des Celtes, tout comme l’ancienne cité gauloise de la table de Peutinger qui porte aujourd’hui encore ce nom prestigieux, et dont l’église «Saint-Martin-du-Bourg» (édifiée elle-même sur une ancienne chapelle fondée à la fin du VIe siècle par la reine Brunehaut) couvrirait les vestiges d’un temple dédié à l’Apollon gaulois «Bélénus».

Sur tous ces points je me réfère aux écrits de l’historien Courtépée qui précise qu’il s’agit ici de conjectures : «On croit, dit-il, que l’église était jadis un temple d’Apollon appelé Abellio, nom analogue à celui d’Apollon».
À quoi il ajoute : «On voit auprès la fontaine Bredelaine, à Beleno, autre nom celtique».

On dispose donc aujourd’hui, en dépit des «conjectures», d’un faisceau d’indices suffisamment importants et sérieux pour attribuer à une divinité d’aspect apollinien, bélénique ou lugien, un mont auquel elle pourrait bien avoir donné son nom. De tels lieux nous rappellent aussitôt le mythique paradis des Celtes où le roi Arthur est en dormition. Un paradis qui n’est autre que l’Île d’Immortalité des Celtes, l’Île d’Avalon couverte de ses pommiers éponymes (le gaulois «Aballo» ou «Avallo» désignant la «pomme»). Il va sans dire, faut-il le préciser, que ce paradisauquel ont droit les guerriers n’est pas assimilable à un lie unique et identifiable géographiquement; en fait, il s’agit du mythique séjour des dieux et des morts, situé à l’Ouest vers le soleil couchant. Cette «Île des Bienheureux» est couverte de fleurs, remplie de chants d’oiseaux et l’hydromel y coule à flots.
Est-ce au souvenir de ces morts illustres enterrés sous des tertres (comme au pied du mont Bué tout proche qui garde le souvenir d’un tumulus hallstatien aujourd’hui arasé) que les populations locales ont pu voir en ces collines parfois chargées d’histoires, de ruines et de tombes (aussi bien préceltiques
que gauloises), une localisation du Paradis, un «Avalon » ? C’est bien possible, et ce d’autant plus que l’imaginaire y trouvait son compte.

Cette légende de saint Germain de Paris est également mentionnée dans l’ouvrage : Le Patrimoine des communes de la Nièvre (Ed. Flohic, 1999). Ainsi, pour Neuffontaines on peut lire (sans aucune référence) :

«Au Ves. [V ème siècle], Mont-Sabot appartient à un seigneur nommé Abbon, qui se distingue en empoisonnant (2) quelques-uns de ses ennemis. Saint Germain, évêque de Paris (sic), entreprend de délivrer ces captifs sans qu’on puisse déterminer comment, ce qui est considéré comme un miracle par les populations ».


Évidemment, en regard de l’erreur de datation qui traduit une confusion courante entre les deux Germain, le ton assuré de la notice prête à sourire. On le sait, nous l’avons déjà dit, saint Germain de Paris (496-576) appartient au VIes., et fut élevé à la charge d’évêque de Paris en 565.

Cependant, un détail retient notre attention, celui de l’empoisonnement des prisonniers par le seigneur des lieux, le dénommé Abbon. Il nous rappelle (ce qui n’est pas sans importance) deux événements particulièrement cruels de l’enfance de saint Germain de Paris rapportés par Venance Fortunat, son hagiographe. De ce texte, écrit en latin, on lira ci-dessous les quelques passages qui concernent son entrée dans la vie ainsi que sa rencontre avec le prévôt Abbon dans une traduction française du XVIIe s. (3)
On y découvre d’abord toute l’infortune de Germain et le bien triste sort que la vie, sans le secours de la Providence, semblait lui avoir réservé avant même sa naissance.
On apprend ainsi que :

Chapitre 1

«Le Bienheureux St Germain Évêque de Paris fut natif du Diocèse et territoire d'Autun en Bourgogne, et engendré de gens de bien et de mérite. Il eut pour père un riche Gentilhomme d'honneur appelé Éleuthère, et pour mère Damoiselle Eusébie : laquelle se voyant grosse, et ressentant ses chastes flancs chargez du petit corps de monsieur St Germain, honteuse (comme ordinairement sont les femmes de bien) à cause qu'elle en avait enfanté un autre peu de jours auparavant : elle eut désir, et se résolut enfin de décharger son fruit avant le terme de l'accouchement. Et afin de s'avorter et le jeter mort-né, elle prit un breuvage : mais voyant que cela n'avait point opéré, s'avisa de se fouler le ventre contre terre : et s'efforça tant qu'elle pût, de suffoquerpar violence ce que la boisson venimeuse n'avait pu offenser».



Mais rien n’y fait, la mère a beau faire, l’enfant survit...

«Hé ! merveille, l'enfant n'en ressentait aucune douleur. Cette chair portée était continuellement frappée de coups, sans que pourtant elle fut aucunement endommagée : de peur que cette pauvre mère ne fut meurtrière de son propre enfant : cela se fit (comme je crois) afin qu'étant conservé sain et sauf il vint naître, sans être outragé pour lui même. Venant à perfection il fit miséricorde à sa mère, et la rendit innocente devant Dieu et devant le Monde. Ceci le rendit admirable à la postérité, et servit d'un témoignage assuré de sa sainteté future : puisque Dieu faisait par lui telles merveilles avant que de naître au Monde.»

De cette funeste prime enfance à laquelle Germain survit, je retiendrai quelques points de détails apparemment sans importance, mais qui, on le verra plus loin, seront décisifs pour la suite : Eusébie, sa mère, est honteuse de sa grossesse et veut se débarrasser de l’enfant qu’elle porte parce que, nous dit-on, elle avait enfanté un autre enfant peu de jours auparavant.
L’espace de quelques jours pour accoucher de deux enfants sans être impossible est sans doute un peu exagéré et s’apparente ici probablement à un accouchement de jumeaux. Or le détail qui doit nous retenir ici, car il fait sens, est le suivant : le premier-né est venu à terme (quelques jours auparavant), le second, sans l’intervention divine, eût été semblable à l’embryon d’une fausse-couche ou, à tout le moins, à un enfant né avant terme (alors qu’ils sont probablement jumeaux...).
Cette venue au Monde non désirée s’étant malgré tout accomplie, vient l’adolescence, tout aussi pitoyable puisque, on va le voir, elle va se heurter aux manigances meurtrières d’une autre marâtre.

 

Chapitre 2

«Puis après qu'il fut parvenu en âge pour pouvoir apprendre quelque chose digne de sa noble origine, on l'envoya au Collège en la ville d'Avallon (associé d'un sien cousin germain qu'on nommait Stratide). D'où ces jeunes enfants s'en retournant ensemble au lieu où résidaient leurs parents : Advînt que la mère de sa mère, aïeule ou mère-grande, commune à St. Germain et à ce Stradide fut curieuse de faire succéder seul Stradide à son héritage, pour en priver du tout St. Germain : et pour ce faire, la marâtre malheureuse lui conspira sa mort, en telle manière que revenant des écoles ces deux adolescents ensemble, elle avait mixtionné du poison dans le gobelet de monsieur St. Germain,et d'autre côté en un autre hanap y avait mis du bon vin pur et net pour faire boire à Stradide, qu'elle voulait conserver et faire héritier du patrimoine et héritage de Saint Germain, commandant expressément à une des servantes de faire boire lemixtionné à Saint Germain, et le vin pur à Stradide : Mais la pauvre fille ignorante, ne sachant la mauvaise intention de sa maîtresse, changea ces deux gobelets hors de leur lieu et place : et en prenant l'un pour l'autre bailla le vin à Saint Germain, et l'empoisonné à Stradide. Et cependant que l'on prépare la mort à l'innocent, celui qu'on veut favoriser tombe mort à la place. Ce qu'ayant aperçu la marâtre blâmait la servante, innocente de la mort de son fils qui peu de temps après revint à convalescence, avec toute sorte de diligence qu'on y put apporter».
Comme on vient de l’apprendre, poursuivi par la haine meurtrière de son aïeule, Germain a une adolescence calamiteuse qui ne le cède en rien à son enfance. Heureusement, au sortir de son adolescence, sa situation s’améliore enfin grâce à son oncle Scopilion : Germain échappant au poison abortif que prit sa mère.

Chapitre 3

«Puis, le bon Saint Germain s'en alla à Lusy avec Saint Scopilion son oncle paternel : lequel prit grand plaisir à l'instruire et nourrir fermement en la crainte de Dieu, et en la lecture des bonnes et saintes lettres, l'exerçant nuit et jour à la pratique spirituelle de toutes sortes de choses dévotes et pieuses. Et bien que leur demeure fut éloignée de l'Église de Lusy d'environ mille pas, néanmoins ils s'y acheminaient ensemble pour y faire leurs prières toutes les nuits, sans en passer une seule : voire durant la tempête, la pluie, et le tonnerre, sans s'excuser sur l'injure du temps, ni la longue distance du chemin».

Chapitre 4 (p. 5)

« De sorte qu'en continuant ce louable exercice, saint Germain pour ses rares vertus, âgé seulement de quinze ans fut promu à l'ordre de Diacre par le vénérable Évêque saint Agripin, et trois ans après il fut ordonné prêtre : depuis le vénérable Évêque d'Autun appelé Nectare le reconnaissant digne et suffisant pour gouverner et régir des religieux, il le fait Abbé, et le pourvut de l'Abbaye Saint-Symphorien d'Autun : là où comme il a vécu en abstinence, en austérité de vie, et combien il demeurait longtemps en continuelles prières et veilles assidues, nul ne le saurait réciter».

Germain est donc à présent sorti d’affaire et entre dans la vie ecclésiastique réalisant ici et là de nombreux miracles : délivrance de prisonniers, mais aussi guérisons d’affections liées symptomatiquement à un nouage d’une partie du corps malade : dénouement des articulations (rhumatismes), mais aussi déliage des sens (cécité, surdité, mauvaise élocution, mutisme) qu’il rend aux infirmes, sans oublier cette faculté cardinale réservée aux seuls grands thaumaturges : le ressuscitement qui délie le cadavre de la mort (pour la plus grande gloire de Dieu, bien sûr !). De même, c’est en accomplissant sa mission apostolique qu’il rencontre à Rozay en Brie le prévôt Abbon.

Chapitre 66 (pp. 67-68)


«Comme ce très saint et vénérable prêtre s'acheminait en la ville d'Autun son pays natal, il fut passer par Rozay en Brie : là où étant arrivé, il sut qu'en ce dit lieu il y avait des prisonniers captifs et retenus sous la puissance d'un appelé Abbon Prévôt du lieu, auquel il s'adressa, pour le prier humblement de délivrer hors de ses prisons ces pauvres captifs : Mais comme il était homme assez revêche et farouche, il ne lui voulut jamais accorder leur délivrance. Ce qu'ayant reconnu, le saint s'avisa de feindre qu'il s'en allait aux champs pour mener : et cependant il descendit en la prison, devant laquelle s'étant prosterné à terre, il fit une ardente et fervente prière à Dieu, puis la nuit ensuivant (d'après) les fers et les chaînes se lachèrent, se brisèrent, et rompirent : ainsi les fers et les ceps qui servaient à géhenner et tourmenter les pauvres captifs, s'étant ouverts et rompus en plusieurs pièces, la ferrure (grosse et forte à merveille) se leva, la porte sortit hors des gonds, la dure et obscure prison s'ouvrit en plusieurs endroits, et lors les pauvres captifs commencèrent à respirer l'air, et voir la lumière du jour, qui leur était déniée : et en sortirent pâles, aussi défaits et difformes, comme s'ils fussent sortis hors d'un sépulcre : de façon qu'après leur délivrance, ils entrèrent à Rozay [Rozay en Brie], et du grand matin se présentèrent devant leur libérateur saint Germain, pour le remercier, en rendant grâces à Dieu. Or le Prévôt Abbon, qui auparavant avait refusé au bon saint de donner liberté aux prisonniers, fut peu de temps après atteint et convaincu d'un crime, et fut mis prisonnier lui-même».

Note originale en marge gauche (écrite en italiques) : Rotegiacu, Rozay en Brie.
Note ajoutée sur l'exemplaire de l'ouvrage de la Bibliothèque municipale d'Auxerre : Roüy en Nivernois (voir la photo).


Il était nécessaire, je pense, de citer ces longs passages de Venance Fortunat pour avoir quelques chances de cerner la nébuleuse germinienne, dont il est aussi vain qu’illusoire de penser qu’elle reflète la vie réelle du saint.
Ce serait plutôt une sorte de modèle ou, pour mieux dire, de «patron» dont la première utilité serait de travestir, ou pour le dire de façon plus charitable, d’habiller à la mode chrétienne une réalité païenne antérieure. La présence du criminel prévôt Abbon à Rozay, selon Venance Fortunat, celle du méchant seigneur Abbon au mont Sabot, selon la légende nivernaise, le montre à l’évidence si l’on veut bien admette qu’il serait extraordinaire que Germain ait rencontré le même homme en deux lieux distincts.
En fait, un récit hagiographique, quand il est ancien, est une construction littéraire mûrement réfléchie par des clercs, qui mêle à quelques fragments réels de la vie d’un saint tout un légendaire issu d’un vieux fond païen que la tradition orale aura transmis. L’intérêt d’une telle construction étant d’attirer dans le giron de l’Église des populations encore soumises à la suggestion «païenne». C’est ainsi que le motif de l’empoisonnement qu’on trouve au mont Sabot attaché au seigneur Abbon, peut être entendu à condition de comprendre qu’il appartient en propre à Germain (voir ci-dessus).
C’est en transposant le motif de l’empoisonnement du seigneur Abbon à Germain que je l’ancre non seulement dans une structure narrative qui l’explique, mais qui plus est le charge d’une dynamique associative qui à son tour informe de nouveaux motifs : comme celui de la marâtre présent dans la vie de Germain, mais aussi dans celles de Pryderi et de Lleu Llaw Gyffes dont la quatrième branche du Mabinogi, Math fils de Mathonwy, nous donne, pour ce dernier, le récit (voir ci-dessous).
Certes, on pourra m’objecter que Rhiannon, la mère de Pryderi accusée à tort d’avoir assassiné son fils, n’est pas une marâtre; il n’empêche qu’au regard de son entourage elle l’est indubitablement. Elle le paiera d’ailleurs assez cher avant d’être innocentée. Par contre, si Aranrhod, la marâtre de Lleu n’est pas sa meurtrière (elle qui se parjure en se déclarant honteusement vierge devant le roi Math), c’est elle toutefois qui, à trois reprises (les 3 fonctions), refuse de reconnaître son fils qui est “sa honte”. En fait, c’est une autre femme (assimilable à Aranrhod en tant que représentante de la Souveraineté) qui provoquera la mort de Lleu : son épouse, Blodeuwedd, aidée de son amant Grown Pebyr. L’intérêt du récit de cette mort est qu’il expose un motif que l’on retrouve dans la “biographie” de Germain, celui de l’empoisonnement. C’est en effet au moyen d’une lance empoisonnée que Grown Pebyr, le bras armé de Blodeuwedd, tue Lleu Llaw Gyffes, et c’est en voulant l’empoisonner que l’aïeule de Germain compte se débarrasser de sonpetit-fils.

Mais le motif de l’empoisonnement n’est pas le seul à informer les deux récits. Celui de la naissance est aussi à retenir. Celle de Germain dont l’issue eût été, sans l’intervention divine, une fausse couche ou l’accouchement d’un prématuré mis en «couveuse» est en tous points comparable à la naissance de Lleu placé dans le « coffre » matriciel de Gwyddion (comme le fut Dionysos, le deux fois né, dans la cuisse de Zeus).
C’est donc en réunissant des motifs à première vue disparates et dénués de sens, que nous pouvons re(s)susciter (au sens propre du terme) une légende éclatée et réduite, telle un monument antique, à quelques pierres d’angle qui sans ce travail d’assemblage eussent été d’achoppement : un ou des prisonniers dans un Avalon, gardés par un geôlier empoisonneur au patronyme évoquant le jeune dieu Mabon (dieu cernunnien, selon MM. Gricourt et Hollard), une marâtre (réelle ou non), un libérateur dont Germain est l’une des figures christianisées, sans oublier la coutume celte du fosterage (qui correspond à l’état de page en France), présente chez Mabon et Lleu, mais aussi chez le saint en la personne de son oncle Scopilion, ce double de Gwyddion (oncle de Lleu).

Cette identité de destin entre le dieu gallois Lleu Law Gyffes et Germain étant vraisemblable, on peut à présent envisager un peu plus sereinement l’hypothèse d’un substrat lugien sous la personnalité hagiographique (et donc légendaire) de saint Germain de Paris. Cette identité n’oblitérant pas totalement celle établie par Bernard Robreau pour qui le représentant du dieu Lugus est l’éponyme saint Germain d’Auxerre, le principal atout de cette thèse étant la fête du saint fixée au 31 juillet qui cadre parfaitement avec le 1er août de la Lugnasad célébrant, on le sait, la royauté Lugienne. Ces apparentes contradictions sont le fait de glissements et de transpositions d’attributs d’un Germain à l’autre qui reflétent des glissements du même ordre chez leurs modèles celtiques (ou plus largement, indoeuropéens).
Toutefois, mis à part le festiaire, un trait de caractère comme l’appétence pour la chasse dont saint Germain d’Auxerre fut, nous dit-on, un pratiquant assidu avant sa conversion, ainsi qu’un détail hagiographique comme le nom de son diacre (disciple ou émanation du saint), Leporius, le lièvre (4), sans oublier ce probable jeu de mot sur « L’AUXERROIS » qui dû avoir au moyen âge une certaine fortune, et où s’entend distinctement « L’OS du coeur du CERF-ROI » (5), tous ces détails me donnent à penser que saint Germain d’Auxerre représente davantage le frère de Lugus que Lugus lui-même. Autrement dit, il est tout à fait possible que le saint auxerrois apparaisse comme l’équivalent fonctionnel de ce légendaire frère jumeau (6) de saint Germain de Paris rapidement mentionné dans la Vita de Venance Fortunat, qui disparaît presque aussitôt en tant que “premier-né” identifié au Pays de Galles sous le nom de
Dylan ou sous celui du chasseur Grown Pebyr. Deux figures dionysiaques qui trouvent en Gaule leur correspondant dans ce frère jumeau (ou germain) de Lugus qui s’oppose à lui dans l’alternance des saisons et pour “l’amitié des cuisses” de la Souveraine (les deux frères formant un couple que MM. D. Gricourt et D. Hollard qualifient de dioscurique dans la magistrale et décisive étude qu’ils viennent de publier). Un frère dionysiaque auquel nos géniaux inventeurs ont pu enfin donner un nom en Gaule, celui du dieu-cerf Cernunnos.

Notes

1. Guide de Paris mystérieux, p. 85. Éd. Tchou.

2. Il est plaisant de découvrir ici comment une légende (celle du mont Sabot) et une argumentation (la mienne) se sont construites (en partie seulement) sur un lapsus calami. Ainsi, le motif de “l’empoisonnement” mentionné dans la deuxième version de la légende provient très vraisemblablement d’une mauvaise lecture du mot “emprisonnement” de la première version qui lui sert probablement de modèle et qui n’est pas fautive et suit correctement la leçon princeps de Fortunat. Ce malentendu aura eu au moins l’avantage de servir d’aiguillon à l’Imaginaire. Ce que rappelle le proverbe qui dit “qu’à quelque chose malheur est bon”.

3. La vie Miraculeuse du grand Prélat s. Germain, XIXe évesque de Paris, escrite en Latin par saint Fortunat Evesque de Poictiers, mis en Français par Jean Jall curé de Villeneuve-Saint-Georges. Chez Jean Daumalle, 1623.

Note RR

Notice de la BnF (Fonds Tolbiac) :

Type : texte imprimé, monographie
Auteur(s) : Venance Fortunat (saint ; 0530-0601)
Titre(s) : Le Vie miraculeuse du grand prélat S. Germain, XIXe évesque de Paris, escritte en latin par sainct Fortunat,... ensemble les discours miraculeux récitez par le généreux roy et empereur Charlemagne sur la translation du corps S. Germain... plus deux livres non encore traduicts... des miracles de ce S. et d'autres choses mémorables advenues durant le règne du roy Charles le Chauve... recueillis... par Aymon,... mis en françois par Jean Jall. [Jallery]... [Texte imprimé]
Publication : Paris : J. Daumalle, 1623, 256 p.
Description matérielle : In-8° , pièces lim., table et 256 p.
Autre(s) auteur(s) : Jallery, Jean . Traducteur

Ouvrage numérisé par Google (voir le fichier pdf).


4. Le lièvre est une des formes animales de Cernunnos, de Bacchus et de Shiva (voir D. Gricourt et D. Hollard, Cernunnos, le dioscure sauvage, éd. l’Harmattan, p. 260).
5. L ’os du coeur du cerf appelé en vénerie «Croix du Cerf» est un petit cartilage en forme de croix situé sur la cloison médiane séparant le coeur droit et le coeur gauche de l’animal, au niveau des oreillettes, et auquel sont attribuées de nombreuses qualités médicinales (affections du coeur, morsures de serpents, grossesses et accouchements difficiles, etc.)
6. Le premier double “dioscurique” de saint Germain de Paris avant saint Germain d’Auxerre est le bachique saint Vincent dont il consacra en 558 la basilique Sainte-Croix-Saint-Vincent construite par Childebert Ier, afin d’y conserver des reliques de la Croix ainsi que l’étole de saint Vincent rapportée de Saragosse lors de la guerre contre les wisigoths. Cette église (qui deviendra plus tard Saint-Germain-des-Prés) où furent enterré Childebert en 558, puis saint Germain en 575, l’emporta bientôt en tant que nécropole royale sur le monastère des Saints-Apôtres fondé en 502 par Clovis et la reine Clotilde, en haut du mons Lucotitius (la future montagne Sainte-Geneviève), où tous deux furent inhumés avec sainte Geneviève.

Annexes

Pour présenter la naissance des jumeaux gallois exposée dans la quatrième Branche du Mabinogi (qui dû servir* de prototype à celle de saint Germain de Paris), j’ai repris, dans la première annexe, le résumé glosé qu’en donnent MM. Gricourt et Hollard aux pages 28 et 29 de leur incontournable ouvrage, Cernunnos, le dioscure sauvage. Recherches comparatives sur la divinité dionysiaque des Celtes, paru chez l’Harmattan fin 2010.
La seconde annexe est un rapide résumé (de mon cru) de la suite des évènements mouvementés de la vie de Lleu LLaw
Gyffes où se trouve le motif de l’empoisonnement du dieu que je mets en parallèlle avec la tentative d’empoisonnement de saint Germain de Paris.
* par la médiation d’évangélisateurs irlandais ou gallois venus en Gaule vers la fin du VIe siècle. Mais l’influence d’une version gauloise aujourd’hui oubliée n’est pas à exclure.


Annexe 1 : Les jumeaux gallois Lleu et Dylan

« Dans la Quatrième Branche du Mabinogi, un recueil de textes médiévaux gallois mêlant d'antiques mythes celtiques, Lleu, «le Blond» mais aussi «le Lumineux», connaît une naissance gémellaire dans les conditions suivantes. Le roi Math ne peut vivre, en temps de paix, sans avoir auprès de lui une jeune fille vierge dans le giron de laquelle il place ses pieds. Or la préposée à cette tâche prestigieuse, Goewin, est violée en l'absence du monarque. Après le châtiment des coupables, qui ne sont autres que deux des neveux du roi, Gilvaethwy et Gwydion, la question se pose de remplacer l'infortunée dans son indispensable office par une nouvelle vierge. Gwydion propose sa soeur Aranrhod, la nièce de Math. Mais la candidate à la fonction de porte-pied royale est démasquée par le souverain qui la met à l'épreuve en lui faisant enjamber une baguette magique : « Elle fit un pas par-dessus la baguette, et au même moment elle laissa derrière elle un garçon grand et blond. L'enfant poussa un cri aigu. Après ce cri, elle gagna la porte, mais elle laissa encore quelque chose derrière elle. Avant que quiconque ait pu la regarder deux fois, Gwydion prit la chose, l'enveloppa dans un drap de paile, et la cacha dans un petit coffret au pied de son lit. « Eh bien dit Math, fils de Mathonwy, je vais faire baptiser celui-là », en parlant du gros garçon blond. « Je lui donnerai le nom de Dylan. »
L'enfant fut baptisé, et, aussitôt qu'il fut baptisé, il gagna la mer. En entrant dans la mer, il reçut immédiatement la nature de la mer; il nageait aussi bien que les poissons les plus agiles, et pour cette raison on l'appela Dylan fils de la Vague. Jamais aucune vague ne se brisa sous lui. Le coup qui provoqua sa mort lui fut donné par son oncle Govannon. Ce fut l'un des trois coups funestes »
Des deux jumeaux nés dans ces circonstances singulières, l'aîné est Dylan dont la nature animale et aquatique se révèle immédiatement. Lleu, futur protagoniste d'aventures initiatiques et conjugales hautement dramatiques, n'est à cet instant qu'un avorton recueilli par Gwydion. Frère d'Aranrhod, celui-ci est donc l'oncle maternel du nouveau-né, mais aussi fort vraisemblablement son père incestueux. Cette grossesse en deux temps, comprenant une phase utérine puis une phase de maturation extra-utérine que conduit un dieu masculin, évoque un parallèle fameux dans le domaine grec, celui de la naissance de Dionysos. Excitée par la jalousie d'Héra, Sémélé, fille du roi de Thèbes, veut contempler dans toute sa majesté son amant Zeus dont elle est enceinte. Lié par un serment, le maître de l'Olympe ne peut s’y soustraire, et Sémélé, simple mortelle, meurt foudroyée. Zeus extrait alors prestement son fils du ventre de la mère et place l'enfant dans sa cuisse entaillée, qu'il recoud pour mener à son terme la gestation. Le coffre de Gwydionvaut bien le membre du dieu souverain grec, personnage dont il est précisément l'homologue théologique.
Cl. Sterckx, que nous suivons tout à fait sur ce point, a bien relevé ce parallèle aussi surprenant qu'indubitable. Mais il semble nécessaire de pousser ici le raisonnement. La naissance dionysiaque que fait connaître la tradition celtique à son dieu apollinien ne peut être le fruit du hasard. Car Lleu, comme ses équivalents irlandais Lugh ou gaulois Lugus, n'est nullement un Dionysos, mais bel et bien le correspondant le plus précis de l'Apollon hellénique reconnu sur l'ensemble du monde indo-européen. Qu'un tel glissement se soit produit dans le domaine celtique est en soi révélateur de la proximité archaïque des types apollinien et dionysiaque. Alors qu'elle se traduit en Grèce, comme nous le verrons, en terme de complémentarité, cette proximité va jusqu'à la gémellité chez les proto-Celtes. Seule une parenté étroite entre l'Apollon et le Dionysos celtiques peut expliquer qu'un aspect spécifique de la naissance de ce dernier ait pu être, tardivement sans doute, attribué à son frère. Il convient donc d'examiner de près les premiers pas du jumeau de Lleu.»

Annexe 2

Pour se venger de l’outrage du test ordalique que le roi Math lui a imposé, la mère de Lleu prononce trois geisa sur son fils qui le prive d’un nom, des armes, attributs essentiels du guerrier, et d’une femme humaine, ce qui l’empêche d’être un homme. Cependant, Lleu ayant grandi, son oncle (et probable père) Gwydion réussit, grâce à ses pouvoirs magiques, à lever les interdits prononcés par la marâtre et à lui confectionner avec l’aide du roi Math, à partir de fleurs, une femme nommée Blodeuwedd «visage de fleurs». L’union une fois scellée, Lleu est doté d’un domaine. Mais un jour qu’il rend visite au roi Math, Blodeuwedd reçoit Goronwy (ou Gronw Pebyr), seigneur de Penllyn, qui chasse tout près de là.
Séduite par son visiteur dont elle tombe amoureuse, elle projette avec lui de tuer son mari qui ne peut être assassiné que par le coup d’une lance empoisonnée alors qu’il se trouve dans son bain et dans une certaine position (un pied sur une chèvre, l’autre sur un chaudron). Quelques mois plus tard, frappé d’un coup de lance dans le dos par l’amant de sa femme, Lleu se métamorphose en un aigle qui s’envole aussitôt. Pour la punir de son crime, Gwydion transforme alors Blodeuwedd en chouette puis, grâce à une truie, retrouve Lleu, le ranime et d’aigle pourrissant qu’il était auparavant en haut d’un arbre, lui redonne forme humaine, ce qui permet au dieu de se venger à son tour et de tuer son rival.

* In La Lettre d'Île de France, n ° 77 (janvier, février, mars 2011), pp. 10-14.

 

 

La localisation du Mons Abbonis,

selon l'abbé Jean Lebeuf

 

L’abbé Jean Lebeuf à la fin de sa vie (1687-1760) *

Historien d’Auxerre et de Paris ce bourguignon a été l’un des plus illustres historiens de Paris et de l’Île de France. Son ouvrage le  plus célèbre est l’Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, parue de 1754 à 1758. Voltaire, dans le siècle de Louis XIV, qualifie l’abbé LEBEUF de « l’un des plus savants hommes dans les détails de l’histoire de France. »
Source : http://www.histoire-tremblay.org/84+histoire-de-la-ville-par-jean-lebeuf.html

* D’après Robert DAUVERGNE, «Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Île-de-France», 96ème  année, 1969.

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Recueil de divers écrits pour servir d'éclaircissemens à l'histoire de France,
et de supplément à la «Notice des Gaules» *

par M. l'abbé Lebeuf, Chanoine et Sous-Chantre de l'Eglise d'Auxerre

Paris : J. Barois fils, 1738, 2 vol. in-8°

Note : À la fin du second vol. se trouve : «Sancti Victricii, Rotomagensis episcopi, Tractatus de laude sanctorum»

* BnF (fonds Tolbiac) et Bibliothèque municipale de la ville d'Auxerre.

Dissertation sur la situation du Pagus Amoniensis

Extrait de l'ouvrage, tome I, pp. 30-37

(Transcrition partielle en français moderne de l'ouvrage écrit en vieux français)

 

«... Ces deux témoignages donnant au Pays des Amognes une étendue d'environ dix lieues entre Nevers et Avalon, il en résulte que la portion de ce pays était justement sur la route de ceux qui pouvaient aller de Paris à Autun, j'appelle sur la route lorsqu'on est qu'à quelques lieues du grand chemin Militaire. Or c'est ce qui se trouvait dans la situation deu pays des Amognes. Il n'est plus question que d'y découvrir le Rotegiacum de Fortunat.

Cet Historien commence ainsi une des périodes de la vie de S. Germain de Paris :

In pago Amoniense quod gestum sit replicetur. Rotegiaco villa Parisiacœ Eclesiæ septem ci viri debacchantes oblati sunt;

Dans un autre endroit : Pergens Augustodunum vir Sanctus Rotagiaco dum pervenit, comperit ab Abbone quosdam retrusos in carcere.

«La ressemblance ou plutôt l'analogie des noms en décidera. Roüy est un village du Diocèse de Nevers qui est sur la route de ceux qui venaient de Paris par le Diocèse d'Auxerre pour aller à Autun; l'analogie est des plus parfaites entre Rotagiacum & Roüy : puisque dans notre langue, de rota nous faisons roüe, de rotarius, royer, on a dû aussi faire Roüy de Rotagiacum ou Rotaiacum. Cette paroisse est dans l'Archiprêtré de Châtillon en Bazois à cinq lieues de la Loire. Mais, comme on a vu ci-dessus, le pays des Amognes contenait alors tous ces cantons, et les sous-divivisions des Archiprêtrés sont plus nouvelles que cet ancien nom de contrée.

«J'ai dit que Roüy se trouvait sur le chemin de ceux qui venant de Paris voulaient traverser le Diocèse d'Auxerre, parce qu'absolument parlant, une personne qui veut aller de Paris à Autun ne doit pas suivre la route qui avoisine à la Loire, quoique ce soit celle de l'itinéraire d'Antonin. La plus courte était de passer par Melun, Sens, Auxerre, Avalon & Saulieu: mais S. Germain Evêque de Paris était dans un cas particulier. Son bien de patrimoine était le Diocèse d'Auxerre du coté de la Loire et dans la partie du Nivernais qui est de ce Diocèse. On ne peut en douter voyant ce qui est dans le livre de l'Abbé Irminon du IX ème siècle conservé à l'Abbaye de saint Germain des Prez. On y voit la Vau, Bitry, Pusseau et autres villages du Diocèse d'Auxerre provenants des père et mère du saint Evêque de Paris, & dont il dispose pour faire prier Dieu pour eux. Il était d'ailleurs fort naturel que Germain étant né dans le pays Autunois, eût des terres dans le Nivernois & dans l'Auxerrois qui y touchent, & qu'étant fait Evêque de Paris, il disposât en faveur de son eglise & de celle où il avait sa sépulture de quelques-unes de ses terres; Roüy était donc de ce nombre; & le village de ce nom fut un de ceux qui appartenaient à l'Eglise de Paris lorsque Fortunat écrivit le vie de S. Germain, parce qu'il l'avait apparemment donné de son vivant, ou laissé par son testament : à moins qu'on n'aime mieux dire que ce fut une terre du fisc, que le Roi Childebert avait donnée à l'Eglise de Paris, & que saint Germain la visitait quelquefois en allant à Autun sa patrie.

«Il est vrai que la terre de Roüy n'appartient plus à l'Eglise de Paris, elle n'est nommée ni dans le Cartulaire de l'Archevéché ni dans celui du Chapitre; mais combien de terres ont-elles été échangées dès le septième & le huitième siècle, soit à cause de leur éloignement, soit pour d'autres raisons ? Il ne faut qu'ouvrir les Gestes du Roi Dagobert, ou le livre de re Diplomatica pour s'en convaincre. Je crois que cette simple réponse suffit pour prévenir l'objection de ceux qui diraient qu'on ne trouve point la terre de Roüy en Nivernais mentionnée dans le grand ni dans le petit Pastoral de l'Eglise de Paris.

«On peut objecter contre mon sentiment que les Père Dachery & Mabillon faisant imprimer la vie de S. Germain par Fortunat, ont marqué en marge que pagus Amoniensis est Mosny en Brie, & que Rotegiacum est Rosay dans le même pays de la Brie. Quoique l'autorité de ces deux savants religieux soit d'un grand poids dans bien des points historiques, je ne puis cependant déferer à leur remarque marginale : & quoique les Bollandistes les ayant suivis dans l'explication du Pagus Amoniensis, je ne puis embrasser leur sentiment pour plusieurs raisons. La première est que ce Mosny en Brie est inconnu, & qu'il faudrait que ce fut un nom de quelque contrée ou de quelque canton dans lequel Rotegiacum se trouvât renfermé. Or Rosay en Brie n'a point de Chef-lieu du nom de Mosny ni de relation avec aucune terre de ce nom (Note a)» [...].

«Je fais encore attention à ce que dit Fortunat, que lorsque S. Germain fut une fois arrivé à Rotagiacum en allant à Autun, il apprit qu'un Seigneur nommé Abbo avait renfermé plusieurs hommes en prison; cet Evêque les délivra miraculeusement, & avec une telle promptitude qu'ils vinrent le trouver au même village dès le matin. Ce nom Abbo n'est pas des plus communs dans l'ancienne Histoire de la première race. Mais il fut connu dès-lors dans le Nivernois, & le Seigneur qui le portait était si puissant qu'il éleva une forteresse sur le sommet d'une haute montagne [sic]. Cette forteresse était connue sous le nom de Mons Abbonis dès l'onzième siècle; c'est aujourd'hui la montagne & le village que les Cartes marquent sous le nom défiguré de Montsabau; tandis que les titres Latins de l'Abbaye de Corbigny dont j'ai vu des copies l'appellent Mons Abbonis ainsi que je l'ai déjà dit. [...].»

Note en marge de la page 37 : Tabulat Corbiniat

A Paris en 1737.

 

* SOURCE : copie appartenant à M. Hubert Lachot (Marigny-sur-Yonne), photographiée par Roger Ripert lors d'une rencontre chez Michel Leconte, le 29 sept. 2012. Voir le fichier pdf, pp. 30-37.

 

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Hubert Lachot, à gauche, et Christian Sapin, à droite
Photo Roger Ripert du 8 août 2013

 

Mons Abbonis et imbroglio corbigeois

 

Par Michel Leconte

 

Selon l'expertise de M. Christian Sapin *, venu sur les lieux [le 8 août 2013] à la demande de M. Hubert Lachot, la chapelle du Mont Sabot qui offre un aspect général assez homogène, daterait de la fin du XIIe siècle (la typologie des chapiteaux de la première moitié de la nef qui est identique à celle des chapiteaux de l'ancienne église Saint-Pierre du village de Saint-Père, le donne à penser).
Les quelques vidéos prises par J-P. Derlon (visibles sur Facebook), rendent compte de cette visite de M. Sapin ainsi que de son expertise. Malgré tout une question cruciale reste en suspens. Soulevée à demi-mot par M. Lachot dans son exposé récapitulatif où il fait part, enfin de visite, de ses recherches mais aussi de ses doutes (voir la dernière vidéo), la question non résolue qui nous interpelle ici est celle touchant aux origines de l'abbaye de Corbigny.
Une abbaye probablement ancienne que J.-F. Née de la Rochelle (1) associe (s'appuyant pour cela sur la «Charte de fondation du prieuré de Corbigny») à la fondation d'une "église" que la Charte identifie comme étant celle du prieuré devenu plus tard abbaye de Corbigny.
Une "petite église" (selon les dires de l'auteur ou bien ceux de la Charte ?) édifiée par saint Égile, abbé de Flavigny, en 864, sur un mons Abbonis situé tout près du confluent de l'Yonne et de l'Anguison. Évidemment, comme il n'existe aucun mons Abbonis du côté de Corbigny, on aura très vite compris d'où viennent les doutes de M. Lachot. C'est la Charte de fondation de l'abbaye de Corbigny, datée du 22 mars 864 qui, étant un faux, est cause de son embarras (Voir le fichier pdf : Charte de fondation du prieuré de Corbigny).
Rédigé au XIe siècle sous l'abbatiat d'Amédée (1010-1038), ce faux servi à donner le change aux moines de Flavigny, «quand Flavigny essaya de remettre sous son obédience l'abbaye de Corbigny, jadis prieuré de Flavigny, qui avait fait sécession». Cette charte étant un faux lui-même inspiré d'un faux : «Un diplôme de Charlemagne inséré au cartulaire de l'Abbaye de Flavigny et dans lequel les éditeurs des diplômes des rois carolingiens ont reconnu un faux».
On le voit, tous les actes de fondation de l'abbaye sont faux, et le mons Abbonis invoqué dans la charte n'a probablement pas grand chose à voir avec la fondation de l'abbaye de Corbigny.
À quoi cela tient-il ? Pourquoi donc un texte du XIe siècle rédigé par un moine de Flavigny, mentionne-t-il un toponyme, le mons abbonis (notre mont Sabot neuffontain), distant d'une douzaine de kms de l'endroit (le plus probable) où dû s'élever la première abbaye de Corbigny, la colline toute proche de la ville où se trouve l'actuelle chapelle de Sarre ?
Sans doute pour quelques raisons prosaïques qui tiennent à la méconnaissance des lieux chez un moine vivant à Flavigny, et à la probable renommée, au XIe siècle, du mons Abbonis de Neuffontaines, fameux pour d'autres raisons qu'on investiguera un peu plus tard.
Ce mont portant le nom d'un hypothétique "Seigneur Abbon" que le moine rédacteur de la Charte, imprégné de l'édifiante vie de saint Germain de Paris dont il devait fréquenter la Vita (2), aura associé au vil prévôt Abbon que combat saint Germain et dont il aura, par le truchement du toponyme, intégré le nom dans son faux afin de lui donner un pouvoir plus grand, une renommée plus "germinante".

Notes

1. Auteur, au XVIIIe siècle, d'un Mémoires pour servir à l'histoire du Nivernois et du Donziois.
2. Une Vie, rédigée par Venance Fortunat au VIe siècle.

 

* Christian Sapin

 

 

 

Présentation succincte des Amognes

par Paul de Haut et Augustin Vagne


Source : La Voix des Amognes

 

Le canton de Saint Benin d'Azy comprend 16 communes soit 5.136 habitants au total; nous y avons ajouté Bona et Ourouer qui font partie historiquement des Amognes :
Anlezy, Beaumont Sardolles, Billy-Chevannes, Bona, Cizely, Diennes Aubigny, La Fermeté, Fertrève, Frasnay Reugny, Limon, Montigny aux Amognes, Ourouër, Saint Benin d'Azy, Saint Firmin, Saint Jean aux Amognes, Saint Sulpice, Trois Vèvres, Ville Langy.

Tout a commencé par la conquête de notre pays par les Gaulois. Très organisés, ils ont divisé le pays en régions confiées chacune à un peuple (pour nous, les Eduens) qui en était collectivement propriétaire et subdivisées en pays (tiens, voilà une idée nouvelle à la mode qui ne date pas d'hier !). Les Amognes, le Bazois, la Puisaye et bien d'autres témoignent encore de cette organisation. Chaque pays était constitué d'un certain nombre d'exploitations agricoles assez importantes dont la gestion était confiée à un seigneur Gaulois qui versait un fermage à la collectivité, mais on pense que la propriété privée n'existait pas ou peu. C'est la conquête romaine qui allait la développer et, tout en conservant l'essentiel, mettre en place ce qui constitue, encore à l'heure actuelle, notre système foncier. L'initiateur de ces réformes, poursuivies par Auguste, n'est autre que notre ami Jules César, dont le prénom était Caius et non Jules, et le nom de famille Julius, et non César.
Le Nivernais n'a pas toujours été le verdoyant paysage qu'il est aujourd'hui ; au début du XIXe siècle, les Amognes était un pays «à blé et à vigne». Dans tous les cantons, les terres étaient 4 à 5 fois plus nombreuses que les prés. La progression des herbages, ininterrompue pendant 2 siècles(1770 -1970) s'est faite parallèlement à celle du bétail blanc Charolais.
Le nom des Amognes est cité pour la première fois en février 706 par Fortunat, sous la dénomination «Pagus Amoniensis», dans «La vie de St-Germain, évêque de Paris».
Ce nom, d'Amognes signifie «La terre aux moines» d'après Guy Coquille, en latin Alimonia signifie "Nourriture".
Ce bassin argilo-calcaire, délimité par de hautes buttes boisées fut de tous temps renommé pour sa fertilité. C'est à la richesse du sol que certains auteurs expliquent l'origine de son nom. Les hauteurs forment des plateaux boisés, en contrebas, les pentes marneuses sont aujourd'hui des prairies. La douceur des paysages, avec de nombreuses rivières, de grands domaines, des villages aux belles églises souvent romanes, est très caractéristique.
Le pays des Amognes, recouvrait un territoire plus étendu auparavant, puisque les communes de Rouy, Corbigny, La Charité sur Loire, Bona et Balleray (en partie) le constituaient aussi.
Le patois local est l'amognard, dérivé du morvandiau, et les traditions, issues à la fois de la Loire et du Morvan, sont encore très vivaces
Région d'agriculture et d'élevage, le pays des Amognes, qui correspond approximativement aux cantons de Guérigny et Saint Benin d'Azy, recèle de nombreuses fermes aux allures caractéristiques du Nivernais.
Les grands domaines se composent de plusieurs bâtiments dont souvent une grange étable avec un porche avancé typique des constructions de la région.
Les fermettes, plus modestes, sont formées d'un bâtiment unique se composant d'une partie habitation, d'une partie exploitation et sur toute la longueur du bâtiment d'un grenier qui sert à entreposer le grain et le fourrage.
Le corps principal est presque toujours flanqué, depuis la Révolution, d'un «toit à cochons» et d'un four à pain.
La Forêt des Amognes compte 1500 ha, principalement plantés de chênes et de hêtres ; les résineux, tel que le Douglas, y ont fait leur apparition depuis quelques décennies. Le gibier à poil qu'on y rencontre est surtout constitué de cerfs et de sangliers. Elle fut le théâtre de violents affrontements entre maquisards et occupants lors de la dernière guerre.

En 1612, le juriste nivernais Guy COQUILLE, décrivait ce "Pays des Amognes qui est territoire fort fructueux en blés..." Il citait aussi les paroisses qui en faisaient partie : "... auxquels appartiennent les paroisses de Montigny , St-Jean de Liche, St-Père à ville, Lichy, Ourouër, St-Sulpice le chastel, esquelles paroisses est le vray territoire des Amognes... et proximités de ce territoire et presque en même assiette sont les paroisses de Baleray, Cigongnes, Vuez, Bona , Sardolles, Beaumont sur Sardolles."

 

 

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L'église Saint Germain d'Auxerre

à Rouy

 

Ed. l'Hirondelle

 

Cliquer pour agrandir la photo (RR du 23/9/12)

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Eglise de Rouy

Photo RR du 23/9/12

Selon l'auteur de la notice, le nom de Rouy viendrait du latin Rotagiacum qui signifiait "terre rouge" lors de l'occupation du lieu à l'époque gallo-romaine.
A noter qu'en latin classique, rouge se dit rubeus et rota signifie roue. Selon l'abbé Lebeuf (voir ci-dessus), le Rotegiacum de Fortunat (et non le Rotagiacum) viendrait de rota, qui signifie roue.

 


HISTORIQUE DE ROUY

Saint-Saulge et son Canton

 

Le lieu aurait appartenu à Saint Germain, évêque de Paris, et l'on raconte qu'il aurait fait construire l'église primitive car le sanctuaire tel que nous le voyons est celui d'un prieuré qui dépendait de La Charité-sur-Loire, c'est ce qui explique son importance et sa magnificence. La paroisse de Rouy est mentionnée, dès le VIIe siècle, sous le vocable de saint Germain d'Auxerre. Elle relevait du diocèse de Nevers, archiprêtre de Chatillon en Bazois.

Lorsque l'édifice actuel fut élevé comme prieural et dépendant du prieur de La Charité qui nommait le prieur de Rouy, la cure passa à la collation de ce prieur. L'on ne peut parler de Rouy sans commencer par cette riche église et il faut admettre que seul un spécialiste éclairé peut la décrire. Le profane que je suis ne fait que ressentir un émerveillement profond tant pour l'ensemble que pour les détails, aussi vais-je emprunter les mots de deux experts à des titres et des époques différentes : le comte de Soultrait en 1852 dans sa «Statistique monumentale du département de la Nièvre» et, en 1951, Marcel Anfray dans «L'architecture religieuse du Nivernais au Moyen Age».

Elevée dans la seconde moitié du XIIe siècle, elle est bien conservée malgré la détérioration causée par la foudre qui tomba sur le clocher en 1714 et malgré des restaurations malheureuses dont la importante fut entreprise en 1861, comme l'indiquent une inscription gravée à l'extérieur du transept et le rapport de l'architecte du département sur les travaux qu'il propose de faire exécuter à l'église de Rouy. (A.D. série V ).

C'était l'époque désastreuse où l'on rasait des églises de grand intérêt pour en élever d'autres plus grandes, à première vue plus étincelantes mais qui, toutes de même facture, Bona, Crux, Sainte Marie, Saint Maurice, sont autant de trompe l'oeil.

Heureusement Saint Germain de Rouy était trop belle et protégée pour la remplacer, donc on restaura et Marcel Anfray note bien que les restaurations qu'à subies l'église ne semblaient pas avoir altéré sensiblement les dispositions du plan primitif, qui comprenait une abside encadrée de deux absidioles, un transept peu débordant et une nef de trois travées, bordée de bas-côtés.

Ceux-ci en effet paraissent bien remonter à l'origine malgré les restaurations qu'ils ont subies, surtout au nord et qui ont pu faire croire au comte de Soultrait qu'ils avait été ajoutés par la suite.

Si Marcel Anfray, dans sa description, emploie le passé pour les absides, puisqu'en 1951, il n'en existait plus qu'une, celle du sud ayant été remplacée par la sacristie, de Soultrait nous indique en 1875 ( Répertoire archéologique ) "Plan en croix, terminé autrefois par trois absides, celle du nord remplacée en 1760 par une sacristie". Cette sacristie se trouve à la place de l'abside sud et non pas nord. Dans son ouvrage, de Soultrait fait figurer une gravure représentant le chevet extérieur de l'église, vue du sud-est. On y voit l'ancienne absidiole qui donc était remplacée depuis longtemps par la sacristie ; il ne peut s'agir d'une inversion de l'auteur de la gravure car l'on distingue une partie du beau portail sud. A moins que le graveur n'ait décidé d'oublier la sacristie qui, bien qu'utile, dépare le bel ensemble.

Marcel Anfray nous rapporte, en 1951, que des travaux récents, avaient fait apparaître, sous les épaisses couches de badigeon qui recouvraient le cul de four de l'abside, les vestiges d'une ancienne peinture à fresques représentant le Christ levant le bras droit. Cette fresque est encore visible de nos jours. Le même auteur, désirant que l'amateur puisse imaginer le sanctuaire primitif sans doute, nous parle de la voûte de la nef en ces termes : la nef est aujourd'hui couverte d'une fausse voûte en briques qui a remplacé, en 1860, le plafond posé en 1716, comme l'atteste un document daté du 24 avril de cette année "ce jourd'hui, jour de Saint Marc, le plafond de cette église de Rouy a été achevé" et un autre de 1755 "nous avons fait ... raccommoder le plafond de la nef, qui menaçait ruine, dont plusieurs planches étaient déjà tombées". Ce mauvais plancher, d'un pitoyable effet, a-t-il remplacé une voûte en plein cintre, comme l'affirme l'architecte du département dans son rapport du 10 juillet 1860 ?

Sans doute l'épais pilastre adossé à la pile du côté de la nef pourrait supporter le doubleau d'un berceau et la présence de contreforts, au-dessus du toit des bas-côtés, justifie l'hypothèse de l'existence d'une voûte au-dessous du vaisseau central, mais cette voûte a-t-elle jamais existé ? Dieu seul le sait ! Nous terminons ce chapitre, oh combien court, par rapport au sujet, par un détail donné par les anciens registres paroissiaux : "Dans la nuit du 11 au 12 juillet 1714, à 11 heures 45, un orage épouvantable, le tonnerre tomba sur la pointe du clocher, y mit le feu et descendit sur le pilier qui le soutient du côté du septentrion et du levant. Il en brisa une partie dont les pierres tombèrent sur le premier degré du grand autel près du curé affolé qui priait à genoux". Il s'agissait de Jean Chevalier, curé de 1694 à 1741.

J. M. Deguilloux

Source : http://bduquesne.perso.sfr.fr/planssge/pages/pgstsge.htm

 

 

 

 

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