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L'ALTERMONDIALISME

 

DU RÊVE A LA RÉALITÉ

 

LES ORIENTATIONS DU RÊVE PLANÉTAIRE 1990

UN RÊVE SOCIAL PRÉMONITOIRE ?

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Les dix objectifs qui ont guidé les actions du

FORUM SOCIAL MONDIAL 2009





Les diverses activités autogérées du FSM seront axées sur l'un des 10 objectifs ci-dessus. Elles sont proposées par des organisations, des groupes d'organisations ou réseaux, au cours du processus d'inscription des activités pour le FSM 2009. Les objectifs ont été fixés après une vaste consultation publique auprès de divers organisations et entités qui participent au processus du FSM. Vous pouvez prendre connaissance des objectifs, enregistrer votre organisme pour y participer à l'événement et proposer de une à quatre activités autogérées.

Pour le FSM 2009, vous pouvez également vous inscrire pour des activités qui ne sont pas nécessairement liées à l'un des 10 objectifs spécifiques : autour d'échanges d'expériences, de bilans des FSM et du mouvement altermondialiste, ainsi que sur les perspectives d'avenir.

1 . Pour la construction d'un monde de paix, de justice, d'éthique et de respect des diverses spiritualités, sans armes, en particulier sans armes nucléaires;

2 . Pour la libération du monde de la domination du capital, des multinationales, de la domination impérialiste, patriarcale, coloniale et néo-coloniale et des systèmes inégaux de commerce, pour l'annulation de la dette des pays appauvris;

3 . Pour assurer l'accès universel et soutenable aux bien communs de l'humanité et de la nature, pour préserver notre planète et ses ressources, en particulier l’eau, les forêts et les sources renouvelables d'énergie;

4 . Pour la démocratisation et décolonisation de la connaissance, de la culture et de la communication, pour la création d’un système partagé de connaissances et de savoirs, avec le démantèlement des Droits de Propriété Intellectuelle;

5 . Pour la dignité, la diversité, la garantie de l'égalité de genre, de race, d'ethnie, de génération, d'orientation sexuelle et pour éliminer toutes les formes de discrimination et de castes (discrimination fondée sur la descendance);

6 . Pour la garantie (au long de la vie de toutes les personnes) des droits économiques, sociaux, humains, culturels et environnementaux, en particulier le droit aux soins de santé, à l'éducation, au logement, à l'emploi, au travail décent, à la communication et à l'alimentation (avec la garantie de de la sécurité et de la souveraineté alimentaire);

7 . Pour la construction d'un ordre mondial basé sur la souveraineté, l'autodétermination et les droits des peuples, y compris des minorités et des migrants;

8 . Pour la construction d'une économie démocratisée, émancipatrice, soutenable et solidaire, avec un commerce éthique et juste, centrée sur tous les peuples;

9 . Pour la construction et le développement de structures et d'institutions politiques et économiques – locales, nationales et globales – réellement démocratiques, avec la pleine participation des peuples sur les décisions et le contrôle des affaires et des ressources publiques.

10 . Pour la défense de la nature (l'Amazonie et les autres écosystèmes) comme source de vie pour la Planète Terre et pour les peuples originaires du monde (indigènes, afro-descendants, tribaux, côtiers) qui exigent leurs territoires, langues, cultures, identités, justice environnementale, spiritualité et bien vivre.

 

Le mouvement altermondialiste

Source : http://www.alter-actif.com

Voir aussi : Le mouvement de la contre-culture "hippie"

Le «mouvement hippie», bien que peu structuré, portait en lui les germes d'un bouleversement du mode de vie des années d'après-guerre qui arrivait, à la fin des Trente Glorieuses, à un essoufflement particulièrement perceptible par la jeunesse. Dans différents domaines, des idées nouvelles perçaient comme l'autogestion, l'écologie et le rejet, attitude rarement affichée à cette époque aux États-Unis, des religions traditionnelles. Il est difficile de déterminer précisément quelle influence peut être exclusivement attribuée aux hippies, mais ils sont, entre autres, crédités de l'émergence des communautés écologiques et des coopératives. Le collectif «Don't make a wave», qui est devenu ensuite Greenpeace, a été fondé par des hippies à Vancouver en 1971 et les écovillages peuvent être vus comme l'aboutissement de certaines de leurs propositions.


Le mouvement altermondialiste, ou altermondialisme, est un mouvement social composé d'acteurs particulièrement divers qui proposent pour la majeure partie un ensemble de valeurs «sociales» et soucieuses de l'environnement comme moteur de la mondialisation et du développement humain, en opposition à ce qu'ils analysent comme les «logiques économiques de la mondialisation néolibérale».

Assez hétérogène, le mouvement se rassemble autour du slogan «Un autre monde est envisageable [possible]» ou plus il y a peu de temps, «D'autres mondes sont envisageables», mais oscille entre un réformisme (par exemple à travers la revendication d'une Taxe Tobin par ATTAC) et un «imaginaire de la rupture».

Néanmoins, on distingue des prises de position et des revendications communes à de nombreuses organisations concernant :

- une contestation de l'organisation interne, du statut et des politiques des institutions mondiales telles que l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire mondial (FMI), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le G8 et la Banque mondiale ;
- des revendications de démocratie selon les différentes orientations politiques ;
- la justice économique;
- l'autonomie des peuples ;
- la protection de l'environnement ;
- les droits humains fondamentaux ;
- une recherche d'alternatives, globales et systémiques, à l'ordre mondial de la finance et du commerce.

Ces thèmes se retrouvent d'une part dans un certain nombre d'ouvrages, de films ou encore de médias, d'autre part dans des textes de diverses organisations du mouvement altermondialiste : plate-forme proposée par ATTAC, manifestes ou rapports élaborés durant les forums sociaux mondiaux, dont le manifeste de Porto Alegre, des textes de l'Organisation des Nations unies de déclarations de droit et d'autonomie dont les altermondialistes «réformateurs» veulent l'application concrète.

 

OCS (Organisation de Coopération de Shanghai)

versus G7 (Groupe des 7)

 

© Aly Song Source: Reuters

 

Sommet de l'OCS : après le fiasco du G7, la relation Russie-Chine «encore plus forte» ?

 

RT-France - 10/6/18 - Le président chinois Xi Jinping salue Vladimir Poutine, le président russe, lors du sommet de l'Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) en Chine le 10 juin 2018

Avec la participation de l'Iran, de l'Inde ou encore du Pakistan, l'Organisation de coopération de Shanghai s'est réunie pour entériner la coopération dans plusieurs secteurs majeurs. Un optimisme qui tranche avec la désunion affichée au G7.

A l'heure de l'émergence progressive d'un monde multipolaire, le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui s'est déroulé du 9 au 10 juin 2018 à Qingdao en Chine, symbolise-t-il davantage la coopération que le G7 ?

Pierres angulaires de l'organisation, les chefs d'Etat chinois et russe se sont en tout cas félicités de la progression de l'intégration du bloc asiatique. Xi Jinping a ainsi souhaité la bienvenue à l'Inde et au Pakistan, qui ont rejoint l'organisation en juin 2017. Vladimir Poutine s'est de son côté réjoui que l'OCS devienne «encore plus forte».

Le président iranien Hassan Rohani, dont le pays a un rôle d'observateur à l'OCS, a lui aussi assisté au sommet lors duquel il a pu s'assurer des soutiens chinois et russe sur le dossier du nucléaire iranien. De fait, malgré le retrait américain de l'accord, Vladimir Poutine s'est dit favorable à la «mise en œuvre inconditionnelle du texte». Quant au président chinois, il a également appelé à sauver l'accord malgré la décision de Donald Trump.

 

Le G7 pas au beau fixe

Face au manque d'unité affiché au sein du G7, Vladimir Poutine à ironisé sur le «babillage inventif» de ses membres, leur suggérant ainsi de «se tourner vers les sujets concrets relevant d'une vraie coopération». 

Et pour cause, le Sommet du Groupe des 7 (G7), au Canada, a confirmé que la relation entre Washington et ses alliés européens n'était pas des plus sereines. «En quelques secondes, vous pouvez détruire la confiance avec 280 caractères sur Twitter», a ainsi amèrement résumé le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, après que Donald Trump a finalement refusé de soutenir le communiqué final du sommet.

Même amertume du côté de Paris, où le Bureau du président Emmanuel Macron a confié à l'AFP le 10 juin : «La coopération internationale ne peut dépendre de colères ou de petits mots. Soyons sérieux et dignes de nos peuples.»

Face à cette désunion manifeste, fallait-il regarder du côté de Qingdao, et non de La Malbaie ce 9 juin pour observer un modèle de coopération internationale ? Les participants au sommet de l'OCS ont en tout cas mis un point d'honneur à afficher leur unité, sur un certain nombre de dossiers majeurs.


Commerce, Syrie, terrorisme : l'OCS dresse la liste des objectifs communs

Les questions de sécurité régionale ont tenu une place importante lors du sommet de l'OCS. Alors que les chefs d'Etat de l'Organisation se sont montrés préoccupés par l'obtention d'armes chimiques et biologiques par des groupes terroristes, ils se sont mis d'accord sur une coopération internationale plus étroite en la matière. Confrontés au retour de combattants islamistes dans leur pays d'origine, les pays de l'OCS se sont engagés à un meilleur partage des renseignements et à une simplification des procédures d'extradition pour les terroristes présumés.

Abordant le dossier syrien, l'organisation a prôné l'instauration d'une paix durable dans le pays à travers la recherche d'une solution politique en privilégiant le dialogue national. Dans sa déclaration commune, l'OCS précise que le processus de paix doit respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de Damas. Les efforts déployés par la Russie, la Turquie et l'Iran ont notamment été salués au vu des résultats obtenus dans plusieurs zones où ont cessé les hostilités entre forces gouvernementales et rebelles.

Concernant les questions commerciales, abordées en long et en large à Qingdao, l'OCS a encouragé à multiplier les investissements mutuels entre les pays membres.

Xi Jinping a par ailleurs abordé les récentes mesures commerciales prises par Washington, appelant à «rejeter les politiques égoïstes, à courte vue, étroites et fermées». «Nous devons maintenir les règles de l'Organisation mondiale du commerce, soutenir le système commercial multilatéral et construire une économie mondiale ouverte», a poursuivi le président chinois. Xi Jinping a en outre appelé à «rejeter la mentalité de guerre froide et de confrontation entre les blocs».

L'OCS : un poids lourd démographique et économique

Alors que Moscou fait l'objet de sanctions imposées par Washington et ses alliés et que la Chine est dans une impasse avec les Etats-Unis au sujet des nouvelles taxes douanières américaines sur les marchandises, la coopération entre pays membres pourrait aider certaines nations de l'OCS à surmonter l'impact de la politique protectionniste américaine.

Consciente de ses atouts, l'OCS est, de par sa composition, à même de jouer un rôle majeur à l'avenir. L'organisation s'impose dans le monde à plusieurs niveaux : un poids démographique phénoménal avec 3,2 milliards d'habitants (soit un peu moins de la moitié de la population mondiale), une superficie qui regroupe quatre des 10 plus grands pays du monde et qui s'étend sur 37,5 millions de km², un PIB cumulé de 37 200 milliards de dollars ou encore une puissance économique bénéficiant d'importantes ressources énergétiques avec une production de 1 015 millions de tonnes de pétrole par an.

 

Une image vaut mille mots : quand une photo résume la désunion du G7 à elle seule

La chancelière allemande Angela Merkel s'entretient avec le président américain Donald Trump lors de la deuxième journée du G7 à Charlevoix, Québec, Canada, le 9 juin 2018.

RT-France - 10-6-18 - Donald Trump le regard mi-défiant, mi-amusé, face à des Européens au visage désabusé : un cliché particulièrement éloquent du sommet du G7, représentant les puissants de ce monde dans des postures très expressives, a fait le bonheur d'internet.

Avec des allures de feuilleton à rebondissements, le sommet du G7 qui s'est déroulé au Canada les 8 et 9 juin a eu lieu dans une ambiance des plus froides entre les alliés historiques que sont les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie, l'Allemagne et le Japon. En cause, les tensions provoquées par la décision du président américain d'imposer des taxes sur l'aluminium et l'acier à l'Union européenne et au Canada. Décision fortement contestée par les dirigeants européens et canadien. 

Illustrant cette atmosphère tendue, une photo prise par l'équipe de la chancelière allemande et postée sur son compte Instagram restera sans doute dans les annales . On y voit le président américain Donald Trump, seul assis sur une chaise, les bras croisés, encerclé par les autres responsables politiques, tous debout.

Le milliardaire regarde fixement Emmanuel Macron, posté face à lui, tandis qu'Angela Merkel, penchée en avant dans sa direction, les deux mains à plat sur la table et le regard réprobateur, a l'air de lui faire la leçon ou de le gronder. On reconnaît également, aux côtés d'Angela Merkel, la chevelure de Theresa May, le Premier ministre britannique.

Le regard que leur lance Donald Trump en retour en dit long sur une sorte de défiance obstinée et peut-être amusée. Comme spectateurs de cette scène, apparaissent de droite à gauche : John Bolton, conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis qui lance un regard désapprobateur à ce que semble lui dire le président français. A ses côtés se tient Kazuyuki Yamazaki, vice-ministre japonais des Affaires étrangères, dans un costume bleu, les bras croisés et l'air dépité.

Cette photo a déclenché l'hilarité sur les réseaux sociaux, chacun y allant de ses spéculations et imaginant ce que se disent les protagonistes lors de cette scène incroyable.

La scène a également connu son lot de détournements.

Des perspectives différentes

Comme l'a remarqué un internaute, pourtant, tous les chefs d'Etat n'ont pas choisi de mettre en avant la même perspective. Tandis que, sur l'image diffusée par l'équipe d'Angela Merkel, on voit la chancelière allemande, imposante, semblant tenir tête au dirigeant américain, l'équipe d'Emmanuel Macron a préféré publier une image où ce dernier tient la place centrale.

Du côté de Donald Trump, c'est une image où les visages ont l'air plus détendus, voire souriants, qui a été choisie. Suffisant pour convaincre l'opinion publique ?

 

 

L’ «Occident» c’est du passé !

Du Rêve "occidental" au Rêve planétaire incluant l'Orient

 

Il s’agit de la retouche photoshop d’une photo du photographe Jesco Denzel, membre du personnel de la chancelière allemande Merkel, qui a été téléchargée sur son compte Instagram

Les sommets du G-7 sont censés symboliser « l’Occident », son unité et son pouvoir.
Ces sommets avaient la prétention d’établir les orientations politiques mondiales.

Nous sommes heureux de constater que c’est fini.

 

ZEJournal - 11-6-18 - Une autre photo montre les différents chefs d’État en train de rédiger un document commun et de discuter de sa formulation. Trump n’avait clairement pas envie de faire des compromis.

Avant de se rendre au sommet, M. Trump a joué un mauvais tour à ses collègues en invitant la Russie à rejoindre le G-7/G-8 sans conditions. La Russie a été expulsée après que la Crimée a voté pour rejoindre sa patrie. Mme Merkel, qui avait négocié l’accord de Minsk avec la Russie, était furieuse. Elle veut utiliser cette invitation comme monnaie d’échange dans de futures négociations. (C’est idiot. La Russie n’a aucune envie de rejoindre le format du G-7/G-8).

Il y a maintenant de nombreux domaines dans lesquels les États-Unis et leurs alliés ne sont pas d’accord : le changement climatique, l’accord avec l’Iran et le commerce ne sont que les plus importants.

Avant de quitter le sommet, Trump a de nouveau parlé à tout le monde à la manière d’un chef mafieux:

Alors qu’il se préparait à quitter tôt le sommet du G-7 à Charlevoix, au Canada, pour se rendre à Singapour avant sa rencontre prévue avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, Trump a lancé un ultimatum aux dirigeants étrangers ; il a exigé que leurs pays réduisent les barrières commerciales qui gênent les États-Unis sous peine de perdre l’accès au marché de la plus grande économie mondiale.

« Ils n’ont pas le choix. Je vais être honnête avec vous, ils n’ont pas le choix », a déclaré M. Trump aux journalistes lors d’une conférence de presse, ajoutant que les entreprises et les emplois avaient quitté les États-Unis pour échapper aux barrières commerciales à l’étranger. « Nous allons régler cette situation. Et si nous n’y arrivons pas, alors, nous ne traiterons plus avec ces pays ».

Les dissensions de la réunion du G-7 offraient un contraste saisissant avec l’autre réunion, plus importante, qui s’est tenue aujourd’hui, à savoir le 18ième sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Qingdao, en Chine :

Un feu d’artifice éblouissant a illuminé la ville de Qingdao et les visages des invités qui ont traversé le vaste continent eurasien jusqu’à la côte de la mer Jaune pour le 18e sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), samedi soir.

Il s’agit du premier sommet de ce type depuis que l’Inde et le Pakistan sont devenus membres à part entière de l’organisation en juin 2017. […]

L’esprit de Shangaï l’esprit de confiance mutuelle, d’intérêt commun, d’égalité, de concertation, de respect des diverses civilisations et de poursuite d’un développement commun a été affirmé dans la Charte de l’Organisation de Shanghai, une organisation régionale globale fondée en 2001 par la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, puis élargie à huit États membres.

Ce week-end, Xi présidera le sommet pour la première fois en tant que président chinois, en présence des dirigeants d’autres États membres de l’OCS et de quatre États observateurs, ainsi que des leaders de diverses organisations internationales.  […]

L’OCS est devenue une organisation couvrant plus de 60 % de la surface du continent eurasien, près de la moitié de la population mondiale et plus de 20 % du PIB mondial.

Deux étasuniens « réalistes », Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski, ont toujours dit que l’Occident devait séparer la Chine de la Russie s’il voulait conserver sa position de leader mondial. Nixon s’était rendu en Chine dans ce but.

Des années plus tard, les États-Unis se sont imaginé qu’ils avaient « gagné » la guerre froide. Ils se sont sentis invincibles, la « seule superpuissance » et ont voulu « diriger le monde entier ». Ils se sont réveillés après l’invasion de l’Irak. La puissante armée américaine était battue à plate couture par les « nègres du désert » qu’elle méprisait tant. Quelques années plus tard, les marchés financiers américains étaient en lambeaux.

La brutalité des efforts pour encercler toujours davantage la Russie a mené à l’alliance sino-russe qui dirige maintenant l’OCS et bientôt, peut-être, le monde. Il n’y aura pas de photo comme celles que j’ai postées ci-dessous du sommet de l’OCS. Le président chinois Xi appelle le président russe Poutine « mon meilleur ami ».

L’ « Occident » a perdu en Eurasie.

Les États-Unis ne sont plus désormais qu’un petit caïd de cour d’école qui s’en prend aux membres de son gang parce que ses anciennes victimes sont devenues trop grosses.

Trump se rend à Singapour pour rencontrer Kim Yong-un. Contrairement à Trump, le leader suprême de la Corée du Nord sera bien préparé. Il est probable qu’il l’emportera facilement sur Trump pendant les négociations. Si Trump essaie de le menacer comme il menace ses « alliés », Kim fera ses valises et partira. Contrairement aux « alliés » des Etasuniens, il n’a pas besoin de ployer le genou devant Trump. Il peut compter sur la Chine et la Russie. Elles sont désormais les puissances qui peuvent diriger le monde.

L’ « Occident » est fini. L’avenir est à l’est.


 

 

Le retournement du monde :
«l’Organisation de Coopération de Shanghai»

 

9 juillet 2018

Par Robert Charvin

Les temps sont difficiles. Le petit monde occidental, qui a encore l’arrogance du temps de sa splendeur, a un parfum de décadence et de redites historiques, illustrées par les néofascismes qui fleurissent en Europe et tentent de revenir en Amérique du Sud. Les interrogations à son propos ne manquent pas…

Investig’Action - 9/7/18 - Par exemple, où sont donc passés les Droits de l’Homme dont on nous abreuvait lorsqu’il s’agissait de donner des leçons aux régimes qui déplaisaient ? Ils se dégradent dans les vieilles « démocraties » qui se replient pour se légitimer encore sur les seules élections, sur lesquelles les pouvoirs établis ont prises grâce à l’argent et à leurs médias. Ils ont totalement disparu à propos des migrants et des demandeurs d’asile : le discours sur les droits de l’homme, accordant la priorité absolue à l’Humanitaire, se révèle vide depuis qu’il apparaît trop « coûteux » aux sociétés dites « chrétiennes » et « libérales », devenues sourdes à l’appel du Pape François lui-même et indifférentes à la légalité internationale ! La diversion que représentent dans les esprits le racisme, la xénophobie et la peur des différences permettant l’occultation des luttes sociales mérite que nos « élites » tournent la page (d’autant que les États-Unis de Trump ne montrent plus l’exemple).

La vieille loi des contradictions (inévitables) d’intérêts entre les économies capitalistes (États-Unis – Europe, par exemple), longtemps dissimulées au sein de l’Union Européenne, font apparaître que les tricheurs au pouvoir essaient de jouer sur la « libre » concurrence toujours faussée, sur la déréglementation au nom des « équilibres » financiers creusant surtout les inégalités sociales, sur une croissance sans développement social et humain.

Les crimes de guerre de l’armée israélienne, relevant d’une politique coloniale détruisant le peuple palestinien et la solution politique des « Deux États », sont supportés par les Occidentaux manifestant une complaisance pour Tel Aviv qu’ils ne pratiquent vis-à-vis de personne d’autre, si ce n’est pour la Turquie islamo-fasciste, pilier de l’OTAN ou pour l’Arabie Saoudite, une de nos tire-lire préférées, dont on applaudit avec enthousiasme l’apparition des permis de conduire féminins !

On peut aussi ironiser sur la subite perplexité des politiciens européens vis-à-vis de la question coréenne : les États-Unis et Séoul répondent enfin aux revendications de Pyong Yang (toujours soumis à embargo) qui ont presque 70 ans ! Visiblement, nombreux sont ceux qui préfèrent la tension à la détente et à l’ouverture de perspectives pour le peuple coréen !

Mériterait aussi une polémique la petite musique anti-russe à l’occasion de la Coupe du Monde «trop bien» organisée !

Le silence médiatique sur les massacres au Yémen (le compte des victimes est bloqué à 10.000 depuis des mois), et le bruit fait sur le Nicaragua ou le Venezuela, tandis que les États-Unis, la France et Israël bombardent périodiquement le territoire syrien pour essayer de se faire une place dans le futur règlement politique !

Mais, plutôt que de s’intéresser, une fois de plus, à la médiocratie affairiste occidentale, on peut souligner qu’un Nouveau Monde se prépare sans les Occidentaux, qui à son propos se taisent. Les maîtres provisoires du monde semblent « oublier » que les vaincus de l’Histoire ne sont pas toujours les mêmes. Ces « vainqueurs » peuvent devenir « derniers de cordée » parce qu’il est peut-être plus tard qu’ils ne le croient !

Ce Nouveau Monde, composé d’États asiatiques, de la Russie et de la Chine, a beaucoup de chemin à parcourir pour réaliser les avancées sociales qu’il a programmées, mais il marche, à la différence d’un Occident en pleine régression dans tous les domaines et qui défend, y compris par les armes, un désordre établi pluri-séculaire. En quelques mots, pour s’intéresser à l’avenir, observons « l’Organisation de Coopération de Shanghai », qui tente de réaliser un « retournement du monde ».

L’O.C.S (Organisation de Coopération de Shanghai) a succédé au « Groupe (informel) de Shanghai », qui de 1996 à 2001 réunissait les chefs d’États d’Asie centrale, de la Russie et de la Chine, pour répondre aux bouleversements déstabilisateurs (notamment frontaliers) consécutifs à la disparition de l’URSS.

L’Organisation, née en 2001, vise à développer la coopération entre les États membres, mais en excluant toute intégration et toute ingérence, à la différence majeure de l’Union Européenne (voir, par exemple, le cas de la Grèce). C’est le principe fondamental de la Charte des Nations Unies, l’égale souveraineté des États, qui garantit au sein de l’OCS l’indépendance de chacun des « petits » États dans leur relation avec les grandes puissances qui s’y trouvent : les décisions sont prises par consensus. Les États fondateurs de l’OCS sont la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, dont les potentiels économiques et le poids politique sont évidemment différents.

En 2017, ont rejoint l’OCS, l’Inde et le Pakistan. Certains autres États ont la qualité d’ « Observateurs » : la Mongolie (depuis 2004), l’Iran (depuis 2005), l’Afghanistan (à partir de 2012) et la Biélorussie (depuis 2015) (1).

L’OCS, organisation inter-étatique, possède une structure légère : aux côtés des Sommets (chefs d’États, chefs de gouvernements), qui ont lieu chaque année, l’organisation dispose d’un Secrétariat, organe exécutif, dont le siège est à Pékin et du « RATS », structure antiterroriste, fonctionnant depuis 2004, basé à Tachkent en Ouzbékistan. On peut citer aussi l’Association interbancaire de l’OCS et son rôle de financement de projets communs. De nombreux accords bilatéraux complètent la Charte de l’OCS.

L’OCS, que les médias occidentaux ignorent, représente néanmoins près de 50% de la population mondiale (soit près de 3 milliards d’individus) et plus de 20% du PIB mondial (2), ce qui ne les empêche pas d’oser dire, à certaines occasions, que la Russie, par exemple, est isolée au sein de la « communauté » internationale et peut-être asphyxiée par les sanctions que l’Occident lui impose !

Les économies des États membres regroupent 20% des ressources mondiales de pétrole, 38% du gaz naturel (3), 40% du charbon et 30% de l’uranium, ce qui leur donne des moyens énergétiques sans rivaux. Seules les dépenses militaires sont inférieures à celles de l’OTAN : l’OCS leur consacre 364 milliards de dollars contre 606 milliards pour les seuls États-Unis (chiffre de 2016), ce qui limite la dangerosité dont sont parfois accusées la Russie et la Chine !

L’OCS travaille au renforcement du bon voisinage entre les États membres, à la sécurité de la zone (manœuvres militaires communes, lutte contre le terrorisme – qui n’est pas le monopole des Occidentaux (4), lutte contre les trafics de drogue et autres).

Elle facilite dans tous les domaines la coopération, particulièrement entre la Chine et la Russie, et œuvre aussi à la création d’un nouvel ordre politique et économique que celui résultant de l’hégémonisme occidental. C’est ainsi que l’OCS réclame la fermeture des bases militaires américaines dans la région et travaille à unifier l’approche de la situation militaire. L’OCS n’est donc pas une alliance militaire : aucune procédure n’y est contraignante et il n’y a pas l’équivalent de l’article 5 de la Charte de l’OTAN créant une obligation d’agir dans le cas où un allié est attaqué. Elle n’a pas pour objectif de contrer l’Occident, alors que l’OTAN a depuis l’origine une politique de « containment » du communisme puis de tous ceux qualifiés « adversaires » des États-Unis ! L’un des objectifs essentiels est cependant de constituer un pôle de puissance dans le cadre d’une société internationale multipolaire équilibrée dans un monde où l’unilatéralisme messianique des États-Unis représente un danger pour la paix et la sécurité.

L’OCS constitue ainsi l’embryon du recentrage de l’économie-monde autour de l’Asie pouvant succéder à moyen terme à des siècles d’hégémonisme euraméricain.

Bien évidemment des contradictions, sources de divergences se manifestent au sein de l’OCS. Certains sont pour l’essentiel maîtrisées, comme les différends frontaliers qui affectent traditionnellement la région. Depuis l’Accord de Minsk en 1992, puis d’Almaty en 1998, les États d’Asie centrale se sont mis d’accord sur une politique frontalière commune avec la Chine, afin de sécuriser, en particulier, la frontière chinoise du Xinjiang (5).

Cette province relevant de la souveraineté chinoise (depuis 1884), comme la Tchétchènie en Russie, ont été l’objet d’opérations islamistes, parfois de grande envergure, durant la même période où l’Occident a été victime du terrorisme. L’OCS a joué et joue encore un rôle déterminant dans le combat commun de tous les États membres contre ce terrorisme islamiste qui a parfois pour « couverture » un nationalisme séparatiste (c’est le cas des Ouïgours en Chine). Mais pour le long terme, l’OCS s’engage sur la voie décisive d’un développement économique mutualisé, y compris entre des États d’orientation socio-économique et politique très différentes comme la Chine, l’Inde, la Russie et le Pakistan. Cette concentration des efforts n’exclut en rien la recherche de relations économiques avec les pays occidentaux, c’est le cas, par exemple, de la Russie qui propose une coopération énergétique (proposition du Ministre Lavrov dès 2006).

Les relations sino-russes sont complexes étant donné les inégalités de potentialités et les profondes différences civilisationnelles.

Dans le domaine de la paix internationale, l’OCS a obtenu, par exemple, au nom du respect de la souveraineté nationale, la fermeture en 2005 de la base américaine de Karshi-Khanabad en Ouzbékistan, instrument de la stratégie de Washington (doctrine du « pivot vers l’Asie » de 2011) visant à « contenir » l’influence croissance de la Chine dans la région (6) et au Kirghizistan celle de Manas en 2014, ainsi que la réduction des forces militaires dans les différentes régions frontalières. Mais elle ne peut que connaître des difficultés par l’appartenance à l’OCS de l’Inde et du Pakistan (en conflit par exemple sur le Baloutchistan) et de l’attraction de l’Inde vers les États-Unis par hostilité à la Chine.

Ce sont toutefois les critiques « occidentalistes » contre l’OCS (7), fondées sur les seuls modèle existant actuellement dans le monde euraméricain, qui permettent d’approcher au mieux la réalité de ce Nouveau Monde en Marche.

L’un des documents le plus spécifique est celui publié par l’IFRI en 2006, qualifiant l’OCS de « coup de bluff » ! L’auteur énumère tout ce que toute organisation internationale connaît et qui n’a rien de spécifique à l’OCS : il accuse cette organisation de bavardage sans conséquence à propos de ses « Déclarations », tout en la dénonçant comme une sorte de « protectorat économique de la Chine », de nature « bureaucratique », tout en soulignant que « bon nombre d’observateurs sont sceptiques ». De plus, la « Chine serait isolée au sein de l’OCS », alors qu’elle viserait à instrumentaliser l’organisation pour « s’imposer comme un pôle de puissance mondiale » (ce qui semble selon l’auteur parfaitement illégitime), car cette « non démocratie » cherche à établir une « sorte d’hégémonie douce ». Quant à la Russie, elle considérerait la Chine comme « à terme une rivale stratégique ». L’OCS ne serait pour les Russes qu’un « instrument géopolitique provisoire prolongeant la doctrine Primakov » anti-occidentale.

Les pauvres Américains ont dû renoncer à « actionner le mécanisme de la révolution de velours » (bel aveu!), au Kazakhstan notamment, et à établir un cordon sanitaire entre la Chine et le reste de l’Asie centrale.

La nécessité qui s’impose est l’intervention de l’Union Européenne, actuellement absente de la région, pour «démocratiser» la région «par une sorte de réplique des accords de Lomé ou d’Euroméd» (sic) !

L’OCS serait un « piège économique » n’apportant aucun « dividende réel » aux membres autres que la Chine et la Russie.

Ce serait aussi une prison politique, puisqu’au Xinjiang, où 45% de la population est musulmane, l’islamisme radical ne peut plus s’épanouir à la différence de ce qui s’est passé en Afghanistan, en Irak, en Syrie ou en Libye, grâce aux complaisances conjuguées des États-Unis, de la France, de la Grande Bretagne, de la Turquie, du Qatar et de l’Arabie Saoudite (8) !

En bref, à la différence de l’Union Européenne, l’OCS serait «loin d’être un modèle» concluent les brillants observateurs occidentaux en 2018 ! Dans le cadre de la pathologie occidentale la plus répandue, « l’occidentalocentrisme, le «respect de la souveraineté est peu compatible avec le concept de coopération internationale» qui « ne peut avoir lieu qu’entre des démocratie libérales » (9).

A l’évidence, la pensée occidentale devient le Tiers-Monde de l’Esprit.

 

Notes :

1) Certains États participent aux réunions : le Sri Lanka, la Turquie, le Cambodge, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et le Népal. Sont aussi invités le Turkménistan et l’ASEAN. Les États-Unis et le Japon ont eu la prétention de rejoindre l’OCS qui a refusé leur adhésion.

2) Les échanges commerciaux se sont multipliés par 7 entre 2001 et 2017. Les pays de l’OCS, y compris les États observateurs, cumulent un PIB très proche de celui de l’Union Européenne et des États-Unis (37.200 milliards de dollars contre 40.000 milliards, selon le FMI).

3) Avec la Russie et l’Iran, l’OCS possède 55% des ressources mondiales de gaz.

4) On note que la propagande occidentale assimile dans cette partie du monde l’antiterrorisme à une lutte contre la volonté de certaines minorités à s’autodéterminer (problème des Islamistes tchétchènes ou ouïgours).

5) Cette région autonome, où sont réalisés par Pékin de très lourds investissements, possède des ressources naturelles particulièrement importantes.

6) Les États-Unis et l’Europe n’apprécient pas le grand projet de la Nouvelle Route de la Soie (« Une ceinture, une Route ») , vaste réseau de transports reliant les pays du Sud-Est asiatique au Moyen Orient, à l’Afrique jusqu’à l’Europe ! Plus de 60 pays ont accepté de participer à son financement

7) Elles ne sont pas très nombreuses en Europe qui ignore les réalités qui ne sont pas les siennes. Voir, cependant, Mourat Laumouline de l’IFRI, « l’OCS vue d’Astana : un « coup de bluff » géopolitique ? ». In Russie. Nei.Visions, n° 12. 2006. Cf. P. Chabal (dir.). L’OCS et la construction de la Nouvelle Asie. Peter Lang. 2016. Ou, par exemple, la note d’actualité de novembre 2017 du Centre Français de Recherche sur le Renseignement de J. Descarpentrie. « L’OCS : une alliance sécuritaire et économique en devenir »

8) Les citations sont extraites de « l’étude » précitée de L’IFRI (2006).

 

Source

Investig’Action


 

Ludo De Witte : «L’écosocialisme est la meilleure réponse
à la fin du mois et la fin du monde»

Auteur du livre Quand le dernier arbre aura été abattu, nous mangerons notre argent, Ludo De Witte nous explique pourquoi le changement climatique impose une sortie du capitalisme. Chiffres à l’appui, il démontre que les mesures mises en place pour un développement durable sont vouées à l’échec tant que l’économie reste guidée par la concurrence et la recherche de profit maximum. Ludo De Witte plaide pour un écosocialisme qui permettrait à la fois de sauver la planète, mais aussi de rendre l’économie plus juste et plus humaine. Mission impossible? La mobilisation des jeunes pour le climat nous offre une lueur d’espoir…

Nous vous connaissions surtout pour votre travail sur le Congo, avec notamment les livres L’assassinat de Lumumba et l’Ascension de Mobutu. Qu’est-ce qui vous a amené à écrire cet ouvrage sur le climat?

J’étais au Katanga pour chercher l’endroit exact où Patrice Lumumba a été exécuté. Et j’ai pu constater sur place comment le système économique international détruit à la fois l’homme et la nature. En effet, j’étais frappé par le pillage des matières premières. Le Congo est l’un des pays les plus riches de la planète. Mais j’ai vu des enfants miséreux qui jouaient dans la boue plutôt que d’aller à l’école. Au-dessus de leur tête, il y avait de grands pylônes électriques qui alimentent les mines. Sous leurs pieds, il y a toutes les richesses du monde. Mais eux vivent dans une extrême pauvreté. C’est une image très forte qui m’a interpellé et qui rejoint ce que Karl Marx disait: le capitalisme tue les deux sources de valeur, les forces de travail et la nature. Cette image du Congo a trouvé écho dans ma lecture de l’essai de Naomi Klein, Tout peut changer, sorti en 2014. Ça m’a aussi fortement interpellé. Naomi Klein est une journaliste d’investigation mondialement reconnue, elle n’est pas marxiste. Mais sur base d’études empiriques, elle arrive à des conclusions qui se rapprochent d’une analyse marxiste du réchauffement climatique, en prenant une direction anticapitaliste.

Une analyse marxiste du réchauffement climatique, ça ressemble à quoi?

J’ai mis en épigraphe de mon livre une citation de Naomi Klein qui pointe la contradiction entre la croissance infinie voulue par le capitalisme et les ressources limitées de notre planète. J’ai voulu développer cet angle. Le réchauffement climatique est une porte d’entrée, mais mon livre va beaucoup plus loin. Pour comprendre ce problème, il faut dézoomer, prendre une vue d’ensemble. Nous voyons alors que l’atmosphère est polluée et détruite par le rejet de toutes sortes de matières toxiques dont le CO2. Mais aussi que tous les écosystèmes sont attaqués par notre modèle économique. Les bassins d’eau sont épuisés, les forêts détruites à grande échelle, les barrières de corail meurent et avec elles, des millions d’êtres vivants… Voir comment le fonctionnement structurel de notre économie détruit la planète, c’est une approche marxiste du réchauffement climatique.

On pointe souvent l’action de l’homme contre la nature. Pourquoi mettez-vous l’accent sur l’économie en particulier?

Parce que tant qu’on reste dans le schéma d’une économie capitaliste, nous ne pourrons pas lutter efficacement contre le réchauffement climatique. En effet, il n’y a rien de rationnel dans le capitalisme. Chaque CEO (chef d’entreprise) essaie de produire et de vendre un maximum de choses pour croitre, quel qu’en soit le prix écologique. Et il ne peut pas en être autrement. Ce sont les règles du marché qui veulent cela. L’objectif de croissance est par conséquent contraignant et incontournable. Ainsi, les actionnaires qui exigent un retour sur investissement n’hésiteront pas à échanger leurs actions contre d’autres si les perspectives de croissance et de profit sont meilleures ailleurs.

Ce n’est pas l’appât du gain qui aiguise l’appétit des méchants patrons?

Les écologistes traditionnels cherchent des solutions en s’accommodant avec le capitalisme et ils développent cette approche psychologique. Il faudrait selon eux que les entreprises reviennent à la raison. Mais le problème est structurel. Imaginez un CEO qui prendrait conscience que la planète va mal et qui proposerait à son conseil d’administration de stabiliser le chiffre d’affaires plutôt que de viser la croissance: il se ferait licencier sur le champ. Avec le capitalisme, il faut croitre ou mourir. Il n’y a pas d’autres choix.

Croissance et nature sont-elles vraiment inconciliables? Vous ne pouvez pas nier que ces dernières années, l’économie a changé. Nous avons notamment vu se développer une industrie de l’énergie renouvelable…

C’est vrai, mais tant que nous restons dans cette logique capitaliste, où la recherche de profit prime sur tout le reste, la lutte contre le réchauffement climatique brille pas son inefficacité. En 2013 par exemple, à l’échelle mondiale, quelque 270 milliards de dollars ont été investis dans la production d’électricité verte et ce montant augmente d’année en année. Ça peut sembler énorme. Pourtant, la part de cette électricité verte dans la consommation reste modeste. Au sein de l’Union européenne, elle représentait seulement 17,5% de la consommation totale en 2017. Et c’est un chiffre à prendre avec des pincettes, car il inclut également les biocarburants dont la production suppose la destruction de forêts. De plus, cette énergie « durable » ne tend pas à remplacer la production d’énergie polluante. Mais elle vient plutôt par-dessus, pour compenser une consommation en hausse.

Le salut ne pourrait-il pas venir des progrès technologiques, sans qu’il faille changer de modèle économique?

Il y a déjà certains progrès qu’il faut relativiser. Prenons l’exemple des voitures électriques, elles sont en réalité plus polluantes que les moteurs à l’essence, car dans beaucoup de pays, l’électricité est produite dans des centrales au charbon, et la combustion du charbon pollue plus que la consommation de pétrole. De plus, 56% de la pollution d’une voiture provient de sa production et 4% de son démantèlement, à la fin de son cycle de vie. 40% seulement viennent de son usage et de son entretien. Rendre les transports privés plus durables est une bonne chose en soi. Mais si demain, nous roulions tous en voiture électrique, nous ne serions pas tirés d’affaire pour autant. Il faut plutôt développer les transports en commun au détriment de la voiture, mais nos responsables politiques qui signent des accords sur le climat ne vont pas dans le bon sens. En Belgique par exemple, le soutien total de l’État au transport par train, bus et tram se monte à 2,4 milliards d’euros, alors que 4,1 milliards de l’argent des impôts vont aux voitures de société. Les conséquences sont là. Le nombre de voitures de société est passé de 288 679 en 2007 à 445 419 en 2016, soit une augmentation de 54%. En revanche, la part des transports publics a tendance à stagner.

Mais ne pensez-vous pas, avec tous les progrès que nous faisons aujourd’hui, que nous finirons bien par trouver quelque chose pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique?

Il y aura peut-être une grande trouvaille, comme la possibilité de capturer le CO2 pour le stocker dans le sol. Mais nous en parlons depuis plusieurs années et lorsque nous regardons les essais, force est de constater que nous ne sommes encore nulle part. L’idée du salut par les technologies anime la plupart des dirigeants politiques, notamment ceux qui étaient réunis à l’Accord de Paris. Le problème, c’est que nous ne savons pas où nous allons et qu’il y a urgence. C’est comme si on demandait à l’humanité de monter à bord d’un avion et que le pilote disait: « Nous avons un problème technique et il est pratiquement certain que nous allons nous écraser. Mais nous allons emmener un ingénieur et il va essayer de résoudre le problème en cours de vol. »

N’est-il pas possible pour nos dirigeants politiques de réformer le capitalisme pour protéger la planète? À travers la fiscalité par exemple, on peut pénaliser les industries polluantes et favoriser les activités propres…

C’est l’idée qu’il y a derrière la taxe carbone dont on a beaucoup parlé. Mais c’est une mesure à la fois inefficace et injuste. Les 10% les plus riches de la population mondiale sont responsables de 50% des rejets de CO2. Et les 20% les plus riches de 70% des rejets. Si demain, nous décrétons une taxe carbone, le prix de l’électricité et du mazout va augmenter. Les plus riches pourront s’en acquitter sans souci et continuer à polluer. Cependant, les moins nantis devront choisir: payer la facture plus salée ou, dans le logement mal isolé qu’ils louent, économiser sur le chauffage, avec tous les problèmes de santé qui s’ensuivront. Les taxes carbone s’apparentent ainsi aux indulgences du Moyen Âge, ceux qui ont les moyens peuvent payer pour être exemptés de leurs péchés.

On pourrait aussi taxer plus lourdement les appareils gourmands en énergie et favoriser des produits propres, meilleur marché.

Des études montrent que cette option a des effets pervers. Il y a en effet un risque de rebond, c’est-à-dire que l’argent épargné en achetant des produits moins polluants et moins chers est consacré à l’achat d’autres marchandises. Autrement dit, nous aurions des produits moins polluants, mais nous en consommerions plus. Ce qui ne ferait pas beaucoup diminuer les rejets de CO2. Par ailleurs, de Washington à Tokyo en passant par Bruxelles, on s’est toujours montré frileux à l’idée d’introduire un plafond des émissions pour les articles de consommation. On pourrait par exemple pénaliser vigoureusement voire interdire les SUV que certains utilisent pour faire 500 mètres et aller chercher leur pain à la boulangerie. Ce serait efficace. Mais cela créerait un tollé au niveau de l’Organisation mondiale du Commerce qui promeut un capitalisme débridé. Et les grandes multinationales comme Boeing, Apple ou Ikea s’y opposent farouchement.

À la poubelle alors, les taxes carbone?

Le climatologue James Hansen a fait l’une des propositions les plus élaborées en 2009 devant le Congrès étasunien. Il prône une taxe carbone de 115 dollars pour chaque tonne de carbone rejetée. Ça équivaut par exemple à 1 dollar par gallon d’essence. Ce qui est intéressant, c’est que la taxe serait perçue à la source, chez les producteurs de carburants fossiles. Et la recette serait intégralement reversée à la population. Vu que les plus pauvres polluent moins que les riches, cette taxe aurait donc un effet favorable sur la redistribution des richesses. Elle pourrait aussi constituer un incitatif puissant à l’introduction de technologies pauvres en carbone. Mais nous pouvons toutefois relativiser les effets de cette mesure. D’abord parce qu’elle mise sur un optimisme démesuré dans les progrès technologiques. Les moyens de production pauvres en carbone sont encore loin d’être au point. Ensuite, parce qu’il y a toujours cet effet de rebond. La redistribution des dividendes de la taxe incitera les consommateurs à consommer davantage. William E. Rees, l’inventeur du concept de l’empreinte écologique, estime ainsi que cette taxe aura au mieux un « impact neutre ». Tant qu’on ne s’attaque pas à l’impératif de croissance économique, difficile d’être efficace.

Il semble pourtant que les dirigeants qui ont pris des engagements à travers l’Accord de Paris comptent sur ce type de mesures. Ça explique l’échec annoncé de la COP 21?

Limiter le réchauffement à 2°C, ou si possible rester bien en-dessous de ce seuil, c’est un objectif prioritaire de l’Accord de Paris de 2015. Mais on ne va pas plus loin que la promesse d’entreprendre des actions. De plus, les secteurs de navigation aérienne et maritime ont été tenus en dehors de l’accord, alors que leurs émissions de carbone sont aussi importantes que celles de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne réunies. Et si l’activité de ces secteurs se poursuit sans changement, leurs émissions auront augmenté de 250 à 270% en 2050. L’accord de Paris ressemble à un rituel d’exorcisme. Nos dirigeants pensent qu’il suffit de promettre quelque chose pour que cela devienne une réalité. Mais on ne s’attaque pas au cœur du problème et les résultats sont là: en 2018, les rejets mondiaux de carbone ont atteint un nouveau record avec une augmentation de 1,7 % par rapport à 2017. Il y a pourtant urgence. Nicholas Stern et son équipe ont remis un rapport fouillé sur le climat à la demande du gouvernement britannique. Il estime qu’en 2050, si on se base sur une augmentation de la température sur terre de 2°C ou plus, entre 200 et 250 millions de personnes chercheront des endroits plus sûrs, ce qui revient à multiplier par dix les flux migratoires que nous connaissons aujourd’hui. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit des migrations encore plus importantes à long terme. L’habitat de 1 humain sur 10 sera en effet mis sous pression par la montée des eaux. Par ailleurs, 3 humains sur 10, soit 2 milliards de personnes, se trouvent dans des régions qui seront soumises à des sécheresses endémiques. Or, selon Jos Delbeke, ancien directeur général pour le climat de la Commission européenne, nous allons avec l’accord de Paris vers un réchauffement situé entre 2,7°C pour les plus optimistes et 3,5° selon les pessimistes.

L’urgence climatique est là. D’ailleurs, il ne passe plus un jour sans que le problème soit traité dans les médias. Mais visiblement, ça ne suffit pas. Que manque-t-il selon vous? 

Nous savons au moins depuis 40 ans qu’il y a un problème avec le climat. Le magazine britannique Nature, l’une des plus prestigieuses revues scientifiques au monde, a mentionné 3500 fois l’expression « changement climatique » jusqu’au début de l’année 2018. Si certains secteurs, comme les lobbies de l’industrie fossile, ont longtemps financé des études pour remettre en cause l’idée d’un réchauffement climatique, aujourd’hui, il n’y a plus grand-monde pour nier cette réalité. Car les conséquences sont de plus en plus visibles avec des tempêtes, des inondations ou des températures record. Aujourd’hui, nous sommes donc constamment bombardés d’articles sur le réchauffement climatique, mais on nous parle toujours des conséquences sans aborder les racines structurelles du problème. La critique du capitalisme reste un sujet relativement tabou dans les médias. Prenons le livre de Naomi Klein par exemple. Dans sa version originale en anglais, le sous-titre est « Capitalisme vs the Climate« . Mais dans les éditions française et néerlandaise, plutôt que de traduire logiquement par « Le capitalisme contre le climat« , on a préféré « Capitalisme et changement climatique« . Évoquer constamment les effets du changement climatique sans évoquer les causes structurelles sur lesquelles nous devrions agir a un effet psychosocial très néfaste. Ça provoque une forme de peur et de désarroi. D’une certaine manière, ça dépolitise même le problème.

Tout le monde n’est pas tétanisé par le traitement médiatique du réchauffement climatique. Au contraire, depuis quelques années, on voit des projets durables se multiplier au niveau local. Et bon nombre de ces initiatives trouvent écho dans la presse.

Faire son compost, entretenir un potager collectif ou passer au covoiturage, c’est très bien. On ne peut qu’encourager ces pratiques qui visent un mode de vie plus rationnel et moins consumériste. Cela aide aussi à tisser des liens entre les gens, dans les quartiers. Cela nous permet également de mieux résister aux chocs climatiques qui viendront et de mieux lutter pour un meilleur monde. Mais il faut bien se rendre compte que ça ne pèse pas beaucoup dans la balance par rapport à la pollution industrielle. Surtout, la multiplication de ces initiatives locales ne sera jamais suffisante pour inverser la vapeur. Pour le prouver, examinons le fonctionnement de l’industrie alimentaire capitaliste. Aux États-Unis par exemple, entre le champ et la table, la nourriture parcourt en moyenne 2400 kilomètres. Ce mode de production est loin d’être isolé. Les saumons que nous mangeons sont pêchés en Norvège et sont envoyés en Chine pour être débités avant de revenir en Europe. On estime ainsi que l’industrie alimentaire dans son ensemble, depuis les champs jusqu’au largage de déchets par les entreprises ou les consommateurs, génère entre 44 et 57% du total mondial des rejets de gaz à effet de serre.

Certes, mais depuis quelques années, on voit fleurir des fermes bio qui misent sur les circuits courts. 

C’est vrai, mais l’agriculture durable aura-t-elle vraiment repoussé l’agriculture capitaliste dans un coin éloigné de la société d’ici cent ans, comme le prétend le chercheur Jose Luis Vivero Pol? En réalité, c’est la tendance inverse qui s’opère. L’agro-industrie accapare de plus en plus de terres dont certaines sont encore aujourd’hui la propriété de communautés, comme en Afrique. Par ailleurs, le prix des terres augmente plus fortement que celui de la nourriture cultivée dans le sol. Par conséquent, il y a une pression énorme pour que les fermiers se spécialisent, s’étendent et cultivent de façon intensive. En Wallonie par exemple, entre 2000 et 2017, le nombre d’exploitations agricoles de moins d’un hectare a diminué de 81,4% alors que le nombre d’exploitations de plus de 100 hectares a augmenté de 72,5%. C’est la logique-même du capitalisme. Il faut être le plus compétitif possible. Les plus petits tendent à disparaître ou à être avalés par les plus gros. À l’échelle mondiale, les petits fermiers indépendants constituent plus de 90% de toutes les exploitations agricoles, mais ils possèdent à peine 25% de toutes les terres agricoles. Comment les fermiers bio dans ce secteur intégré verticalement et dominé par de grands groupes capitalistes pourraient-ils forcer leur entrée et devenir dominants? Tant qu’on ne s’attaque pas aux racines du problème, ces initiatives locales sont des gouttes d’eau sur une plaque de métal chauffée au rouge. C’est très bien pour conscientiser les gens autour de soi, mais ce n’est pas suffisant pour lutter efficacement contre le changement climatique.

À propos de conscientisation, nous avons vu l’an dernier les jeunes étudiants brosser les cours pour manifester dans la rue. Que pensez-vous de ces marches pour le climat?

C’est excellent, et il faut continuer. Quand mon livre est sorti en néerlandais il y a deux ans, on me regardait de travers en me demandant quelle mouche m’avait piqué. Le climat n’inquiétait manifestement pas beaucoup de monde. Mais grâce à la mobilisation des jeunes, les choses ont commencé à bouger. Et ça ne se passe pas seulement dans les pays les plus développés. En Inde, au Brésil, un peu partout, des millions de jeunes se mobilisent. À côté des manifestations, nous voyons aussi des actions de désobéissance civile se multiplier: contre une exploitation de gaz aux Pays-Bas, contre le transport de charbon au port d’Amsterdam, contre l’extraction très polluante de lignite en Allemagne… Il y a ainsi une multitude d’actions qui ne vont pas forcément fusionner en un même courant, mais qui pèsent sur la conscience collective. Les sondages le montrent, de plus en plus de gens estiment qu’il faut intervenir et stopper l’inertie de nos politiciens. Rien de significatif n’a été fait pendant 40 ans et les rejets de gaz à effet de serre ont augmenté de 40%. La faillite de l’écocapitalisme est manifeste.

Dans ces marches des jeunes, on pouvait voir des pancartes et entendre des slogans critiquant le capitalisme. À côté de ça, Adelaïde Charlier, l’une des figures du mouvement, a été honoré de la Médaille du Mérite wallon par un gouvernement de centre-droit. Nous avons aussi pu voir Greta Thunberg sympathiser avec Barack Obama qui a fait exploser la production de pétrole aux États-Unis durant son mandat. N’y a-t-il pas un risque de récupération? 

C’est un côté néfaste des médias qui ont tendance à personnaliser les mouvements. En Flandre, nous avons la même chose avec Anuna De Wever. Associer la lutte contre le changement climatique à une personnalité peut avoir un effet dépolitisant pour pas mal de gens. De plus, tout le ressentiment et tous les doutes sur le changement climatique sont focalisés sur ces personnalités. Nous l’avons vu avec Greta Thunberg. Même chose en Flandre où la droite a mené une grosse campagne contre Anuna De Wever. La N-VA par exemple se rattache à l’écomodernisme. Ce mouvement ne nie pas le changement climatique. Mais aussi longtemps que les actions en faveur du climat nuiront à l’activité économique, il faut les postposer. Dans la pratique, ça revient à la même chose que nier le changement climatique. Mais je vois que d’autres mouvements pour le climat sont en train de surgir et refusent de mettre des porte-parole en avant. C’est une bonne chose.

Finalement Ludo De Witte, que préconisez-vous pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique et protéger la planète?

Nous ne pourrons pas enrayer le réchauffement climatique sans changer de modèle économique. La dynamique du capitalisme est telle qu’elle pousse toujours vers plus de croissance et plus de consommation. Si bien que les initiatives pour un développement durable restent vouées à l’échec tant que nous restons dans ce cadre-là. Il faut donc changer de paradigme. C’est ce que propose l’écosocialisme: la construction d’un nouveau modèle économique qui permette de répondre tant à la fin du monde qu’à la fin du mois. Nous avons vu par exemple que les initiatives en faveur d’une agriculture durable restent marginales dans un secteur dominé par les lois du marché. Cela vaut pour d’autres domaines et cela n’a rien de nouveau. En son temps, Karl Marx faisait déjà la louange du mouvement coopératif en dressant le bilan d’expériences concrètes. Mais il soulignait aussi que le travail coopératif ne pouvait pas endiguer le capital monopoliste s’il restait « limité à des tentatives ad hoc de travailleurs isolés« . Il faut pouvoir l’envisager dans une perspective nationale. Par conséquent, les secteurs économiques clés doivent être retirés des griffes du marché et placés sous contrôle de la communauté. L’attention doit se focaliser sur un État fort qui planche sur un travail législatif rigoureux et sur des investissements dans des commons publics. Les commons sont notre « bien commun », ce sont l’espace public, les terrains communautaires et les places publiques, l’eau et l’air, la vie en communauté en général. Toutes ces choses qui, aujourd’hui, tendent à être privatisées, transformées en marchandise, pillées et détruites.

Voilà une trentaine d’années qu’on nous présente la privatisation des secteurs publics comme un progrès vers une économie plus efficace. En ne manquant pas d’agiter le spectre d’une bureaucratie étouffante et contre-productive. Comment éviter ces travers? Et puisque vous ciblez le capitalisme et ses impératifs de croissance infinie, comment faire en sorte que cette sortie ne nous conduise pas vers une nouvelle Grande Dépression? 

L’écosocialisme implique un aggiornamento antiproductiviste en effet, mais il s’inscrit dans un revirement global qui accompagnera la naissance d’une économie du besoin, avec des services collectifs solidement mis sur pied et orientés vers une consommation durable. Une société libérée de la contrainte de la croissance, du fonctionnement aveugle du marché et d’élites insatiables est une société qui donnera la priorité à l’empowerment du peuple, c’est-à-dire son autonomisation. Avec une économie planifiée qui ne ressemble en rien à l’économie dirigée à la Staline du siècle dernier, mais qui, entre autres grâce aux techniques de consultation rendues possibles par Internet, sera souple et démocratique. Avec des commons dont les groupes locaux et les pouvoirs publics prennent les leviers en main, tout en étant soutenus par le pouvoir central. Et, n’oublions pas, avec une aide significative pour les pays de la périphérie, qui ont été et sont exploités par le centre impérialiste. Ils doivent recevoir les moyens pour se développer, mais sans passer par la phase du capitalisme accro aux énergies hydrocarbures…

Concrètement, comment s’y prendre?

Si le programme écosocialiste doit encore prendre forme, nous savons dans quelle direction nous devons aller. Il faut à présent que les organisations environnementales, les initiatives citoyennes, les syndicats et les partis progressistes tracent la voie. Il faut construire un programme qui met en avant des mesures écologiques et qui, en même temps, a un effet bénéfique pour les classes les plus démunies. En Belgique par exemple, il faut supprimer progressivement les voitures de société, sauf pour ceux qui en ont vraiment besoin. Mais il faut parallèlement développer une offre de transport public pauvre en carbone et bon marché, voire gratuite.

Cela demande des moyens. Tous les gouvernements se succèdent pour dire que les caisses sont vides…

De l’argent, il y en a. Mais pour l’instant, il est gaspillé en subsides pour l’énergie fossile, l’industrie de l’armement et les actionnaires en général. Il faut donc un État fort, qui puisse mobiliser les finances, imposer les grosses fortunes, attaquer la fraude fiscale et consacrer les moyens nécessaires pour des investissements à la fois justes sur le plan social et écologique. Cela passe par la nationalisation des secteurs-clés, dont la finance. Un État réellement démocratique pourra mettre un terme à l’industrie polluante et orienter les travailleurs vers des emplois durables, notamment les services publics dont nous avons tous besoin. Quand dans un hospice, une personne doit attendre une ou deux heures après avoir sonné pour aller aux toilettes parce que le personnel est débordé, ce n’est pas acceptable. Dans une société post-capitaliste, un tel reclassement des travailleurs offre la perspective d’une importante réduction du temps de travail. Et du temps libre qui propose de l’espace pour le buen vivir (le bien-vivre), comme disent les peuples indigènes latino-américains.

L’écosocialisme, c’est l’écologie et le socialisme mis ensemble finalement ?

C’est bien plus que cela. La focalisation sur une écologie politique aide le socialisme à se lier de nouveau à ses racines, à poser des questions fondamentales sur l’homme, la société et la nature. Bref, pour en revenir à ce qu’il était initialement : un projet humaniste, radicalement démocratique. En même temps, l’intégration des problèmes écologiques à une perspective socialiste fait en sorte que l’écologie n’est plus comprise comme un problème technique ou un problème « en soi », mais dans son cadre sociétal, comme un « métabolisme » entre l’homme et la nature. Ce que Marx mettait déjà en avant d’ailleurs. Ainsi, l’écosocialisme dépasse aussi bien l’écologisme petit-bourgeois ou élitiste que le socialisme réformiste et technocratique.

Vous êtes confiant pour l’avenir?

Ce sera très difficile. Rosa Luxembourg posait déjà le choix crucial entre le socialisme et la barbarie. Antonio Gramsci disait la même chose en évoquant les monstres qui surgissent pendant que le vieux monde meurt et que le nouveau tarde à apparaître. Nous sommes à ce croisement. Si nous laissons le capitalisme se développer comme il  le fait aujourd’hui, nous aurons un écocide avec des conséquences terribles pour la majeure partie de la population. Les climatologues prédisent que d’ici 2050, quelque 200 millions de réfugiés pourraient affluer vers l’Europe pour essayer de trouver une vie meilleure. Cela ne représente qu’un centième de la vague que nous avons connue entre 2008 et 2014. Et nous avons déjà vu quels étaient les effets : certaines clauses de la convention européenne des droits de l’homme ont été jetées à la poubelle, l’extrême-droite est montée en flèche, des accords ont été passés avec la Turquie, des milices libyennes et d’autres régimes dictatoriaux pour repousser les migrants le plus loin possible… Les phénomènes climatiques comme les inondations et les sécheresses vont par ailleurs s’accentuer. Certains milliardaires s’y préparent déjà en construisant des bunkers dans le Nevada ou des appartements aussi étanches que des sous-marins à New York. Évidemment, seule une petite minorité pourra se protéger de la sorte. C’est une sorte d’écodictature qui pourrait surgir. Il est donc absolument impératif de mettre la lutte contre le changement climatique à l’avant de notre action. Les mobilisations de cette année peuvent donner espoir. Je pense que nous avons une chance de forcer une issue, pas seulement pour sauver la planète, mais aussi pour construire une économie plus juste et plus humaine dans l’intérêt de la grande majorité de l’humanité.

 

Source : Investig’Action

 

 

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