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Le cadre général de l'étude des fonctions du sommeil et du rêve :
la dualité psycho-corporelle
«Les rêves ne sont-ils pas la tierce partie de notre existence ? Pour ceux qui cherchent, le phénomène du rêve n'est-il pas étroitement lié à ce grand mystère de la dualité psycho-corporelle qu'on ne se lassera jamais de sonder ?»
Cf. D'Hervey de Saint-Denys, Les Rêves et les moyens de les diriger, éd. Oniros, p. 2.
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Le sommeil est-il une fonction ou une interruption de fonction ?
Dans sa préface au livre de Macario (1857), Du sommeil, des rêves et du somnambulisme dans l'état de santé et de maladie (Lyon-Paris, Périssé Frères, pp. VIII-IX), le Docteur Laurent Cerise écrit ces lignes :
«On a dit et répété que le sommeil est le repos des organes de la vie de relation, qu'il est la manifestation la plus tranchée de la loi d'intermittence qui préside aux fonctions du système nerveux en général et du cerveau en particulier. Je veux bien que tout cela soit vrai. Evidemment le sommeil, c'est le repos, c'est l'intermittence dans les opérations de l'entendement, dans les phénomènes de la sensibilité, dans les efforts de la locomotion. Il me semble pourtant que l'inaction seule, c'est-à-dire la suspension volontaire ou forcée des mouvements, de la pensée et des sensations suffirait pour baisser le rideau sur la scène animée de la vie, et pour refouler dans les profondeurs de l'organisme le mouvement qui en agitait la surface. Entre le repos et le sommeil il y a un abîme, dont je vous prie de mesurer l'étendue. Elle est immense. L'animal qui dort se repose sans doute, mais il fait autre chose et plus que cela. Aussi, pour moi, il ne s'agit pas de savoir si la transformation étrange qu'on appelle sommeil est un intervalle de repos, mais si, pendant ce repos, il n'y a pas de la part du système nerveux général et du cerveau en particulier une part d'action spéciale, un travail distinct, net, ayant pour objet l'intérêt de l'organisme tout entier. En d'autres termes, le sommeil est-il une fonction ou une interruption de fonction, une opération active ou une opération momentanée ? Là est la question première, la question physiologique par excellence. Pour moi, la solution n'est pas douteuse. Le sommeil est une fonction nerveuse dans toute la force du moi. On ne saurait mieux poser le problème des fonctions du sommeil.»
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Ephron et Carrington, en 1966, ont supposé que le sommeil était un état de repos pendant lequel le cortex cérébral était désafférenté, ou du moins peu sollicité (état où les excitations venant par les fibres nerveuses afférentes au cerveau seraient coupées); il pouvait être dangereux que ce sommeil se prolonge trop longtemps. Ils attribuèrent alors au sommeil rapide le rôle épisodique de ramener au cortex l'excitation nécessaire afin d'équilibrer les effets du sommeil lent.
Frederik Snyder en étudiant le sommeil chez les animaux a, dans une optique semblable, émis l'hypothèse que les rêveils intermittents en fin de sommeil rapide permettaient à l'animal d'être prêt à réagir rapidement en cas de danger. En effet, les animaux qui doivent se défendre des prédateurs sont souvent ceux qui dorment aussi le plus. Ce sommeil lent a sans doute l'avantage de leur faire dépenser moins d'énergie, et de les soustraire du moins la plus grande partie du jour, aux prédateurs; dormir s'apparente en effet à faire le mort, qui est souvent une conduite de défense et de protection chez les animaux.
Tourtefois, Snyder suppose qu'un sommeil lent trop prolongé desservirait au contraire ces animaux, et donc que l'état de rêve est nécessaire afin de leur servir de système de guet. En effet, on constate souvent chez les animaux [comme chez l'homme] que le sommeil rapide est suivi d'un réveil.
Frederik Snyder attribue à l'état de rêve une fonction de sentinelle périodique. Elle fait de cette période de sommeil un retour à un niveau de vigilance proche de celui de l'état d'éveil, souvent suivi de "micro-éveils".
Les animaux qui ont moins de sommeil rapide sont proies (tels le lapin et le mouton) plutôt que prédateurs (tels le rat et le chat). Leur réactivité au cours de l'éveil est supérieure à celle des animaux prédateurs qui, eux, ont plus de sommeil rapide et sont moins excitables au cours de l'éveil.
Snyder appuie son hypothèse par la constatation que, chez l'homme, le réveil pendant le sommeil lent s'accompagne d'une certaine confusion d'esprit, tandis qu'au contraire on est beaucoup plus dispos si l'on s'est réveillé lors d'une phase de rêve [surtout en fin de période de rêve, au moment du micro-éveil].
Sources :
- Le Sommeil et les rêves, Simon Monneret, éd. Retz, 1976.
- Neurophilosophie du rêve, Claude Debru, Hermann, 1990.
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Roffwarg, Muzio et Dement, en 1966, remarquant la forte prédominance de sommeil rapide chez le nouveau-né et chez le foetus, en ont conclu que ce sommeil devait être en rapport avec l'excitation du cortex. Le foetus ne pouvant recevoir de stimulations externes, de même qe le nouveau-né qui dort beaucoup, tous deux auraient besoin d'excitations internes qui leur seraient procurées par la phase REM. Il y aurait ainsi une sorte de bombardement du cortex cérébral en train de se former, par des stimulations internes (cf. S. Monneret).
Moins psychophysiologique, plus biologique est l'hypothèse de Roffwarg et Dement qui fait jouer au sommeil à mouvement oculaires rapides (MOR) un rôle de stimulation endogène et d'assistance à la structuration des circuits neuronaux au cours de l'ontogenèse.
Selon eux, le développement de l'imagerie onirique chez le nouveau-né s'exprimerait par des patterns d'activité oculomotrice proches de ceux de l'adulte. Etablis avant que le système visuel ne soit véritablement opérationnel, ils seraient l'expression d'une répétition à vide, d'une préparation à l'expérience visuelle.
Cette activité préparatrice correspondrait à un processus d'adaptation ou d'ajustement entre patterns de décharge oculomotrice issus du tronc cérébral et expérience visuelle élémentaire résidant dans le cortex visuel primaire. Contre cette hypothèse, Jouvet a fait valoir que le développement de l'architecture fonctionnelle du système visuel dépend d'une manière plus décisive d'un déterminisme génétique, mais aussi de l'expérience elle-même au cours d'une phase critique de la maturation postnatale.
L'hypothèse de Roffwarg et Dement ne concerne pas seulement la maturation du système visuel mais, plus largement, celle du système nerveux central. Sous cette forme, elle a exercé une influence considérable. Elle reste largement discutée et continue à susciter des travaux expérimentaux.
En faveur de cette hypothèse, Danièle Jouvet-Mounier a montré qu'il existe une relation entre la quantité de sommeil paradoxal et l'immaturité du cerveau à la naissance.
Danièle Jouvet-Mounier, qui a comparé les quantités de sommeil rapide chez le chat, le cobaye et le raton nouveau-nés, en déduit que le facteur de maturation à la naissance semble déterminer la proportion de sommeil-REM chez les mammifères nouveau-nés. En effet, le raton qui naît immature a beaucoup de sommeil REM, tandis que le cobaye qui naît presque à maturité en a très peu.
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Sommeil actif, le sommeil rapide pourrait être le siège de processus complexes comme le traitement, l'encodage de l'information reçue, préalable à sa mise en mémoire. Une activation du système nerveux permettrait la consolidation de configurations synaptiques mises en jeu au cours de l'éveil. Cette corrélation supposée entre le sommeil paradoxal et la mémoire a été étudiée de bien des manières, sans qu'aucune conclusion ferme ait pu être déduite. (C. Debru).
En 1932, le neurologue J. H. Jackson suggérait déjà que le sommeil avait un rapport étroit avec la mémoire. Il pensait en effet que le sommeil effectuait un tri parmi les souvenirs de la journée, qu'il effaçait ceux qui étaient superflus et sans intérêt et, au contraire, qu'il classait les souvenirs nécessaires à conserver.
Cette hypothèse, fondée sur une consolidation de la mémoire pendant le sommeil, a été souvent reprise sous diverses formes. Dans l'ensemble, les chercheurs pensent qjue le sommeil aurait un rôle dans le traitement de l'information, un peu comme un ordinateur; cela à la fois en emmaganisant l'information passée et en préparant l'individu à recevoir une information nouvelle. En effet, on peu supposer qu'à partir d'un certain seuil la mémoire serait trop encombrée pour recevoir de nouvelles informations, sans une période de répit qui lui permettrait ensuite d'assumer de nouveau son service. Ainsi les souvenirs à moyen terme seraient-ils enregistrés sur les circuits à long terme de la mémoire. Le sommeil semble bien une situation privilégiée pour effectuer cette organisaion des souvenirs, puisque la sensibilité aux excitations extérieures y est faible, et puisque les commandes corporelles sont bloquées.
Les connaissances actuelles sur les mécanismes du sommeil et se rôles apportent des preuves indirectes des hypothèses concernant cette fonction de mémorisation.
Tout d'abord, Greenberg a fait un rapprochement entre le ryhtme thêta de l'hippocampe (voir les notes *) qui se manifeste parfois pendant le sommeil REM et le fait que, dans la vie d'éveil, l'hippocampe est associé aux conduites de mémorisation et d'apprentissage.
Ensuite, les travaux sur la privation de sommeil prouvent qu'effectivement ce sont les processus d'attention et d'apprentissage qui sont atteints par le manque de sommeil. La privation de sommeil REM semble toucher plus spécifiquement l'individu qui a de nouvelles tâches à accomplir.
Lecomte, Hennvin et Bloch ont montré qu'un rat privé de sommeil REM devenait incapable de retenir longtemps ce qu'il avait appris. (S. Monneret).
En 1967, un chercheur des laboratoires de l'Armée de l'air américaine, Edmond Dewan, présenta une hypothèse originale sur la fonction du sommeil REM. Ce dernier serait relié à la programmation et à la reprogrammation du cerveau. Cet hypothèse est fondée sur une certaine analogie entre le cerveau et l'ordinateur. L'adpatation permanente du cerveau à des tâches nouvelles signifie l'activation de certains programmes et la remise en mémoire de certaines autres, en fonction dela situation du moment. Si l'on accepte l'idée que le système nerveux central contient de tels programmes qui sont inscrits dans son plan de câblage, alors il est nécessaire d'imaginer une fonction particulère qui assurerait cette adpatation, analogue à la programmation ou à la reprogrammation de l'ordinateur. Si une telle reprogrammation doit avoir lieu, c'est en dehors des périodes d'activité du système ou, comme on dit dans le langage des informaticiens, off line.
Ce rôle de traitement de l'information et l'analogie avec l'ordinateur me semblent tout à fait pertinentes. Pour une question de capacité limitée de stockage des informations (notre cerveau n'est pas extensible !), le langage souvent symbolique des rêves pourrait ainsi correspondre à la compression (condensation) nécessaire à l'encodage des données avant leur mise en mémoire. A noter que ce traitement des informations de veille semble s'opérer de manière progressive et de manière associative (analogique) à travers les différentes périodes REM, le rêve de fin de nuit étant le plus élaboré. (R. Ripert)
Le cerveau humain peut enregistrer environ un million de milliards de bits, soit infiniment plus que n'importe quel ordinateur. Mais à la différence de ce dernier, la mémoire humaine est sélective : elle ne garde que les informations potentiellement utiles.
Mémoire à court et à long terme
Deux types de mémoires coexistent selon la durée pendant laquelle le cerveau doit garder les informations. La mémoire à court terme, aussi appelée "mémoire de travail", nous permet de retenir quelque chose pendant quelques secondes (un numéro de téléphone par exemple), alors que la mémoire à long terme est constituée des souvenirs accumulés sur des années.
L'hippocampe, clé de la mémoire
Cet organe joue un peu le rôle d'une "imprimante", en faisant passer les données de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme. Il faut tout d'abord acquérir les données à "enregistrer" : c'est chaque zone spécifique qui va s'en charger, en fonction de la nature de l'information (image, son, odeur…). Mais l'hippocampe ne peut pas "stocker" les souvenirs. Ces derniers sont donc conservés dans le cortex (lobe pariétal, temporal et occipital).
La mémoire associative
L'hippocampe intervient à nouveau lorsqu'il s'agit de rassembler différents éléments; c'est la mémoire "associative". C'est ce même mécanisme qui entrerait en jeu lors des rêves : l'hippocampe incorporerait des événements récents à d'autres formes d'informations.
A très long terme, la mémoire parvient pourtant à se passer de l'hippocampe. Comment ? Les souvenirs sont des groupes de neurones qui s'excitent ensemble à chaque activation. Plus il est activé, et plus le circuit va devenir indépendant, et les connexions entre les cellules permanentes.
C'est le cas pour la parole, par exemple, ou pour la mémoire procédurale (marcher, faire du vélo…), localisée dans le cervelet et le cortex moteur (normal : au plus près des zones d'action concernées). Un souvenir est d'autant plus facile à retrouver que ses connexions sont nombreuses.
La mémoire spatiale demeure elle confinée dans l'hippocampe. Des cellules spécialisées présentes uniquement dans cet organe sont seules susceptibles de recréer une sorte de "carte mentale" de l'espace.
La maladie d'Alzheimer, qui se manifeste par une perte progressive des capacités mémorielles, commence par une diminution de volume du quart de l'hippocampe. Puis ce sont les neurones de la zone limbique (qui s'occupent de faire le lien entre la mémoire à court terme et la mémoire à long terme) qui sont endommagés. Quand aux amnésies passagères, non liées à une lésion, les chercheurs pensent qu'elles seraient dues à une insuffisance temporaire de la circulation sanguine dans le tissu cérébral.
Source : http://www.linternaute.com/science/biologie/
De nombreux travaux ont montré que l’hippocampe est impliqué dans l’encodage, la consolidation des souvenirs et leur restitution, et joue un rôle d’indexation des différents éléments sous-tendant les souvenirs qui sont stockés dans un vaste réseau du néocortex.
Mais pendant combien de temps l’hippocampe joue-t-il un rôle dans ces mécanismes de consolidation ? Pour certains chercheurs la période de consolidation durerait quelques années, après quoi les représentations des souvenirs seraient «définitivement installées» dans le néocortex, et l’hippocampe ne serait plus utile à leur réactualisation. Pour d’autres, l’hippocampe interviendrait quel que soit l’intervalle de rétention.
Dans cette question depuis longtemps débattue intervient un élément clé, celui de la nature des souvenirs : pour les connaissances générales sur le monde (la mémoire des mots, des idées, des concepts) le rôle de l’hippocampe ne serait que temporaire; pour les souvenirs "épisodiques" (correspondant à des événements personnels), l’implication de l’hippocampe serait toujours nécessaire.
Ces deux théories ont été soumises à des études d’imagerie fonctionnelle qui n’avaient pas apporté à ce jour de preuves définitives en raison de limites méthodologiques.
L’équipe de Francis Eustache et de Pascale Piolino, de l’équipe Inserm E0218 «Neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine» à l’Université de Caen, a réalisé une étude en Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) qui conforte le rôle permanent de l’hippocampe dans la résurgence des souvenirs épisodiques.
Pour ce faire, des femmes âgées d’une soixantaine d’années et dont les souvenirs n’avaient pas été réactivés avant l’expérience en IRMf - à l’inverse des études réalisées jusqu’alors où les personnes étaient au préalable interrogées en vue de recueillir quelques traces de souvenirs personnels -, devaient réactiver, pendant l’examen d’imagerie, des souvenirs épisodiques à partir d’indices. Ces indices avaient été choisis au préalable avec la complicité de leur conjoint. Ces événements correspondaient à cinq grandes périodes de vie (depuis l’enfance et l’adolescence jusqu’à la période récente). Les couples retenus étaient unis de longue date.
Le caractère épisodique des souvenirs évoqués par les femmes qui se prêtaient à l’expérience était ensuite vérifié au moyen de différents questionnaires. Le réveil des souvenirs épisodiques a entraîné l’activation d’un vaste réseau impliquant notamment la région hippocampique, et cela pour toutes les périodes de vie. De surcroît, une corrélation a été bien observée entre la richesse du souvenir réactivé (détails, odeurs, couleurs, etc.) et l’intensité de l’activité hippocampique.
Ainsi, l’hippocampe est bien impliqué dans la récupération des souvenirs, quelle que soit leur ancienneté, pourvu que ceux-ci soient épisodiques. La rencontre de l’hippocampe et de la madeleine en quelque sorte…
Source : INSERM, 12/2/2007, http://www.inserm.fr/fr/presse/
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Par Frédéric Vladyslav
Une étude sur le fonctionnement de la mémoire humaine, publiée dans la prestigieuse revue Science, s'appuie sur des travaux menés sur les rêves d'amnésiques ayant joué à Tetris. Ce jeu au succès incontesté trouve des applications insoupçonnées !
Les gros joueurs le savent : il n'est pas rare qu'après des parties effrénées devant son écran, on en rêve la nuit. Partant de cette constatation, Robert Stickgold, chercheur au laboratoire de neurophysiologie de la Harvard medical school, a élaboré une expérience menée sur des patients amnésiques qu'il a fait jouer à Tetris, le célèbre jeu d'assemblage de formes géométriques. Le but était de comprendre comment le cerveau utilise les rêves pour organiser la mémoire. L'étude a donné lieu à une publication dans la revue Science.
Comme dans toute expérience menée scientifiquement, un protocole rigoureux a été observé. Trois groupes ont été constitués : les amnésiques, au nombre de 5, 12 "novices" ne connaissant pas le jeu, et 10 "experts" possédant à leur actif entre 50 et 500 heures de Tetris, mais n'ayant pas joué depuis plusieurs années. Les patients amnésiques souffraient tous d'une lésion de l'hippocampe, une région du cerveau.
Durant 3 jours, tous les "cobayes" jouaient deux heures dans la journée, une le matin, une le soir.
Comme on pouvait s'y attendre, le score des personnes souffrant d'amnésie ne s'est pas beaucoup amélioré au fil des parties, partant d'une moyenne de 537 points par partie à 884 à la fin. Ceci alors que les "novices" passaient de plus de 750 de moyenne à près de 4 000. Les parties des "experts" affichaient de leur côté 3 500 points au départ pour atteindre près de 4 500 au final.
Mais le plus intéressant survient dans la suite de l'étude. Trois des cinq amnésiques se sont souvenus avoir visualisé des images de Tetris chacun au total 8 fois sur les trois nuits, ce qui correspond aux résultats des autres groupes. "J'étais juste en train d'imaginer ces formes et d'essayer de les aligner", raconte un des amnésiques. Le deuxième rapporte avoir "pensé à des petits carrés descendant sur un écran et essayé de les mettre à leur place," tandis que le dernier dit avoir vu "des images sur le côté, je ne sais pas d'où elles venaient, j'aimerais m'en souvenir, mais elles ressemblaient à des blocs."
Aucun d'entre eux n'a été capable de faire le rapprochement entre ces images et le Tetris. Le matin, ils ne se souvenaient pas avoir joué la veille, mais décrivaient des rêves incohérents. "Un amnésique peut vous dire ce qu'il désire manger au petit déjeuner, en revanche il est incapable de vous dire ensuite ce qu'il a mangé", explique le docteur Stickgold.
Le chercheur a aussi demandé aux trois groupes de lui rapporter des pensées relatives à Tetris intervenues pendant le sommeil. Les "novices" et les "experts" avaient un score comparable, tandis que les amnésiques ne se souvenaient quasiment d'aucune évocation du jeu.
Une donnée importante de l'étude provient des "experts". Deux des cinq qui disent avoir vu des images de Tetris affirment que certaines provenaient d'anciennes versions du jeu auxquelles ils n'avaient pas joué depuis un an pour l'un et cinq pour l'autre.
Robert Stickgold estime que le rêve est un moyen pour le corps d'ordonner la mémoire, de classer les événements des jours précédents. Les rêves étranges décrits par les amnésiques pourraient selon lui être dus à l'incapacité pour le cerveau de croiser la mémoire récente avec celle plus ancienne, absente dans leur cas. Ce qui l'amène, dans les conclusions de son étude, à affirmer que ces résultats confirment un peu plus l'existence de deux régions distinctes du cerveau jouant des rôle différents dans la mémoire.
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"J'ai proposé d'expliquer la fonction du rêve en considérant le fait que sommeil paradoxal apparaît chez les homéothermes au moment où cesse la neurogenèse, c'est-à-dire l'organisation génétiquement programmée du système nerveux central, alors que chez les poïkilothermes, les animaux à sang froid, il n'apparaît pas parce que la neurogenèse ne s'interrompt pas. Prenez une carpe de 60 ans, son cerveau se divise encore.
Chez les homéothermes au contraire, passé le 21ème jour pour le raton et le chaton, et le 3ème mois pour l'homme, toutes les cellules nerveuses cessent de se diviser. Autrement dit, chez les animaux à sang chaud, il n'existe aucun système neuronal d'entretien des données héréditaires contenues dans les cellules nerveuses.
D'où mon hypothèse que le sommeil paradoxal aurait pour fonction de relayer la neurogenèse, en assurant la programmation génétique de l'individu. Non pas la programmation des comportements instinctifs de l'espèce, qui sont mis en place une fois pour toutes lors de la neurogenèse, mais celle des comportements spécifiques de l'individu. Les rêves seraient des moments de reprogrammations génétiques de l'individu, qui maintiendraient fonctionnels les circuits synaptiques responsables de son hérédité psychologique, celle qui est responsable de ses réactions idiosyncrasiques." (Michel Jouvet)
in Science et Avenir, Hors-Série, Le Rêve (1996)
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A quoi servent les rêves (selon cet Insitut) ?
Des résidus sans cohérence ne servant pratiquement à rien !
«La fonction que l’on attribue aux rêves préoccupe les hommes depuis bien longtemps. Avertissement des dieux dans l’Antiquité ou messages prémonitoires dans de nombreuses civilisations, les rêves exprimeraient pour les psychanalystes l’équivalent de l’accomplissement d’un désir refoulé, traduit de façon symbolique.
Les "cliniciens du sommeil" [ ?] accordent peu de valeur aux contenus des rêves qu’ils considèrent comme "des résidus sans cohérence" [sic] ou des contenus de la mémoire mis à jour au hasard par les processus qui s’effectuent au cours de cet état.
Le rêve se caractérise par des images très détaillées associées à un ou plusieurs scénarios, comportant des scènes, des personnages, des dialogues, des émotions. Le contenu est plus ou moins ordonné et logique et parfois profondément bizarre. Ceci a été rapporté à un fonctionnement non coordonné des deux hémisphères du cerveau.»
Article non signé, sur le site de l'INSV, le 18/2/13.
Institut National du Sommeil et de la Vigilance
7, rue Corneille 75006 – PARIS
Tél : 33 (0)1 48 56 27 87
Mail : [email protected]
Président : M. Damien Léger
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