Le Rêve lucide - Page 4

 

LES HALLUCINATIONS

 

I - HALLUCINATIONS DU SOMMEIL ET DU RÊVE

II - HALLUCINATIONS ENGENDREES PAR LES PLANTES HALLUCINOGENES

III - HALLUCINATIONS LIEES AUX MALADIES MENTALES


TERMINOLOGIE

 

Définition

En latin, hallucinatio signifie égarement, erreur, tromperie. En 1838, le psychiatre français Jean-Étienne Esquirol définit le terme comme une « perception fausse ou sans objet », sens qui a survécu jusqu'à aujourd'hui. La version la plus récente du dictionnaire des maladies mentales – DSM IV – définit une hallucination comme une perception sensorielle qui a l'apparence de la réalité, mais qui se produit sans stimulation extérieure de l'organe sensoriel associé à l'hallucination.

 

Hallucination et illusion, deux termes synonymes ?

Analysant la thèse de son concurrent, Albert Lemoine, Léon d'Hervey considère qu'il est inutile de vouloir distinguer les hallucinations des illusions. Comme il l'écrit (2) :

M. Lemoine [Albert] veut établir une distinction entre les mots illusion et hallucination. «L'illusion, dit-il, a lieu lorsque notre esprit apprécie une sensation produite par un objet extérieur; l'hallucination, lorsqu'il rapporte à un objet extérieur (qui n'existe pas) une sensation produite par un ébranlement organique interne.»
D'après ce système, il me semble que ne pourrait guère avoir, en songe, autre chose que des hallucinations. J'userai, pour ma part, indifféremment de ces deux expressions; et, de même que pour les mots rêve et songe, j'adopterai purement et simplement la synonymie que le dictionnaire de l'Académie leur attribue.

1. Du sommeil au point de vue physiologique et psychologique, Lemoine (Albert) J. B. Baillière, Paris, 1855, p. 97 (fonds Oniros n° 104)

2. Les Rêves et les moyens de les diriger, éd. Oniros, p. 121, note 4 (renvoi à la page 92 de l'ouvrage).

 

 

Le point de vue de Brierre de Boismont

Des hallucinations dans les rêves.

L'étude des rêves a sa place marquée dans l'histoire des hallucinations; médecins et philosophes, tous ont, en effet, constaté les nombreuses analogies qui existent entre les hallucinations des rêves et celles de l'état de veille. Ces analogies ont porté les partisans exclusifs de l'hallucination pathologique à considérer le rêve comme identique avec la folie et à ranger ces deux ordres de phénomènes dans la même catégorie.

Telle est l'opinion soutenue par M. Moreau (de Tours) dans son mémoire sur le Délire au point de vue anatomique et anatomo-pathologique (1).


Il y a, cependant, cette différence que si, dans les deux cas, les chevaux sans guide emportent le char, le cocher est ivre dans la folie, tandis qu'il sommeille dans les rêves.
Accidentelles, passagères, durables, Ie plus souvent morbides dans les dernières catégories que nous venons d'examiner, les hallucinations sont permanentes dans les rêves dont elles constituent l'élément principal. Les anciens, et surtout les Grecs, observateurs sagaces et profonds, avaient imaginé un palais à deux portes, l'une d'ivoire par laquelle sortaient les songes vrais, l'autre de corne par laquelle s'échappaient les songes faux. Sous cette ingénieuse fiction, il nous semble retrouver la division naturelle des rêves en physiologiques et pathologiques, que nous ayons toujours soutenue, comme celle des hallucinations.
Si l'identité du rêve et de Ia folie était admise, il en résulterait que personne n'échapperait à cette affligeante maladie, car ceux qu'elle aurait épargnés pendant le jour, en seraient plus ou moins attaqués pendant la nuit. L'absolutisme de cette proposition en est la meilleure réfutation. Le rêve, dans la grande majorité des cas, est un état naturel, il se présente comme la continuation du principe intelligent, et il suffit pour s'en convaincre de l'étudier dans le sommeil, et de rapporter les exemples nombreux, d'ouvrages, de plans, d'actes conçus et exécutés pendant cette période.
Il n'est pas, à la vérité, de parallèle qui prête plus à l'illusion que celui du rêve et de la folie. Aussi n'est-il pas étonnant que des esprits distingués aient conclu à l'identité de ces deux états. Les expériences faites avec le haschisch et racontées d'une manière très pittoresque par M. Moreau, ont dû nécessairement l'entraîner dans cette direction d'idées. Pour moi, je trouve si délicat de chercher à pénétrer la nature psychologique de l'homme à I'aide de substances introduites dans son économie, ou d'expériences faites sur les animaux, et cette doctrine me paraît avoir de telles affinités avec l'hypothèse de la chimie organique, qui , nous promettait une nouvelle édition de la création que je laisse entièrement ce sujet de côté. Certaines propositions, par I'espèce de répulsion qu'elles font naître, ne prouvent-elles pas qu'il y a au fond des âmes, d'après la remarque de M. Bousquet «comme une prescience de la vérité ? C'est un témoignage intérieur, un cri de la raison qui dépose pour elle-même conte les pièges que lui tend l'esprit de système.
Cet éloignement instinctif s'appuie d'ailleurs sur des faits et des raisonnements. Le docteur Collineau a très bien remarqué que la mémoire s'exerce dans les songes sans le consensus général des sens (du moins dans le plus grand nombre des cas), et que dans la folie, au contraire, tous les sens sont en action. Le fou, agit physiquement sur les faits réels, le rêveur ne peut agir que mentalement sur les sujets de sa pensée. L'état de repos du corps, constitué par la cessation plus ou moins complète des fonctions des organes, des sens et du mouvement, tandis que la vie végétative, dont les impulsions ne sont plus contrôlées est, au contraire, prédominante place l'esprit dans des conditions différentes de l'état de veille
cesse-t-il pour cela d'être lui-même, tombe-t-il dans les égarements de la folie ? C'est ce qu'il importe d'examiner. I1 est de la dernière évidence que I'esprit ne peut se montrer toujours actif et s'exercer continuellement sur une même suite d'idées; il a besoin, pour se reposer, d'errer sur des successions d'idées mobiles, fugaces, variées, procédé dont nous avons à chaque instant I'application sous les yeux, et en vertu duquel on se délasse d'une forte contention par un travail différent. Le songe est, dans ce cas, le sommeil de la pensée qui se repose en rêvant, comme le corps eu dormant.
G'est là le but du rêve; l'esprit se détend alors, comme il le fait dans les rêveries de la veille; Mais ici une distinction importante existe entre la rêverie du repos et celle des penseurs, qui n'est que l'attention portée à son plus haut degré. Si Newton a brûlé le doigt de sa maîtresse, c'est que la volonté était nulle d'une part, tandis qu'elle était trop forte d'une autre. La méditation et la réflexion ne sont pas de ces états d'instinct auxquels on se laisse aller malgré soi.

 

(l) Moreau de Tours, Du délire au point de vue pathologique et anatomo-pathologique, rapport lu à I'Académie de médecine, le 8 mai 1855, par M. Bousquet. -— De l'identité de l'état de rêve et de la folie (Annales méd.-psychol., 3e série, t. 1, p. 361, 1855.)

 


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