IT IS TWO AND A HALF MINUTES TO MIDNIGHT
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Couverture du N° 32 de la revue Oniros - 4e tr. 1990 - 1er tr. 1991
Yves Cochet : « La fin du monde, c’est demain matin »Le Courrier de l'ouest, 9/8/19 Ancien ministre de l’Environnement, Yves Cochet est à Saint-Lezin, dimanche 11 août. Invité au festival « Sans transition ? », il évoquera l’après-fin du monde, qu’il imagine inéluctable.EntretienAutant commencer par la fin du monde. Est-elle proche ? Yves Cochet : « Oui. D’après ce que nous estimons, les quelques collapsologues qui nous réunissons au sein de l’Institut Momentum, ce sera entre 2020 et 2040. Ce n’est pas demain, c’est demain matin. Entendons-nous bien sur la fin du monde, c’est l’effondrement systémique et mondial. Il s’agit de l’ensemble de la planète. Ce n’est pas une catastrophe locale, comme Fukushima, Katrina ou Tchernobyl. » C’est environnemental ? Économique ? « Ça concerne tous les domaines de la vie intellectuelle, civile et militaire, aussi bien les politiques que les télécoms, l’armée, l’énergie, l’alimentation, l’agriculture… Quelque chose de très global et de très bouleversant. » Qu’est-ce qui vous permet de le penser ? « Depuis une dizaine d’années, nous avons lu des articles scientifiques dans des revues comme Nature ou Science. Ou bien les rapports des scientifiques, le plus connu étant ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le dérèglement climatique. Il y a aussi le rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) sur l’érosion de la biodiversité. Il montre des chiffres alarmants, aussi bien sur l’évolution du climat, de la météo – on l’a vu cet été – que sur la biodiversité. » Est-ce une manière d’alerter la population ou est-il vraiment trop tard ? « Il est trop tard pour éviter cet effondrement, hélas dramatique en termes de disparition des populations humaines. On a connu des grands drames avec les deux guerres mondiales du XXe siècle, mais là, ça sera pire. Bien sûr, nous essayons d’informer : conférences, livres, interviews… Le fait que ni les politiques, ni les économistes, ni la population n’y croient vraiment, ce n’est pas par manque d’informations. Le phénomène est tellement important qu’il est irreprésentable, inimaginable. Personne ne peut y croire. » Vous suivre, c’est faire le deuil du monde tel qu’on le connaît… « Ah oui. Prenons un exemple concret. Je pense qu’en 2035-2040, des villes comme Paris seront inhabitables. » Pourquoi ? « Parce qu’il n’y aura pas d’internet, d’électricité, d’eau potable… Ça change la vie. Il n’y aura pas un État dans le monde qui sera debout. Ni les États-Unis, ni l’Union européenne… Pas un État n’aura les moyens de contrôler les armes, de levers des impôts, de faire respecter la loi… » C’est une vision très noire. Croire en l’effondrement va-t-il de pair avec le pessimisme ? « J’essaye de ne pas faire de sentiments, de regarder les faits et les données les plus objectifs qui soient. Notre scénario est bien plus rationnel que tout autre qui vous dit qu’en 2050, il y aura beaucoup de nucléaire, d’électricité, de voitures électriques autonomes… » Alors, à quoi bon continuer de vivre ? « Le scénario grave est inévitable mais on peut plus ou moins réduire les conséquences humaines. L’ONU pense qu’on sera 10 milliards sur terre en 2050. Je pense qu’on sera, peut-être, 2 à 3 milliards. Mais si j’arrive, grâce à mon action, mes propos, à sauver quelques vies… Par exemple, en proposant aux personnes de faire des Colibris, des biorégions résilientes – c’est-à-dire des organisations très locales qui tiennent sur la démocratie, le féminisme, la permaculture, les énergies renouvelables – eh bien, oui, il pourrait y avoir quelques havres de paix. » Des façons d’adoucir la note… « Voilà. Ça va être affreux mais s’il y a quelques morts en moins, on aura réussi notre vie. » Qui s’en sortira le mieux ? Les moins favorisés seront-ils les premiers à payer cette note ? « Ça, c’est un cliché, même chez mes copains écolos. C’est une sorte de parallèle avec la lutte des classes. […] Là, ça va toucher tout le monde. Que vous soyez Rockefeller (estimé comme l’homme le plus riche de tous les temps, NDLR) ou Macron. Ce n’est pas ça qui va vous apporter de la nourriture et de l’énergie. » Vous avez 73 ans, été député, député européen, ministre de l’Environnement. Vous considérez-vous comme en partie responsable ? « Pas du tout. S’il y a bien quelqu’un qui, depuis mai 1968, a essayé de lutter pour l’écologie, une vie plus simple, sans nucléaire, sans énergies fossiles, sans agriculture productiviste avec du glyphosate et toutes ses saloperies de pesticides… Bien sûr que j’ai profité, comme les autres, du mode de vie européen contemporain. J’ai une voiture, par exemple. » Au festival « Sans transition ? », à chaque jour son époque. Vous intervenez dimanche, qui correspond à l’année 2050. Comment l’imaginez-vous ? « On arrivera à réduire le malheur général. Il y aura des biorégions, des cités États, comme à la Renaissance. La vie sera essentiellement locale. Local, ça peut être 50 personnes, 5 000, 2 millions… Ça dépendra de la géographie. » Vous-même êtes préparé avec votre maison en Bretagne. « Plus ou moins. Je ne me fais pas d’illusions sur le fait que je n’échapperai pas, ou ma famille, à l’effondrement général. Ce qu’il faut, c’est faire la paix avec ses voisins. Soit s’entre-tuer, soit s’entraider. » Vous avez un plan d’eau, une calèche… « Oui, on a des bidons, on recueille l’eau de pluie, on a un puits manuel. Cela fait 13 ans qu’on est installé. Mais c’est juste pour se rassurer. C’est un exemple de ce qu’il faudrait faire à échelon local : utiliser des « low techs », des basses technologies, facilement réparables. À part quelques illuminés comme moi, personne ne s’y prépare. Mais on ne le fait pas à l’américaine, comme les survivalistes, avec des boîtes de conserve et une carabine Winchester. »
BIO EXPRESSYves Cochet est né le 15 février 1946. Aujourd’hui président de l’Institut Momentum (« thinck tank » ou laboratoire d’idées), il a été l’un des fondateurs des Verts. Il en a été le porte-parole jusqu’en 1986, puis de 1992 à 1997. Élu au Parlement européen en 1989, il a aussi été député de 1997 à 2012. Ministre de l’Environnement pendant un an, de 2001 à 2002, il a échoué de peu à l’investiture à l’élection présidentielle lors de la primaire des Verts en 2007.
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