CONTRE LES SECTES

A commencer par la première d'entre elles :

LA SECTE PENTAGONISTE

 

 

Le Pentagone

siège du "DOD"

(Department of Defense)

 

Cliquer pour agrandir la photo

 

Le Pentagone est un bâtiment qui se trouve à Arlington (Virginie), près de Washington, D.C., la capitale fédérale des États-Unis d'Amérique. Cet édifice abrite le département de la Défense des États-Unis. Plus de 26 000 personnes y travaillent, parmi lesquelles des civils et des militaires. On lui donne ce nom en raison de sa forme de pentagone.

Cet immeuble de 5 étages, inauguré le 15 janvier 1943, est le plus vaste immeuble de bureaux du monde, avec ses 28 km de corridors.

Constitué de 5 anneaux concentriques, il a été construit avec du béton renforcé par une armature d'acier. La façade de la section atteinte par l'attentat du 11 septembre 2001 venait d'être renforcée pour résister à une attaque terroriste (par du kevlar et des poutrelles d'acier).

Le département de la Défense des États-Unis (United States Department of Defense, DoD ou DOD) est le ministère du gouvernement des États-Unis chargé de commander aux forces militaires du pays, en temps de guerre et en temps de paix.

Son directeur est appelé le secrétaire à la défense, et fait partie du cabinet présidentiel. Son siège se trouve au Pentagone à Arlington, en Virginie, près de Washington D.C.

Ce département a été créé par la fusion du département de la Marine et du département de la Guerre en 1947 sous la présidence de Harry Truman.

Le département de la Défense chapeaute aujourd'hui les départements de la Marine (US Navy), de l'armée (US Army), de l'armée de l'air (USAF) et de l'infanterie de marine (US Marine Corps). Il a aussi sous son commandement l'état-major interarmée, les commandements militaires, ainsi que les diverses agences de défense, telle la Missile Defense Agency qui s'occupe du bouclier anti-missile.

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

-

L'ex n° 2 de la secte : Paul Wolfowitz,
le patron de la Banque mondiale.


Accusé de népotisme, le patron de la Banque mondiale est de plus en plus isolé


Euronews - 10/5/7 - La Banque mondiale est en crise depuis maintenant un mois, et son président Paul Wolfowitz de plus en plus sur la sellette. Il est accusé de népotisme. Conséquence : un de ses conseillers a déjà démissionné, et de nombreuses voix réclament que Wolfowitz fasse de même à présent. Ainsi aux Etats-Unis, plusieurs élus démocrates déplorent la perte de crédibilité de l'institution bancaire internationale. Ils ont ainsi écrit au président George Bush pour qu'il trouve une solution.
Paul Wolfowitz est accusé d'avoir favorisé sa compagne au sein de la Banque, en lui obtenant un salaire annuel de près de 200 000 dollars. L'homme affirme qu'il est victime d'une campagne de dénigrement, et le président américain le soutient à son poste.
Paul Wolfowitz est un proche de George Bush, il était numéro 2 du Pentagone entre 2001 et 2005.
Il a ensuite été propulsé à la tête de la Banque mondiale, un organisme dans lequel les Américains exercent traditionnellement une forte influence.

 

*

Paul Wolfowitz a violé les règles d'éthique de la Banque mondiale,
selon le rapport d'une commission d'enquête

   

WASHINGTON (AP) - 15/5/7 - Une commission spéciale de la Banque mondiale a conclu dans un rapport publié lundi que le président de l'institution, Paul Wolfowitz, a violé les règles d'éthique de la Banque en accordant une augmentation et une promotion à sa compagne. Selon ce rapport, le comportement de M. Wolfowitz a mené à une "crise du leadership" de l'institution.
La commission recommande que le conseil d'administration de la Banque mondiale tranche sur la question de savoir si le président "sera capable de fournir le leadership" nécessaire pour que l'institution puisse mener à bien sa mission de lutte contre la pauvreté dans le monde. Le conseil d'administration décidera donc du sort de M. Wolfowitz.
Ses 24 membres ont déjà discuté de plusieurs options disciplinaires, dont le renvoi, l'appel à la démission, un vote de non-confiance, ou une simple réprimande. Le conseil pencherait vers le vote de non-confiance ou une autre forme de critique sévère, qui pourrait, de fait, contraindre M. Wolfowitz à démissionner. L'intéressé doit se présenter devant le conseil d'administration mardi pour une audition à huis clos. La décision du conseil pourrait intervenir dès mardi, ou mercredi.
L'affaire concerne l'augmentation salariale et la promotion accordée en 2005 à sa compagne Shaha Riza, qui travaillait pour la Banque mondiale. Elle avait été réaffectée au Département d'Etat américain pour éviter un conflit d'intérêt à l'arrivée de M. Wolfowitz, mais continuait de percevoir un salaire de la Banque mondiale.
La commission spéciale a conclu dans son rapport que l'implication de M. Wolfowitz dans l'élaboration des détails de cette augmentation salariale "a dépassé les conseils informels" qui lui avait donnés le comité d'éthique de la Banque. Selon la commission, M. Wolfowitz s'est "de fait engagé dans un conflit d'intérêt".

-

Théoricien de la violence
Paul Wolfowitz, l’âme du Pentagone


par Paul Labarique

Source :


Depuis trente ans, Paul Wolfowitz participe à presque tous les cabinets civils du Pentagone. Intellectuel brillant, disciple de Léo Strauss, il justifie de la guerre par l’extension de la démocratie de marché [sic]. Il s’est fait une spécialité d’inventer des menaces imaginaires pour justifier de nouveaux crédits et de nouvelles aventures. Il a théorisé les interventions préventives et l’intimidation des « compétiteurs émergeants ». N’hésitant pas à s’ingérer dans la tactique militaire, il a imposé ses conceptions aux officiers de terrain.

La position particulière de Paul Wolfowitz dans l’espace public états-unien, entre le champ politique et le champ universitaire, lui permet d’être à la fois proche des théoriciens du régime Bush, tout en y occupant des fonctions exécutives, au sein du département de la Défense.

Le fils de son père

Paul Wolfowitz est le fils de Jacob Wolfowitz, un juif polonais né à Varsovie, dont les parents ont émigré à New York lorsqu’il avait dix ans. Diplômé du City College de New York, Wolfowitz père obtient un doctorat en mathématiques à l’université de New York et devient dans la foulée l’un des meilleurs experts états-uniens en théorie de la statistique. Il est alors très proche du mathématicien hongrois Abraham Wald. Politiquement, Jacob Wolfowitz est un sioniste convaincu, engagé par ailleurs dans des organisations opposées à la répression soviétique des minorités et des dissidents.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jacob Wolfowitz effectue des études pour l’armée états-unienne, au sein du département de statistique de l’université de Columbia. C’est à cette époque que naît Paul, en 1943. En 1957, la famille déménage en Israël, après que Jacob Wolfowitz eut accepté un poste à l’Université Technion. Paul réussit lui aussi des études brillantes : étudiant en mathématiques à l’Université de Cornell, il s’intéresse rapidement à l’Histoire et à la science politique. Il devient alors membre de l’Association Telluride, créée en 1910 par L.L. Nunn pour sélectionner l’élite universitaire de Cornell, comme cela se pratique sur la plupart des campus états-uniens [1]. C’est au sein de ce groupe qu’il est amené à rencontrer le philosophe Allan Bloom, qui multiplie les contacts avec les étudiants de Telluride, dont entre autres l’économiste Francis Fukuyama, le candidat à la présidence Alan Keyes, le spécialiste du renseignement Abram Shulsky, l’expert en soviétologie Stephan Sestanovich, et Charles Fairbanks, le spécialiste de l’Asie centrale.

Une éducation «straussienne»

Sous l’influence d’Allan Bloom, Paul Wolfowitz développe ses connaissances en sciences politiques, et son intérêt pour la philosophie de Leo Strauss [2], le mentor de Bloom. S’il choisit l’Université de Chicago pour effectuer son doctorat, c’est d’ailleurs parce que le philosophe allemand y enseigne encore.

Léo Strauss

Même si le maître quitte Chicago avant que Wolfowitz ne soit diplômé, et bien que le jeune homme ne se considère pas véritablement à l’époque comme un conservateur, il est aujourd’hui perçu comme un héritier intellectuel de Leo Strauss. En 2002, Jeane Kirkpatrick déclare ainsi dans une interview que, selon elle, « Wolfowitz reste une des grandes figures straussiennes » [3]. Il est vrai que le responsable états-unien axe son discours sur la fin de la tyrannie et la condamnation du Mal, sur la dichotomie dictature-démocratie, et sur les pouvoirs quasi-surnaturels qu’il accorde aux dictateurs, qui seraient capables, par malice, de tromper les démocraties libérales. Une argumentation élaborée pendant les dernières années de la Guerre Froide, qu’il reprendra ensuite à propos de l’Irak de Saddam Hussein.

Wolfowitz réfute aujourd’hui en partie le qualificatif de straussien. À Chicago, il s’est en effet trouvé un nouveau mentor, en la personne d’Albert Wohlstetter. Ce dernier, qui a étudié les mathématiques avec Jacob Wolfowtiz à Columbia, est alors le premier stratège nucléaire états-unien, membre de la Rand Corporation et théoricien de la vulnérabilité des États-Unis. Sous sa direction, Paul Wolfowitz rédige un mémoire sur les usines de désalinisation installées par Washington aux frontières d’Israël, de l’Égypte et de la Jordanie, officiellement pour impulser une collaboration entre Tel-Aviv et le monde arabe. Officieusement, l’un des produits dérivés du processus de désalinisation devait être du plutonium. Wolfowitz s’oppose, dans ce mémoire, à la nucléarisation du Proche-Orient, aussi bien du côté israélien que du côté arabe, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons : pour lui, si l’État hébreu venait à se doter de l’arme nucléaire, il provoquerait une course aux armements avec les pays arabes aidés par l’URSS, fragilisant ainsi sa position au lieu de la consolider.

Empêcher le contrôle des armements

Fort de ses connaissances en relations internationales, Paul Wolfowitz est envoyé à Washington à l’été 1969, pour y travailler au Committee to Maintain a Prudent Defense Policy (Comité pour le maintien d’une politique prudente de Défense), à la demande de Wohlstetter. Cet organisme, créé par deux grandes figures de la Guerre froide, Dean Acheson et Paul Nitze, respectivement secrétaire d’État et directeur de la planification du département d’État du président Truman, a pour objectif de convaincre le Congrès de la nécessité d’installer un bouclier anti-missiles, projet fermement combattu par plusieurs représentants états-uniens, notamment Edward M. Kennedy, William Fulbright, Albert Gore Sr, Charles Percy et Jacob Javits. Pour aider Nitze et Acheson dans leur combat, Wolfowitz est accompagné de Peter Wilson, un autre élève de Wohlstetter, et de Richard Perle, qui est alors fiancé à la fille de Wohlstetter. Les trois jeunes hommes mènent le combat de haute lutte, rédigeant des études scientifiques et distribuant des fiches techniques aux membres du Congrès. Ils organisent également l’audition du sénateur « pro-bouclier » Henry M. Scoop Jackson devant la commission sénatoriale consacrée aux questions d’armement. Un travail payant : à la fin de l’été 1969, les « faucons » l’emportent au Sénat par 51 voix contre 50. L’adoption du projet permettra ensuite à Nixon d’engager la négociation avec l’URSS sur le Traité des missiles anti-balistiques en position de force. Les discussions aboutiront à la signature de SALT I.

Henry «Scoop» Jackson

Cet épisode marque un tournant dans la politique de Défense états-unienne, puisqu’il s’agit de la première victoire des « faucons » depuis 1941 et le vote par le Congrès de l’extension de la conscription en temps de paix. De plus, le succès de Nitze et Acheson permet l’ouverture d’un débat concernant le bouclier anti-missiles, débat qui continue encore aujourd’hui. Surtout, il a renforcé les convictions de Paul Wolfowitz et Richard Perle en matière de désarmement : les deux jeunes gens ressortent de cette lutte politique avec une grande méfiance envers tout processus de contrôle de l’arsenal états-unien, convaincus qu’une telle politique est défavorable aux États-Unis, tant d’un point de vue stratégique que psychologique. Par ailleurs, la participation à une entreprise politique aussi délicate que celle qui leur a été confiée par d’éminents théoriciens de la Guerre froide leur promet un avenir radieux à Washington.

Alors que son camarade Perle s’engage immédiatement en politique, en devenant l’assistant au Sénat de Henry « Scoop » Jackson, Wolfowitz reprend un temps ses études à Chicago, où il achève son doctorat. Mais les sirènes de Washington le rappellent bien vite : en 1973, l’Agence pour le contrôle des armes et le désarmement subit une véritable purge, sous l’influence de Scoop Jackson qui soupçonnait l’ancienne équipe d’être trop disposée à négocier avec l’ennemi soviétique. Fred Iklé, un stratège « faucon » de la Rand, prend la direction du département. Sur la recommandation de Wohlstetter, il choisit de recruter Wolfowitz. Celui-ci devient rapidement son plus proche conseiller. Il rédige pour lui des notes sur le lancement des missiles et leur détection, travaille sur les négociations liées au contrôle des armements, et suit Iklé en tourné à Paris et dans les capitales européennes.

Henry Kissinger

Son plus haut fait d’armes date de 1974 et 1975 : pendant deux ans, il s’implique dans la campagne de pression menée par les États-Unis auprès de la Corée du Sud afin qu’elle renonce à un programme de développement de plutonium. Wolfowitz cherche à cette époque à remettre en cause la politique étrangère d’Henry Kissinger vis-à-vis de l’Union soviétique, et même plus largement, la vision statique du monde développée par l’admirateur de Metternich. Il souhaite, en réalité, incarner l’alternative intellectuelle de Kissinger. Pour cela, il fait venir à ses côtés certains jeunes universitaires tels que son ami Francis Fukuyama.

L’expert en création de menaces

Efficace dans son travail, qui consiste à faire du contrôle des armements une coquille vide, Wolfowitz est rapidement assimilé à ce qu’il convient d’appeler les experts « alarmistes », toujours utiles lorsqu’il s’agit de gonfler - voire de créer - une menace pour faire voter une augmentation du budget militaire. C’est donc naturellement qu’il est invité à participer à la fameuse « équipe B », créée en 1976 par le directeur de la CIA de Gerald Ford, George H.W. Bush, afin de réévaluer la menace soviétique, prétendument sous-estimée par les experts trop pantouflards de l’Agence [4]. Cette équipe B est présidée par Richard Pipes, le père de Daniel Pipes. Pour rendre leur rapport, ses membres décident de se fonder sur les déclarations publiques des dirigeants soviétiques, plutôt que sur les traditionnelles photos satellites. Sans surprise, leur estimation finale, parue fin 1976, assure que l’Union soviétique pourrait prochainement reprendre l’avantage dans la course aux armements, en vue d’établir « une hégémonie soviétique globale ». Wolfowitz réalise alors que sous couvert d’indépendance, il est possible de passer outre le travail réalisé par les agences de renseignement. Il aura recours à ce procédé à plusieurs reprises dans sa longue carrière politique.

L’avantage du statut d’expert, c’est qu’il a la réputation d’être « indépendant ». Wolfowitz ne fait donc pas les frais de l’arrivée au pouvoir de Jimmy Carter. Il faut dire que deux de ses plus proches alliés politiques, le sénateur Henry Jackson et Richard Perle, sont des démocrates. Il obtient donc un poste au Pentagone, où il est responsable des « programmes régionaux ». En réalité, il se charge d’évaluer les problèmes que pourrait rencontrer le Pentagone à l’avenir. Le secrétaire à la Défense, Harold Brown, lui demande notamment d’examiner les menaces pesant sur l’armée états-unienne dans le Tiers-Monde. Wolfowitz se focalise alors sur la région du Golfe arabo-persique, en créant un programme de recherche, le Limited Contigency Study. À l’époque, le premier choc pétrolier a alerté les États-Unis sur l’importance stratégique du contrôle des régions riches en ressources énergétiques, notamment l’Arabie saoudite.

1976 : la première «menace» irakienne de Paul Wolfowitz

Dans le cadre de sa nouvelle affectation, Paul Wolfowitz assiste à un séminaire de Geoffrey Kemp, un jeune professeur à la Fletcher School of Law and Diplomacy. Ce dernier affirme que les États-Unis se focalisent trop sur l’Europe et ne prennent pas assez au sérieux les conséquences d’une éventuelle percée soviétique dans le Golfe. Wolfowitz le recrute immédiatement au sein du Limited Contigency Study, tout comme Dennis Ross, alors un jeune spécialiste de l’Union soviétique et futur négociateur au Proche-Orient du gouvernement Clinton. L’équipe, dont les locaux sont au Pentagone, ne s’intéresse pas qu’à une possible prise de contrôle des champs pétroliers par l’URSS. Elle envisage également que cette OPA sur l’or noir soit réalisée par une puissance régionale du Golfe, en étudiant par exemple l’éventualité d’une attaque irakienne contre l’Arabie saoudite. La très forte improbabilité d’une telle opération ne gêne pas Wolfowitz : selon lui : « Il ne faut pas se focaliser exclusivement sur la probabilité d’un événement, mais aussi sur la gravité de ses conséquences ». Une méthode de travail particulièrement pertinente si l’objectif est non pas de se prémunir d’une menace, mais de la construire.

D’un point de vue militaire, les conclusions du programme d’études du jeune Wolfowitz sont limpides : les États-Unis doivent renforcer leur présence dans la région du Golfe, notamment en y construisant de nouvelles bases militaires. Il faut également se méfier de l’avènement d’une puissance régionale trop importante, telle que l’Irak ou, à l’époque, l’Iran. Une recommandation qui ne restera pas lettre morte : trois ans plus tard, la CIA renverse le shah devenu trop exigeant, lui préférant même un régime islamique anti-états-unien qu’elle estime pouvoir contrôler, avec le succès que l’on sait [5]. Il s’agit là d’une opération en totale rupture avec la politique mise en œuvre par Nixon et Kissinger, c’est-à-dire de faire de l’Iran un régime pro-occidental lourdement armé, garant de l’équilibre régional. Le renversement du chah provoque d’ailleurs, ce n’est pas un hasard, un regain d’intérêt pour le travail de Wolfowitz et de ses amis : subitement, le Pentagone cherche à établir des bases à Oman, au Kenya ou en Somalie, encourage les gouvernements amis du Proche-Orient à construire des aéroports plus importants et tente de renforcer sa présence dans le Golfe pour permettre un déploiement rapide. Un an plus tard, les troupes états-uniennes et égyptiennes mènent ensemble un exercice militaire baptisé Bright Star, tandis que les forces états-uniennes développent, d’une manière générale, des technologies militaires destinées au combat en zone désertique. Le jour de la prise de pouvoir de Ronald Reagan, le 20 janvier 1981, la nouvelle administration annonce la création du CENTCOM, le centre de commandement militaire états-unien au Proche-Orient.

La période «asiatique»

La place de Wolfowitz n’est pas assurée au sein de la nouvelle équipe de la Maison-Blanche. En effet, ayant participé à l’administration Carter et étant proche de personnalités dites « démocrates », son pedigree n’est pas blanc-blanc pour l’administration Reagan, très proche de l’extrême droite. Averti fin 1979 par Fred Iklé sur le danger de rester à son poste jusqu’à la fin de la campagne, Wolfowitz démissionne début 1980, et redevient professeur associé au sein de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies. Il n’en reste pas moins suspect pour la Maison-Blanche. Richard Allen, nouveau conseiller à la sécurité nationale, refuse au départ de le voir rejoindre l’équipe « Politique étrangère » de Ronald Reagan. Il faudra toute la persuasion de John Lehman, son ami et ancien proche de Wolfowitz sous Nixon, pour le convaincre de l’intérêt d’un tel recrutement. Puis au moment de sa nomination, c’est le sénateur Jesse Helms qui rechigne à donner son feu vert à celui qu’il voit alors comme un dangereux libéral. Wolfowitz invite alors le directeur de cabinet du sénateur, John Carbaugh, pour lui donner des gages de néo-conservatisme. Il obtient finalement le poste de directeur de la planification au Département d’État. Comme sous Carter, il est chargé d’élaborer une vision à long terme des évolutions géopolitiques, et du rôle diplomatique à jouer pour les États-Unis. Un poste à responsabilité, occupé par le passé par George Kennan, le théoricien de la Guerre froide. Wolfowitz recrute pour cela une équipe fournie : Scooter Libby, juriste de Philadelphie, l’économiste Francis Fukuyama, le conservateur afro-américain Alan Keyes, mais aussi Zalmay Khalilzad, qui a l’avantage de venir de l’Université de Chicago et d’être un ancien élève de Wohlstetter.

Zalmay Khalilzad

Certaines de ses recrues sont des démocrates, comme Dennis Ross et Stephen Sestanovich, proche d’Allan Bloom et ancien étudiant à Cornell, en même temps que Wolfowitz.

Les recommandations du nouveau responsable de la planification du département d’État sont en rupture avec la politique étrangère menée jusque-là par les États-Unis, et plus particulièrement sous Carter : Wolfowitz remet en cause le bien-fondé de la vente d’avions de surveillance AWACS à l’Arabie saoudite, réclame une prise de distance de Washington vis-à-vis de l’Organisation de libération de la Palestine de Yasser Arafat, et se montre un des plus virulents défenseurs d’Israël au sein de l’administration Reagan. Mais c’est sur le dossier chinois qu’il choque le plus : la doctrine Kissinger préconisait jusque-là de considérer la Chine comme un pays trop puissant pour être ignoré, avec lequel il faudrait nécessairement négocier pour s’en faire un allié objectif dans la lutte contre l’URSS. Selon un mode d’argumentation déjà rodé, Wolfowitz dénonce cette vision des choses. Selon lui, les États-Unis ont depuis trop longtemps surévalué l’importance de la Chine alors qu’elle est en réalité bien plus menacée par Moscou que ne le sont les États-Unis. C’est donc Pékin qui a besoin de Washington, et non l’inverse. Il n’y a aucune concession à faire à la Chine, bien au contraire. Un tel discours met naturellement hors de lui Alexander Haig, le secrétaire d’État de l’époque, ancien assistant d’Henry Kissinger. La rumeur gronde même pendant quelques jours d’un départ imminent de Wolfowitz. Il n’en sera rien. Le 25 juin 1982, c’est Haig qui est remplacé par George Shultz, consacrant la rupture de l’administration Reagan avec la doctrine Nixon-Kissinger et ouvrant, au passage, une voie pour les idées défendues par Wolfowitz. Ce dernier est promu au poste de sous-secrétaire d’État pour l’Asie orientale et le Pacifique. Il s’agit là du premier emploi de terrain pour le bureaucrate universitaire du Pentagone.

Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Wolfowitz entre en relation avec deux figures clés de l’administration Reagan sur l’Asie que sont Richard Armitage, qui représente le Pentagone, et Gaston Sigur, du National Security Council (Conseil pour la sécurité nationale, NSC). Les trois hommes, qui se réunissent tous les lundis, coordonnent ensemble la politique étrangère de Washington dans la région asiatique. L’un des plus épineux dossiers qu’ils auront à traiter concerne les Philippines, où ils organisent le retrait politique du dictateur Ferdinand Marcos en 1986. Alors que celui-ci a bénéficié jusque-là d’un soutien indéfectible de Washington, l’équipe « asiatique » de Ronald Reagan s’inquiète de voir le pays en proie à une opposition de gauche de plus en plus mobilisée. L’arrivée au pouvoir des « communistes » pourrait entraîner la sortie des Philippines du giron états-unien, occasionnant au passage la fermeture de deux bases de l’US Army installées sur l’archipel, la Clark Air Force Base et la Subic Bay Naval Station. Ils incitent donc Marcos à intégrer une partie de son opposition dans son gouvernement. En vain : le vieux dictateur est convaincu qu’il ne sera jamais « lâché » par Ronald Reagan, qui l’a reçu à plusieurs reprises à la Maison-Blanche. Il se trompe : les trois responsables Asie le chassent du pouvoir et mettent fin à la dictature au profit de la droite catholique et de l’Opus Dei.
Cet épisode ne révèle pas une préférence de Washington pour les régimes démocratiques. Il permet uniquement de constater que le Pentagone et le département d’État sont prêts à soutenir l’instauration d’un régime démocratique si le maintien d’une dictature risque d’entraîner la prise de contrôle du pays par les « communistes ». En cela, ce n’est pas en tant que pro-démocratie que Wolfowitz a choisi cette politique, mais bien en tant qu’anti-communiste.

De manière symptomatique, la gestion des Philippines est rapidement critiquée par Henry Kissinger, qui met en cause le revirement états-unien vis-à-vis de Marcos, un allié fidèle de Washington depuis longtemps. Selon lui, un tel « lâchage » pourrait entraîner une déstabilisation d’autres régimes autoritaires, tels que la Corée du Sud, la Thaïlande, ou encore l’Indonésie. Wolfowitz, en revanche, affirme que les États-Unis ne peuvent reprocher à l’URSS son autoritarisme et dans le même temps tolérer dans leur camp des pays non-démocratiques. Ce que semble proposer ici le diplomate états-unien, c’est un revirement complet de la politique étrangère états-unienne, sur la base de la « promotion de la démocratie ». Il n’en sera évidemment rien. Seuls les régimes autoritaires instables seront remplacés, et pas nécessairement par des démocraties. En bon garant de la stabilité régionale, Paul Wolfowitz est d’ailleurs nommé ambassadeur des États-Unis en Indonésie, jusqu’à la fin du second mandat de Ronald Reagan.

Retour en Irak

L’arrivée au pouvoir de George H.W. Bush ramène Wolfowitz à Washington, au même poste qu’au début de l’ère Regan : sous-secrétaire à la Défense, en charge de la politique du Pentagone, particulièrement sur les questions de désarmement, du Proche-Orient et du Golfe persique. Il y reprend son travail mené sous Jimmy Carter, en demandant une évaluation de la capacité états-unienne à défendre les champs pétrolifères saoudiens. Cette fois, l’éventualité d’une intervention soviétique est écartée, pour se focaliser sur les puissances régionales, au premier rang desquelles figure l’Irak.

Il y a fort à parier que la stratégie états-unienne qui a consisté à provoquer le régime de Saddam Hussein afin de le pousser à envahir le Koweït a été en partie élaborée par Wolfowitz. L’objectif d’une telle tactique était claire : elle permettait à l’armée états-unienne de se déployer massivement dans la région, et particulièrement en Arabie saoudite, mais aussi de réduire à néant la puissance accumulée par Bagdad, avec l’approbation de Washington, au cours des quinze dernières années. Plusieurs éléments permettent d’envisager la participation de Wolfowitz à l’élaboration d’un tel scénario : d’une part, son poste au Pentagone lui permettait d’être associé à de telles décisions ; d’autre part, la nécessité d’un déploiement de troupes états-uniennes dans la région était depuis longtemps une de ses principales préoccupations. Enfin, un épisode troublant a été raconté par Dennis Ross. Au cours d’un voyage effectué dans la région à cette époque, Ross a la surprise de voir son compagnon de route James Baker lui présenter des documents accréditant l’hypothèse (plus tard totalement infirmée) d’une attaque irakienne contre l’Arabie saoudite. Or, ces documents, il les connaissait déjà : il s’agissait d’une simple mise à jour de ses propres travaux de la fin des années 1970 pour le compte du Limited Contigency Study de Wolfowitz.

Les prises de position du sous-secrétaire à la Défense sont d’ailleurs extrêmement claires : il ne faut pas négocier avec Saddam Hussein le retrait des troupes irakiennes du Koweït, mais profiter de l’aubaine pour dévaster le pays. Avec Richard Cheney, il œuvre même à l’élaboration d’un plan d’attaque, conçu par Henry S. Rowen, membre de la Stanford Business School et du Hoover Institute, en alternative au plan du général Colin Powell, alors chef d’état-major interarmes, et du général Norman Schwarzkopf. L’avantage de ce plan, qui prévoyait le déploiement de troupes depuis l’Arabie saoudite jusqu’aux alentours de Bagdad, afin de forcer Saddam Hussein à se retirer du Koweït, était d’assurer la protection d’Israël vis-à-vis d’éventuelles frappes balistiques. Il sera finalement rejeté. Rejetée également, à la fin de la guerre, la position défendue par Wolfowitz de poursuivre plus avant le conflit, une fois les objectifs atteints. Cette fois, c’est le chef d’état-major interarmes Colin Powell qui obtient gain de cause, en expliquant que les États-Unis « sont en train de tuer des milliers de personnes », rapporte James Baker dans ses Mémoires. Le cessez-le-feu « prématuré » est une énorme déception pour Wolfowitz qui, selon certains, préconisait d’envoyer l’armée jusqu’à Bagdad. À la fin des années 1990, il affirmera que la poursuite des combats aurait peut-être favorisé un coup d’État, et donc la chute de Saddam Hussein. Il tire, en tout état de cause, une leçon politique de cet épisode : à l’avenir, il lui faudra mieux contrôler le pouvoir militaire, s’il veut atteindre ses objectifs stratégiques.

Nouvel ordre mondial

La chute de l’Union soviétique entre 1989 et 1990, qui doit amener à un redéploiement des forces états-uniennes de par le monde, donne lieu à l’élaboration d’une nouvelle doctrine pour les néo-conservateurs et Paul Wolfowitz. Les responsables de la Défense états-unienne doivent en effet justifier devant le Congrès le maintien des dépenses militaires, à l’heure où le principal ennemi s’est effondré. Wolfowitz et Powell, pourtant opposés par le passé, développent ensemble l’idée d’une nécessaire force minimale d’intervention de l’US Army, afin d’être en mesure de parer à toute menace éventuelle.

Mais l’essentiel de la doctrine Wolfowitz est élaborée en 1992, dans le cadre du Defense Planning Guidance. Ce document, qui a été commandé par Richard Cheney, alors secrétaire à la Défense, a en réalité été rédigé par Zalmay Khalilzad, l’assistant de Scooter Libby au Pentagone, sur la base de réunions auxquelles participaient, alternativement, Richard Perle, Andrew Marshall, Paul Wolfowitz, ou encore Albert Wohlstetter. Dans le document qui a fuité dans la presse, l’auteur évoque un nouvel « ordre mondial [...] au finale soutenu par les États-Unis », dans lequel l’unique superpuissance n’aurait plus que des alliances conjoncturelles, au gré des conflits. L’ONU et même l’OTAN seraient de plus en plus mises sur la touche. Plus largement, la doctrine Wolfowitz théorise la nécessité pour les États-Unis de bloquer l’émergence de tout compétiteur potentiel à l’hégémonie états-unienne, notamment les « nations industrielles avancées » telles que l’Allemagne et le Japon. Particulièrement visée, l’Union européenne : « Bien que les États-Unis soutiennent le projet d’intégration européenne, nous devons veiller à prévenir l’émergence d’un système de sécurité purement européen qui minerait l’OTAN, et particulièrement sa structure de commandement militaire intégré ». Les Européens seront ainsi priés d’inclure dans le Traité de Maastricht une clause subordonnant leur politique de défense à celle de l’OTAN [6], tandis que le rapport du Pentagone préconise l’intégration des nouveaux États d’Europe centrale et orientale au sein de l’Union européenne, tout en leur faisant bénéficier d’un accord militaire avec les États-Unis les protégeant contre une éventuelle attaque russe [7]

Après le scandale provoqué par la publication prématurée du document, Paul Wolfowitz se désolidarise un temps de sa rédaction, avant que le soutien de Dick Cheney à Khalilzad ne le convainquedes’y rallier. En réalité, l’assistant de Wolfowitz, Scooter Libby,qui va se charger de la seconde version du rapport, va même aller plus loin. S’il évite de désigner nommément l’Union européenne, il théorise explicitement la nécessité pour les États-Unis d’acquérir une supériorité militaire telle qu’elle décourage toutes les puissances émergentes de tenter de les concurrencer.

L’arrivée au pouvoir de Bill Clinton en 1992 renvoie Paul Wolfowitz à ses chères études. Il reprend son poste à la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies, où il développe ses théories sur l’obligation pour les États-Unis de conserver une « profondeur stratégique », un euphémisme qui renvoie au fait d’être la seule superpuissance mondiale. En 1996, il est choisi par Donald Rumsfeld, qui dirige la campagne présidentielle du candidat républicain Bob Dole, pour être le pourvoyeur d’idées en matière de politique étrangère.

Mais son obsession reste le Proche-Orient et le dossier irakien. Après avoir plusieurs fois regretté que l’armée US ne soit pas restée plus longtemps sur le sol irakien, afin de renverser Saddam Hussein, il écrit, en 1997, un article intitulé « Les États-Unis et l’Irak » dans lequel il préconise l’instauration d’un nouveau régime à Bagdad, sans préciser la manière d’y parvenir [8]. À la fin de l’année, il va même plus loin en co-signant un article avec Zalmay Khalilzad dans le Weekly Standard, le magazine des néo-cons. Le titre est éloquent : « Renversez-le », en référence au dictateur irakien [9]. À l’époque, il développe sa vision personnelle d’un renversement réussi, qui passerait par un soutien armé au sud du pays, puisqu’il affirme préférer travailler avec les opposants chiites qu’avec les Kurdes. Et il évoque déjà la nécessité de rallier les alliés récalcitrants, dont l’hésitation s’explique par le manque de détermination de l’administration Clinton. L’arrivée au pouvoir d’une équipe de « faucons » devrait donc avoir raison de ces réticences. D’autant que, selon lui, la Russie et la France devraient facilement se laisser convaincre par « le vent du pétrole ». Si ces prédictions se sont révélées fausses, la démarche de Wolfowitz a reçu sa consécration aux États-Unis, où, en 1998, de nombreuses figures éminentes du Parti républicain rallient le Projet pour un nouveau siècle américain dont l’une des premières revendications est la destitution de Saddam Hussein. Au même moment, Wolfowitz est invité à participer au Congressionnal Policy Advisory Board, monté au sein du Parti républicain par Martin Anderson pour permettre l’élaboration d’une politique étrangère néo-conservatrice, avec le soutien financier du Hoover Institute, de la Fondation Heritage et de l’American Entreprise Institute. Donald Rumsfeld et Dick Cheney y assistent régulièrement, tandis que Colin Powell est délibérément écarté, tout comme Richard Armitage.

Wolfowitz n’est pas en reste. Il participe, toujours en 1998, à la commission d’enquête du Congrès chargée d’examiner la réalité de la menace d’une frappe balistique sur les États-Unis, dirigée par Donald Rumsfeld. Sur le modèle de l’« Équipe B » montée par George H.W. Bush au milieu des années 1970, cette commission doit réexaminer les données fournies par les agences de renseignement et en proposer, si nécessaire, une interprétation différente. La communauté du renseignement états-unien avait en effet conclu, en 1995, qu’aucune puissance en dehors des États nucléaires déclarés n’aurait la possibilité de toucher le territoire états-unien avec un missile avant quinze ans. Il s’agissait donc pour le complexe militaro-industriel, et notamment les partisans du bouclier anti-missiles, au premier rang desquels figurent Paul Wolfowitz et Newt Gringrich, de remettre en cause ces conclusions jugées beaucoup trop optimistes. La commission fait parfaitement son travail : Donald Rumsfeld parvient à rallier le soutien des trois démocrates membres du comité, et notamment de Richard Garwin, officiellement opposé au bouclier antimissile. La commission accrédite ainsi l’idée d’une réelle menace de frappe balistique, en provenance de la Corée du Nord, de l’Iran et de l’Irak. En 1999, toujours dans le cadre du Projet pour un nouveau siècle américain, Wolfowitz signe une pétition en faveur de Taiwan, qui devrait, selon le texte, pouvoir bénéficier de la protection des États-Unis en cas d’agression chinoise.

Devenue une figure clé des néo-conservateurs, il est recruté par George W. Bush à l’automne 1998, afin de lui servir d’assistant sur les questions de politique étrangère, aux côtés d’une personnalité alors très proche du candidat républicain, Condoleezza Rice. Avec elle, il met en place l’équipe des « Vulcains », en référence au dieu romain qui forge les armes divines dans la profondeur des volcans. Spécialisée en relations internationales, l’équipe comprend huit membres : Rice et Wolfowitz, naturellement, mais aussi Richard Armitage, Richard Perle, Dov Zakheim [10], Stephen Hadley, Robert Blackwill et Robert Zoellick. Au même moment, une deuxième équipe, menée par Rumsfeld, est également créée dans le sillage de la campagne de George W. Bush. Son objectif : promouvoir le projet de bouclier anti-missiles. On y trouve plusieurs Vulcains (Rice, Wolfowitz, Hadley et Perle), mais aussi des personnalités extérieures telles que George Schultz ou Martin Anderson. La très grande implication de Paul Wolfowitz dans la campagne présidentielle de George W. Bush - qu’il briefe notamment avec Condoleeza Rice avant le débat télévisé avec Al Gore - mérite une récompense après la victoire finale. Celle-ci se concrétise par le retour au bercail de l’« enfant du Pentagone », cette fois en position de n°2.

Paul Labarique

[1] Voir « Skull and Bones, l’élite de l’empire », Voltaire, 8 juillet 2004.

[2] Leo Strauss n’a pas influencé uniquement des néo-conservateurs tels que William Kristoll, William Bennett, Paul Wolfowitz ou Francis Fukuyama. William Galston, l’un des intellectuels en vue du temps de la présidence Clinton, a suivi, comme Wolfowitz, les cours de Bloom à Cornell, puis ceux de Strauss à Chicago.

[3] Entretien avec James Mann, cité dans Rise of the Vulcans - The History of Bush’s War Cabinet, de James Mann, Viking, 2004.

[4] Voir « Les marionnettistes de Washington » par Thierry Meyssan, Voltaire, 13 novembre 2002.

[5] Voir Affaires atomiques, de Dominique Lorentz, Éditions les arènes, 2001.

[6] « La politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant pour certains États membres du traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». In Traité de Maastricht, titre V, article J4, paragraphe 4 .

[7] L’affaire est révélée dans « US Strategy Plan Calls For Insuring No Rivals Develop » par Patrick E. Tyler, in New York Times du 8 mars 1992. Le quotidien publie également de larges extraits en page 14 : « Excerpts from Pentagon’s Plan : "Prevent the Re-Emergence of a New Rival" ». Des informations supplémentaires sontapportées dans « Keeping the US First, Pentagon Would preclude a Rival Superpower » par Barton Gellman, in The Washington Post du 11 mars 1992.

[8] « The United States and Irak », par Paul Wolfowitz, in The Future of Iraq, ed. John Calabrese, Middle East Institute, 1997.

[9] « Overthrow him », par Zalmay Khalilzad et Paul Wolfowitz, Weekly Standard, 1er décembre 1997.

[10] « Dov Zakheim, la caution du Pentagone », par Paul Labarique, Voltaire, 9 septembre 2004.

*


« Connaissance totale de l’information »

L’œil du Pentagone


par Thierry Meyssan


18/11/2 - Le Congrès des Etats-Unis est appelé à légaliser cette semaine un projet titanesque de contrôle social à l’échelon planétaire. Si le programme TIA est adopté, les notions de frontières étatiques et de vie privée n’auront plus de sens.

Vous qui utilisez internet, vous n’ignorez pas que ce système a été initialement développé par une agence du Pentagone, l’ARPA. Voici plusieurs années que celle-ci a changé de nom pour devenir l’Agence des projets de recherche avancée de la défense (Defense Advanced Research Projects Agency - DARPA).
En février 2002, Donald Rumsfeld l’a dotée de 200 millions de dollars de rallonge budgétaire pour développer deux nouveaux bureaux : celui de l’exploitation de l’information (Information Exploitation Office - IEO) et celui de la Connaissance de l’information (Information Awareness Office - IAO).

L’IEO est chargé de déterminer les cibles des forces armées et de programmer des lanceurs et des munitions intelligentes pour les détruire. C’est cet organisme qui programme actuellement toutes sortes d’armes pour frapper 15 000 objectifs en deux semaines en Irak.

L’IAO, quant à lui, est un organisme de recherche. Il doit mettre au point des logiciels permettant d’observer les comportements individuels dans le monde entier, de repérer les attitudes suspectes, de les analyser et de déterminer les terroristes potentiels. Mais l’élaboration de ces logiciels ne peut être distinguée de leur usage expérimental, de sorte que ce bureau est appelé à devenir à terme une agence de renseignements, probablement la plus puissante au monde. Comme l’IAO ne dispose que d’un statut de sous-agence, la nomination de son directeur n’est pas soumise au contrôle du Congrès. Donald Rumsfeld a ainsi pu nommer l’amiral John Poindexter à sa tête.

Sorti major de l’Académie navale, en 1958, John Poindexter est un brillant officier. Il a été élevé par le président Ronald Reagan au grade de vice-amiral, puis choisi comme conseiller de sécurité nationale (1983-86). C’est lui qui introduisit les nouvelles technologies à la Maison-Blanche, notamment les vidéoconférences sécurisées, et qui étendit les pouvoirs du Pentagone en matière de surveillance électronique (National Security Decision Directive 145). Il se montra exceptionnellement déloyal à son pays. Il fut en effet, le principal artisan de l’Irangate, un vaste trafic d’armes international en violation des décisions du Congrès et prétendument sans l’aval du président. Pour obtenir la libération de sept otages détenus par le Hezbollah, l’amiral Poindexter et son adjoint, le lieutenant-colonel Oliver North, vendirent des armes à l’Iran via Israël. Pour financer l’opération, ils organisèrent un autre trafic d’armes, à destination cette fois de l’extrême droite nicaraguayenne, les Contras. Une grande partie était payée en cocaïne. Le 11 juin 1990, après plusieurs années d’enquête, Poindexter fut reconnu coupable de « complot, obstruction à la justice, destruction de preuves » et condamné à dix-huit mois de prison ferme. La sentence fut cassée par une juridiction supérieure pour un vice de forme dans les dépositions de témoins, mais la Cour suprême s’opposa à la révision du procès. Indépendamment de ses procès aux États-Unis, en 1989, il fut accusé par le gouvernement du Costa Rica d’être le principal dirigeant du trafic de cocaïne dans le pays. Il ne fut cependant jamais jugé au Costa Rica. Au cours des dernières années, John Poindexter rejoignit comme vice-président la société Syntek Technologies, située à proximité du Pentagone. Il y dirigea la construction du logiciel Genoa, capable d’explorer clandestinement les plus importantes bases de données informatisées.

L’IAO, dont la devise est «Sciencia est Potentia» (Savoir, c’est pouvoir), s’est doté d’un emblème para-maçonnique emprunté au billet états-unien. Il est organisé en huit unités principales :
 Genysis, chargée de rendre compatibles entre elles les informations collectées dans toutes les bases de données publiques du monde, quelles qu’en soient les logiciels. Directeur : Doug Dyer.
 Genoa II, chargée de continuer le développement du logiciel Genoa I d’exploration clandestine des bases de données informatisées.
 TIDES (« les marées »), chargée de traduire automatiquement en anglais toutes les langues du monde. Directeur : Charles Wayne.
 Extraction de preuves et découverte de liens (Evidence Extractation and Links Discovery - EELD), chargée d’interpréter les informations collectées selon des méthodes améliorées de data-mining. Directeur : Ted Senator.
 EARS (« les oreilles »), chargée de transformer en texte écrit les communications orales interceptées. Directeur : Charles Wayne.
 Bio-surveillance, chargée de collecter les informations susceptibles d’indiquer la dispersion d’agents biologiques. Directeur : Ted Senator.
 Identification humaine à distance (Human Identification at Distance - HID), chargée de développer les procédés biométriques, notamment les identifications nominatives de suspects dans une foule par des caméras intelligentes. Directeur : Jonathan Philips.
 Simulation des environnements asymétriques (War Gaming the Asymetric Environment - WAE). Directeur : Larry Willis.

Ces huit unités concourent à la création du plus gigantesque système de contrôle social jamais imaginé : la Connaissance totale de l’information (Total Information Awareness - TIA) : le Pentagone entend collecter, légalement ou clandestinement, toutes les bases de données informatisées possibles, publiques ou privées, états-uniennes ou étrangères. Il souhaite intégrer toutes les informations recueillies par les systèmes d’interception, principalement ECHELON. Il veut les traiter selon des méthodes dérivées du marketing commercial pour détecter les comportements individuels suspects, identifier les terroristes potentiels, et les frapper préventivement. L’amiral Poindexter estime que le programme sera opérationnel d’ici trois à cinq ans, mais de nombreux experts doutent que l’on puisse résoudre tous les problèmes techniques en un si bref délai. Pour accélérer les recherches, l’IAO a d’ores et déjà récupéré les ingénieurs de Syntek et signé des contrats de sous-traitance avec la SAIC et Raytheon.

Le TIA est déjà en cours de mise en œuvre. Sa légalisation est soumise au Congrès, lors du vote de la proposition de loi sur la Sécurité de la patrie (Homeland Security Act). Pour la première fois les parlementaires devront se prononcer sur un système de renseignement global, c’est-à-dire planétaire, surveillant de manière indifférenciée le territoire US et le reste du monde, les citoyens états-uniens et les étrangers. Mais aussi et surtout, un système face auquel la notion de « vie privée » n’a plus de sens.
Thierry Meyssan
Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.

*

Le Pentagone veut améliorer ses compétences dans la guerre contre "le terrorisme" [sic]

AFP - 5/12/8 - Le Pentagone a officialisé dans une directive l'importance stratégique qu'il donne à la "guerre irrégulière" l'opposant à des insurgés et des terroristes, au même plan que la "guerre conventionnelle" entre Etats.

Ce document, signé lundi par le vice-secrétaire à la Défense Gordon England, déclare que "la guerre irrégulière est stratégiquement aussi importante que la guerre traditionnelle", et affirme la nécessité d'"améliorer les compétences (du Pentagone) en matière de guerre irrégulière".

Ce type de conflit recouvre les activités de contre-terrorisme, de contre-insurrection ainsi que les "opérations de stabilité" dans des "pays fragiles", désormais définies comme une "mission-clé".

La directive préconise de "maintenir des capacités permettant au département de la Défense d'être aussi efficace en matière de guerre irrégulière qu'en matière de guerre conventionnelle".

Parmi les missions assignées dans cette directive de 12 pages, Washington doit notamment s'efforcer de renforcer les capacités militaires des pays partenaires, soutenir les nations menacées par des adversaires "irréguliers" [sic] ou encore "créer un environnement stable et sûr dans les Etats fragiles" afin d'empêcher la formation de sanctuaires extrémistes.

Cette directive formalise un changement déjà largement amorcé sur le terrain, à la lumière des leçons tirées depuis 2001 des conflits en Irak et en Afghanistan.

"Cela codifie les rôles et les responsabilités", a commenté un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman.

Cette réorientation avait déjà été formulée à l'été 2008 dans un document officiel intitulé "Stratégie de la défense nationale", approuvé par le secrétaire à la Défense Robert Gates.

"A l'avenir, gagner la guerre irrégulière contre les mouvements extrémistes et violents sera l'objectif central des Etats-Unis", soulignaient les auteurs de ce rapport.

Dans la revue Affaires Etrangères datée de janvier/février, M. Gates défend cette nouvelle stratégie, désapprouvée par certains militaires, qui s'inquiétent d'un déclin potentiel de la suprématie conventionnelle de l'armée américaine à l'heure de la montée en puissance militaire de pays comme la Chine ou la Russie.

"Nous ne devons pas nous focaliser sur la préparation à de futurs conflits conventionnels au point de négliger de fournir toutes les capacités nécessaires pour gagner le type de guerre mené actuellement par les Etats-Unis", écrit-il, en recommandant d'y consacrer un budget suffisant.

Un rapport du Commandement inter-forces américain sur les défis militaires des 25 prochaines années, publié jeudi, avertit également que les Etats-Unis devront sans doute faire face à un vaste spectre de conflits.

"D'ici les années 2030, les forces armées américaines "se retrouveront presque certainement engagées au combat" [sic], soit dans un conflit régulier ou dans une série de guerres de contre-insurrection", estime ce rapport, qui suggère de se tenir prêt à combattre sur les deux fronts.

"Les difficultés d'entraînement à des menaces de type conventionnel et nucléaire ne doivent pas mettre au second plan la nécessaire préparation pour mener une guerre irrégulière, comme cela s'est produit après la guerre du Vietnam", période à laquelle les Etats-Unis ont arrêté de se préparer à la contre-insurrection pour privilégier une approche traditionnelle, en pleine période de Guerre Froide.

 

*

Cyber-attaque contre le Pentagone :

les insinuations sur la piste russe sont "irresponsables" (MID)

Alterinfo - 5/12/8 - Le ministère russe des Affaires étrangères (MID) a qualifié jeudi d'insinuations les informations parues dans les médias sur l'implication de la Russie dans une cyber-attaque visant les systèmes du Pentagone.

"Les inventions sur l'implication russe dans les cyber-attaques des réseaux estonien et géorgien vont avec. Dans les conditions d'une informatisation globale et d'une menace croissante d'utilisation des technologies de l'information et de la communication dans des buts hostiles, les insinuations du genre restent sans preuves et témoignent d'une manque de responsabilité", stipule le communiqué du ministère russe.

Le président américain George W.Bush a reçu un rapport militaire sur une cyber-attaque visant tous les ordinateurs du réseau du Pentagone et qui aurait pu être organisée en Russie, avait écrit le 28 novembre le Los Angeles Times.

Cyber-attaque contre le Pentagone : la piste russe n'est pas exclue (journal)
28/ 11/ 2008- RIA Novosti.

Le président américain George W. Bush a reçu un rapport militaire sur une cyber-attaque visant tous les ordinateurs du réseau du Pentagone cette semaine, et qui aurait pu être organisée en Russie, écrit vendredi le Los Angeles Times.

Les réseaux du commandement suprême américain, l'état major de surveillance des opérations des troupes américaines en Irak et en Afghanistan, ont été endommagés au cours de l'attaque, a appris le président pendant une réunion extraordinaire organisée par des militaires américains et présidée par l'amiral Michael G.Mullen.

Les ordinateurs se trouvant dans les zones de conflit ont également été victimes d'une attaque.

Le Département de la Défense ne donne pas d'informations sur les dégâts causés, faisant cependant observer que le coup porté par les hackers a été "puissant".

En 2007, une cyber-attaque semblable avait mis hors service plus de 1.500 ordinateurs du Pentagone.

*

Obama, l’armée et la menace de la dictature aux Etats-Unis

 

par Bill Van Auken

 

Mondialisation.ca, Le 30 decembre 2008 - En choisissant l’amiral Dennis Blair en tant que directeur du renseignement américain, le président désigné Barack Obama a intégré à son cabinet trois officiers à quatre étoiles qui sont à la retraite depuis peu. Cette représentation sans précédent du corps des officiers au sein de la prochaine administration démocrate est une indication de la croissance du pouvoir politique de l’armée américaine qui menace sérieusement les droits démocratiques fondamentaux.

Commandant en chef de l’armée des Etats-Unis dans le Pacifique en 1999-2000, Blair s’est distingué par ses tentatives de rapprochement entre le Pentagone et l’armée de l’Indonésie au moment où cette dernière procédait à une véritable boucherie au Timor-Oriental. Cela a eu pour effet de contrecarrer complètement les inquiétudes tièdes qu’avait exprimées l’administration Clinton quant aux droits humains dans cette région du monde.

Avant de faire appel à Blair, Obama avait nommé l’ancien général de la marine, James Jones, au poste de conseiller à la Sécurité nationale et l’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Erik Shinseki, au poste de secrétaire aux Anciens combattants. On rapporte aussi que la prochaine administration pourrait demander au général à la retraite de l’Air Force, Michael Hayden, de demeurer au poste de directeur de la CIA.

Le Washington Post avait décrit samedi dernier cette concentration d’anciens hauts officiers dans l’administration comme une « tendance inhabituelle pour une administration démocrate, une tendance qui a surpris les deux camps politiques ».

Ces nominations ont été précédées par l’annonce que Robert Gates, le secrétaire à la Défense de l’administration Bush, allait demeurer à son poste au Pentagone, où de nombreuses « équipes de transition » sont à l’œuvre pour s’assurer que les guerres d’agression des Etats-Unis se poursuivent et que l’immense pouvoir de l’armée demeure illimité.

Plus tôt ce mois-ci Obama avait explicitement décrit sa soumission au Pentagone en déclarant, « Pour s’assurer la prospérité au pays et la paix à l’étranger, nous croyons tous qu’il faille maintenir l’armée la plus puissante de la planète. » A cette fin, il s’est engagé à augmenter les effectifs des forces terrestres américaines de 100 000 soldats et marines et a clairement fait savoir qu’il n’y aurait pas de coupures importantes au budget militaire. Ce dernier engouffre environ 850 milliards $ annuellement, dans des conditions d’énormes déficits et de crise financière qui s’intensifie.

Un élément de calcul politique se retrouve sans aucun doute dans la décision d’Obama de s’entourer de l’état-major de l’armée et de s’assurer qu’il soit perçu comme « soutenant nos troupes ». Il y a en effet l’amère expérience de la précédente administration démocrate. Le premier mandat de Bill Clinton était venu près d’être anéanti par sa confrontation avec l’état-major sur sa proposition de retirer l’interdiction d’accès des homosexuels dans l’armée. Clinton fut traité avec mépris par la majorité du corps d’officiers durant le reste de son mandat présidentiel.

Le risque d’une confrontation encore plus acerbe sous Obama est bien réel étant donné les conséquences désastreuses des guerres en Irak et en Afghanistan sur l’armée. On rapporte aussi le développement de l’illusion au sein du corps d’officiers que les échecs des opérations militaires américaines dans ces pays sont le résultat d’une « traîtrise » de la part des autorités civiles, des médias et de la population américaine elle-même.

Mais un processus encore plus fondamental sous-tend l’expérience Clinton et la prosternation d’Obama devant l’armée aujourd’hui : l’immense développement du pouvoir du «complexe militaro-industriel» contre lequel avait mis en garde le président Dwight Eisenhower près d’un demi-siècle plus tôt. Ce pouvoir a crû sans interruption durant toute la Guerre froide.

Au cours des sept dernières années de la soi-disant «guerre mondiale contre le terrorisme», le développement de ce pouvoir, parallèlement à l’augmentation du financement de l’armée, s’est accéléré, accompagné d’éléments de plus en plus sinistres liés à l’impérialisme américain et à son recours accru au militarisme pour contrer le déclin de sa position économique mondiale.

Les chefs militaires des commandements régionaux du Pentagone (CENTCOM, PACOM, SOUTHCOM et le nouvel AFRICOM) ont pour la plupart supplanté les ambassadeurs et les officiels civils en tant que représentants des intérêts et du pouvoir américains à travers le monde.

En menant deux guerres en Irak et en Afghanistan, le commandement militaire a maintenant la tâche de diriger des administrations néocoloniales, obtenant ainsi un pouvoir pratiquement illimité sur des populations entière.

Et de plus, avec la création de tribunaux et prisons militaires, comme à Guantanamo, l’armée a usurpé des tâches qui ont été historiquement dévolues aux tribunaux civils fonctionnant sous les règles de la Constitution des Etats-Unis.

Ces changements capitaux ont pris place alors même que l’armée, et surtout son corps d’officiers, est devenue de plus en plus séparée et isolée du monde civil et dominée par la politique républicaine et les croyances de l’évangélisme chrétien. Etant une armée de «professionnels» qui sont «volontaire», elle est davantage isolée des pressions populaires que ne l’étaient les armées de conscrits et de «citoyens soldats» des générations antérieures.

Le Washington Post a publié dimanche un commentaire exceptionnellement direct d’un ancien assistant à la secrétaire d’Etat dans l’administration Bush, Thomas Schweich, sur la domination croissante de l’appareil militaire sur l’Etat américain.

«Notre Constitution est en danger», a écrit Schweich. Il a averti que la nomination d’un nombre sans précédent d’anciens hauts officiers dans le cabinet Obama pourrait venir « compléter le coup d’Etat militaire silencieux qui fait des avancés constantes à l’insu de la majorité des Américain et des médias ».

Schweich, ancien diplomate pour la lutte contre le trafic de drogue en Afghanistan qui a œuvré au service des stupéfiants du département d’Etat, a écrit qu’il a «lui-même été témoin de la prise de pouvoir militaire de facto aux dépens du gouvernement américain», qui, en Irak et en Afghanistan, «était, en théorie, justifiée par les exigences de la guerre», a-t-il affirmé.

Il a insisté que ce qui a commencé à l’étranger allait se produire au pays. «Le Pentagone a élaboré des plans pour déployer 20 000 soldats américains à l’intérieur de nos frontières d’ici 2011, officiellement pour aider les responsables régionaux et d’Etat à réagir aux attaques terroristes ou à d’autres catastrophes.» Cette mission, a-t-il indiqué, «pourrait facilement passer de travail de contre-terrorisme d’urgence à du contrôle frontalier, du travail de renseignement ou des opérations policières».

Un article paru le mois dernier dans un magazine publié par le US Army War College, quelques semaines seulement après l’élection, indique que le Pentagone prépare sa propre «transition», un processus motivé non pas par les vagues promesses de « changement » d’Obama mais par ce que le commandement militaire perçoit comme une crise historique de l’ordre actuel qui pourrait nécessiter l’emploi de la force armée pour étouffer les luttes sociales aux pays.

Intitulé, «Known Unknowns : Unconventional ‘Strategic Shocks’ in Defense Strategy Development» (Ce que l’on sait des inconnues: Les “chocs stratégiques” non-conventionnels dans le développement de la stratégie de défense), la monographie a été produite par Nathan Freier, un lieutenant-colonel de l’armée à la retraite depuis peu qui est professeur au US Army War College, la principale institution de formation de l’armée pour les futurs officiers. Selon le magazine, il «continue de conseiller, en tant qu’expert, les rôles clé des communautés de politiques et d’analyse à la sécurité et à la défense.»

Freier insiste que l’un des principaux imprévus auxquels doit se préparer l’armée des Etats-Unis est un «violent bouleversement stratégique à l’intérieur des Etats-Unis», qui pourrait être provoqué par un «effondrement économique inattendu» ou le «disfonctionnement de l’ordre politique et légal».

Il écrit : «Dans la mesure où des événements de ce type impliquent une violence organisée contre les autorités locales, étatiques et nationale, et que ces dernières n’ont pas la capacité de rétablir l’ordre public et de protéger les populations vulnérables, le DD [département de la Défense] serait appeler à combler les lacunes.»

Freier poursuit : « Une violence civile généralisée à l’intérieur des Etats-Unis forcerait l’establishment de la défense à réorienter ses priorités in extremis pour défendre l’ordre fondamental au pays… Un gouvernement américain et un establishment de la défense endormis par une longue période de sécurité au pays seraient forcés de renier certains ou la plupart de leurs engagements de sécurité externes afin de réagir à l’insécurité humaine croissant rapidement au pays. »

Autrement dit, une intensification marquée de l’actuelle crise capitaliste accompagnée d’une éruption de lutte de classe et la menace de révolution sociale aux Etats-Unis pourraient forcer le Pentagone à rappeler ses armées de l’Irak et de l’Afghanistan pour les utiliser contre les travailleurs américains.

Dans de telles conditions, il ajoute : « Le DD pourrait se voir forcé par les circonstances de placer ses importantes ressources à la disposition des autorités civiles pour maintenir et contrer les menaces violentes à la tranquillité domestique. Dans les circonstances les plus extrêmes, cela pourrait signifier l’emploi de la force militaire contre des groupes hostiles à l’intérieur des Etats-Unis. De plus, le DD deviendrait, par nécessité, le centre essentiel pour la continuité de l’autorité politique dans le contexte d’un conflit civil dans plusieurs Etats ou à l’échelle nationale.

Cette formulation étrange : «le centre essentiel pour la continuité de l’autorité politique», est un euphémisme pour dictature militaire.

Il termine cette section de l’article en notant que, « le DD est déjà mis à l’épreuve par les efforts de stabilisation à l’étranger. Imaginez ce qu’impliquerait la même chose mais à beaucoup plus grande échelle au pays ».

Le message est clair. Ayant échoué à étouffer la résistance et rétablir l’ordre en Irak et en Afghanistan, quelles seraient les chances de l’armée de réussir une occupation des Etats-Unis mêmes.

Le fait que ces questions soient posées par les stratèges du Pentagone doit être pris très au sérieux. Ceux qui commandent les forces armées de l’Etat capitaliste américain anticipent que la crise actuelle va créer les conditions pour la révolution et se préparent en conséquence.

Article original en anglais, WSWS, paru le 22 décembre 2008.

© WSWS.

Bill Van Auken est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Bill Van Auken publiés par Mondialisation.ca

*

Réunion de Christians United for Israel (CUFI).
Le révérend John Hagee au meeting de préfiguration du CUFI (7 février 2006).

 

Le nouveau mouvement pro-israélien aux États-Unis
Le CUFI : 50 millions d’évangéliques pour soutenir Israël

par Thierry Meyssan*

 

RéseauVoltaire - 14/8/6 - Dans un pays où les citoyens ont déserté les partis politiques pour rejoindre des Églises évangéliques, la formation de l’opinion publique commence par l’encadrement des fidèles. Alors qu’ils préparaient l’offensive contre le Liban, le Pentagone et Tsahal mettaient en place une fédération des chrétiens sionistes, le CUFI, avec pour mission de transformer 50 millions d’évangéliques en militants de la guerre.

Pour s’assurer du soutien de l’opinion publique états-unienne dans la guerre contre le Liban — puis la Syrie et l’Iran —, le Pentagone et Tsahal ont mis en place une structure d’encadrement, dès la fin 2005, pour mobiliser 50 millions d’évangéliques. L’axe central de cette opération a consisté à fédérer leurs leaders au sein d’une structure idéologique unique : Christians United for Israel (Chrétiens unis pour Israël – CUFI). La fonction de ce nouveau groupe n’est pas de se substituer à l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) [1] en termes de lobbying dans la classe dirigeante, mais de propager la théologie sioniste dans les Églises évangélique et au-delà de sorte que le soutien aux offensives israéliennes soit perçu par une majorité d’États-uniens comme un devoir religieux.

En janvier 2006 paraît un ouvrage à sensations : Jerusalem Countdown : A Warning to the World... the Last Opportunity for Peace (Le compte à rebours de Jérusalem : une alerte pour le monde… la dernière occasion pour la paix) [2]. Il devient immédiatement et pour trois mois, le principal best-seller vendu en supermarché aux États-Unis.
Résumons son propos en essayant de rester sérieux : l’Iran est dirigé par des fanatiques qui veulent rayer Israël de la carte en lançant une bombe atomique sur Jérusalem. Après l’invasion d’Israël par les musulmans et les Russes, une seconde guerre pour le contrôle d’Israël opposera les États-Unis d’un côté à la Chine et l’Union européenne de l’autre. C’est là que surgira l’Antechrist [3] sous la forme du président de l’Union européenne. Enfin une terrible guerre atomique concluera ce cycle. La bataille décisive se tiendra à Meggido (Armaggedon). Alors le Christ radieux pourra revenir sur terre récompenser ceux qui ont cru en lui. Heureusement Tsahal et le Pentagone peuvent faire pencher la balance du bon côté en intervenant préventivement, y compris en utilisant de nouvelles bombes nucléaires tactiques. Il faut donc livrer la guerre sans attendre.
L’auteur de ce best-seller militaro-religieux est le pasteur texan John Hagee, la nouvelle star du christianisme sioniste [4].

Les origines du christianisme sioniste

Historiquement le sionisme est un phénomène chrétien bien avant d’être juif. Les chrétiens sionistes croient former un second peuple élu et pensent que leur destin est lié à celui du peuple juif. Pour eux, le retour du Christ ne surviendra pas avant que les juifs ne se soient regroupés en Palestine. Pour hâter la fin des temps, ils doivent donc re-créer un État pour les juifs et ne pas avoir peur de provoquer des cataclysmes apocalyptiques.

Le premier chef d’État à faire de son pays un second Israël et à appeler à la création d’un État juif en Palestine est le puritain anglais Oliver Cromwell au XVIIe siècle. Après la restauration de la monarchie, ceux de ses adeptes qui furent chassés du royaume s’enfuirent en Irlande du Nord et aux Pays-Bas, puis fondirent des colonies en Afrique australe et en Amérique. Ce courant politico-religieux ne disparut pas pour autant d’Angleterre. Il trouva même une nouvelle expression avec le Premier ministre de la reine Victoria, Benjamin Disraeli, qui est aujourd’hui la référence historique principale des néo-conservateurs. Cependant le rabbinat était depuis toujours farouchement opposé à la création d’un État juif. Lorsque l’occasion s’était présentée au XIIe siècle, il avait refusé une proposition en ce sens de Saladin Le Magnifique et n’avait jamais changé d’appréciation [5]. Les chrétiens sionistes durent attendre le XIXe siècle et le nationalisme de Theodor Hertzl pour trouver des juifs sécularisés qui acceptent leurs plans.

Comme l’a montré Jill Hamilton, la décision de Llyod George et Lord Arthur James Balfour en 1917 de créer un « foyer national juif » en Palestine, si elle a donné lieu à de nombreuses justifications rhétoriques, est bien l’aboutissement du rapprochement entre chrétiens sionistes et nationalistes juifs [6].

Cependant cette alliance se heurtait à une contradiction : l’antisémitisme chrétien. En effet, les chrétiens sionistes affirmaient qu’à la fin des temps les juifs devraient se convertir au Christ ou être précipés en enfer. Bref, un bon juif serait un juif converti au christianisme. Quoi qu’il en soit, les conjonctions d’intérêt à court terme passèrent avant ce type de considération, elles devinrent même une politique.

Au cours de la guerre des Six jours (1967), Israël prit conscience du poids électoral des sectes évangéliques sionistes aux États-Unis et commença à financer leur leader, le pasteur Jerry Falwell, co-fondateur de la Moral Majority [7]. En 1978, il fut invité à planter des arbres sur la « Terre promise » et donna son nom à une forêt. En 1979, le gouvernement israélien lui offrit un jet privé pour l’aider dans son ministère religieux. En 1980, le Premier ministre Menahem Begin lui remit solennellement à New York la prestigieuse médaille Zeev Jabotinsky, du nom du penseur d’extrême droite qui fut son mentor et dont Netanyahu père fut le secrétaire.

Cette alliance est institutionnalisée en septembre 1980. À l’occasion du vote d’une résolution de la Knesset affirmant — en violation du droit international — que Jérusalem est la capitale d’Israël, Begin finance la création de l’Ambassade chrétienne internationale de Jerusalem (International Christian Embassy Jerusalem). Cet organisme développe le tourisme évangélique et collecte des fonds auprès des pélerins en faveur de l’immigration juive. Pour cela, il a ouvert un « consulat » dans chaque État des États-Unis.
En août 1985, l’Ambassade organise avec les autorités du régime d’apartheid sud-africain le premier congrès mondial des chrétiens sionistes [8]. Il se tient à Bâle (Suisse) dans la salle où 98 ans plus tôt Theodor Herzl créa le mouvement juif sioniste.
En octobre 2003, les chrétiens sionistes scellent leur alliance avec les néo-conservateurs lors du Sommet de Jérusalem, en présence d’Ehud Olmert et de Benjamin Netanyahu [9].
Enfin, le 5 janvier 2004, le bureau du Sommet de Jérusalem créée un groupe ad hoc de 14 parlementaires à la Knesset, le Christian Allies Caucus [10].

Toutes ces opérations ont été conduites avec l’aide d’une discrète organisation, la Fellowship Foundation, qui supervise et finance discrètement depuis le Pentagone une myriade d’Églises évangéliques dans le monde [11].

La théologie des deux alliances

L’originalité du pasteur John Hagee est d’avoir concilié la foi évangélique à la réalité de l’État d’Israël. Dès 1988, il affirme que les juifs observant la Loi de Moïse seront sauvés sans avoir à se convertir au Christ. C’est la « théologie des deux alliances » : Dieu a conclu des pactes différents avec ses deux peuples élus, les juifs et les évangéliques. Le révérend Hagee est d’abord rejeté par Jerry Falwell, puis réintégré dans le concert chrétien sioniste, dont il devient aujourd’hui le porte-parole [12]. Ce parcours et cette innovation idéologique font de lui l’homme idéal pour transformer le mouvement religieux chrétien sioniste en un lobby de masse pour Israël.
.
Le 7 février 2006, le révérend John Hagee anime au Texas une rencontre de 400 pasteurs évangéliques états-uniens en vue de la création d’une fédération des chrétiens sionistes. Simultanément, il lance avec l’Ambassade chrétienne un magazine bimestriel diffusé en supplément du Jerusalem Post, le JP Christian Edition. Le Post est un quotidien néo-conservateur dirigé par Aviv Bushinsky, ancien conseiller en communication et porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le supplément mêle des articles sur le parc d’attraction évangélique en Galilée et d’autres sur la menace iranienne, et ses bras armés le Hamas et le Hezbollah. On y dénonce aussi les universitaires européens qui analysent l’écriture de la Bible dans son contexte socio-historique et traitent l’Israël biblique comme un mythe.

Loin d’être un handicap pour sa nouvelle mission, l’extrémisme du révérend Hagee plaît aux Likoudniks : n’a-t-il pas écrit un éloge de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, coupable à ses yeux d’avoir bradé la «Terre promise» ? [13]

La fédération des chrétiens sionistes voit le jour à l’occasion d’un banquet de 3 500 pasteurs et responsables évangéliques à l’hôtel Hilton de Washington… le 18 juillet 2006, soit cinq jours après le début de l’offensive israélienne contre le Liban. La Providence fait bien les choses et c’est l’occasion d’une mobilisation de toutes les organisations évangéliques en faveur de Tsahal. Au micro, outre le pasteur Jerry Falwell, se succèdent des parlementaires états-uniens (les sénateurs Sam Brownback, John Cornyn, Kay-Bailey Hutchison et Rick Santorum, le représentant Henry Bonilla), l’ambassadeur d’Israël Daniel Ayalon et l’ancien chef d’état-major le général Moshé Yaalon. La nouvelle fédération prend le nom de Christians United for Israel (CUFI) [14].

Dans la foulée, les parlementaires du CUFI mettent en place un Israel Allies Caucus à la Chambre des représentants pour faire le pendant du Christian Allies Caucus de la Knesset. Il est co-présidé par le républicain Dave Weldon et le démocrate Eliot Engel [15]. Des groupes parlementaires identiques sont en cours de formation aux Philippines et en Corée du Sud.

Si le révérend John Hagee est un prêcheur à succès, à la tête d’un petit empire de communication, il n’est pas la tête pensante du CUFI. La fédération chrétienne sioniste est dirigée par David Brog, un assistant parlementaire juif sioniste et accessoirement un cousin de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak. Bien qu’il comprenne des parlementaires démocrates, le CUFI chasse presque exclusivement sur des terres républicaines. Il entretient notoirement des liens étroits avec la Maison-Blanche et a joué un rôle important dans l’adoption par le Congrès d’une résolution « condamnant les récentes attaques contre l’État d’Israël, tenant les terroristes et leurs États-sponsors comme responsables de ces attaques, et supportant le droit d’Israël à l’auto-défense » [16]. Texte rédigé par l’AIPAC et adopté par 410 voix contre 8 à la Chambre des représentants et à l’unanimité par le Sénat. De même, le CUFI et l’Israel Allies Caucus ont convaincu 115 représentants d’écrire au président Bush pour qu’il durcisse les sanctions contre la Syrie.

C’est David Brog qui a lancé l’expression «douleurs de l’enfantement» à propos du remodelage du Grand Moyen-Orient, en citant L’Évangile selon Matthieu, chapitre 24. Des guerres actuelles, un monde nouveau surgira. Jésus n’a-t-il pas dit : « Il en viendra beaucoup sous mon nom qui diront “C’est moi le Christ” et ils abuseront bien des gens. Vous aurez aussi à entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre, voyez ne vous alarmez pas car il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin. (…) Et tout cela ne fera que commencer les douleurs de l’enfantement ». Une expression désormais reprise par Condoleezza Rice pour que les évangéliques adhèrent à la politique néo-conservatrice [17].

« Israël fait notre travail et œuvre pour les peuples libres. Ses ennemis sont les mêmes ennemis que ceux des États-Unis. Il s’agit d’une bataille qui s’inscrit dans une guerre plus large, celle contre la civilisation judéo-chrétienne des forces du Bien contre celles du Mal. (…) Israël est en première ligne dans la guerre contre le terrorisme et nous ne pouvons que le soutenir », déclarait David Brog à l’AFP, il y a quelques jours [18].

Le principal travail de David Brog est de rabibocher juifs et chrétiens sionistes en faisant oublier des siècles d’antisémitisme chrétien [19]. Pas facile dans un pays qui, il y a deux ans, applaudissait un film de Mel Gibbson, La Passion du Christ, désignant les juifs comme déïcides [20]. En mai 2006, M. Brog a publié un essai Standing with Israel : Why Christians Support Israel (Debout avec Israël : pourquoi les chrétiens soutiennent Israël) [21]. Prenant quelques libertés avec l’Histoire, il y affirme que les deux peuples élus se sont réconciliés lorsque les États-Unis ont vaincu le IIIe Reich et voté la création de l’État d’Israël.

Le pasteur John Hagee dipose de moyens de communication exceptionnels. Il produit deux fois par un jour un talk-show diffusé par l’un des trois grands réseaux télévangéliques au monde, Trinity Broadcast Network (TBN). Ce programme, accessible par satellite dans le monde entier est reçu par 92 millions de foyers aux États-Unis. TBN a toujours été lié à Israël et au gouvernement sud-africain à l’époque de l’apartheid [22]. Le révérend Hagee peut aussi compter sur la maison d’édition de son ami Steve Strang qui publie notamment le mensuel Charisma.

En novembre 2004, John Hagee remet deux chèques d’1 million de dollars chacun pour les enfants israéliens et pour les juifs immigrants.
En outre John Hagee n’a pas de problèmes financiers. En 2000, il a acheté un ranch à Brackettville (Texas) pour 5,5 millions de dollars géré par la Texas Israel Agricultural Research Foundation. Il peut y recevoir ses amis, dont les avions atterrissent sur son aéroport privé. En 2001, le salaire de ce précheur béni de Dieu s’élevait à 1,25 millions de dollars [23]

Kevin Philips, qui est considéré comme un des meilleurs experts de sociologie électorale aux États-Unis, assure que l’administration Bush s’appuie sur trois groupes sociaux : la bourgeoisie liée au pétrole, les fidèles évangéliques, et les retraités vivant à crédit [24]. L’encadrement des Églises évangéliques s’étant substitué à celui du parti républicain, les évolutions théologiques sont déterminantes pour la politique de Washington.

Il est trop tôt pour affirmer que l’objectif du CUFI est atteint. Cependant, face aux événements qui ensanglantent le Liban, 68 % des États-uniens déclarent aux sondeurs qu’ils se sentent spontanément proches d’Israël et 63 % que l’administration Bush doit poursuivre ou accroître son soutien militaire à Tsahal [25].

* Thierry Meyssan
Analyste politique français, président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace. Il publie chaque semaine des chroniques de politique étrangère dans la presse arabe et russe. Dernier ouvrage publié : L’Effroyable imposture 2, éd. JP Bertand (2007).

Notes :

[1] « Les fondamentalistes pour la guerre » par Thom Saint-Pierre, Voltaire, 3 avril 2003.

[2] Jerusalem Countdown : A Warning to the World...the Last Opportunity for Peace, par le révérend John Hagee, Frontline éd., 2006.

[3] Pour les chrétiens, l’Antechrist est un personnage qui doit venir avant (= ante) le Christ pour égarer les fidèles. Il est parfois appelé Antichrist pour souligner qu’il s’oppose (= anti) au Christ.

[4] « Pastor Strangelove » par Sarah Posner, American Prospect, 6 juin 2006.

[5] Les Croisades vues par les arabes par Amin Maalouf, j’ai lu, 1999.

[6] God, Gunns and Israel : Britain, the First World War and the Jews in the Holy Land, par Jill Hamilton, Sutton Publishing, 2004.

[7] Jerry Falwell : An Unauthorized Profile, par William Goodman et James Price, Lynchburg, 1981.

[8] Prophecy and Politics, Militant Evangelists on the Road to Nuclear War, par Grace Halsell, Lawrence Hill & Company, 1986. L’auteur, qui a assisté au congrès en qualité de journaliste, était l’ancienne rédactrice des discours du président Johnson.

[9] « Sommet historique pour sceller l’Alliance des guerriers de Dieu », Voltaire, 17 octobre 2003.

[10] « The Judeo-Christian Alliance - Is the Messianic Era Beginning ? » Par Victor Mordechai, Israel Today Magazine, 16 février 2004. Le caucus est présidé par le député Yuri Shtern, l’un des membres du Bureau du Sommet de de Jérusalem.

[11] À ce sujet on se reportera aux trois présentations délivrées à la conférence Axis for Peace à propos de la percée évangélique en Amérique latine, dans le monde arabe, et en Afrique noire. Dont « Les Églises évangéliques et le jeu des États-Unis dans le monde arabe » par Charles Saint-Prot, Voltaire, 14 novembre 2005.

[12] La condamnation d’Hagee est publiée par Falwell dans Liberty Flame du 6 mai 1994 sous le titre « John Hagee : Heretic ? » Au passage, elle donne lieu à une critique de la vie privée du révérend Hagee qui divorca de sa première femme pour épouser une adolescente. Sa réhabilitation a lieu à l’occasion d’un meeting de la Liberty University, le 4 juillet 2002. Voir « Falwell festivities have surprise guest, » par Julia Duin, The Washington Times, 3 juillet 2002 ; et « Old foes Falwell, Hagee defuse fireworks ar ‘old-fashioned fourth’ », Church and State, septembre 2002.

[13] in The Beginning of the End, par John Hagee, STL, 1996.

[14] « Christian group to advocate more support for Israel » par Julia Duin, The Washington Times, 13 juillet 2006. « Evangelical Christians plead for Israel » par Richard Allen Greene, BBC, 19 juillet 2006.

[15] « Congress forms Israel Allies Caucus » par Etgar Lefkovits, The Jerusalem Post, 27 juillet 2006.

[16] Résolution HR 921 du 20 juillet 2006.

[17] « Les néo-conservateurs et la politique du « chaos constructeur » par Thierry Meyssan, Voltaire, 25 juillet 2006.

[18] « Pour des évangélistes, la guerre au Proche-Orient est “entre le Bien et le Mal” », AFP, 11 août 2006.

[19] « Birth Pangs of a New Christian Zionism » par Max Blumenthal, The Nation, 8 août 2006.

[20] « L’implosion de l’alliance judéo-chrétienne », Voltaire, 23 février 2004.

[21] Standing with Israel : Why Christians Support Israel, par David Brog, Frontline, 2006.

[22] Spiritual Warfare, The Politics of the Christian Right, par Sara Diamond, South End Press, 1989.

[23] « Critics say John Hagee’s compensation is too high » par Analisa Nazareno, San Antonio Express-News, 20 juin 2003.

[24] American Theocracy : The Peril and Politics of Radical Religion, Oil, and Borrowed Money in the 21st Century, par Kevin Phililips, Viking, 2006. Kevin Phillips est l’ancien conseiller électoral du président Nixon.

[25] Sondage CNN réalisé les 2 et 3 août 2006.


-

 

Commission Trilatérale et Bilderberg sortent de l’ombre


par Aldous


Agoravox - 5/12/2011 - Le temps est révolu où le journaliste qui faisait allusion à la Trilatérale ou à Bilderberg se voyait illico frappé d'anathème complotiste. Reuter évoque désormais ouvertement le rôle proéminent de Mario Monti au sein de ces deux groupes d'influence.
Il faudra s'y faire, parler de la participation de tel ou tel homme influent au club Bilderberg ou à la commission Trilatérale n'est plus l'apanage des complotistes.
Le temps des secrets est révolu et il y a fort à parier que bientôt quiconque n'affiche pas avec ostentation sa carte de membre à ces cercles d’influence sera considéré comme un second couteau. C'est ce qui ressort à la lecture de la dépêche suivante de Reuter : http://www.reuters.com/article/2011...
On peut y apprendre les nombreux bon et loyaux services qui font que le nouveau chef du gouvernement italien est l'homme de la situation.
En particulier, ceci :

"Il [mario Monti] est le président de la branche européenne de la Commission Trilatérale, un corps qui rassemble les élites au pouvoir aux USA, en Europe et eu Japon, et il est aussi membre du très sélect Groupe Bilderberg des leaders économiques et autres "citoyens leaders"

He is chairman of the European branch of the Trilateral Commission, a body that brings together the power elites of the United States, Europe and Japan and is also a member of the secretive Bilderberg Group of business leaders and other "leading citizens".
Pour l'automne-hiver 2011 la mode est donc à l'affichage de ses appartenance à des réseaux d'influence. Enfin, pas n'importe lesquels, faute de quoi on a vite fait de passer pour un ringard.

Pour le printemps-été 2012, mon petit doigt me dit que la tenue à la mode pour le populo sera très très légère. Peut-être même à poil.

_


La Commission Trilatérale contrôle le gouvernement Obama


par Patrick Wood


RéseauVoltaire - 24/11/2011 - L’oligarchie US défend ses intérêts de classe et garde le contrôle du pouvoir politique à l’échelle nationale en s’appuyant sur des sociétés secrètes telles que les Skull & Bones ou des clubs sélects comme le Council on Foreign Relations (CFR). Au plan international, elle utilise des groupes élitistes, par exemple le groupe de Bilderberg qui cherche à intégrer à son projet les oligarchies d’autres pays pour l’émergence d’une gouvernance mondiale. Notre collègue Patrick Wood explique comment fonctionne la Commission Trilatérale, une autre pièce de ce système complexe, dont le rôle a récemment été remis en lumière avec la nomination du chef de sa section Europe, Mario Monti, comme Premier ministre italien.

Kissinger à la Maison-Blanche pour coordonner avec Obama les travaux de la Trilaterale, à gauche George Shultz
Maison Blanche, 20 mai 2009.

Pendant ses dix premiers jours de sa présidence, Barack Obama a nommé onze hauts fonctionnaires issus de la Commission trilatérale à des postes clés de son administration, introduisant ainsi une puissante force extérieure dans le leadership de son gouvernement, mais avec un agenda de base qui porte plutôt préjudice aux citoyens des États-Unis.

Outre ces nominations, Obama a appelé à la Maison-Blanche plusieurs membres illustres de la Commission trilatérale, dont Zbigniew Brzezinski, son principal conseiller en politique extérieure. Brzezinski est cofondateur de la Commission (1973) avec David Rockefeller.

La Commission trilatérale a une grande responsabilité dans l’état actuel du monde. Elle fut constituée en 1973 comme un forum mondial de «penseurs», devenus les artisans du tournant multinational pris par le capitalisme dans le sens d’une radicalisation du courant de pensée keynésien le plus classique de l’économie : rôle de l’État, intensification de l’exploitation mondiale du travail, hégémonie militaire mondiale des pays les plus riches de la planète et de leurs compagnies transnationales.

Henry Kissinger avec Sarah Palin, John McCain, Hillary Clinton et George Bush Jr.


La Trilatérale est une sorte de grand parti politique mondial. D’après son site Web, elle fut créée par des personnalités du Japon, de l’Union européenne, et d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada) dans le but de promouvoir et de construire une coopération plus étroite entre les principales régions démocratiques et industrialisées du monde [en opposition au camp socialiste de l’époque] pour partager les responsabilités dans la direction d’un système international élargi.

Selon sa liste officielle, la Commission trilatérale compte 424 membres, dont 87 seulement sont États-uniens. Ainsi, au cours de ses deux premières semaines à la Maison-Blanche, le nombre de représentants gouvernementaux désignés par Obama constitue 12 % de la représentation des États-Unis à la Commission. Il entretient bien d’autres liens avec la Trilatérale, comme par exemple la présence en qualité de membre permanent de William Jefferson Clinton, le mari de la Secrétaire d’État, Hillary Clinton. Voici les onze personnes désignées par Obama :

Tim Geithner, secrétaire au Trésor
Susan Rice, ambassadrice auprès des Nations unies
le général James L. Jones, conseiller à la Sécurité nationale
Thomas Donilon, conseiller pour les questions de Sécurité nationale
Paul Volker, président de la Commission pour la reprise économique
L’amiral Dennis C. Blair, directeur du Renseignement national
Kurt M. Campbell, secrétaire d’État adjoint pour l’Asie et le Pacifique
James Steinberg, Député secrétaire d’État
Richard Haass, envoyé spécial du Département d’État
Dennis Ross, envoyé spécial du Département d’État
Richard Holbrooke, envoyé spécial du Département d’État

L’administration Obama et la Commission trilatérale entretiennent bien d’autres liens. À titre d’exemple, signalons que le groupe informel de conseillers du secrétaire au Trésor, Tim Geithner, réunit les membres de la Commission : E. Gerald Corrigan, banquier et ancien président de la Réserve fédérale ; Paul Volker, aujourd’hui à la tête pensante de la relance économique d’Obama ; Alan Greenspan, le dernier responsable de la Réserve fédérale, et Peter G. Paterson, éminent banquier et investisseur.

Frais émoulu de l’Université, Geithner se mit immédiatement au service du «trilatéraliste» Henry Kissinger, aux bureaux Kissinger & Associates. Un autre membre de la Commission trilatérale, le général Brent Scowcroft, un commerçant devenu banquier, fut conseiller officieux d’Obama et mentor de l’actuel secrétaire à la Défense Robert Gates. Robert Zoelick, ancien secrétaire au Commerce et actuel président de la Banque mondiale nommé sous l’administration G.W. Bush, est lui aussi membre de la Commission.

Le site Web signale : «La Commission trilatérale est composée de près de 400 noms illustres du monde des affaires, des médias, des universités, des services publics (à l’exception des ministres de cabinets nationaux actuels), des syndicats et d’autres organisations non gouvernementales des trois régions. Trois présidents (un dans chacune des trois régions du monde susmentionnée), des présidents régionaux, un vice-président et des directeurs constituent la direction de la Commission Trilatérale, en collaboration avec un Comité exécutif incluant une quarantaine d’autres membres».

Depuis 1973, la Commission trilatérale se réunit régulièrement en séances plénières pour discuter de manifestes politiques élaborés par ses membres. Les politiques sont débattues jusqu’à obtention d’un consensus. Les membres regagnent leurs pays respectifs pour appliquer ou faire appliquer les politiques ainsi approuvées par consensus. L’objectif initial du groupe était l’instauration d’un « Nouvel ordre économique international » [ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation]. Son discours actuel encourage une « coopération plus étroite entre les régions industrialisées démocratiques dominantes du monde, qui assument des responsabilités partagées dans la conduite d’un système international élargi ».

Depuis l’administration Carter, les membres de la Commission trilatérale ont exercé leur influence à de hauts postes contrôlés par le gouvernement des États-Unis : six des huit derniers présidents de la Banque mondiale ; les présidents et les vice-présidents des États-Unis (à l’exception d’Obama et de Biden) ; plus de la moitié de l’ensemble des secrétaires d’État des États-Unis ; et les trois quarts des secrétaires à la Défense.

Durant la période 2009-2012, l’agenda de la Commission reposera sur deux grandes convictions. Premièrement, la Commission trilatérale est appelée à jouer un rôle plus important que jamais pour préserver la direction partagée des pays riches dans un système international élargi. Deuxièmement, la Commission « élargira son cadre pour refléter des changements plus vastes dans le monde ». Ainsi, le Groupe japonais s’est transformé en Groupe Asie-Pacifique, qui inclut des membres venus de Chine et d’Inde, tandis que des personnalités du Mexique ont rejoint le Groupe Amérique du Nord (Canada et États-Unis). Et le Groupe Europe continue d’augmenter avec l’élargissement de l’Union européenne.

Mise à jour de Patrick Wood (d’August Review.com)

La question de l’«influence indue» nous interpelle, lorsque l’on constate le nombre de membres de la Commission trilatérale nommés à des postes élevés au sein de l’administration Obama. Ils ont la mainmise sur des domaines liés à nos besoin nationaux les plus urgents : crise financière et économique, sécurité nationale et politique extérieure.

Le conflit d’intérêts est flagrant. Avec 75 % des membres non-US, quelle influence cette écrasante majorité continue-t-elle d’exercer sur les 25 % restant ? Par exemple, lorsque Chrysler s’est placé sous la protection et le contrôle de la loi états-unienne sur les faillites dans le cadre du plan de sauvetage de l’administration Obama, un accord a été conclu à la hâte avec le groupe italien Fiat pour sauver cette compagnie. La personne désignée pour conclure l’accord fut le secrétaire au Trésor ou ministre des Finances Timothy Geithner, membre de la Commission trilatérale. Seriez-vous surpris si on vous disait que le président de Fiat, Luca di Montezemolo, est lui aussi un membre de la Commission ? Le Congrès aurait dû interdire ce partenariat au moment où il a été suggéré.

Beaucoup des membres européens de la Commission trilatérale sont aussi de hauts dirigeants de l’Union européenne. À quelles oscillations politiques et économiques sont-ils soumis par la branche états-unienne ?

Si on faisait un sondage sur la question, la grande majorité des ressortissants US diraient que les affaires des États-Unis leur appartiennent, et qu’ils doivent se fermer à toute influence étrangère dictée par des programmes non étasuniens. Mais l’immense majorité des citoyens US n’a pas la moindre idée de ce qu’est la Commission trilatérale, et encore moins de l’énorme pouvoir qu’elle a usurpé depuis 1976, quand Jimmy Carter a été le premier membre de la Trilatérale élu président des États-Unis.

À la lumière de la crise financière actuelle sans précédent, les « trilatéralistes » seraient voués à l’exécration s’ils lisaient les déclarations de Zbigniew Brzezinski (cofondateur de la Commission avec David Rockefeller) consignées dans son livre paru en 1971 intitulé « Entre deux âges : le rôle de l’Amérique à l’ère technotronique ». Brzezinski signalait : « La nation-État, en tant qu’unité fondamentale de la vie organisée de l’homme, a cessé d’être la principale force créatrice : les banques internationales et les corporations transnationales sont [à présent] les acteurs et les architectes au sens que prenaient autrefois ces termes appliqués à la nation-État ». [Autrement dit, il a jeté au placard les concepts de base d’État-nation, de souveraineté des pays et du rôle de l’État dans la société, pour défendre la vision d’un monde gouverné par les banques et les corporations transnationales].

C’est exactement ce à quoi nous assistons dans toutes les sphères. Les banques et les corporations mondiales sont des cercles qui se resserrent autour de la nation-État, y compris les États-Unis. Elles n’ont aucun respect pour aucun processus, ni pour le Congrès, ni pour la volonté des peuples.

Pourquoi ont-elles maintenu les citoyens US dans l’ignorance sur un sujet qui ébranle les fondations mêmes de notre pays ?


La Trilatérale contrôle les grands médias

La réponse est simple : on compte parmi les patrons des grands médias de nombreux membres de la Commission trilatérale, et ils peuvent détourner les informations pertinentes mais dérangeantes. Parmi ces décideurs figurent :

David Bradley, président d’Atlantic Media Company.
Karen Elliot House, ex-vice-président senior de Dow Jones & Company, et éditrice du Wall Street Journal, qui appartient à Rupert Murdoch.
Richard Plepler, coprésident de HBO.
Charlie Rose, de PBS, Service public de radio et télévision des États-Unis.
Fareed Zakaria, rédacteur du Newsweek
Mortimer Zuckerman, président de l’U.S. News & World Reports.

Il existe beaucoup d’autres connexions avec la haute direction des médias, résultant de l’appartenance ou de la participation aux leviers de commande des transnationales et de l’actionnariat commun. Pour plus d’information, consulter mon livre publié originalement en 1978 «Trilaterals Over Washington», disponible [en anglais] en format électronique et gratuitement sur www.AugustReview.com. Ce site contient aussi beaucoup d’articles qui traitent divers aspects de l’hégémonie de la Commission trilatérale aux Etats-Unis et dans le monde.

Sources :

« August Review.com », 30 janvier 2009, « Obama : Trilateral Commission Endgame », par Patrick Wood.
Etudiant chercheur Sarah Maddox.
Tuteur : Peter Phillips, Université d’Etat de Sonoma.

-

 

Le Groupe de Bilderberg

 

Syti.net - 12/2011 - Le Groupe de Bilderberg a été fondé par en 1954 à l'Hôtel Bilderberg à Osterbeek à l'invitation du Prince Bernhard des Pays-Bas, co-fondateur du Groupe avec David Rockefeller.

Le Groupe de Bilderberg est sans doute le plus puissant des réseaux d'influence. Il rassemble des personnalités de tous les pays, leaders de la politique, de l'économie, de la finance, des médias, des responsables de l'armée ou des services secrets, ainsi que quelques scientifiques et universitaires.

Très structuré, le Groupe de Bilderberg est organisé en 3 cercles successifs.

Le "cercle extérieur" est assez large et comprend 80% des participants aux réunions. Les membres de ce cercle ne connaissent qu'une partie des stratégies et des buts réels de l'organisation.

Le deuxième cercle, beaucoup plus fermé, est le Steering Committee (Comité de Direction). Il est constitué d'environ 35 membres, exclusivement européens et américains. Ils connaissent à 90% les objectifs et stratégies du Groupe. Les membres américains sont également membres du CFR.

Le cercle le plus central est le Bilderberg Advisory Committee (Comité consultatif). Il comprend une dizaine de membres, les seuls à connaître intégralement les stratégies et les buts réels de l'organisation.

Pour ceux qui enquêtent sur les réseaux de pouvoir, le Groupe de Bilderberg est un véritable gouvernement mondial occulte. Au cours de ses réunions, des décisions stratégiques essentielles y sont prises, hors des institutions démocratiques où ces débats devraient normalement avoir lieu. Les orientations stratégiques décidées par le Groupe de Bilderberg peuvent concerner le début d'une guerre, l'initiation d'une crise économique ou au contraire d'une phase de croissance, les fluctuations monétaires ou boursières majeures, les alternances politiques dans les "démocraties", les politiques sociales, ou encore la gestion démographique de la planète. Ces orientations conditionnent ensuite les décisions des institutions subalternes comme le G8 ou les gouvernements des états.

Les membres du Groupe de Bilderberg s'appellent eux-mêmes les "Bilderbergers". Ils sont choisis uniquement par cooptation. Le Groupe de Bilderberg se réunit une fois par an pendant environ 4 jours. Les réunions ont lieu chaque année au printemps dans une ville différente, mais toujours dans des châteaux ou des hôtels luxueux, entourés d'un parc ou situés en pleine nature, et si possible équipés d'un golf. Les réunions sont protégées par plusieurs centaines de policiers, militaires, et membres des services spéciaux du pays d'accueil. Si la réunion a lieu dans un hôtel, celui-ci est vidé de ses occupants une semaine avant l'arrivée des Bilderbergers. Les invités sont déposés par un ballet d'hélicoptères noirs et par des limousines aux vitres fumées avec la lettre "B" sur le pare-brise.

Les discussions se tiennent à huis-clos. Quelques journalistes dévoués à la "pensée unique" peuvent être parfois présent, mais rien ne doit filtrer des discussions. Il est interdit de prendre des notes ou de faire des déclarations à la presse. Mais quelques photographes arrivent parfois à prendre des photos à l'extérieur, au moment de l'arrivée des invités.

La réunion 2004 du Groupe de Bilderberg s'est déroulée du 3 au 6 Juin (juste avant la réunion du G8) à Stresa dans le nord de l'Italie près de la frontière suisse, dans un palace sur les rives du Lac Majeur, le "Grand Hotel des Iles Borromées".

En 2003, la réunion avait lieu en France du 15 au 18 Mai, au château de Versailles qui a été fermé au public pendant une semaine.

Bilderberg : le sujet le moins couvert par la presse officielle

 

par Serge Charbonneau

Agoravox - 30/5/14 - Le Club secret de Bilderberg se réunit à l'hôtel Marriott de Copenhague [1] du 29 mai au 1er juin 2014 [2]. Ne cherchez pas à vous y loger pendant cette période, normalement ce genre d'hôtel de grand luxe est "fermé" au public "ordinaire" comme chaque fois qu'une telle réunion se tient. Le calendrier de réservation nous indique « Not Available for Check-in » [3] lors de cette fin de semaine exceptionnelle.

En 2003, la réunion du groupe Bilderberg s’est tenue au château de Versailles. Le château a été fermé au public pendant une semaine !

Ne cherchez pas dans la presse officielle de l'information sur cette réunion.
C'est l'événement planétaire le moins couvert par nos journalistes dits "professionnels".

Le site officiel de Bilderberg en fait même une des questions les plus posées [4] (FAQ) :

On dit :

« With such high-calibre guests, why is there so little media coverage on Bilderberg ?
The conference has never sought any public attention. An annual press conference on the eve of the conference was held for several decades up until the nineties, but it was stopped due to a lack of interest. However, the list of participants, main topics and the location are always published before each conference. »

Finalement, on dit que si la presse ne s'intéresse pas à l'évènement, c'est par désintérêt du public. Voyez ma paupière du bas s'étirer !
Nous avons encore une fois la preuve qu'on nous dit n'importe quoi !

Ce sera donc la 62e réunion secrète du Club de Bilderberg.
Ce club sélect fondé en 1954 à l'hôtel Bilderberg d'Oosterbeek aux Pays-Bas par, entre autres, le prince Bernhard des Pays-Bas, né en Allemagne et qui fut membre du parti nazi [5] (on dit même qu'il fut espion nazi [6]), David Rockfeller (fondateur de la Trilatérale [7], et administrateur de la banque JP Morgan « entre autres ») et Joseph Retinger [8], oligarque polonais qui avait à cœur le "fédéralisme européen et la "bonne entente" euro-américaine.

On dit que [8] :

« Le 19 septembre 2000, le journal Daily Telegraph de Londres, par la voix d'Ambrose Evans-Pritchard, annonce que les archives dé-classifiées de l'administration américaine pour les années 1950 et 1960 montrent que Paul-Henri Spaak, Robert Schuman, « Joseph Retinger » et d'autres personnalités importantes dans les origines de la construction européenne étaient « employés » par les services américains. Le journaliste explique [9] que la communauté des services secrets a camouflé son action et a fait transiter des fonds par le biais des fondations Rockefeller et Ford, ce qui a été confirmé par la revue Historia [10] en 2003 »

Outre ces fondateurs "officiels" il y a aussi Henry Kissinger qui assista depuis le début à toutes ces réunions secrètes et malgré ses 91 ans acquises ce 27 mai dernier, il est toujours sur la liste des présences de cette 62e rencontre [11 ]. L'an dernier on célébra ses 90 chandelles lors de cette chaleureuse fête de famille et selon la journaliste turque, Asl? Ayd?nta?ba?, qui a écrit un des rares articles sur la Bilderberg de l'an dernier [12], le moment le plus intéressant de la rencontre secrète de l'an dernier fut lorsque les participants soulignèrent le 90e anniversaire d'Henry Kissinger devenu nonagénaire le 27 mai 2013.

Habituellement le site officiel du Bilderberg [13] nous donne accès à la liste des invités "sélects" [14]. Il nous démontre ainsi une sorte de transparence illusoire en nous offrant cet important "détail" (sic). Cette fameuse liste des participants [11] nous est toujours livrée au dernier moment et toujours accompagnée de l'ordre du jour [15].

Ce n'est que depuis quelques jours (26 mai en soirée) que nous pouvons avoir accès à cette seule et unique information nous donnant la liste des bienheureux élus pour cette rencontre secrète ainsi que l'ordre du jour des sujets « théoriques » de discussion.
Il s'agit d'une transparence bien dosée !

On dit attendre environ 140 participants venant de 22 Pays.

Cette liste d'invités permet d'avoir des pistes importantes sur certaines nominations et certains événements qui marqueront notre futur. Les guerres, les nominations-élections, les mouvements politiques.

Par exemple, Stephen Harper, plutôt illustre inconnu à l'époque, fut invité à la rencontre secrète de 2003. Par la suite sa progression fut fulgurante : En 2004 il fut élu chef du nouveau Parti réformiste-conservateur et en 2006 Premier ministre du Canada !

Autre exemple, juste avant sa nomination au FMI (en remplacement de DSK), on avait invité Christine Lagarde ! On la destinait à devenir la 11e directrice du Fonds Monétaire International. Cette invitation était un signe qui ne trompait pas sur le choix de ces oligarques. On avait décidé qu'elle dirigerait ce puissant outil de direction économique au service de ceux qui détiennent la quasi-totalité de la richesse mondiale.

Autre exemple, Bassma Kodmani, du fameux Conseil National Syrien (CNS) a été invité en 2012 [16]. Les Rothschilds de ce monde n'aiment pas beaucoup Bachar al-Assad et il voulait sûrement s'entretenir avec le pion afin de discuter de l'envoi de mercenaires d'Al Qaïda et «d'allah wakbar» pour cette guerre par procuration visant à déloger Assad et prendre le contrôle de la Syrie. Exactement comme on a fait pour assassiner Kadhafi et prendre le contrôle de la Libye. C'était sans compter la réaction russe et chinoise. Le digne M. Kodmani n'a pas été ré-invité en 2013, le plan établi fut un total désastre. On songe sûrement à envahir plus directement la Syrie. On va probablement discuter avec les bonzes de l'arme médiatique (toujours très bien représentés) au sujet de l'approche médiatique visant à fabriquer le consentement dans la population (lavage de cerveau systématique).

Nous aurons probablement encore droit à beaucoup de photos d'enfants dans cet enfer syrien afin de nous inciter à vouloir l'intervention de l'OTAN/USA pour "les sauver" (remarquez bien que nous n'avons plus de photos d'enfants ni de la Libye, ni de l'Irak, quelques-unes de l'Afghanistan : maintien des troupes oblige !).

Cette année les philanthropes ont invité une nouvelle venue : « Fleur Pellerin » de son vrai nom, Kim Jong-suk. Une néo-Française née à Séoul (Corée du Sud), le 29 août 1973.
Elle est ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique dans le gouvernement Jean-Marc Ayrault I puis II du 16 mai 2012 au 2 avril 2014, elle est ensuite nommée, récemment, le 9 avril 2014, secrétaire d’État chargée du Commerce extérieur, du Développement du tourisme et des Français de l’étranger dans le gouvernement Manuel Valls.
Il est donc possible que Mme « Fleur Pellerin » devienne plus en vue.

Ce dont les philanthropes (sic) vont discuter !

Sans mentionner le volet précis de discussion, l'ordre du jour reflète bien les tourments du monde et de ses puissants.

Il est dit que l'on va discuter de [15]

- Is the economic recovery sustainable ?
La crise économique à venir !

- Who will pay for the demographics ?
L'austérité sous le prétexte du vieillissement de la population !

- Does privacy exist ?
De l'écoute et la surveillance des citoyens !

- How special is the relationship in intelligence sharing ?
Organiser le renseignement en limitant les fuites (Snowden) !

- Big shifts in technology and jobs
Du fantassin au drone !

- The future of democracy and the middle class trap
La démocratie par les armes lorsque le résultat des urnes est incontrôlable !

- China’s political and economic outlook
La force économique des Chinois suite à la cupidité des entreprises occidentales.

- The new architecture of the Middle East
Évaluation des calendriers d'attaque de la Syrie et de l'Iran.

- Ukraine
Comment soutenir les pions fascistes en ne perdant pas la face.

- What next for Europe ?
Ne pas perdre l'Europe et le traité transatlantique.

Comme on peut le constater, il serait bien intéressant d'avoir ces discussions diffusées en directs sur nos chaines d'information "continues".

Deux sujets se hissent sûrement en tête des préoccupations de ces philanthropes (sic).

- L'Europe et l'Ukraine.

En premier l'Europe.
Pourquoi l'Europe ?
Probablement à cause des dernières européennes [17].
La zone euro a été en bonne partie imposée aux citoyens.
En 2005 ils avaient dit non [18] à la constitution européenne.
Lors de ce résultat de 2005, Jean-Claude Juncker, le président du Conseil Européen déclarait « ce soir, il nous faut constater que l'Europe ne fait plus rêver ».
Ce fut encore le cas cette année.

Et la zone euro (l'Europe), c'est en bonne partie le bébé du Bilderberg.
Cette Europe, maintenant à 28 et ayant toujours ce désir d'expansion, fut décidée justement lors de ces réunions Bilderberg.

On dit que c'est dès 1955 que des discussions visant à mettre en place une monnaie européenne unique et finalement l'Europe contrôlant d'aujourd'hui furent entamées.
Un résumé des discussions de 1955 [19] a été rendu public récemment.
Un article intéressant sur ce sujet est disponible ici [20].

Lors du Bilderberg 2009, Étienne Davignon, secrétaire général du Bilderberg s’est même vanté sur la façon dont la monnaie unique, l’euro, était une idée originale du Groupe du Bilderberg.

Bien sûr l'autre grand sujet qui finalement est relié lui aussi à l'Europe, c'est l'Ukraine.
Aujourd'hui le roi du chocolat devenu Président, M. Petro Porochenko, promet de signer bientôt l'accord avec l'UE [21].

Les philanthropes entre deux gorgées de mousseux de grande qualité vont sûrement discuter calmement de cette guerre civile que l'on installe en Ukraine [22].

Il est clair que ces gens ayant un tel pouvoir économique contrôlent les principaux organismes et industries de la planète ont un pouvoir d'influence et de décision indéniable.

Ces gens décident littéralement de la marche du monde. Ils peuvent enclencher des guerres (ce qu'ils font), ils pourraient installer la Paix (ce qu'ils ne font pas). Ils peuvent vous faire payer votre essence 2 dollars du litre ou plus, ils peuvent monter le taux d'intérêt de votre hypothèque, ils peuvent vous faire payer vos soins de santé et votre éducation, ils peuvent vous inciter à vous faire vacciner pour accroitre le profit des pharmaceutiques qu'ils possèdent, ils peuvent imposer des OGM pour contrôler l'agriculture, bref ces gens ont en main tout ce qui peut faire de notre planète soit un paradis ou un enfer.

Ce survol est-il exagéré ? Maladif ?


Scruter bien la liste des invités [11] et des habitués, vous verrez que ces gens occupent toutes les plus hautes positions du contrôle mondial.

Outre les dirigeants des plus grandes multinationales, des plus grandes banques, outres ces hommes et femmes politiques influents ainsi que plusieurs bonzes de la politique internationale (ceux qui "conseillent" la partie visible de la politique : nos élus), il y aussi des universitaires, des chercheurs pouvant informer sur les dernières technologies et bien sûr il y a le gratin militaire haut placé ainsi que les précieux représentants de la direction de l'arme de manipulation suprême : les médias

Évidemment, les représentants des trois organismes-outils de l'oligarchie mondiale, le FMI, la Banque Mondiale et l'OMC sont aussi représentés.
Les rois, les princes et la monarchie oligarchique occidentale ont aussi leur place réservée et sont toujours présents.
Tous ces gens indéniablement puissants se côtoient à huis clos et à l’abri de tout regard médiatique, bien que les plus grands propriétaires de médias y soient.


Alors est-ce maladif de présumer de l'impact de leurs discussions secrètes ?

Si vous croisez un entrefilet ayant trait au Bilderberg, vous constaterez qu'on minimise à l'extrême ces discussions de haut niveau. Le but de l'entrefilet est d'inculquer dans le jugement populaire que ces discussions ne sont en fait qu'un rendez mondain luxueux et sans conséquences.

En 2010, Willy Claes, membre Bilderberg et l’ancien Secrétaire général de l’OTAN (1994-1995) [23] a admis [24] que les participants du Bilderberg sont chargés de mettre en œuvre des décisions politiques [25] qui sont formulées lors de leur réunion.

Cette année son successeur, Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN depuis 2009 [26] est bien sûr présent. C'est lui qui nous livrera la décision d'attaquer ou non la Russie [27] en utilisant le prétexte de l'Ukraine ou peut-être la Syrie en utilisant le prétexte de la violence qui est installée par ces mêmes "pompiers" désintéressés et « bons ».

« L’année dernière, l’avocat italien Alfonso Luigi Marra a demandé que le Parquet de Rome enquête sur l’organisation clandestine pour activités criminelles, se demandant si la réunion du groupe de 2011 en Suisse a conduit à la sélection de Mario Monti comme premier ministre de l’Italie. »
http://www.wikibusterz.com/bilderbe...

On peut lire ici « De lourdes accusations sur le Groupe Bilderberg » [28]

Comme il a été dit, la presse officielle s'intéresse étrangement PEU à ces rencontres secrètes. On nous sert ce type de nouvelle [29] ridiculisant la prise au sérieux de ces rencontres secrètes.

En revanche, de plus en plus de journalistes « alternatifs » tentent de faire sortir des parcelles d'information. C'est le cas de Luke Rudkowski and Dan Dicks deux jeunes Américains qui furent arrêtés dès leurs premières images prises au lobby de l'hôtel Marriott de Copenhague. Leur méthode est discutable et probablement un peu incisive, mais elle demeure dans la légalité. Nous avons le tournage de leur arrestation ce 27 mai dernier [30] sur deux caméras différentes [31]. On dit que la police a effacé des séquences de leur tournage. La deuxième vidéo [31] nous offre des témoignages de gens ayant eu des sorts semblables et des réflexions, entre autres, sur le droit à la vie privée. Ce droit à la vie privée est utilisé pour empêcher les tournages. Par contre tout le monde sait que la vie privée est devenue illusoire. Toutes les villes et tous les lieux publics ont des dizaines de caméras enregistrant nos moindres déplacements.

Depuis la venue d'internet, il existe beaucoup d'information sur ces rencontres secrètes.


En voici deux exemples :
http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwik...
http://www.syti.net/Organisations/B...

Aussi plusieurs articles.
Voici quelques exemples :

Le Bilderberg, lobby le plus puissant du monde ?
http://www.agoravox.fr/actualites/e...

Le Cercle Bilderberg ou le bal des vampires ?

http://www.agoravox.fr/actualites/i...

Bilderberg, vous connaissez ? Je crois que vous devriez (de l'auteur - 2010)
http://www.legrandsoir.info/Bilderb...

Donc là-dessus vous êtes invité à écouter l'information sur nos chaines régulières, vous verrez que pour eux cette rencontre secrète n'existe pas.

Cependant, si vous voulez suivre un peu ce qui se passe ou s'est passé à l'hôtel Marriott de Copenhague du 29 au 1er juin voici un site offrant quelques liens utiles :


Bilderberg 2014 Live Stream [32].

 

Salutations,

Serge Charbonneau

Québec

Les représentants canadiens au Bilderberg 2014 :

Jason T. Kenney, Minister of Employment and Social Development

Stephen S. Poloz, Governor, Bank of Canada

W. Edmund Clark, President TD Bank Group

Brian Ferguson, President Cenovus Energy Inc.

Heather Munroe-Blum, Professor of Medicine McGill University

Heather M Reisman, Chairman Indigo Books & Music Inc.

---------------------

Les représentants français au Bilderberg 2014 :

François Baroin, Member of Parliament (UMP) ; Mayor of Troyes

Nicolas Baverez, Partner, Gibson, Dunn & Crutcher LLP

Pierre-André de Chalendar, Chairman and CEO, Saint-Gobain

Emmanuel Macron, Deputy Secretary General of the Presidency

Natalie Nougayrède, Director and Executive Editor, Le Monde

Fleur Pellerin, State Secretary for Foreign Trade

 

Les Sectes Evangéliques ou les Fous de Sion, vers un nouveau totalitarisme mondial ?


par Hieronymus 


Agoravox, samedi 5 juin 2010

L’article qui suit ne prétend guère qu’être une ébauche sur un nouveau phénomène géopolitique très important à l’échelle planétaire et curieusement encore assez peu observé dans notre vieille Europe par rapport au reste du Monde, or c’est un phénomène d’une ampleur stupéfiante, aux ramifications multiples et aux effets redoutables dont il convient impérativement de dresser un aperçu synthétique : l’expansion fulgurante des sectes ou mouvements évangéliques, essentiellement en provenance des Etats Unis et leur emprise croissante sur la politique mondiale !
 
 
1) Bref historique des mouvements évangéliques, un caractère messianique nettement affiché dès les origines ;
Les mouvements évangéliques (à ne pas confondre avec les évangélistes) trouvent leur origine dans la réforme et les guerres de religion qui s’en suivirent, en 1555 lors de la paix d’Augsbourg fut affirmé le principe « cujus regio, ejus religio » (tel prince, telle religion) qui décrétait de fait une véritable territorialité de la religion, or de nombreux protestants n’allaient pas accepter de se retrouver sous la férule d’un prince catholique d’où leur volonté d’exil, qui se fera d’abord vers des zones protestantes de l’ancien monde puis ensuite se traduira par des mouvements de migration massifs vers le nouveau monde, aussi un siècle plus tard suite au retour de l’ordre après la révolte de Cromwell, de nombreux puritains anglais suivront le même mouvement d’exil vers les nouvelles colonies d’Amérique du nord, ces populations émigrées en raison de leur foi étaient donc toutes d’obédience protestante et en majorité d’origine germanique ce qui favorisera leur communion d’esprit en dépit d’un éclatement apparent.
Ces populations pionnières de nouveaux territoires, qui la plupart du temps n’avaient que la Bible comme seul ouvrage de lecture, ont été extrêmement marquées par la lecture de l’Ancien Testament et en particulier les pérégrinations du peuple Hébreu dans lequel elles ont pris l’habitude de se reconnaître, ce fait permet de comprendre le processus d’identification avec le « peuple élu » qui ne cessera de grandir dans une grande partie du peuple américain, celui-ci voyant le sol du Nouveau Monde comme une nouvelle Jérusalem et considérant qu’il a une mission divine à accomplir pour l’humanité, cet élément de la culture de ces mouvements évangélistes est absolument primordial pour saisir le côté ultra pro-Juif de leur credo qui se révèlera de façon éclatante à la fin du XX siècle par un soutien absolu envers tous les mouvements sionistes de reconquête de la « Terre promise », les évènements récents le démontrent, ce caractère messianique des mouvements évangéliques est plus que jamais d’actualité !
 
 
2) Une expansion très forte et en accélération constante depuis plusieurs décennies d’où une puissance redoutable ;
Comment définir les sectes évangéliques  ? Qu’est ce qui fait leur particularisme face aux églises protestantes traditionnelles ? On peut relever essentiellement 4 critères :
- la référence constante à la Bible : la parole de Dieu est infaillible, pas trop d’intellectualisme ni de discussion des écritures, mais une acceptation littérale de celles-ci
- une christologie conservatrice qui fait de chaque croyant un pèlerin et réclame une participation militante de celui-ci, ils forment tous comme une immense armée de Dieu
- la doctrine du sacrifice de notre seigneur Jésus-Christ mort sur la Croix pour racheter les péchés du monde, il était bien le « fils de Dieu », évacué donc la querelle du « filioque » pour ne citer que celle-la
- le principe de la conversion individuelle, en s’affichant comme rené par l’esprit saint ou « born again », (tel G.W.Bush lui-même !) les pratiquants évangéliques expriment un engagement personnel complet de leur être.
Comme mouvements principaux on peut citer (liste non exhaustive) : les Baptistes, les Pentecôtistes, les Méthodistes, les Presbytériens, les Adventistes, etc..
A l’origine relativement peu nombreux en proportion des chrétiens traditionnels et cantonnés quasi exclusivement au nouveau monde (surtout Etats Unis), depuis quelques décennies ceux-ci manifestent un prosélytisme violent (volonté de conversion), ils seraient désormais près de 500 millions répartis sur les 5 continents, ils manifestent une expansion étonnamment rapide en Amérique latine, pourtant réputée pour son catholicisme, dans toute l’Afrique sub-saharienne, une grande partie de l’extrême orient, et même dans de nombreux pays musulmans, en fait non seulement ils taillent des croupières aux régions dominées traditionnellement par les catholiques mais ils s’attaquent aussi au Maghreb par exemple, on peut estimer aujourd’hui que la plupart des nouvelles conversions au christianisme dans le monde sont le fait des mouvements évangéliques, sauf en Europe où ils sont encore très sous représentés, à ce sujet cette rivalité de fait envers l’église catholique pourrait expliquer les nombreuses campagnes de diffamation dont cette dernière fait de plus en plus l’objet .. Dans le monde musulman les sectes évangéliques sont quasi seules à y tenter des conversions !
Il faut retenir ceci : leur point de départ essentiel est situé aux Etats Unis où ils sont déjà sur représentés dans les états du Sud (électorat conservateur pro-républicain), au global ils seraient près de 70 millions sur 300 millions d’habitants et en progression constante, disciplinés et très soudés ils font la pluie et le beau temps en politique.

3) Une idéologie ou un « credo » qui a plus que de quoi surprendre, vraiment inquiéter la planète entière 

Attention, là c’est du lourd, faut s’accrocher pour lire, il n’empêche ces théories qui par leur niveau de délire peuvent rappeler le national-socialisme ont pignon sur rue, sont professées par des gens tout à fait honorables, lesquels sont régulièrement courtisés par les candidats aux plus hautes fonctions dont le successeur de G.Washington, cela laisse songeur... voyons concrètement ce qu’il en est :
L’historique de constitution de ces mouvements évangéliques a démontré un phénomène de mimétisme très fort entre la mission de civilisation des Etats Unis et l’histoire à la fois ancienne du peuple hébreu (terre promise) et récente avec la fondation de l’état d’Israël au XX siècle, on peut même se demander si les mouvements évangéliques chrétiens n’ont pas joué un rôle plus important que les mouvements juifs sionistes eux-mêmes dans cette renaissance historique ?
En effet il n’est pas faux d’énoncer que les mouvements évangéliques sont plus sionistes que les Juifs eux-mêmes, ainsi ces sectes considèrent que les juifs sont des chrétiens en puissance et que la réalité d’Israël est une preuve de l’existence de Dieu, partant de là (nature divine de l’état Juif) toute action contre Israël est une trahison envers Dieu, à l’inverse tout « vrai » chrétien doit manifester un engagement absolu envers l’actuel état juif et doit ainsi l’aider à retrouver les limites géographiques de l’ancien état hébreu, cette position extrémiste (à laquelle s’opposent de nombreux Juifs) pèse très lourd et explique le soutien inconditionnel des USA envers Israël mais cela va même plus loin encore au niveau du credo de nombreuses sectes évangéliques ; dans ce combat du bien contre le mal, celles-ci sont persuadées qu’une seconde révélation de Jésus Christ aura bientôt lieu à Jérusalem, qu’en même temps en Babylonie se déroulera Armageddon (terrible guerre atomique) où la bataille de la fin des temps avec bien sur la victoire contre les forces du Mal (grâce aux Evangélistes alliés des Israélites) puis la Parousie qui verra enfin la conversion des Juifs au Christianisme !
Ce qui prête à sourire dans cette croyance c’est son extrême naïveté qui consiste à prendre le texte de l’Apocalypse dans un sens littéral et nullement symbolique, Jérusalem et Babylone (Irak) y sont des lieux physiques, les musulmans sont comparés aux peuples de Gog et Magog (défense de rire), l’appartenance de W.Bush aux « born again » permet à l’évidence d’éclairer certains engagements tragiques pris par les USA au cours de ces dernières années ..
A ce sujet une rencontre s’est tenu à l’hôtel du roi David à Jérusalem en octobre 2003.
 
Aussi dans toute cette propagande messianique il est souvent fait allusion au Nouvel Ordre Mondial, que même le président Sarkozy a repris récemment, sous cette appellation vague il y a un véritable projet totalitaire qui est à l’œuvre, que signifie-t-il concrètement ?
Une soumission de fait absolue à une idéologie qui fait d’un monde uniformisé sous la bannière anglo-américaine le seul monde désormais acceptable, la mise en scène des attentats du 11 septembre participe de cette stratégie ..
Les mouvements évangéliques ne sont pas les seuls mais sont à l’évidence les principaux prometteurs de ce N.O.M. qui devra désormais régner en maître absolu, qu’on se le dise !
 
 
En résumé la mécanique infernale est lancée, rien ne semble pouvoir entraver le prosélytisme violent des mouvements évangéliques qui combinent une alchimie redoutable :
- un énorme potentiel à la fois financier et humain ;
Déjà près de 500 millions d’adeptes, soit près de ¼ de tous les chrétiens au monde mais surtout parmi leurs membres souvent les populations les plus riches et qui en plus détiennent les leviers de l’économie.
- une idéologie simpliste mais terriblement efficace ;
Aucun ésotérisme chez les évangéliques, que du basique, des slogans simples et qui frappent, mais relayés par contre avec un savoir-faire marketing, hyper médiatisés, techniques de recrutement agressives, promesses sans fin aux nouveaux adhérents, il est très difficile de résister au rouleau compresseur des sectes évangéliques.
- des alliés et des relais à de nombreux niveaux ;
On l’a vu, les mouvement évangéliques font feu de tout bois et n’hésitent pas à pratiquer des campagnes de désinformation contre leurs adversaires potentiels et déclarés, par contre ils peuvent compter indéfectiblement sur le lobby juif, une certaine franc maçonnerie influente et sur les cercles de l’économie les plus libéraux et anti-réglementation, bref ils constituent une redoutable machine de guerre idéologique.
 
Vidéo du « dessous des cartes », excellente émission de Jean Christophe Victor
 
Ce rapide exposé doit suffire à démontrer qu’il est indispensable de saisir le rôle majeur des mouvements Evangéliques dans la géopolitique mondiale pour les temps à venir et qui du fait de leur influence seront certainement très durs à vivre...
 
 
Hiéronymus, Juin 2010

 

 

650 000 chrétiens évangéliques en France

 

Par David Houstin - 20 juin 2017

https://chretien.news

 

Le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF) a mis en ligne une étude statistique et cartographique des églises protestantes évangéliques en France, composées de 45 groupements et d’églises indépendantes. Selon le livret, on apprend qu’entre 1970 et 2017, plus de 1 750 églises locales évangéliques auraient été implantées en France. On en compte aujourd’hui 2 521 dans le pays, dont 2 263 en métropole et une nouvelle naitrait tous les 10 jours. L’étude, qui intègre l’ensemble des Églises locales de France métropolitaine répertoriées dans l’Annuaire évangélique 2017, révèle en outre que 88 % du pays serait couvert par au moins une église évangélique accessible en 30 minutes maximum en voiture alors que pour 41 % des Français, une église serait accessible en moins de 15 minutes par le même moyen de transport. Selon le même rapport, il y aurait en France 650 000 chrétiens évangéliques dont 500 000 en métropole et 150 000 dans les DOM-TOM. Ce nombre aurait été multiplié par 10 depuis 1950 alors qu’on dénombrait cette année-là près de 50 000 « pratiquants réguliers ».

Le CNEF a lancé il y a quelque temps déjà, le site www.1pour10000.fr dans le but d’encourager à la création de nouvelles églises en France et dans l’objectif d’atteindre un taux de pénétration d’au moins une église évangélique pour 10 000 habitants alors qu’à ce jour il est d’1 pour 29 000 en moyenne. Si l’intention du CNEF peut paraitre louable et que nous encourageons la création d’églises ainsi que l’évangélisation, dans les temps où nous sommes, chaque leadeur devrait se poser la question de la pertinence de se rattacher à un ou plusieurs organismes. Si à l’origine, ces derniers ont été créés pour regrouper les chrétiens et leur donner du poids dans la société, aujourd’hui plus que jamais, ils divisent. En effet, notre église doit-elle être assimilée au mariage des homosexuels comme l’y autorise par exemple la Fédération Protestante de France (FPF) ? Ou encore doit-elle écouter les suggestions politiques de l’Eglise protestante Unie de France (EPUdF) qui excluent les valeurs chrétiennes ? La tête de l’Église c’est Jésus-Christ et non un organisme et encore moins son dirigeant ne peut le remplacer. La question est celle-ci : les protestants dont les évangéliques ont-ils besoin d’un pape ou doivent-ils être plus que jamais à l’écoute de l’Esprit de Dieu ? L’unité des chrétiens ne dépend pas d’un ou plusieurs organismes, loin de là. David Houstin -

Lire plus ici: https://chretien.news/chretiens-evangeliques-en-france/

 

L’histoire inédite de la prise du pouvoir par le sionisme chrétien aux États-Unis

 

par Whitney Webb.

 

Bien avant que Theodore Herzl ait fondé le sionisme politique et publié The Jewish State, les sionistes chrétiens aux États-Unis et en Angleterre cherchaient déjà à diriger et à influencer la politique étrangère des deux nations au service d’une prophétie obsessionnelle. 

La plus grande organisation pro-israélienne aux États-Unis n’est pas composée de Juifs, mais d’évangélistes chrétiens, avec un total de 7 millions de membres, soit plus de 2 millions de plus que l’ensemble de la communauté juive américaine.

Les membres de cette organisation, Christians United for Israel (CUFI), se sont rencontrés lundi à Washington. Ils ont attiré des milliers de participants et ont présenté des discours du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, du secrétaire d’État et ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo, du vice-président Mike Pence, et du conseiller pour la sécurité nationale John Bolton. Le dirigeant du CUFI, le prédicateur évangélique controversé John Hagee, a rencontré le président Donald Trump à plusieurs reprises et a récemment pris part à une réunion exclusive à la Maison Blanche en mars sur le «plan de paix», concocté par l’administration US, pour régler le différend entre Israël et la Palestine.

Le CUFI n’est que l’une des nombreuses organisations de l’histoire américaine qui ont promu l’État d’Israël et le sionisme au motif qu’un État ethnique juif en Palestine est une nécessité pour la réalisation de la prophétie de la fin des temps et le retour de Jésus-Christ sur Terre. Les chrétiens se réfèrent souvent à «la Seconde venue».

Des organisations comme le CUFI et ses prédécesseurs ont longtemps vu la création de l’État d’Israël en 1948, puis la victoire et la conquête israéliennes de Jérusalem en 1967, comme une réalisation de la prophétie biblique – que cette secte de chrétiens évangéliques voit comme le seul obstacle à «la Seconde venue». Aux États-Unis, on estime à plus de 20 millions le nombre de chrétiens de ce type, souvent qualifiés de sionistes chrétiens, qui constituent un bloc électoral essentiel et une source de dons politiques pour le Parti républicain.

Comme cela a été exploré dans les versions précédentes de cette série, ces sionistes chrétiens, à l’instar des extrémistes religieux sionistes en Israël, estiment que la mosquée Al Aqsa et le Dôme du Rocher doivent être remplacés par un troisième temple juif pour inaugurer la fin des temps.

Depuis le XIXe siècle, ces deux groupes de confessions différentes ont formé à plusieurs reprises une alliance opportuniste afin de garantir la réalisation de leurs prophéties respectives, alors même que les membres de chaque confession sont rarement, voire jamais, du même avis que l’autre dans leur interprétation de ce qui se produira après la construction du temple.

Cette alliance, basée sur l’obsession mutuelle de hâter la venue de l’Apocalypse, se poursuit encore et à ce jour, plus que jamais dans l’histoire, ces groupes ont atteint le sommet du pouvoir, tant en Israël qu’aux États-Unis. Les parties Iet II de cette série exclusive explorent la manière dont cette branche du sionisme religieux a fini par dominer l’actuel gouvernement de droite en Israël et a conduit le gouvernement israélien présent à prendre des mesures définitives en vue de la destruction de la mosquée Al Aqsa et de la construction imminente d’un troisième temple.

Cette partie (partie III) montrera à présent comment ce mouvement chrétien aux États-Unis, le sionisme chrétien, est également devenu une force dominante de la politique américaine, en particulier après l’élection de Donald Trump à la présidence ; cette vision apocalyptique est apparue comme le fil conducteur majeur derrière la politique de son administration au Moyen-Orient.

Pourtant, cette vision dantesque de la fin des temps est depuis longtemps un guide pour des personnalités proéminentes de l’histoire américaine et de l’élite américaine, même avant la fondation du sionisme en tant que mouvement politique. Ainsi, l’influence du sionisme chrétien sur la politique de l’administration Trump n’est que le dernier avatar d’une longue liste d’exemples où prophétie et politique se sont mélangés dans l’histoire américaine, souvent avec des résultats qui ont changé le monde.

Puritains, Prophétie et Palestine

Les récits sur le rôle des chrétiens d’Europe et d’Amérique du Nord dans la création de l’État d’Israël commencent souvent par la déclaration Balfour de 1917, mais les efforts de certains groupes chrétiens d’Angleterre et des États-Unis pour créer un État juif en Palestine remontent en réalité des siècles plus tôt, et bien avant la fondation officielle du sionisme par Théodore Herzl.

Parmi les premiers partisans de l’immigration physique de juifs européens en Palestine, il y avait les puritains, une branche du protestantisme chrétien qui a émergé à la fin du XVIe siècle et qui est devenue influente en Angleterre et, plus tard, dans les colonies américaines. Des puritains influents s’intéressaient énormément au rôle des juifs dans l’eschatologie ou la théologie de la fin des temps. Plusieurs, tels que John Owen, théologien du XVIIe siècle, membre du Parlement et administrateur à Oxford, croyaient que le retour légal des Juifs en Palestine était nécessaire pour l’accomplissement de la prophétie de la fin des temps.

Alors que les racines puritaines de ce qui deviendra plus tard le sionisme chrétien sont souvent négligées dans les récits modernes concernant le lieu d’origine et les raisons du soutien évangélique américain à Israël, ses adhérents reconnaissent toujours clairement leur héritage. Par exemple, lundi, lors de la conférence du CUFI, Pompeo, un sioniste chrétien, connu pour son obsession de la fin des temps, a déclaré au groupe ce qui suit :

« En Amérique, le soutien chrétien à Sion – pour une patrie juive – remonte aux premiers colons puritains et dure depuis des siècles. En effet, notre deuxième président [John Adams], il y a deux siècles, a déclaré… «Je souhaite vraiment pour les Juifs de nouveau une nation indépendante en Judée ».

Ces croyances puritaines, qui persistent aujourd’hui, et dont la popularité ne fait qu’augmenter, sont devenues de plus en plus enracinées en Angleterre et dans l’Amérique coloniale avec le temps, en particulier parmi la classe politique riche, et ont conduit à diverses interprétations concernant ce que la Bible dit exactement à propos de la fin des temps. Parmi les plus influents, on compte le développement du «dispensationalisme» chrétien, cadre interprétatif qui utilise la Bible pour diviser l’histoire en différentes périodes de «dispensations» et considère les références prophétiques de la Bible à «Israël» comme désignant une nation ethniquement juive établie en Palestine.

Le dispensationalisme a été en grande partie développé par le prédicateur anglo-irlandais John Nelson Darby, qui croyait que les destins ordonnés par Dieu à Israël et à l’église chrétienne étaient complètement séparés, cette dernière devant être physiquement retirée de la Terre par Dieu avant une période prédite de souffrance terrestre connue sous le nom de Tribulation.

Selon Darby, la Tribulation commencerait après la construction d’un troisième temple juif sur le mont du Temple à Jérusalem. Cette croyance en l’éloignement physique des chrétiens de la Terre avant la Tribulation, connue sous le nom de «l’enlèvement» [The rapture], a été inventée par Darby dans les années 1820, et son manque de preuve scripturale a été largement noté par les théologiens de diverses dénominations et les savants bibliques. Cependant, il est important de souligner qu’il existe des différences entre les chrétiens dispensationalistes quant à savoir si l’enlèvement aura lieu avant, pendant ou après la période de tribulation.

Pourtant, malgré son existence relativement brève en tant qu’idée et son manque de soutien dans la Bible, l’enlèvement a été adopté avec enthousiasme par certaines églises d’Angleterre et des États-Unis, en particulier ces dernières. Cela est dû en grande partie au travail du théologien très controversé Cyrus Scofield.

Notamment, la conception de l’eschatologie chrétienne de Darby coïncide avec des développements similaires dans l’eschatologie juive, à savoir les idées du rabbin Tzvi Hirsh Kalisher et la création d’une nouvelle branche du messianisme juif qui croyait que les juifs devaient travailler de manière proactive pour hâter la venue de leur messie en immigrant en Israël et en construisant le troisième temple sur le Mont du temple à Jérusalem. Les croyances de Darby, et celles qu’il a inspirées, ont promu quelque chose de similaire en ce sens que les chrétiens pourraient accélérer l’enlèvement et la tribulation en promouvant l’immigration de juifs en Israël ainsi que la construction d’un troisième temple juif.

Les sionistes chrétiens préparent le terrain pour Théodore Herzl

Darby se rendit en Amérique du Nord et dans plusieurs autres pays pour vulgariser ses idées, rencontrant plusieurs pasteurs influents du monde anglophone, dont James Brookes, le futur mentor de Cyrus Scofield. Ses voyages et la diffusion de ses écrits ont popularisé ses vues eschatologiques parmi certains cercles de chrétiens américains et anglais au cours de la renaissance religieuse du XIXe siècle. Les croyances de Darby intéressent particulièrement l’élite des deux pays, certains nobles anglais publiant des annonces dans les journaux exhortant les Juifs à immigrer en Palestine dès les années 1840.

Le prédicateur américain Charles Taze Russell, dont l’église a par la suite donné naissance à plusieurs rejetons, dont les Témoins de Jéhovah, a également influencé la doctrine de la fin des temps de Darby. Des décennies avant la fondation du sionisme politique moderne, Russell commença à prêcher – non seulement aux chrétiens, mais aux juifs des États-Unis et ailleurs – la nécessité d’une immigration juive massive en Palestine.

Comme le rabbin Kalisher l’avait fait quelques décennies auparavant, Russell écrivit une lettre en 1891 à Edmond de Rothschild, riche membre de la famille bancaire Rothschild, ainsi qu’à Maurice von Hirsch, un riche financier allemand, sur son projet d’implantation juive en Palestine. Russell a décrit son plan comme suit :

« Je suggère que les riches Hébreux achètent à la Turquie, à leur juste valeur, tous ses intérêts immobiliers sur ces terres : c’est-à-dire toutes les terres du gouvernement – terres qui ne sont pas détenues par des propriétaires privés – et sous la provision que la Syrie et la Palestine soient constitués en un État libre« .

Le même plan devait refaire surface quelques années plus tard dans le livre sioniste le plus influent de tous les temps, The Jewish State de Theodore Herzl, publié en 1896.

On ne sait pas si Rothschild ou Hirsch ont été influencés par la lettre de Russell, bien que les idées de Russell aient eu un impact durable sur certains juifs et chrétiens américains éminents en ce qui concerne sa promotion de l’immigration juive en Palestine.

La même année, lorsque Russell écrivit sa lettre à Rothschild et von Hirsch, un autre prédicateur influent du dispensationalisme écrivit un autre document qui est souvent négligé dans l’exploration du rôle des chrétiens américains dans le développement et la vulgarisation du sionisme. William E. Blackstone, prédicateur américain très influencé par Darby et d’autres dispensationalistes de l’époque, avait consacré des décennies à la promotion, avec une ferveur sans faille, de l’immigration des Juifs en Palestine comme moyen d’accomplir la prophétie biblique.

Le point culminant des efforts de Blackstone est apparu sous la forme du Blackstone Memorialune pétition qui plaidait pour que le président des États-Unis de l’époque [Autour de 1890, NdSF]Benjamin Harrison, et son secrétaire d’État, James Blaine, agissent « en faveur de la restitution de la Palestine aux Juifs. » La pétition, en grande partie oubliée, demandait à Harrison et à Blaine d’exercer leur influence pour « obtenir rapidement la tenue d’une conférence internationale chargée d’examiner la situation des Israélites et leurs revendications de la Palestine comme ancienne patrie, ainsi que de promouvoir tous les autres moyens justes et appropriés, pour le soulagement de leur souffrance. »

Comme dans la lettre de Russell à de Rothschild et von Hirsch, on ignore exactement quelle influence la pétition du Mémorial de Blackstone a eu sur les opinions ou la politique de Harrison ou de Blaine. Cependant, la pétition revêt une grande importance en raison de ses signataires, parmi lesquels figurent les Américains les plus influents et les plus riches de l’époque, dont la majorité étaient chrétiens.

Parmi les signataires du Mémorial de Blackstone figurent J.D. Rockefeller, le premier milliardaire du pays ; J.P. Morgan, le riche banquier ; William McKinley, futur président des États-Unis ; Thomas Brackett Reed, alors président de la Chambre ; Melville Fuller, juge en chef de la Cour suprême ; les maires de New York, Philadelphie, Baltimore, Boston et Chicago ; les éditeurs du Boston Globe, du New York Times, du Washington Post et du Chicago Tribune, entre autres ; et de nombreux autres membres du Congrès, ainsi que des hommes d’affaires et des ecclésiastiques influents. Bien que certains rabbins aient été signataires, la plupart des communautés juives américaines se sont opposées au contenu de la pétition. En d’autres termes, l’objectif premier du sionisme, avant même qu’il ne devienne un mouvement, était largement soutenu par l’élite chrétienne américaine, mais refusé par les juifs américains.

Le Mémorial de Blackstone attirerait plus tard l’attention de Louis Brandeis, l’un des sionistes juifs américains les plus en vue, qui qualifierait plus tard Blackstone de «véritable père fondateur du sionisme», selon l’ami proche de Brandeis, Nathan Straus. Brandeis réussira finalement à convaincre un Blackstone âgé de présenter une pétition au président Woodrow Wilson avec un deuxième Mémorial de Blackstone en 1916, qui sera présenté en privé à Wilson près d’un an plus tard.

Au lieu de rassembler les signatures d’éminents membres de l’élite américaine, Blackstone s’efforça cette fois d’obtenir le soutien d’organisations protestantes, notamment l’Église presbytérienne, conformément à la foi presbytérienne de Wilson. Selon l’historien Jerry Klinger, président de la Société juive américaine pour la préservation historique, ce changement de cap était une idée de Brandeis, et non de Blackstone.

Alison Weir, auteur de Against Our Better Judgment : l’histoire cachée de la manière dont les États-Unis ont été utilisés pour créer Israël, a décrit Brandeis comme «l’un des sionistes américains les plus influents» et une figure clé des efforts pour pousser Wilson à soutenir la formation d’un État juif en Palestine, dont la seconde demande de Blackstone faisait partie. Cependant, Weir a affirmé que la seconde requête de Blackstone était secondaire par rapport à un prétendu “gentleman’s agreement” aux termes duquel les autorités anglaises avaient promis de soutenir un État juif en Palestine si les sionistes américains, dirigés par Brandeis, étaient en mesure de garantir l’entrée des États-Unis dans la première guerre mondiale.

Wilson a finalement soutenu le nouveau document de Blackstone, qui n’a jamais été présenté publiquement au président, mais en privé par le rabbin Stephen Wise. Ce deuxième Mémorial de Blackstone était un élément clé de la campagne menée par Brandeis qui garantissait finalement le soutien américain – c’est-à-dire privé – à la Déclaration Balfour, qui formulait les intentions britanniques de soutenir un État ethnique juif en Palestine. Notamment, la Déclaration Balfour a emprunté son nom au secrétaire anglais du Foreign Office Arthur Balfour, lui-même un dispensationaliste chrétien, bien que Weir ait  déclaré à MintPress que Balfour était plus probablement animé par des impératifs politiques que par des motivations religieuses. Le seul membre du cabinet britannique à s’opposer à la Déclaration Balfour était son seul membre juif, Edwin Montagu.

La Déclaration Balfour a été adressée à un membre de la famille du banquier Rothschild, Lionel Walter Rothschild, la dernière d’une série de lettres adressées à des membres de cette famille les exhortant à utiliser leur richesse et leur influence politique pour favoriser la création d’un État juif en Palestine. Il s’agit d’une lettre du rabbin Kalisher, qui écrivit au baron Amschel Rothschild en 1836 ; d’une autre de Charles Taze Russell, qui écrivit à Edmond de Rothschild en 1891 ; et enfin de la Déclaration Balfour, écrite à Lionel Walter Rothschild en 1917.

Weir a déclaré à MintPress que les Rothschild occupaient une place si prépondérante dans ces efforts précoces visant à établir un État juif en Palestine en raison de «leur richesse et du pouvoir qui l’accompagne», ce qui les rend très recherchés par ceux qui estiment qu’un État juif pourrait être formé en Palestine par l’achat de territoires par de riches juifs européens, comme l’avaient proposé Kalisher et Russell. Cependant, la Déclaration Balfour était adressée aux Rothschild car, à cette époque, des membres de la famille Rothschild, notamment Edmond de Rothschild, étaient devenus les plus fervents partisans de la cause sioniste.

Bien que la déclaration porte son nom, il est difficile de savoir si Balfour a lui-même rédigé le document. Certains historiens – tels que Michael Rubinstein, ancien président de la Société d’histoire juive d’Angleterre – ont affirmé que la déclaration elle-même avait été écrite par Léopold Amery, secrétaire politique du Cabinet de guerre d’Angleterre et sioniste qui, malgré son attachement à la cause sioniste, a occulté ses racines juives pendant une grande partie de sa carrière, pour des raisons qui font encore débat.

Comme le démontre la Déclaration Balfour, les efforts de lobbying qui ont conduit à sa création, efforts qui allaient bientôt s’appeler le sionisme pour les notables d’Angleterre et des États-Unis, étaient déjà formidables avant même que Herzl ne commence à travailler sur son fameux livre The Jewish State. Il est intéressant de noter que le pouvoir et l’influence de cette élite chrétienne à motivation religieuse ont influencé Herzl et ses idées, d’autant plus que les dispensationalistes chrétiens promouvaient un État ethnique juif en Palestine à un moment où l’idée était impopulaireparmi de nombreux juifs en Europe et aux États-Unis.

En outre, le rôle des sionistes chrétiens, comme il sera connu par la suite, s’est poursuivi bien après que Herzl a débuté ses activités sionistes et a abouti à bon nombre des actes les plus influents ayant conduit à la création de l’État d’Israël, y compris la Déclaration Balfour.

Il faut noter que le succès de Herzl dans la promotion de son point de vue après la publication de The Jewish State est dû en grande partie au pasteur dispensationaliste anglais William Hechler. Hechler, alors qu’il était aumônier à l’ambassade britannique à Vienne, a forgé une alliance, et par la suite une amitié étroite, avec Herzl. Il a joué un rôle crucial dans les négociations entre Herzl et des membres éminents du gouvernement allemand, notamment le Kaiser Wilhelm II, qui a donné la légitimité politique nécessaire au Mouvement sioniste de Herzl.

Figure largement sous-estimée dans la montée du sionisme, Hechler est mentionné dans le journal de Herzl plus que toute autre personne, et ressentait avec passion que la création d’un État juif en Palestine marquerait la fin des temps. On sait également que Hechler était extrêmement intéressé par la construction d’un troisième temple juif sur le mont du Temple, après avoir consacré beaucoup de temps à la création de maquettes de ce temple, dont il a exposé certaines de manière bien visible dans son bureau, et présenté avec enthousiasme à Herzl lors de leur première rencontre.

L’alliance Hechler-Herzl est l’un des premiers exemples de la façon dont sionistes chrétiens et juifs ont utilisé les motivations de l’autre à des fins politiques, en dépit du fait que les sionistes chrétiens ont souvent des vues antisémites, de même que les sionistes laïques et religieux ne tiennent pas le christianisme en grande estime. Cet opportunisme de la part des sionistes chrétiens et juifs a été un élément clé de la montée du sionisme, en particulier aux États-Unis, et le cas de Cyrus Scofield, l’homme le plus responsable de la vulgarisation du sionisme chrétien parmi les évangéliques américains, offre un autre exemple important.

La surprenante histoire de Cyrus Scofield

Il n’y a peut-être aucun autre livre qui ait eu plus d’influence sur la diffusion du sionisme chrétien aux États-Unis que la Scofield Reference Bible, une version de la Bible de King James dont les annotations étaient écrites par Cyrus Scofield. Celui-ci, qui n’avait aucune formation théologique formelle, bien qu’il ait ensuite prétendu avoir un doctorat en théologie, a d’abord travaillé comme avocat et agent politique dans l’État du Kansas et est finalement devenu procureur de cet État.

Peu de temps après sa nomination à ce poste, il a été contraint de démissionner à la suite de nombreuses allégations de corruption, notamment vénale, de falsification de signatures sur des billets de banque et de vol de dons politiques de la part du sénateur du Kansas, James Ingalls. Pendant ce temps, Scofield a abandonné sa femme et ses deux filles, ce qui l’a rendu responsable des scandales naissants auxquels il était confronté, ainsi que de ses habitudes de consommation abusive d’alcool.

Dans ce contexte, Scofield serait devenu un évangéliste vers 1879 et serait bientôt associé à d’éminents prédicateurs dispensationalistes de cette époque, notamment Dwight Moody et James Brookes. Les journaux locaux de l’époque, tels que le patriote Atchison, considéraient avec beaucoup de scepticisme la conversion et le changement de carrière de Scofield, qualifiant celui-ci de «défunt avocat, et homme politique médiocre» qui s’était déshonoré en commettant «de nombreux actes de malveillance».

Scofield a ensuite été pasteur de petites églises, passant de Kansas à Dallas, au Texas, puis au Massachusetts. Pourtant, malgré son manque de notoriété et son histoire troublée, en 1901, Scofield avait réussi à pénétrer dans un club exclusif pour hommes à New York, le Lotos Club, qui comprenait à l’époque le magnat de l’acier et multimillionnaire Andrew Carnegie, des membres de la famille Vanderbilt, et le célèbre écrivain américain Samuel Clemens, mieux connu sous son nom de plume, Mark Twain.

Le pasteur Scofield, au centre, avec les diacres de la première église congrégationaliste de Dallas, vers 1880

L’affiliation de Scofield à ce club exclusif – ainsi que le patronage de ses activités par le club, qui lui ont permis d’héberger et de financer la production de ce qui allait devenir la Scofield Reference Bible – ont fait l’objet de nombreuses spéculations. En effet, beaucoup ont noté que la présence d’un prédicateur fondamentaliste et dispensationaliste dans une petite ville, au passé politique douteux, dans un club bourré des plus illustres universitaires, d’écrivains et de barons voleurs parmi les plus prestigieux du pays, ne colle pas.

Joseph M. Canfield, dans son livre L’Incroyable Scofield, affirmait que « l’admission de Scofield au Lotos Club, que Scofield n’aurait pas pu rechercher seul, renforce la suspicion qui s’était déjà manifestée, selon laquelle quelqu’un dirigeait la carrière de C.I. Scofield. »

Dans son livre, Canfield avance la théorie selon laquelle la personne « pilotant » la carrière de Scofield était liée à l’avocat new-yorkais et activiste sioniste Samuel Untermeyer, membre du comité exécutif du club et proche collaborateur de Louis Brandeis, et influent dans l’administration de Woodrow Wilson. Il note ensuite que la bible annotée de Scofield a été, par la suite, «très utile pour amener les chrétiens fondamentalistes à soutenir l’intérêt international pour l’un des projets de prédilection d’Untermeyer – le Mouvement Sioniste».

D’autres spécialistes, tels que David Lutz, ont été plus explicites que Canfield en faisant le lien entre l’activisme sioniste d’Untermeyer et son rôle dans le soutien financier de Scofield et ses travaux sur sa Bible annotée. Finalement, comme pour le Memorial Blackstone avant lui, le patronage du travail de Scofield par le Lotos club révèle à nouveau l’intérêt de l’élite américaine de cette époque, tant chrétienne que juive, pour la promotion du sionisme chrétien.

Untermeyer et le Lotos Club ont notamment financé les nombreux voyages de Scofield en Europe, dont un voyage fatidique en Angleterre où Scofield a rencontré Henry Frowde, éditeur chez Oxford University Press. Frowde a été séduit par le travail de Scofield, principalement en raison du fait qu’il était membre du groupe «Exclusive Brethren», un groupe religieux fondé par John Nelson Darby, le père du dispensationalisme. Oxford University Press publia ensuite la Scofield Reference Bible en 1909. Vingt ans après sa publication, cette publication devint la première publication d’Oxford à générer plus d’un million de dollars de ventes.

La Bible de Scofield devint spectaculairement populaire parmi les fondamentalistes américains peu après sa publication, en partie parce que c’était la première bible annotée qui cherchait à interpréter le texte pour le lecteur, mais aussi parce qu’elle devenait le thème central de plusieurs séminaires influents qui avaient été créés après sa publication en 1909. Parmi les nombreuses annotations de Scofield figurent des affirmations qui sont depuis devenues centrales dans le sionisme chrétien, telles que l’annotation de Scofield dans Genèse 12 : 3 selon laquelle ceux qui maudissent Israël – interprétés par les sionistes chrétiens comme désignant l’État d’Israël, depuis sa fondation en 1948 – seront maudits par Dieu. De même, ceux qui bénissent Israël seront bénis.

Les sionistes chrétiens modernes, comme le pasteur John Hagee de Christians United for Israel (CUFI), ont fréquemment cité cette interprétation. Scofield a pris sa défense en défendant des positions extrêmement pro-israéliennes. Par exemple, Hagee a fait la déclaration suivante en 2014 :

« Il faut revenir à l’essentiel, avec le fait que dans Genèse (chapitre 1), Dieu créa le monde et fit une promesse très solennelle (apportée dans Genèse 12 : 3) : «Je bénirai ceux qui vous bénissent et je maudirai ceux qui vous maudissent.» À partir de ce moment, chaque nation qui a toujours béni Israël a été bénie par Dieu, et chaque nation qui a persécuté le peuple juif, Dieu l’a écrasée. Et il continuera ainsi« .

Falwell et le Likoud : une amitié ou autre chose ?

En dépit de la large diffusion de la Bible de référence Scofield et de sa popularisation parmi les églises évangéliques américaines et les séminaires, l’influence publique de l’eschatologie dispensationaliste et du sionisme chrétien sur la politique américaine a été relativement limitée pendant la majeure partie du XXe siècle. Cependant, l’influence privée des dispensationalistes chrétiens était néanmoins présente, comme en témoignent le rôle du prédicateur des dispensationalistes et avocat du Troisième Temple, Billy Graham, et ses relations étroites avec plusieurs présidents, dont Dwight Eisenhower, Lyndon Johnson et Richard Nixon.

Ensuite, le pouvoir politique de la théologie dispensationaliste est passé dramatiquement des conversations privées dans les allées du pouvoir américain au discours politique ordinaire avec la fondation de la «Moral Majority» par le prédicateur télé-évangéliste Jerry Falwell en 1979.

Au début des années 1970, le ministère croissant de Falwell rapportait des millions de dollars par an, en particulier son émission diffusée à l’échelle nationale «The Old Time Gospel Hour», diffusée à l’époque sur plusieurs grands réseaux câblés. Malgré – ou peut-être à cause – de la flambée des dons, Falwell a rapidement été pris pour cible par le gouvernement fédéral, en particulier la Securities and Exchange Commission (SEC), pour «fraude et tromperie» et «insolvabilité grave» dans la gestion financière de son ministère, en particulier la vente par le ministère, pour 6,6 millions de dollars, d’obligations paroissiales. Le procès de la SEC a finalement été réglé lorsqu’un groupe d’hommes d’affaires de Lynchburg, en Virginie – où le ministère de Falwell était basé – a repris les finances du ministère pour plusieurs années, jusqu’en 1977. Falwell a imputé les problèmes financiers de son ministère à son « ignorance financière ».

Jerry Falwell voyage avec son fils Jonathan, à droite, à bord de son jet privé en 2004. Todd Hunley | Église baptiste de Thomas Road

Un an après que son ministère ait semblé être sur une meilleure base financière, Falwell reçut une invitation à se rendre en Israël et fut personnellement invité au voyage, tous frais payés, par Menachem Begin, alors premier ministre d’Israël et chef du parti Likoud. Ce voyage marquera le début d’une longue amitié et de relations étroites entre Falwell et Begin et, plus largement, d’une relation entre les dirigeants évangéliques américains et le Parti du Likoud d’Israël. Comme le souligne l’historien israélien Gershom Gorenberg dans son livre La fin des temps : le fondamentalisme et la lutte pour le mont du Temple, l’administration Begin «a été la première à exploiter l’enthousiasme évangélique pour Israël et à le transformer en soutien politique et économique».

Peu après son retour d’Israël, les finances de Falwell ont de nouveau été scrutées par le gouvernement fédéral après qu’une enquête fédérale a révélé que Falwell avait transféré les polices d’assurance maladie de ses employés à une société écran non agréée disposant seulement de 128 dollars d’actifs et de centaines de milliers de dollars en sinistres non payés. Juste au moment où les problèmes financiers de Falwell commençaient à s’aggraver, il reçut un cadeau généreux de la part de Begin, sous la forme d’un Learjet, avion privé d’une valeur de 4 millions de dollars. Peu de temps après, Falwell fonda l’organisation «Moral Majority»«après consultations avec des théologiens et des stratèges politiques».

Il est largement admis que Moral Majority a transformé la droite évangélique chrétienne en une force politique majeure aux États-Unis, en promouvant des politiques extrêmement pro-israéliennes, des dépenses de défense accrues, une approche reaganiste des défis de la guerre froide, ainsi que des politiques intérieures conservatrices. Falwell utilisa fréquemment le cadeau de Begin pour voyager et promouvoir la nouvelle organisation, ainsi que pour lui-même en tant que personnage public majeur.

Moral Majority marque un tournant décisif dans les relations évangéliques entre Israël et les États-Unis, car elle a fait du soutien fervent à Israël un thème d’une grande importance pour les électeurs évangéliques, et a également amené beaucoup d’entre eux à accorder une attention accrue aux événements se déroulant au Moyen-Orient. Cependant, compte tenu de la forte promotion du sionisme chrétien par Falwell, de nombreux évangéliques qui sont devenus de plus en plus politiquement actifs après la fondation de l’organisation ont non seulement soutenu la politique israélienne de l’époque, mais également les nombreuses ambitions futures de Begin et du parti Likoud. Ce soutien a été consolidé par le début de la pratique du ministère israélien du Tourisme d’offrir, aux chefs évangéliques américains, des visites gratuites de «familiarisation» en Israël, au début des années 80.

La vision par Begin du «Grand Israël» – l’annexion complète de la Palestine ainsi que de vastes régions du Liban, de la Syrie, de l’Irak et de l’Égypte par Israël – a également été partagée et promue par Falwell. En 1983, Falwell déclara «Begin vous dira bientôt : ‘Nous n’avons pas encore toutes les terres, mais nous les aurons’» et prédit en outre qu’Israël n’abandonnera jamais le contrôle de la Cisjordanie occupée, car Begin était déterminé à garder le pays «qui leur a été livré (aux Israéliens)».

Falwell a présenté les ambitions expansionnistes de Begin comme une croyance religieuse en «l’inhérence de l’Ancien Testament», un sentiment partagé par Falwell. Falwell a également insisté pour que les États-Unis reconnaissent Jérusalem comme la capitale d’Israël et a estimé que la construction d’un troisième temple sur le mont du Temple était nécessaire pour inaugurer la fin des temps et la seconde venue du Christ.

Alors que Falwell contribuait à faire du sionisme chrétien une force politique majeure aux États-Unis, il fit également de lui-même une figure politique clé de l’ère Reagan et un intermédiaire important pour les relations américano-israéliennes. En 1981, Begin informa Falwell de son intention de bombarder une installation nucléaire irakienne avantd’informer le gouvernement Reagan dans l’espoir qu’il «expliquerait au public chrétien les raisons de ce bombardement». Selon un universitaire canadien, David S. New, Begin a dit à Falwell pendant cet appel téléphonique : « Mets-toi au travail. »

De plus, Falwell rencontra fréquemment Begin, qu’il qualifia plus tard d’ami personnel. Ces réunions chevauchaientsouvent les réunions officielles de Begin avec Reagan. Un an plus tard, Begin a décerné le prix Jabotinsky à Falwell, faisant ainsi de celui-ci le premier non-juif à recevoir l’honneur pour son plaidoyer en faveur d’Israël et, plus précisément, pour la politique et les ambitions du Likoud.

Bien que Moral Majority ait officiellement fermé ses portes en 1989, son héritage politique a persisté longtemps après, tout comme l’influence politique de Falwell. En effet, suivant son modèle, Benjamin Netanyahu, lors de son premier mandat de Premier ministre, avait également pris l’habitude de rendre visite à Falwell, rencontrant le pasteur controversé avant même de rencontrer des responsables politiques lors de ses visites à Washington.

Au cours d’un voyage à Washington DC en 1998, la première visite de Netanyahu a été à un événement co-organisé par Falwell, où le pasteur avait loué Netanyahu comme étant «le Ronald Reagan d’Israël»Le New York Times a décritl’objectif de la visite de Netanyahu aux États-Unis non comme une visite  destinée à rencontrer des représentants du gouvernement, mais plutôt à «consolider sa base de soutien traditionnel aux États-Unis. Les groupes chrétiens conservateurs sont depuis longtemps des partisans ardents d’Israël en raison de son importance religieuse pour le christianisme».

Cependant, cette relation entre des sionistes chrétiens comme Falwell et des personnalités politiques israéliennes de droite n’a pas été sans controverse, d’autant plus que les évangéliques pro-israéliens comme Falwell ont toujours fait des déclarations antisémites.

Par exemple, au cours d’un sermon de 1999, Falwell discuta de son interprétation de la prophétie de la fin des temps, largement partagée par les évangélistes sionistes chrétiens, selon laquelle la Seconde Venue suivrait non seulement la création de l’État d’Israël, mais également la construction d’un Troisième Temple sur le mont du Temple, moment à partir duquel une figure connue par les chrétiens comme «l’Antéchrist» régnerait sur la Terre. En répondant à sa propre question rhétorique de savoir si l’Antéchrist est «bien vivant aujourd’hui», Falwell a déclaré : « Probablement parce que lorsqu’il apparaîtra pendant la période de tribulation, il sera une contrefaçon absolue du Christ. Bien sûr, il sera juif. »

Les commentaires de Falwell ont été immédiatement condamnés par divers groupes juifs, y compris la Ligue anti-diffamation (ADL) pro-israélienne. Le rabbin Leon Klenicki, alors directeur des affaires interconfessionnelles pour l’ADL, a noté que le point de vue de Falwell est une « position théologique commune » chez les évangéliques américains et qu’il était « une voix influente parmi les chrétiens évangéliques et charismatiques » qui « ne soutient Israël que pour son propre intérêt, les fins christologiques. Il ne nous voit que comme ceux qui préparent la venue de Jésus», a déclaréKlenicki à l’époque. « C’est une grande déception après plus de 30 ans de dialogue. Il est toujours au Moyen Âge. « 

Hal Lindsey, auteur et co-auteur de plusieurs livres, dont The Late Great Planet Earth, est un autre dispensationaliste avec une grande influence politique et littéraire. Le travail de Lindsey a beaucoup influencé de nombreux politiciens américains de premier plan, tels que Ronald Reagan, qui était tellement ému par les livres de Lindsey qu’il l’a invité à prendre la parole devant le Conseil national de sécurité sur les projets de guerre nucléaire et a contribué à faire de Lindsey un consultant influent auprès de plusieurs membres du Congrès et du Pentagone.

Comme le souligne l’historien israélien Gershom Gorenberg, Lindsey voit les Juifs comme jouant «deux rôles centraux»dans l’eschatologie dispensationaliste chrétienne :

« Le premier – malgré son insistance sur l’amour qu’il a pour les Juifs – est un classique de la polémique chrétienne anti-juive : c’est le «peuple juif qui a crucifié Jésus» et l’archétype de ceux qui ignorent la vérité des prophéties. Le deuxième rôle est d’accomplir la prophétie malgré eux« .

Gorenberg note en outre que Lindsey croit que les Juifs ont accompli deux des trois prophéties cruciales qui ouvriront la voie à la fin des temps, la première étant la création de l’État d’Israël en 1948 et la seconde la conquête et l’occupation de Jérusalem après la guerre des Six jours en 1967. Selon Lindsey : « Il ne reste plus qu’un événement dans le rôle joué par Israël pour l’avènement du dernier grand acte de son drame historique,  la reconstruction de l’ancien Temple…”

Comme le révèlent les commentaires de Falwell et de Lindsey, les conceptions eschatologiques du dispensationalisme ne perçoivent souvent le peuple juif que comme des pions devant remplir certaines conditions – par exemple, établir l’État d’Israël, conquérir Jérusalem, construire un troisième Temple – afin d’accélérer le salut et «l’enlèvement» des chrétiens évangéliques. Pendant ce temps, les Juifs d’Israël qui ne se convertissent pas au christianisme devront mourir d’horribles souffrances, bien que certains sionistes chrétiens de ces dernières années, comme on le verra bientôt, aient cherché à ajuster cette position théologique encore courante.

En dépit des motivations antisémites sous-jacentes au soutien évangélique à l’État d’Israël et à la vision du «Grand Israël», soutenue par le Likoud, le mouvement chrétien sioniste politiquement actif, que Falwell a contribué à créer, s’est traduit par une solide base de soutien pour Israël et la politique de droite du Likoud, qui est devenue cruciale pour les politiciens israéliens éminents.

Par exemple, beaucoup plus de chrétiens américains (55%) que de juifs américains (40%) croient que Dieu a donné Israël aux juifs alors que ce sentiment est partagé par seulement 19% des chrétiens israéliens. En outre, en ce qui concerne les politiques pro-israéliennes du gouvernement Trump, seuls 15% des chrétiens évangéliques pensent que le président Trump favorise trop Israël, tandis que 42% des Juifs américains estiment que Trump est partial en leur faveur.

Dans une vidéo enregistrée au début des années 2000 – ultérieurement diffusée à la télévision israélienne – Netanyahu, s’adressant à une famille de colons juifs, a décrit le soutien massif apporté par les Américains, en particulier les évangéliques, à Israël comme « absurde », disant :

« L’Amérique est quelque chose qui peut être facilement guidé. Guidé dans la bonne direction. Ils ne se mettront pas sur notre chemin ; 80% des Américains nous soutiennent. C’est absurde« .

Dans un discours prononcé en 2017 devant le groupe sioniste chrétien CUFI, Netanyahu a clairement indiqué qu’une grande partie de ce soutien « absurde » provenait d’évangéliques américains, affirmant que « l’Amérique n’a pas de meilleur ami qu’Israël, et Israël n’a pas de meilleur ami que l’Amérique, et Israël n’a pas de meilleur ami en Amérique que vous. »

Richard Silverstein – un universitaire et journaliste dont les travaux ont été publiés dans Haaretz et MintPress, entre autres – a affirmé que les politiciens israéliens, en particulier Netanyahu, avaient recherché le soutien de groupes évangéliques en dépit de leur caractère antisémite, du fait qu’ils agissaient en dehors de tout intérêt personnel dans la poursuite de leurs objectifs politiques.

Dans un article de 2017, Silverstein a déclaré que, pour la droite nationaliste israélienne :

« Le judaïsme n’est pas une valeur spirituelle, c’est une manifestation physique du pouvoir dans le monde. Ces Israéliens comprennent que tous les Juifs ne sont pas leurs «frères». Certains Juifs sont trop effacés, trop libéraux, trop humains, trop universalistes. Ces Juifs sont les détritus qui seront emportés par le flot de l’histoire. Les nationalistes israéliens doivent remplacer ces alliés juifs traditionnels et l’ont fait, en trouvant de nouveaux : évangéliques chrétiens, dictateurs africains, néo-nazis européens. Le sionisme tel qu’ils le définissent est moins un mouvement voué à l’éthique qu’un mouvement dédié à l’intérêt personnel« .

Un « élément vital de la sécurité nationale d’Israël »

Au début des années 2000, lorsque Falwell commença se retirer de la scène publique, son héritage était en grande partie dévolu à une poignée de prédicateurs désormais au premier plan du sionisme chrétien et de l’activisme politique sioniste chrétien. Son fils, Jerry Falwell Jr., occupait une place prépondérante parmi eux. Cependant, parmi les prédicateurs qui ont suivi les traces de Falwell, l’un se distingue : John Hagee.

Hagee est le pasteur de la Cornerstone Church de San Antonio, au Texas, qui compte plus de 22 000 membres actifs. Chrétien charismatique qui croit en l’eschatologie dispensationaliste et pense que les chrétiens sont bibliquement nécessaires pour soutenir Israël, Hagee est depuis longtemps un ardent défenseur d’Israël dans les cercles du christianisme évangélique et charismatique et a collecté plus de 80 millions de dollars pour Israël depuis qu’il a créé l’événement « Une nuit pour honorer Israël » au début des années 1980.

En 2006, Hagee a cherché à créer «l’AIPAC chrétien» en redonnant vie à une organisation alors défunte, fondée en 1975, et connue sous le nom de Christians United for Israel, ou CUFI, mentionnée au début de cet article. Depuis sa refonte, CUFI a connu une croissance exponentielle, comptant maintenant 7 millions de membres, un chiffre qui dépasse la population juive des États-Unis, qui avoisine les 5,7 millions. Hagee préside son conseil d’administration, qui comprenait Jerry Falwell jusqu’à la mort de celui-ci en 2007.

Le vice-président Pence, à gauche, accueille Hagee lors du sommet annuel de CUFI, le 8 juillet 2019, à Washington. Patrick Semansky | AP

Le CUFI est exempté du paiement des taxes américaines et de la divulgation publique de ses finances car il est officiellement enregistré en tant qu’église, bien qu’il soit souvent comparé à un bras du lobby pro-israélien aux États-Unis, qui encourage et finance activement les colonies de peuplement illégales en Cisjordanie. Le CUFI plaide également pour la souveraineté israélienne sur tout Jérusalem, le mont du Temple et la construction d’un troisième temple.

On a beaucoup écrit sur l’influence de CUFI au sein du parti républicain, qui a commencé sous l’administration de George W. Bush peu de temps après sa fondation. Comme l’a souligné le journaliste Max Blumenthal dans un article de 2006 dans The Nation « Au cours des derniers mois, la Maison Blanche a organisé une série de réunions confidentielles sur sa politique au Moyen-Orient avec les dirigeants de Christians United for Israel (CUFI). »

À la suite de ces réunions, le CUFI s’est aligné étroitement sur les néoconservateurs qui étaient bien représentés dans l’administration Bush, nommant même le néoconservateur et sioniste chrétien Gary Bauer à son conseil d’administration et également comme premier directeur de son lobby, le CUFI. Bauer est membre fondateur du groupe néo-conservateur très controversé et aujourd’hui disparu, Project for a New American Century (PNAC), et a également siégé au conseil exécutif du groupe néoconservateur Foundation for the Defence of Democracies (FDD).

Depuis, le CUFI a gagné de puissants alliés et compte le néoconservateur Elliott Abrams ; l’ancien directeur de la CIA, James Woosley ; Bill Kristol, archi néoconservateur ; l’ancien gouverneur de l’Arkansas, Mike Huckabee ; les sénateurs Lindsey Graham (R-SC), Tom Cotton (R-AR) et Ted Cruz (R-TX) ; le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ; et le vice-président américain Mike Pence parmi ses plus fervents partisans. Lors du sommet du CUFI l’an dernier, M. Netanyahu a décrit le CUFI comme «un élément vital de la sécurité nationale d’Israël».

En outre, le CUFI a des liens étroits avec le magnat des casinos Sheldon Adelson, principal donateur du président Trump et du parti républicain dans son ensemble. Adelson a même reçu un prix spécial de Hagee lors d’un événement organisé par le CUFI en 2014. «Je n’ai jamais ressenti autant de chaleur que d’être honoré par le pasteur Hagee», a déclaré un Sheldon Adelson radieux à l’époque.

Lors du dernier sommet du CUFI, tenu lundi, l’administration Trump a envoyé Pence, Pompeo, l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, l’adjoint du président et représentant spécial pour les négociations internationales, Jason Greenblatt, et le conseiller en sécurité nationale, John Bolton ; tous sont intervenus lors du sommet.

En plus de son influence en tant qu’organisation, le groupe a fait de Hagee lui-même un acteur politique majeur. En 2007, le sénateur Joseph Lieberman (D-CT) de l’époque a comparé Hagee à Moïse, déclarant :

« Je veux profiter de l’occasion pour décrire le pasteur Hagee dans les termes utilisés par la Torah pour décrire Moïse. C’est un Ish Elohim, un homme de dieu, et ces mots lui vont vraiment bien. Et j’ai autre chose. Comme Moïse, il est devenu le chef d’une puissante multitude. Encore plus grande que la multitude que Moïse a menée d’Égypte à la Terre Promise« .

Les efforts des personnalités politiques pour courtiser Hagee étaient jadis nombreux, jusqu’à ce que des témoignages de celui-ci au sujet de l’Holocauste, largement considérés comme antisémites, soient apparus au cours de la campagne présidentielle de 2008. Dans ces remarques, Hagee affirmait qu’Adolf Hitler avait été envoyé par Dieu pour agir en tant que «chasseur» et forcer les Juifs, par le biais de l’Holocauste, à se réinstaller en Palestine afin d’accomplir la prophétie biblique. Le candidat à la présidence républicaine John McCain, qui avait très activement courtiséHagee pour obtenir son soutien, a été contraint de prendre ses distances avec lui après que ces propos ont refait surface.

Depuis lors, les stigmates entourant Hagee ont disparu et son influence a encore augmenté après l’élection de M. Trump à la présidence, comme en témoigne la participation de nombreux hauts fonctionnaires de M. Trump au Sommet du CUFI en 2019 à Washington, en début de semaine.

Bien qu’il n’ait pas fait partie du groupe officiel des conseillers évangéliques de Trump au début de sa présidence, plusieurs alliés et associés de Hagee un peu moins controversés, notamment Tom Mullins, Jerry Falwell Jr. et Kenneth Copeland y étaient. Puis, quelques mois après l’inauguration de Trump, Hagee «passa inopinément à la Maison-Blanche» et rencontra Trump au bureau ovale pour discuter du soutien américain à Israël. Il a également rencontré Trump quelques semaines avant que Trump n’annonce son intention de déménager l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem, une réunion au cours de laquelle Trump aurait promis à Hagee que l’ambassade serait bientôt déplacée et avait dit au pasteur «Je ne vous décevrai pas». Hagee a décrit l’annonce de Trump sur Jérusalem comme étant un «timing biblique d’une précision absolue».

Plus récemment, Hagee faisait partie d’un groupe exclusif de dirigeants évangéliques qui ont rencontré des responsables de la Maison Blanche en mars dernier avant la publication partielle du prétendu «Deal du Siècle», destiné à apporter «la paix» au conflit Israël-Palestine, qui est largement considéré comme favorisant grandement Israël et devrait être rejeté catégoriquement par les dirigeants palestiniens.

Après la réunion, Hagee a émis une demande urgente de prières. «Notre sujet de discussion était le plan de paix à venir concernant Israël. Israël et le peuple juif ont besoin de nos prières et de notre plaidoyer comme jamais auparavant», a déclaré Hagee dans une vidéo postée sur la page Twitter du CUFI peu après la réunion. « La Bible donne l’ordre suivant : ‘Dans l’intérêt de Sion, je ne garderai pas le silence et dans l’intérêt de Jérusalem, je ne garderai pas ma paix.’ Je vous exhorte ce soir à prier pour la paix à Jérusalem. »

Comme le montre le dernier volet de cette série, les visions apocalyptiques communes des sionistes extrémistes et des sionistes chrétiens concernant un troisième temple juif sur le mont du Temple sont un facteur important derrière le Deal du Siècle et ont également été un facteur majeur dans la décision de l’administration Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, malgré les espoirs palestiniens que Jérusalem-Est serve de capitale à leur futur État. Les sionistes chrétiens estiment notamment que les Palestiniens doivent être expulsés de l’État d’Israël. De plus, ces croyances de la fin des temps sont également un facteur dans la volonté de l’administration de faire la guerre à l’Iran, ce que des sionistes chrétiens comme Hagee et Pompeo considèrent également comme une condition préalableà la réalisation des prophéties bibliques.

Alors que l’influence de Hagee et de son organisation CUFI est plus forte que jamais avec Trump à la Maison Blanche, son influence politique auprès de l’administration Trump est, du moins en partie, due à la présence de fervents sionistes chrétiens dans deux des plus hauts postes du pouvoir exécutif : vice-présidence et secrétariat d’État.

Pence et Pompeo poussent à la « guerre sainte »

Bien que plusieurs responsables de Trump aient pris la parole lors du récent sommet du CUFI, deux d’entre eux se distinguent – non seulement par leurs postes de haut niveau, mais également par leur aveu assumé que leurs convictions sionistes chrétiennes orientent leurs politiques. Ces responsables sont le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’État et ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo.

Après que Trump a choisi son candidat à la vice-présidence, la ferveur religieuse de Pence a fait l’objet d’un examenapprofondi de la part des médias, plusieurs médias notant qu’il était connu pour être un sioniste chrétien ardent. La foi de Pence a particulièrement retenu l’attention en raison de ses déclarations antérieures sur Israël, qu’il a souvent décriten termes prophétiques.

Bien que catholique, Pence a peu à peu évolué vers le «catholicisme évangélique» puis le protestantisme évangélique. Il est depuis devenu une figure politique majeure représentant le mouvement fondamentaliste chrétien qui prône le «dominionisme», une idéologie aux interprétations diverses, mais cherchant finalement à ce que la nature laïque du gouvernement américain évolue vers un gouvernement régi par une «loi biblique». L’association de Pence à ce mouvement a conduit des personnalités importantes des médias à l’accuser de soutenir une forme de gouvernement théocratique.

Bien que nombre des préoccupations initiales concernant Pence tournaient autour de ses effets probables sur la politique intérieure, une grande partie de son influence s’est plutôt manifestée dans la politique étrangère, y compris la politique de l’administration au Moyen-Orient. Son identification publique en tant que sioniste chrétien et son discours au sommet du CUFI en 2017, le premier vice-président à avoir jamais pris la parole lors de l’événement annuel, ont amené certains à s’inquiéter du fait que la vision sioniste chrétienne de la prophétie guidait les actions politiques de Pence.

Après le premier discours de Pence au CUFI, Daniel Hummel, universitaire et chercheur à la Kennedy School de Harvard, a déclaré au Washington Post :

« Le sionisme chrétien a une longue histoire dans la politique américaine, mais il n’avait jamais occupé le lieu d’intimidation de la Maison Blanche. Les administrations passées ont souvent utilisé un langage biblique général en référence à Israël, mais la théologie évangélique du sionisme chrétien n’a jamais été aussi proche de l’appareil décisionnel du pouvoir exécutif« .

En s’identifiant comme sioniste chrétien alors qu’il est au pouvoir, Pence court le risque que l’administration Trump cherche un «accord ultime» pour résoudre le conflit israélo-palestinien et affaiblisse l’affirmation des États-Unis selon laquelle ils peuvent être un «honnête courtier» au Moyen-Orient ».

Sans surprise, les préoccupations selon lesquelles les États-Unis sont sous l’influence du sionisme religieux extrémiste et du sionisme chrétien qui empêcheraient le pays d’agir en tant que «médiateur honnête» dans le conflit israélo-palestinien se sont révélées exactes. En fait, les croyances religieuses de Pence auraient été un facteur important dans la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et de transférer l’ambassade américaine dans la ville contestée.

Bien que Mike Pence soit le membre le plus haut placé de l’administration Trump qui soit ouvertement un sioniste chrétien, c’est Pompeo qui est le plus sincère et le plus ouvert sur le fait que ses croyances religieuses concernant la fin des temps guident sa prise de décision en tant que chef du Département d’État américain.

Pendant toute sa carrière politique, Pompeo a présenté la politique américaine de lutte contre le terrorisme comme une «guerre sainte» entre le christianisme et l’islam, qu’il considère comme l’équivalent terrestre d’une bataille cosmique entre le bien et le mal. En 2017, Pompeo, en tant que directeur de la CIA, affirmait :

« La terreur islamique radicale [continuera] à exercer des pressions sur nous jusqu’à ce que nous soyons assurés dans nos prières que nous tenons debout, combattons, et veillons à prouver que Jésus-Christ est notre sauveur [et] véritablement la seule solution pour notre monde« .

La même année, Pompeo a créé un nouveau « centre de mission » de la CIA destiné à l’Iran, dirigé par Michael D’Andrea, surnommé « Le prince des ténèbres ». Pompeo, comme de nombreux sionistes chrétiens, estime que la guerre entre les États-Unis et l’Iran fait partie de la fin des temps, une conviction tout à fait alarmante compte tenu de son contrôle précédent dans les opérations secrètes de la CIA et de son intérêt pour l’Iran, ainsi que de son rôle actuel en tant que diplomate en chef des États-Unis, dans lequel il s’est également concentré au laser sur la promotion d’une politique agressive envers l’Iran.

En plus de son opinion sur la «guerre sainte», Pompeo a également fréquemment discuté de ses vues sur l’enlèvement des chrétiens alors qu’il était directeur de la CIA. La chaîne de télévision TYT a rapporté l’année dernière que Pompeo avait parlé de l’enlèvement si souvent qu’il aurait effrayé de hauts responsables de la CIA.

Selon Michael Weinstein – fondateur de Military Religious Freedom Foundation, un groupe de surveillance des questions de liberté religieuse dans la communauté militaire et du renseignement – cité dans le rapport de TYT :

« Il [Pompeo] est intolérant envers quiconque n’est pas un chrétien fondamentaliste. Les personnes qui travaillaient sous ses ordres à la CIA n’ont jamais été désorientées – elles n’en ont jamais eu le temps. Elles étaient choquées et ensuite mortes de trouille« .

Une vidéo de 2015 de Pompeo, apparue alors qu’il était directeur de la CIA, montre également l’ancien membre du Congrès qui décrit la politique comme «une lutte sans fin… jusqu’à l’enlèvement».

Plus récemment, un article du New York Times publié en mars a de nouveau rappelé l’obsession de Pompeo pour la fin des temps. Intitulé «L’enlèvement et le monde réel : les convictions de Mike Pompeo et sa politique», l’article décrit en détail comment Pompeo en a fait une procédure standard pour associer ses vues chrétiennes sionistes à son approche de la politique étrangère. Cet article faisait également référence à la déclaration faite par Pompeo au début de l’année, dans laquelle il était d’avis qu’il était « certainement possible » que le président Trump ait été envoyé par Dieu pour « sauver le peuple juif de la menace iranienne ».

Pompeo a fait ces déclarations lors d’un voyage officiel à Jérusalem qui a également suscité la controverse pour d’autres raisons. En effet, dans une vidéo du département d’État partagée sur les médias sociaux et destinée à faire connaître le voyage de Pompeo, des images d’une maquette du troisième temple juif ont été incluses, tandis que les images de la mosquée Al Aqsa ont été exclues, bien qu’il s’agisse du bâtiment le plus emblématique de Jérusalem.

Étant donné que Pompeo avait également visité les tunnels qui ont fait disparaître les fondations de la mosquée historique, de nombreux Palestiniens ont interprété cette vidéo comme un signe de collusion entre l’administration Trump et le mouvement activiste du Temple en Israël, dont il est question en détail dans la deuxième partie de cette série.

S’unir pour cibler Jérusalem

Bien avant que Theodore Herzl ait fondé le sionisme politique et publié The Jewish State, les sionistes chrétiens aux États-Unis et en Angleterre cherchaient déjà à diriger et à influencer la politique étrangère des deux pays au service d’une obsession religieuse de la fin des temps. Les archives historiques montrent clairement comment les sionistes chrétiens ont influencé les événements au cours de l’histoire, notamment en ce qui concerne la création de l’État d’Israël et les développements ultérieurs du conflit israélo-palestinien.

Dans la poursuite de ces prophéties dispensationalistes de la fin des temps, les sionistes chrétiens ont noué des alliances avec des sionistes juifs et se sont servis de manière opportuniste les uns des autres pour ouvrir la voie à des événements communs censés faciliter la venue de leurs apocalypses respectives, ou pour aider à atteindre des objectifs politiques plus séculaires. De Hechler et Herzl, à  Scofield et Untermeyer, et à Begin et Falwell, les alliances ont façonné la politique des gouvernements occidentaux, en particulier des États-Unis et de l’Angleterre, pendant plus d’un siècle.

Aujourd’hui, une seule prophétie de ce type n’a pas encore été accomplie, à savoir la construction d’un troisième temple juif sur le mont du Temple, actuellement occupé par le complexe de la mosquée Al Aqsa. Comme indiqué dans la partie II de la série, le gouvernement israélien est plus que jamais rempli de hauts responsables qui appellent ouvertement à la destruction d’Al Aqsa et cherchent à construire à la hâte un troisième temple. De même, comme le montre ce rapport, l’administration Trump est fortement influencée par les sionistes chrétiens, qui cherchent également à détruire la mosquée, dans l’espoir que le troisième temple sera bientôt construit.

Pourtant, les liens de l’administration Trump avec cette idéologie apocalyptique vont encore plus loin que ce qui a été discuté dans cet article, car de nombreux autres membres influents de l’administration Trump – en particulier les principaux conseillers de Trump, Jared Kushner et Jason Greenblatt, et l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman – partagent et promeuvent aussi activement cette idéologie religieuse extrémiste sioniste qui cherche à reconstruire un troisième temple. Comme on le verra dans le prochain épisode de cette série, cette idéologie est également un facteur déterminant pour les principaux donateurs du parti républicain, tels que Sheldon Adelson.

Le résultat final est que l’emprise de cette idéologie apocalyptique sur les gouvernements d’Israël et des États-Unis semble être plus forte que jamais, ce qui signifie que le danger auquel la mosquée Al Aqsa est actuellement confrontée est de plus en plus menaçant.

source : The Untold Story of Christian Zionism’s Rise to Power in the United States

Traduit par jj, relu par San pour le Saker Francophone

via https://lesakerfrancophone.fr/lhistoire-inedite-de-la-prise-du-pouvoir-par-le-sionisme-chretien-aux-etats-unis

 

 

Pompeo, Soros et l’Iran : de la nécessité vitale d’un souverainisme non-aligné

 

Beaucoup s’étonnent de l’actuelle montée aux extrêmes de l’administration Trump sur la question iranienne. Malheureusement celle-ci n’est pas surprenante, elle est en fait très cohérente avec les prises de positions régulières du secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo. Celui-ci multiplie les allusions et les références guerrières issues de l’Ancien Testament, allant jusqu’à comparer Donald Trump à une nouvelle Esther venu délivrer le peuple juif de Haman, ce Vizir de l’Empire perse, ennemi antique des juifs. Une figure qui renvoie dans la longue mémoire juive à l’Iran actuel [1] et qu’évoquera à son tour Benjamin Netanyahu lors d’une déclaration conjointe avec Pompeo en mars 2019 : « Nous célébrons Pourim, quand, il y a 2500 ans, d’autres Perses, menés par Haman, ont tenté de détruire le peuple Juif. Ils ont échoué ; et aujourd’hui, 2 500 ans plus tard, une nouvelle fois, les Perses dirigés par Khamenei tentent de détruire le peuple Juif et l’État Juif. »[2]

Michael R. Pompeo fût aussi le premier secrétaire d’État américain à visiter la vieille ville de Jérusalem en compagnie d’un haut responsable politique israélien. Une visite historique qui constituait une reconnaissance tacite de la souveraineté israélienne sur le site du mont du Temple et de l’esplanade des Mosquées. Durant cette visite Pompeo, accompagné du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’ambassadeur américain en Israël David Friedman, visita l’endroit supposé du sanctuaire du Temple de Jérusalem. Là ils purent observer ensemble « une reconstitution en réalité virtuelle du temple juif qui surmontait autrefois le mont du Temple » ainsi qu’une maquette très détaillée du futur temple présentée par l’Institut du Temple (The Temple Institute). [3]

Dans une étude à paraître prochainement, j’expose en détail l’influence des courants millénaristes évangélistes philo-sionistes sur l’administration Trump et le rôle qu’exerce Mike Pompeo en ce sens. Des courants qui viennent empêcher les promesses d’isolationnisme et de réalisme politique de l’administration Trump et qui poussent celle-ci à la guerre avec l’Iran au nom d’interprétations littéralistes de l’Ancien Testament. Des sectes protestantes pour qui la reconstruction du Temple de Jérusalem joue un rôle central dans leur vision du monde et leur idéologie.

La ligne de l’administration Trump est en fait assez claire : elle est néo-occidentaliste géopolitiquement et judéo-chrétienne sur le plan théopolitique. Elle s’oppose au globalisme sorosien quand celui-ci veut faire de l’Occident une société ouverte intégrale et dissoudre les États-Unis et ses vassaux dans un magma post-national mais elle s’oppose tout autant aux puissances géopolitiques qu’elles qualifient de révisionnistes quand celles-ci menacent l’unipolarité et l’hégémonie américaine. Cette confrontation droite Trumpienne / gauche sorosienne se double aussi d’une fracture toujours plus béante entre gauche juive globaliste et droite juive sioniste au sein du judaïsme politique international. Pour les occidentalistes judéo-chrétiens, Israël est un centre théopolitique majeur de l’Occident, peut-être plus que le Vatican. Un Vatican qui, avec le Pape François, a de toute façon choisi une orientation sorosienne et onusienne opposée à la ligne de déconstruction des institutions internationales défendue par l’administration Trump.

Cet occidentalisme américano-centré attaque ainsi frontalement les institutions internationales comme l’ONU et l’UE accusées d’être trop bureaucratiques, incapacitantes et surtout anti-occidentales. Comme en témoignent les déclarations de Michael R. Pompeo en 2018 dans une allocution intitulée « Rétablir le rôle de l’Etat-nation dans l’ordre libéral international » [4] :

« Certaines nations considèrent les traités relatifs au climat de l’ONU comme un simple moyen de redistribuer la richesse. Le parti pris anti-israélien a été institutionnalisé. Les puissances régionales s’entendent pour voter en faveur du siège de pays tels que Cuba et le Venezuela au Conseil des droits de l’homme. À sa création, l’ONU se voulait une organisation vouée à l’accueil des pays épris de paix. La question que je pose est la suivante : aujourd’hui, continue-t-elle à remplir fidèlement sa mission ? » 

Durant cette intervention Michael R. Pompeo synthétisait le projet de réorientation du système des relations internationales conduit par l’administration Trump : 

« Dans les plus belles traditions de notre grande démocratie, nous rassemblons les nations pour construire un nouvel ordre libéral capable de prévenir la guerre et d’assurer une plus grande prospérité »

Un « nouvel ordre libéral » trumpien lié à l’agenda de la droite religieuse israélienne et qui veut supplanter le « nouvel ordre mondial » des globalistes sorosiens. Mais la contradiction est ici flagrante : comment « Rétablir le rôle de l’Etat-nation dans l’ordre libéral international » comme le propose Pompeo et agir ensuite comme viennent de le faire les États-Unis en Irak ? C’est sur cette faille majeure de la doctrine Pompeo que pourra s’appuyer le think tank de Soros et Koch afin de siphonner l’opinion isolationniste américaine vers le candidat démocrate. 

Lors du dernier forum de Chișinău en Moldavie en septembre dernier, je rappelais les aspects positifs du « Trumpisme » quand celui-ci se confronte au globalisme sorosien mais aussi ses aspects plus que problématiques au niveau des relations internationales pour les intérêts européens. Sur le plan des valeurs et d’une certaine volonté de freiner la culture de mort mondialiste, le pan-conservatisme trumpien et ses alliés souverainistes actuels apparaissent comme une bonne orientation mais au niveau de la politique étrangère, avec le parasitage permanent du sionisme religieux dur, cette orientation s’avère catastrophique pour nos intérêts géostratégiques au Moyen-Orient et en Eurasie. 

L’Europe n’a pas à choisir entre entre un néo-occidentalisme brutal qui veut la vassaliser et la couper de ses intérêts vitaux en Eurasie et un globalisme sorosien délétère qui veut réaliser un nouvel ordre mondial post-national sur les ruines de la civilisation occidentale. L’élaboration d’une orientation géostratégique autonome pour les nations européennes est aujourd’hui impérative afin de traverser la zone de turbulences qui s’ouvre en ce début d’année 2020.

Encore faudra-t-il ensuite un personnel politique européen apte à l’incarner et l’actualiser avec le courage et la volonté de puissance nécessaire. Il s’agit de savoir si nous voulons être objet ou sujet de notre histoire future.

P-A Plaquevent, janvier 2020. 

Je publie à nouveau ci-dessous la dernière partie de la conférence de septembre 2019 car elle me semble donner des clefs de compréhension pour appréhender l’accélération en cours. 

La société ouverte et les fractures géopolitiques contemporaines 

Face au projet globalitaire d’une société ouverte transnationale, on observe une lutte toujours plus affirmée au sein du monde occidental entre globalistes sorosiens (type Merkel-Macron et autre Trudeau) et une tendance que je qualifierais de néo-occidentaliste (type Trump-Orban-Salvini). Cette ligne de fracture entre globalistes et néo-occidentalistes traverse tout l’Occident et s’avère déterminante quant à l’avenir du système des relations internationales. Irons-nous vers plus d’intégration globaliste ou bien l’anglosphère et ses alliés vont-ils faire bloc pour contrer une alliance stratégique eurasiatique et l’émergence d’un monde post-occidental ?

Pour avoir les mains libres dans la guerre géo-économique qui se joue entre l’empire américain et ses rivaux stratégiques eurasiatiques, il devient urgent pour les néo-occidentalistes de contenir l’influence interne à l’Occident que possèdent les réseaux Soros et à la limite de les laisser agir à l’étranger. C’est-à-dire là où ils peuvent être utiles pour aller chatouiller les géants terrestres que sont la Chine et la Russie sur leurs marches. Comme à Hong-Kong, en Ukraine, en Géorgie, en Arménie et partout ailleurs sur ces verrous-pivots du « Rimland » qui ceinturent l’« Heartland » eurasiatique. Les néo-occidentalistes (qui ne sont pas exactement les néo-conservateurs de l’époque de Bush) convergent parfois avec les sionistes de droite afin de contrer les liens qu’entretiennent les réseaux Soros et la gauche israélienne type Ehud Barak mais ils peuvent aussi diverger comme l’illustre l’éviction plus récente d’un John Bolton. A ces hauteurs du pouvoir politique occidental le vent souffle très fort et change très vite de direction …

L’affaire Epstein fût un bon indicateur de cette friction entre une gauche « sorosienne » globaliste et une droite néo-occidentaliste philo-sioniste. Dès 2015, Trump avait ainsi attaqué Bill Clinton sur sa fréquentation assidue de Jeffrey Epstein et de ses « prestations ». Dès qu’Epstein fût suspecté de détournements de mineures, Donald Trump se rapprocha ainsi de Bradley Edwards, l’avocat des jeunes victimes. Bradley Edwards affirma même que Trump fût le seul « people » à avoir agi de la sorte et que sa collaboration lui fût précieuse.

On connait par ailleurs la proximité d’Epstein avec Ehud Barak, proximité qui a été révélé par les photos du Daily Mail où l’on peut voir Ehud Barak « entrant dans la résidence de Jeffrey Epstein à New York en 2016, le visage partiellement caché, et d’autres de jeunes femmes pénétrant le même jour dans la résidence. » Ehud Barak qui annonçait fin juin 2019 « la fin de l’ère Netanyahu », se retrouvait ainsi propulsé comme amateur de filles mineures en pleine une du Daily Mail, le deuxième quotidien britannique en nombre de ventes. Ceci en pleine période de tensions sur le Brexit. Brexit soutenu par l’administration Trump contre les euro-globalistes sorosiens. Ehud Barak est par ailleurs régulièrement accusé par la droite israélienne d’être soutenu par Soros et ses relais israéliens. Netanyahu fût ainsi le premier ravi des révélations sordides sur Ehud Barak. Révélations qui survinrent peu avant les récentes élections législatives israéliennes et qui s’annonçaient difficiles pour le Likoud.

On voit ici un axe Trump-Netanyahu se confronter à une gauche internationale Clinton-Epstein-Barak-Soros. Et ça n’est que le point le plus saillant de cette confrontation, car sur les questions de société les plus clivantes comme l’avortement, le communautarisme LGBT ou l’identité nationale, ces deux orientations du monde occidental se font face et divergent régulièrement.

A la fin de mon étude sur les réseaux soros je parlais d’une « unité et scission au sein du judaïsme politique », cette ligne de tension n’a fait que s’accroitre depuis. Le très influent néo-conservateur Daniel Pipes va jusqu’à parler d’une « opposition frontale entre l’Etat d’Israël et l’establishment juif européen ». Daniel Pipes accuse ainsi la gauche juive de la diaspora de refuser l’alliance que devraient faire les juifs avec les conservateurs et les populistes occidentaux ; alliance qui permettrait de contrer les ennemis d’Israël et de l’Occident que sont la gauche et l’Islam. C’est la ligne de dénonciation de l’« Islamo-gauchisme » que suivent en France les Golnadel, Elizabeth Levy, Ivan Rioufol, Eric Zemmour etc ou des médias comme la revue l’Incorrect. C’est une stratégie qui vise à pousser les nations européennes vers une alliance judéo-occidentale américano-centrée face au cosmopolitisme sorosien. C’est une tendance géopolitique qui a toujours existé aux Etats-Unis où dès les années cinquante, Robert Strausz-Hupé (d’ascendance juive et huguenote) créait l’Institut de recherche en politique étrangère (Foreign Policy Reseach Institute – FPRI), un influent centre de formation géopolitique qui visait à réarmer conceptuellement l’Amérique dans le contexte de la guerre froide.

Robert Strausz fût en quelque sorte le père géopolitique du néo-conservatisme, il théorisait l’idée d’une Europe décadente qui devait être sauvée des griffes de l’Asie russe, chinoise et arabe. Pour ce faire, l’Europe devait être gérée comme une province d’un empire américain comparable au rôle que tenait l’Empire romain pour les cités grecques face à l’empire perse asiatique. Il théorisait aussi l’idée d’un empire universel américain, éclaireur armé de la démocratie mondiale. Une idée qui sera reprise par les néo-conservateurs du Project for the New American Century (Projet pour le Nouveau Siècle Américain, PNAC) à la fin des années 1990.

Les néo-occidentalistes comme Trump (ou son ancien conseiller Bannon) sont plus réalistes, moins idéalistes et donc moins interventionnistes que les néo-conservateurs. L’idée d’un empire américain universel les intéresse moins que d’empêcher l’éclatement des Etats-Unis sous le poids de leurs contradictions internes tout en maintenant une influence américaine assez forte pour contrer la montée de la Chine afin de rester en tête du système des relations internationales au XXI ème siècle.

Mais Trump ne tient pas l’ensemble de la structure du pouvoir américain, aussi les tendances globalistes ou sionistes durs (qui se confrontent entre elles) poussent les Etats-Unis vers leurs agendas respectifs et empêchent Trump de réaliser pleinement ses promesses électorales d’un retour à un isolationnisme modéré.

Comme on le voit, le système géopolitique international est partagé entre différentes tendances lourdes qui cherchent chacune à imposer leurs orientations géopolitiques, idéologiques et sociales.

On pourrait décliner ces tendances ainsi :

1/ Un pan-conservatisme néo-occidentaliste promu par l’administration Trump et ses alliés en Europe, en Grande-Bretagne et par la droite israélienne. Ce pan-conservatisme veut ménager la Russie face à la Chine mais empêcher une convergence stratégique UE / Russie. C’est d’une certaine manière la pensée de Samuel Huntington qui est ici réactualisée. Des commentateurs superficiels ont ainsi beaucoup ri de l’intention de Trump de racheter le territoire du Groenland mais en plus d’être une tête de pont stratégique sur l’Océan Arctique face à la Russie et l’Eurasie, il faut se souvenir que la carte du monde que proposait Samuel P. Huntington dans son livre « Le Choc des civilisations » incluait précisément le Groenland et les pays scandinaves comme faisant partie de la civilisation chrétienne occidentale dans son classement des civilisations mondiales.

2/ Un européisme globaliste « sorosien » pur jus, dont le centre de gravité politique est actuellement incarné par le couple Macron-Merkel. D’où le traité d’Aix-la-Chapelle (traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes) signé par Macron et Merkel cette année. Ce traité vise à accélérer la constitution d’un pôle continental globaliste intégré et d’un plan B pour l’UE face aux risques d’émiettement ou même un simple changement d’orientation de l’UE que peut favoriser la montée des souverainismes en Europe.

3/ Une intégration géo-économique eurasiatique dont le moteur principal est la Chine et sa volonté de réaliser le projet grand-continental des « nouvelles routes de la soie ». Rappelons que le projet des nouvelles routes de la soie appelé officiellement « One Belt, One Road » (OBOR) a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et qu’il vise en plus de la Chine, « 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et d’Europe centrale et orientale ». Avec un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser ce qui constitue la grande crainte des géopoliticiens anglo-saxons depuis toujours : l’intégration économique du continent eurasiatique dans son ensemble à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non pas par l’Europe et la Russie.

Pour une quatrième orientation géostratégique européenne

Il faut être réaliste, dans chacune des trois options que je viens d’énoncer, ceux que j’appelle les peuples « natifs-européens » ont plus un destin d’objets que de sujets politiques. La situation actuelle est très périlleuse pour nos peuples sur tous les plans : démographique, économique, sécuritaire, culturel, civilisationnel, religieux etc.

Sur le plan des valeurs et d’une certaine volonté de freiner la culture de mort mondialiste, le pan-conservatisme et ses alliés souverainistes apparaissent comme la meilleure de ces trois orientations mais au niveau de la politique étrangère, avec le parasitage permanent du sionisme religieux dur, cette orientation s’avère problématique pour nos intérêts géostratégiques au Moyen-Orient et en Eurasie.

Quant à l’Européisme des Macron, Attali, Soros, Merkel, il ne vise pas à la constitution d’une confédération des États-nations européens dans le but d’accéder à un niveau de puissance géopolitique supérieure mais bien à la création d’un espace politique et d’un « démos » pan-européens qui remplaceraient à terme les nations historiques européennes dans le cadre d’une gouvernance globale. Ce prétendu souverainisme européen bute sur une aporie : comment concilier un quelconque souverainisme continental avec l’impératif catégorique kantien d’une Europe région-monde d’une gouvernance mondiale intégrée ? Cet européisme est avant tout un cosmopolitisme maquillé par des promesses de souveraineté européenne qui ne se réalisent jamais.

Pire, cet euro-globalisme qui se veut universel ne l’est pas pour les puissances extérieures à l’Occident. Puissances qui sont en droit de refuser l’impératif catégorique sorosien d’une gouvernance mondiale et de le considérer comme un nouvel avatar du colonialisme occidental. Surtout, cet euro-globalisme désarme l’Europe dans la course normale des affaires du monde pour la préservation, le maintien voire l’extension de nos intérêts dans la lutte permanente qui opposent les puissances géopolitiques entre elles. Cet euro-globalisme n’est pas universel et ne constitue qu’une orientation géostratégique parmi d’autres mais une orientation qui pourrait s’avérer à terme fatal pour l’Europe dans son ensemble.

En tant que Français et qu’Européens, la vision, la boussole géopolitique qui devrait actuellement continuer de nous guider me semble être cette idée toujours neuve et actualisable d’un axe Paris-Berlin-Moscou (ou Moscou-Berlin-Paris) et d’une entente stratégique continentale entre souverainistes non-alignés. C’est la seule option géopolitique et civilisationnelle capable de faire pièce en premier lieu à l’euro-globalisme et à l’Union-Européenne mortifère des Soros/Macron/Merkel mais aussi de contenir l’anglosphère néo-occidentaliste et la montée de la Chine. Entre la bête de la mer et la bête de la terre, entre Léviathan et Béhémoth, ce serait bien de ne pas avoir à choisir notre prochain maître …

Seule une volonté de puissance et de coopération euro-russe (eurussienne) pourrait empêcher soit notre servitude prochaine, soit la diffusion universelle de la guerre civile mondiale. Seule une volonté de puissance et de coopération euro-russe pourrait empêcher l’écartèlement des peuples romano-germaniques et touraniens dans la guerre géo-économique mondiale entre néo-occidentalisme, néo-asiatisme et globalisme post-national. Sur cette voie, la Moldavie constitue une clef de voute de cette architecture géopolitique ambitieuse mais vitale pour l’avenir de nos peuples et de notre descendance.

Pierre-Antoine Plaquevent, Chișinău, septembre 2019.


[1] https://www.washingtonpost.com/religion/2019/03/22/pompeo-perhaps-trump-is-like-bibles-esther-meant-save-jewish-people-iran/?utm_term=.65425dab232a

[2]https://embassies.gov.il/paris/NewsAndEvents/Pages/Declarations-communes-du-Premier-ministre-Netanyahu-et-du-secr%C3%A9taire-d’%C3%89tat-des-%C3%89tats-Unis-Mike-Pompeo-suite-%C3%A0-la-declarati.aspx

[3] https://fr.timesofisrael.com/pompeo-en-visite-historique-au-mur-occidental-aux-cotes-de-netanyahu-et-friedman/

[4]/http:// https://fr.usembassy.gov/fr/retablir-le-role-de-letat-nation-dans-lordre-liberal-international-allocution-du-secretaire-detat-michael-r-pompeo/


 

 

Pierre-Antoine Plaquevent

Soros et la société ouverte
Interview pour le Saker Francophone

 

PUBLIÉ LE 20 juin 2019 par Pierre Antoine Plaquevent

http://www.pierreantoineplaquevent.fr

 

Suite à la récente note de lecture, il manquait la traditionnelle interview de l’auteur. C’est maintenant chose faite et je vous laisse découvrir les réponses de Pierre-Antoine Plaquevent à mes questions. Le Saker Francophone

PAP – Pouvez-vous vous présenter rapidement pour nos lecteurs ?

Après une longue période d’activisme politique, j’ai créé le portail métapolitique les-non-alignés.fr que j’anime depuis 2010. Cet outil m’a permis de mener pendant plusieurs années une activité métapolitique intense et multiforme. Que ce soit par le biais d’organisation de conférences, de la rédaction d’articles ou encore du journalisme de terrain et d’interviews d’acteurs politiques et culturels. Il est à noter que dans chacun de ses domaines, les non-alignés étaient en avant-garde dans la formation et la préparation politique des esprits.

PAP – Pouvez-vous aussi définir votre sous-titre, « métapolitique du globalisme » ? Quelle différence notamment faites-vous entre globalisme et mondialisme ?

Je parle d’une métapolitique du globalisme car Soros emploie des vecteurs d’influence qui ne sont pas seulement politique mais qui se déploient dans les domaines aussi divers que l’immigration de masse, la dépénalisation de l’usage des drogues, les nouvelles normes sociétales (agenda LGBT etc), l’influence médiatique, les changements de régime politiques ou la corruption des personnels politiques et associatifs. J’emploie aussi le terme métapolitique au sens où l’entendait Joseph de Maistre, c’est-à-dire dans le sens d’une « métaphysique de la politique ». Mon livre est autant un travail d’enquête et d’analyse sur les moyens et les fins des réseaux Soros qu’une étude sur l’idéologie qui sous-tend cette action. Le terme mondialisme me semble désigner principalement la sphère politique et idéologique de l’idéal cosmopolitique. Le terme globalisme désignerait plutôt l’ensemble des moyens (politique, ingénierie sociale, cybernétique etc) et des idéologies misent en mouvement par le cosmopolitisme. Une métapolitique du globalisme dont le nerf principal est constitué par une forme de millénarisme anti-étatique dans lequel s’insèrent l’action de Soros et de ses réseaux.

Le globalisme désigne une subversion globale qui touche toutes les sociétés et qui a comme projet la fin des États-nations et la fin de l’Histoire. Il s’agit d’un projet anthropologique total qui se rattache à un courant d’idées et de pratiques politiques qui modèlent et traversent toute l’Histoire contemporaine. Le globalisme a des objectifs qui sont bien plus que politiques, il poursuit des buts religieux sécularisés que j’expose dont mon étude. Il s’agit d’appréhender comment, à la confluence de la cybernétique, du soft-power et du millénarisme politique, des pouvoirs non élus ont élaboré un outil de domination et de transformation des populations qui n’a pas son équivalent dans l’Histoire. L’histoire politique de la modernité est en fait l’histoire de la montée en puissance de ce millénarisme cosmopolitique.

Le XX ème siècle fût le siècle de l’affrontement et de la victoire de la société ouverte face à ses adversaires et rivaux idéologiques. Le début du XXI ème siècle constitue la phase finale de la prise de pouvoir de la société ouverte contre les formes métapolitiques rivales.

Je préfère aussi utiliser le terme de globalisme car le mot « mondialisme » est souvent employé de manière trop approximative. Avec cette étude, j’ai voulu être le plus précis possible et dresser une cartographie détaillée des réseaux Soros autant qu’une généalogie de la philosophie politique qui sous-tend leur action.

PAP – A lire votre livre, Soros semble partout. Est-il seul ? Sert-il de porte-parole ? Et dans ce cas, quels sont les réseaux les plus puissants derrière lui ?

Bien loin du mythe d’un self made man qui ne devrait sa fortune qu’à ses seules capacités et à sa seule intuition géniale en matière de marché financier, George Soros appartient en fait au milieu d’élite de l’anglosphère. Une élite qui l’a accompagné et poussé vers les hauteurs des cercles financiers les plus influents dès les débuts de sa carrière. Un milieu très fermé où s’entrecroise la fine fleur du monde politique et financier globaliste. Soros a été soutenu dès le début de sa carrière par des financiers comme les Rothschild. Par exemple l’un des premiers contributeurs à la création du fonds d’investissement de Soros, le Quantum Fund, fût le financier Georges Karlweis qui était alors à la Banque Privée d’Edmond de Rothschild. Georges Karlweis (décédé en 2012) fut l’un des pionniers des hedge funds au travers du Leveraged Capital Holdings (LCH) en 1969. C’est ce fonds qui financera le Quantum Fund de Soros à sa création.

Évoquons aussi l’institution dans laquelle George Soros fit ses études : la London School of Economics ou LSE. Après avoir émigré au Royaume-Uni en 1947, Soros entreprendra des études d’économie à la London School of Economics, véritable pouponnière à élites mondialistes depuis la fin du XIX ème siècle. Rappelons que la London School of Economics a été fondée en 1895 par plusieurs membres de la célèbre Société fabienne — Fabian Society, célèbre club de pensée de l’élite de l’anglosphère. La LSE fut fondée en 1895 par plusieurs membres de la Société fabienne : Sidney Webb, Beatrice Potter Webb, Graham Wallas et le célèbre écrivain irlandais George Bernard Shaw. La Société fabienne est un club de pensée (un think tank dirait-on aujourd’hui) qui a vu le jour à Londres en 1884 et qui regroupait de nombreuses personnalités anglo-saxonnes de l’époque. Tout au long du XXe siècle, la Société fabienne exercera une influence prépondérante sur le monde culturel, financier et politique britannique et sera à l’origine du parti travailliste. Bien que d’orientation socialiste, la Fabian Society regroupera autant des personnalités issues du socialisme anglais tel que Robert Owen (1771-1858) que des hommes d’argent tel Cecil Rhodes (1853-1902), le célèbre homme d’affaires et homme politique britannique, fervent soutien de l’impérialisme britannique dans le monde. Impérialisme qu’il concevait, à la manière de Soros, comme l’outil de l’avancée du bien et du progrès de l’humanité.

Le célèbre auteur Herbert George Wells, auteur bien connu de “La Guerre des Mondes” ou encore de “L’homme invisible”, fut lui-même un socialiste fabien formé au sein de la London School of Economics. Il résumera en 1940 le credo libéral-socialiste des élites de l’anglosphère dans un livre au titre simple et programmatique dénommé “Le Nouvel Ordre Mondial”.

Le fait d’avoir étudié dans le berceau du socialisme fabien donnera à George Soros, non seulement les connaissances et le carnet d’adresses nécessaire afin de percer dans les hautes sphères de la finance anglo-saxonne, mais également la vision du monde de l’élite de l’anglosphère. C’est cet idéal « libéral-socialiste » d’une convergence d’un internationalisme qui se veut planificateur au niveau mondial avec la dérégulation financière agressive au niveau des États-nations qui caractérise la vision du monde de l’hyper-classe mondialiste à laquelle appartient George Soros, une hyper-classe dont il est l’un des membres influents mais surtout l’un des plus déterminés.

Cette hyper classe constitue le sommet de la hiérarchie du pouvoir politique réel. Un pouvoir constitué dans l’ordre d’importance par :

  1. la finance internationaliste (la matrice du projet cosmopolitique) ;
  2. les médias de masse (qui constitue une sorte d’église de l’opinion public) ;
  3. la technocratie et les organisations non gouvernementales (le pouvoir politique réel et non-élu) ;
  4. la politique spectacle du parlementarisme ; et enfin,
  5. les populations — le cheptel humain — c’est-à-dire nous, les sans-dents, les « gilets jaunes ».

PAP – Vu l’âge du personnage, qui va reprendre son héritage ?

Son fils Alexander Soros semble être l’héritier désigné pour prendre la succession de son empire d’ONG. Surtout à bientôt près de 90 ans, Soros a fait don en 2017 de 18 milliards (15,2 milliards d’euros) de dollars à l’Open Society Foundations (OSF). La machine devrait donc continuer sans lui malheureusement. Mais surtout l’esprit de ses fondations et de son action imprègne désormais non plus seulement l’élite politique et médiatique de l’Occident mais aussi une partie des acteurs de la société civile notamment chez les jeunes des centres urbains développés bien que cette influence soit en recul face à la montée de l’opinion « populiste » qui ronge progressivement la prison du politiquement correct depuis plusieurs années. Comme on l’a vu lors des dernières élections européennes, le « bloc bourgeois » cosmopolite et ploutocratique a encore de beaux jours devant lui mais il est toujours plus contesté partout en Occident.

PAP – Le début du livre propose une analyse de Soros beaucoup moins manichéenne qu’on aurait pu l’imaginer. Il semble plus être le fils rebelle des folies guerrières de sa jeunesse. On a même parfois une certaine empathie non pour ses idées mais pour la force de son combat. Vous a-t-il séduit par moment ?

Il y a effectivement un côté fascinant à étudier l’action et la pensée d’un tel personnage car cela nous permet de sonder l’histoire réelle des 50 dernières années. On comprend alors la trame de fond des phénomènes qui détruisent progressivement les sociétés contemporaines, déréliction morale et sociale qui nous affecte tous. Il ne s’agit pas d’un complot au sens propre mais plutôt d’un projet de société bien réel qui avance étape par étape et qui est aujourd’hui peut-être en train de se gripper. Un projet que George Soros, à la suite de Karl Popper, désigne en tant que « société ouverte » et qui nous concerne tous. La spécificité de George Soros est d’être un ardent militant de la cause mondialiste, mais aussi de posséder des velléités de marquer l’Histoire de par son action dans le monde. Il use ainsi de sa fortune non pas juste pour son bon plaisir, mais réellement dans un esprit globaliste missionnaire. C’est effectivement plus passionnant à étudier que de regarder « Games of Thrones » ou Netflix … Je veux dire, si on expliquait à nos contemporains les enjeux géopolitiques réels de notre époque, ils comprendraient que nous vivons une époque bien plus passionnante et cruciale qu’il n’y paraît. C’est aussi l’une des taches de l’écrivain politique de nos jours : tenter d’analyser et de faire comprendre la réalité du monde dans lequel nous évoluons et déchirer le voile épais de la société du spectacle.

PAP – On publie régulièrement Andrew Korybko, un écrivain russo-américain qui développe le concept de guerre hybride telle que l’applique l’Open Society. Connaissez-vous son travail ? Est-ce à la hauteur des enjeux ? Ce livre mettant Soros en lumière peut-il être un complément à son travail ?

Tout à fait ! J’ai connu Andrew Korybko par votre site et je considère ses analyses comme très éclairantes sur les enjeux géostratégiques contemporains. L’un des chapitres les plus longs de mon étude s’intitule « la société ouverte et les armes d’immigration massive » en rapport aux recherches de Kelly M. Greenhill que j’ai découvert en lisant Andrew Korybko justement. Kelly M. Greenhill et Andrew Korybko développent l’idée que les migrations de masse puissent être employées comme de véritables armes de guerre asymétriques non conventionnelles, ceci tout au long de l’histoire et particulièrement durant la période moderne. Voilà par exemple le genre d’analyse totalement complémentaire avec mon travail.

PAP – N’est-ce pas finalement un lieu commun de l’Histoire de voir des cycles de destruction pour permettre à une société de se réinventer ? Soros n’est-il que la signature d’un mal nécessaire qui va faire émerger des forces nouvelles dans une société décadente ?

L’essentiel me semble être de rétablir la narration brisée de l’Occident qui a été piraté par le programme-virus de la société ouverte. L’homme ne peut pas vivre sans objectif collectif téléologique et la société ouverte n’en constitue pas un, c’est un horizon d’attente suicidaire. Dans un chapitre intitulé « la société ouverte face à elle-même », je montre que Soros lui-même a une conscience très aiguë des possibilités d’un retour des passions collectives et religieuses face au néant et au vide engendrés par le nihilisme que génère la poursuite sans frein de l’idéal d’autonomie radicale de l’individu., objectif qui constitue l’idée-force première du cosmopolitisme globaliste. Dans un passage significatif de son livre « Opening The Soviet System », livre écrit au moment au plus fort de son implication dans la déconstruction du système soviétique à la fin des années 80, Soros écrit :

« Ceux qui sont incapables de trouver un objectif en eux-mêmes peuvent être amenés à rechercher un dogme qui fournirait à l’individu un ensemble de valeurs déjà prêt et une place sécurisante dans l’univers. Une voie possible pour se débarrasser de l’absence de but est alors d’abandonner la société ouverte. Si la liberté devient un fardeau insupportable, la société close va alors apparaître comme un salut. Nous avons vu de quelle manière le “mode critique de pensée” pose le fardeau de devoir décider de ce qui est juste ou faux, bien ou mal, sur les seules épaules de l’individu. Étant donné les imperfections de la compréhension de l’individu, il y a un nombre de questions vitales – comme celles qui concernent la relation de l’individu avec l’univers et sa place dans la société – pour lesquelles il ou elle ne peut tout simplement pas amener de réponse absolue. L’incertitude est difficile à supporter et l’esprit humain est susceptible de faire de grands efforts pour y échapper. »

L’histoire est en partie cyclique effectivement et nous arrivons à la fin d’un cycle historique, en fait un nouveau cycle a déjà commencé : celui de la sortie de la société ouverte et de la fin de la forme purement occidentale du globalisme. Sauf que l’atterrissage risque d’être très violent, nos systèmes économiques et sociaux reposent sur des équilibres complexes mais fragiles car interconnectés et interdépendants. Pour autant un retour à des formes de localisme couplés à des autonomies nationales ou continentales me semblent incontournables à terme. Volontairement ou par la contrainte, nous allons devoir retrouver le sens des limites et sortir de l’hubris globaliste. Un retour au réel que l’hyper-classe globaliste fera tout pour empêcher.

PAP – Les gilets jaunes sont peut-être le signe de la fin de cette période « dorée » et le retour aux dures réalités de la condition humaine : moins vite, moins haute, moins loin. Ne se dirige-t-on pas vers une société plus archaïque en bas de l’échelle sociale du moins, imperméable aux idées de cette Société Ouverte ?

La crise politique que traverse la France depuis novembre dernier illustre bien votre propos. Cette crise est plus qu’une crise de régime, il s’agit d’une crise systémique de la République qui s’inscrit elle-même dans une crise globale de la société ouverte comme projet de société pour l’Occident et par extension pour l’humanité entière. Le projet de société ouverte et d’État mondial auxquels souscrivent nos élites est en train de se gripper même s’il est loin d’être à l’arrêt. Le système géopolitique international est entré en crise structurelle depuis la guerre de Syrie, une guerre qui a marqué le premier moment où le rouleau compresseur du mondialisme dans sa version occidentale a dû revoir ses ambitions à la baisse et ainsi traiter avec d’autres acteurs majeurs tant au niveau militaire, que politique et diplomatique. Ce ralentissement de l’intégration globaliste sur le front syrien a eu des conséquences en cascade comme l’élection de Trump, le renforcement des tensions entre l’anglosphère et l’UE avec le Brexit, la montée d’une guerre commerciale mondiale entre Chine et US etc. Dans ce contexte international troublé, l’UE – et principalement le couple franco-germanique – deviennent de fait la base de repli du projet de société ouverte dans un contexte géopolitique international de grandes tensions y compris entre partenaires commerciaux de longue date. Un projet euro-globaliste qui est contesté au sein même de l’UE comme le montrent les dernières élections européennes. Face au risque d’affaissement du projet euromondialiste, Macron et Merkel ont tenté depuis plusieurs mois d’accélérer la marche d’une intégration franco-allemande comme môle et centre de gravité d’une Union-Européenne en difficulté. Un contexte bien résumé par cette citation de Macron lors de la signature du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle qui actait cette étape de plus dans la construction de l’« Euro-zone » d’une gouvernance mondiale : « Nous construisons une nouvelle étape au moment où l’Europe est menacée par les nationalismes, ou elle est bousculée par un Brexit douloureux, où des chocs nous percutent ».

En France, malgré toutes les manipulations et tentatives de diversion en cours par les réseaux de la gauche (Branco, Ruffin etc) le nationalisme réel, le pays réel, ce sont les gilets jaunes. Cela le pouvoir le sait et c’est pourquoi il n’a pas apporté de solutions à l’insurrection en cours. Il n’y a pas de projet alternatif ou d’« accords de Grenelle » possible avec les gilets jaunes pour le régime de Macron ;  comme auparavant avec la « manif pour tous », la surdité du pouvoir est totale et le passage en force est la règle. Pour le régime de Macron, la France et les Français doivent être intégrés de force dans la région « européenne » de l’État mondial, quel qu’en soit le prix. Car au-delà des quelques éborgnés et mutilés gilets jaunes et des catastrophes géopolitiques en cours, il y a la promesse d’une paix universelle et perpétuelle « kantienne » qui assurera à terme le bonheur de tous … sur les ruines du monde ancien, des nationalismes et des normes traditionnelles.

La crise politique que nous connaissons actuellement est la plus grande crise contemporaine de l’intégration de la France dans le sous-ensemble européen de l’État mondial en gestation. Notre société se détruit et se recompose à mesure que le projet cosmopolitique d’intégration globaliste progresse. C’est face à cette marche en avant forcée que la partie encore vivante et non-réifiée de la population française se soulève depuis six mois.  La crise des gilets jaunes synthétise et accentue l’ensemble des crises précédentes et des résistances au projet globaliste appliqué de force à la France : rejet de la constitution européenne en 2005, rejet des lois antinaturelles comme le « mariage pour tous », rejet des politiques d’austérités européennes, rejet du bradage de notre patrimoine industriel et culturel etc. Le rejet du projet globaliste par la population est constant depuis le début du XXI ème siècle ; chaque vague de colère vient renforcer la précédente en un tsunami de colère populaire qui ne cesse de s’accumuler. Un rejet qui s’exprime toujours moins par le vote et l’élection, le système politique globaliste étant désormais complètement discrédité dans son ensemble. De l’aveu même d’un Jacques Attali la situation actuelle peut aboutir à une véritable révolution.

Les gilets jaunes ne sont que le début de quelque chose de beaucoup plus dur. Je pense que nous n’éviterons pas une reconfiguration violente du système dans son ensemble très prochainement.

La société ouverte est une utopie mortifère, elle veut créer un homme artificiel, cybernétique et au final, elle crée des asociaux grégaires mais isolés qui ne sont pas du tout préparés pour survivre en période difficile. Sommes-nous prêts à survivre à l’effondrement structurel de la société ouverte ? Avons-nous autour de nous des personnes sur qui compter et qui peuvent réellement compter sur nous ? C’est la question que chacun doit se poser de manière pressante pour lui-même et pour ses proches car l’horizon est de plus en plus chargé.

Merci Pierre-Antoine Plaquevent

CATÉGORIES ACTUALITÉARTICLESENTRETIENS

 

 

Voir aussi le site sur les Illuminati et les complots

 

 

Retour à communication

Accueil désarmement