L'HISTOIRE DU RÊVE ET LE RÊVE DANS L'HISTOIRE

LA PLACE DU RÊVE DANS LES RELIGIONS MONOTHÉISTES

 

Voir aussi la Formation à l'onirologie (Histoire du rêve, cours n° 1)

 

LE RÊVE DANS LE CHRISTIANISME

 

Par Patrick Bertoliatti *

 

Les rêves dans le Nouveau Testament


Les rêves ne semblent pas avoir une grande place dans le Nouveau Testament à première lecture. Ils n'apparaissent que dans l'Evangile de Matthieu et les Actes des Apôtres. Mais cela pourrait être une interprétation un peu rapide au regard des événements où ils apparaissent.

Dans l'Evangile de Matthieu, la naissance de Jésus est accompagnée de rêves. En songe, Joseph apprend que Marie est enceinte et que 1'enfant est de conception divine. Il est averti des dangers qui les menacent et est guidé pour y échapper. En se fiant à leur rêves, des images trouveront le lieu de naissance de l'enfant-Dieu qu'ils viennent adorer. Par contre Pilate n'écoutera pas le rêve de sa femme l'avertissant de l'innocence du Jésus qu'il livrera à la crucifixion. Dans les Actes des Apôtres, des songes encouragent Paul à parler, à passer en Macédoine et à aller témoigner à Rome.

Ces rêves sont en relation avec la naissance du Christ, sa crucifixion, et la mission d'évangélisation de Paul jusqu’à Rome. Ce qui peut être interprété en disant que pour Matthieu et Luc, l'écoute des rêves permet de trouver le lieu de la naissance de Dieu dans nos vies, et d'entendre sa voix intervenir dans notre histoire pour la libérer, en nous indiquant les chemins à prendre. Parce que les rêves nous concernent réellement, ils doivent entraîner en réponse de, décisions et des actions qui pourront avoir des répercussions bien au-delà de nos vies.


La condamnation des rêves (2)

 

«Saint Jérôme dans son étude»,
œuvre du peintre italien de la Renaissance, Antonello de Messine
Huile sur panneau de tilleul
Vraisemblablement réalisée entre 1460 et 1475,

National Gallery, Londres.,


Et pourtant, les interprètes de rêves seront condamnés par le Concile d'Ancyre en 314, puis passibles de la condamnation à mort.

C'est saint Jérôme (347-420), qui s'était pourtant lui-même converti à la suite d'un rêve, qui fermera solidement et durablement la porte à l'étude des rêves. Appelé à traduire la Bible en latin en l'an 381, il en produit une version (dite la Vulgate) qui sera utilisée pendant des siècles (3). Or il y remplace par deur fois (au Lévitique 19:26 et au Deutéronome 18:10, l'interdiction de pratiquer la divination par celle de l'observation des rêves. Du coup, l'observation des rêves ne permet plus d'écouter la voix de Dieu et les songes sont classés avec les pratiques de bonne aventure et autres pratiques superstitieuses. Et cela durera un millénaire.

Mais en même temps, l'étude des rêves n'est pas entièrement bannie du monde chrétien. L'évêque Synésios de Cyrène (370-414) (3) par exemple, publie un livre intitulé Des songes où il recommande de tenir un journal des rêves. Pour lui, le rêve a une fonction thérapeutique, il conduit vers la vraie nature des choses et est un lieu de rencontre de Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique
Retable de Carlo Crivelli (1494), National Gallery, à Londres

Source Wikipedia


Ceci dit, près d'un millénaire plus tard, dans la question 95 de sa Somme Théologique portant sur la divination, à l'article 6 traitant de la divination par les songes, saint Thomas d'Aquin (1224-1214) indiquera que l'emploi divinatoire des rêves ne semble pas illicite puisque Dieu y instruit les hommes comme on peut le lire dans Job (33, 15). Mais en utilisant la traduction erronée de saint Jérôme, il notera aussi que le Deutéronome (18, 10) interdit l'observation des rêves. Selon lui, il faut alors tenir compte du fait que si parfois Dieu fait des révélations dans les rêves, ils peuvent aussi être causés par les démons. En conséquence, l'emploi divinatoire des rêves provenant d'une révélation divine n'est pas illicite, mais si la cause en est une révélation qui fait suite à un pacte diabolique, elle le devient. [Voir la BDB Oniros, n° 1432].

Ce qui est mis en cause par saint Thomas d'Aquin, ce n'est pas l'utilisation des rêves pour s'orienter dans la vie, mais la façon dont ils sont obtenus en vue d'être utilisés à cet effet. La question fondamentale est donc de savoir quelle est l'origine des rêves. Et cette question rejoint celle du «discernement des esprits».

 

Les rêves et la spiritualité chrétienne

 

Dans la tradition spirituelle chrétienne, ce que l'on on appelle «discernement des esprits» (principalement les pensées et les sentiments qui nous traversent, mais aussi les rêves), doit permettre de distinguer ceux qui viennent de Dieu, jusqu'à discerner ceux qui sous 1'apparence d'un bien sont en réalité la porte d'accès à de mauvais penchants.

On retrouve cette pratique très tôt dans le monachisme ancien. Pour Évagre le Pontique (346-399) par exemple, la rencontre de Dieu se fait à travers l'Ecriture, mais aussi à travers nous-mêmes, et se vérifie jusque dans nos rêves. Pour rencontrer Dieu selon Évagre, il faut se rencontrer, devenir vraiment soi-même, et pour cela il faut atteindre l'apatheia (4), qui désigne l'absence de souffrance, le calme et la tranquillité de l'âme, et qui suppose la transformation en profondeur de l'esprit, jusqu'à l'apaisement de toutes ses images intérieures. Évagre conseille donc aux moines de tenir la garde de leurs pensées et de leurs rêves car selon lui «les preuves de l'apatheia nous les reconnaîtrons, de jour aux pensées, et de nuit aux rêves.»

Mais outre leur rôle dans le «discernement des esprits», les rêves jouent aussi un rôle important dans les actes des martyrs. Selon la tradition populaire, les martyrs étaient en effet censés être gratifiés de rêves qui leur permettaient de voir les événements futurs. C'est par exemple en rêve que Polycarpe de Smyrne, disciple de saint Jean, voit l'annonce de sa mort sur un bûcher. De même le récit du martyr de Félicité et Perpétue comporte une série de rêves qui montrent leur destin. La connaissance de ce qui leur apparaissait en rêve était pour eux comme un destin voulu par Dieu auquel ils ne sauraient se soustraire. Et ils l'acceptaient.

Chez les saints aussi, les rêves ou songes, sont présents. Saint Jérôme attribue à un rêve sa conversion. Saint Pacôme prend conscience de sa vocation monastique dans un rêve. Saint Benoit communique en rêve à ses disciples le plan de leur couvent. Un songe décide de la vocation de Saint François d'Assise, et un autre songe convainc Innocent III d'approuver la règle franciscaine. La légende veut que la mère de saint Dominique ait eu un rêve présageant la vie du saint. On connaît aussi l'importance des rêves de sainte Monique, la mère de saint Augustin.

 

En guise de conclusion

 

Il y a toujours eu, il y a et il y aura sans doute toujours des mises en garde vis-à-vis de I'utilisation des rêves. Ce n'est peut-être pas un mal. En tout cas, il pourrait être intéressant de se demander si tout rêve doit être pris en compte, et pourquoi. C'est plus particulièrement vrai dans le monde "psy" où souvent tout rêve semble bon à travailler. Est-ce si sûr ? Toute image qui me traverse est-elle bonne à suivre ? Faut-il réellement dialoguer avec tout ce qui traverse mon esprit ? Cela me conduit-il obligatoirement à la santé psychique ? A une vie plus saine ? ...

* Article publié dans la revue 3e millénaire, n° 110, décémbre 2013, pp. 50-51. Voir aussi le site de l'auteur.


Notes de Roger Ripert

 

1. Voir «La répression du rêve», in Le Livre des rêves, Roger Ripert, Sylvain Michelet, Nicolas Maillard, Ed. Albin Michel, 2000, pp. 54-60. Voir aussi, sur la site Oniros, Psychosociologie du rêve, par Roger Ripert.

2. VULGATE DE SAINT JÉRÔME (391-405 env.)

Encyclopædia Universalis :

Les chrétiens du monde latin ont utilisé très tôt des traductions latines de la version grecque de la Bible juive (la Septante) ainsi que du Nouveau Testament, rédigé originellement en grec. On parle à propos de ce type de traduction de Vetus latina, («vieille latine»). Au IVe siècle, cette Bible latine est jugée imparfaite. Jérôme, au cours de son séjour à Rome (382-385), avait déjà entrepris une révision de la traduction des Évangiles. Installé à Bethléem, en 386, Jérôme entend tout d'abord réviser la traduction latine de la Septante à partir des Hexaples d'Origène (Bible en six colonnes, quatre versions grecques et deux hébraïques). Ensuite, dans les années 390, il entreprend une traduction nouvelle de l'Ancien Testament à partir du texte hébreu, le seul inspiré à ses yeux. Il n'arriva pas au bout de cette traduction qui fut continuée par d'autres. Ce retour à «la vérité hébraïque», au détriment de la Septante, ne s'imposa pleinement qu'au VIIe siècle. Désignée à partir du XIIIe siècle comme vulgata versio, « texte communément employé », la Vulgate fut déclarée traduction authentique par le concile de Trente en 1546. Elle comprend bien pour l'essentiel les traductions de Jérôme sur l'hébreu et ses révisions des Évangiles, mais également d'autres traductions latines qui ne sont pas de lui. Une version latine moderne, appelée Nova Vulgata, a été promulguée par Jean-Paul II en 1979.

Auteur : Jean-Urbain COMBY (professeur émérite d'histoire de l'Église à la faculté de théologie de l'université catholique de Lyon)

3. Synésius (en latin) de Cyrène (entre 370 et 375-apr. 413)

Cf. Ecyclopaedia Universalis

Rhéteur, philosophe néo-platonicien, puis, après sa conversion, évêque chrétien, Synésius, né à Cyrène en Libye, fut initié à la philosophie et à la science (astronomie et mathématiques) par la célèbre Hypatie, à Alexandrie. Il conserva toute sa vie une double fidélité, typiquement platonicienne, à la vie intérieure et à l'engagement politique. Personnalité influente de Cyrénaïque, Synésius assuma plusieurs charges dans sa province et fut envoyé à Constantinople (399-402) pour obtenir une détaxe en faveur de la Libye. Il prononça à cette occasion, devant le jeune empereur Arcadius, un discours, Sur la royauté, où il exposa courageusement ses conceptions philosophiques sur le prince idéal, tout en stigmatisant la décadence de la Cour. Il épousa à Alexandrie une chrétienne et rentra dans son pays pour y jouir d'une vie de grand seigneur, s'adonnant aux plaisirs de la correspondance et de la chasse. On lui confia diverses responsabilités dans l'organisation de la défense des frontières abandonnées par les troupes régulières contre les bandes de brigands.

En un temps où l'épiscopat devenait la fonction sociale la plus importante, c'est sans doute pour ses qualités de responsable politique que les chrétiens de la Pentapole le choisirent comme évêque de Ptolémaïs en 410. Synésius, qui n'était peut-être pas encore baptisé, accepta, mais en posant ses conditions : il voulait pouvoir rester dans l'état du mariage, ne pas être contraint de professer la résurrection des corps, ni de renoncer aux doctrines de la préexistence de l'âme et de l'éternité du monde. On ne sait pas jusqu'à quel point il put trouver satisfaction. Il fut en tout cas consacré évêque par Théophile, après un séjour de six mois à Alexandrie au sujet duquel nous ne savons malheureusement rien. Synésius semble s'être comporté selon l'image que l'on se faisait de l'évêque à cette époque : lutte contre les hérésies, discipline ecclésiastique, défense de ses diocésains contre les dépravations de l'autorité, excommunications.

Son œuvre littéraire, en grande partie antérieure à sa consécration épiscopale, est d'une haute qualité et recouvre plusieurs genres : Hymnes, Sur la royauté, Éloge de la calvitie, Lettres, Sur la Providence, Dion, Sur les rêves, Homélies. Ces divers écrits révèlent un des meilleurs écrivains de l'époque et peut-être une des personnalités les plus intéressantes de la fin de l'Antiquité. Synésius illustre de façon remarquable le rapprochement qui s'était opéré dans les esprits entre la tradition hellénique et le christianisme tant sur le plan culturel que sur le plan social. À ses propres yeux, son passage au christianisme n'était que l'accomplissement de son idéal philosophique.

Fonds Oniros

136 - Des Songes (De Insomniis), Synésius de Cyrène, Hachette, Paris, 1878, "Oeuvres de Synésius", pp. 346-376. Extrait de livre.

4. Apatheia (source Wikipedia)

L’apatheia, est un terme du vocabulaire de l’ascétisme et de la mystique. Souvent traduit par «impassibilité», il signifie littéralement «absence de passions» et «tranquillité de l’âme» parvenue au détachement parfait ou même à l’«impeccabilité»

Le terme est composé d’un alpha privatif et d’un dérivé de pathos, «ce qu’on éprouve, ce qu’on subit» (même racine que le latin pati, subir, souffrir, dont dérive passio). Ce terme, par un glissement sémantique, a donné le mot «apathie» aujourd’hui.

Évagre le Pontique,
Père du désert égyptien, va l’intégrer dans sa doctrine ascétique. Ce dernier est considéré, sinon tout à fait comme l’auteur de cette notion, du moins comme son père principal. Évagre ne fait que reprendre après Clément d'Alexandrie ou Origène aux IIe et IIIe siècles une notion connue du monde chrétien d’alors mais il a le mérite de mettre par écrit ce qu’il entend par cet apatheia, et les moyens par lesquels il conseille d’y parvenir.

 

 

 

LE RÊVE DANS L'ISLAM

 

Par Patrick Bertoliatti *

 

Dans la tradition islamique, ce que le croyant voit en rêve a la valeur du quarante sixième de la prophétie. Même si certains commentateurs ont pu restreindre la validité de cette affirmation aux proches du prophète Muhammad (ci-après le Prophète) ou encore ne l'étendre qu'à ses proches, il n'en demeure pas moins que le rêve est vu comme une possible source de savoir divin.

Le rêve y est en conséquence abordé avec sérieux, d'autant que toujours selon la tradition, il peut être un lieu de l'apparition véridique du Prophète, et que Dieu même peut s'y rendre visible sous certaines formes.

Mais le rêve y est aussi abordé avec prudence. Car la tradition relayée par les différentes synthèses dogmatiques (cf. par exemple celles d'Ibn Sirin, Ibn Arabi, Ibn Khaldoun et lbn Hajar du 7ème au 15ème siècle) indique que s'il existe des rêves véridiques porteurs d'un message divin, des rêves porteurs de révélations directes de la Réalité et des rêves prophétiques, il existe aussi des rêves qui ne reflètent que les pensées et les sentiments du rêveur et des rêves suscités par des forces démoniaques.


Les rêves dans le Coran

Plusieurs sourates du Coran font explicitement référence aux rêves.
Par exemple la sourate 8 montre Dieu qui intervient dans un rêve en induisant par son intermédiaire un effet émotionnel rassurant face à l'adversité (versets 43-44).
Dans la sourate 12 qui est une version abrégée de l'histoire de Joseph, on retrouve celui-ci interprétant ses rêves par grâce divine (versets 4-6), ainsi que ceux de ses compagnons (versets 36-37) ou encore ceux d'autres personnes (versets 42 à 19, etc.).
La sourate 37 est une version de l'histoire d'Abraham et du sacrifice de son fils Isaac. Abraham y raconte à Isaac un rêve où il lui est dit qu'il doit exécuter son fils. Sur l'assentiment de celui-ci, Abraham s'apprête à mettre littéralement le message du rêve à exécution lorsque Dieu 1'arrête en lui disant que son obéissance absolue vaut réalisation de sa vision.

Ces exemples montrent le rêve comme un lieu d'intervention de Dieu rectifiant les attitudes conscientes, qu'il peut être prophétique et libérateur, et que sa compréhension est de l'ordre du don. Il est aussi montré comme une version soit symbolique, soit directe du message qu'il transmet. Enfin que le rêve peut correspondre à un commandement divin.

Il est important de noter l'importance de la dimension onirique de ces divers épisodes. Par exemple le rêve rapporté par Abraham à son fils dans la sourate 37 ne se retrouve pas dans le récit biblique correspondant. Mais, et c'est peut-être le plus important, cette même sourate montre que l'interprétation d'un rêve peut permettre d'atteindre au cœur même de la foi musulmane : se soumettre à la volonté divine.



Les rêves dans les Hadiths


Un hadith est un dit du Prophète. Par extension, le hadith s'étend à l'ensemble des traditions relatives à ses actes et paroles et à ceux de ses Compagnons. Selon la littérature du hadith, les rêves ont tenu une grande place dans la vie du Prophète. Il interprétait lui-même ses rêves et il est dit qu'il réunissait ses Compagnons le matin et interprétait les leurs. Cette pratique de l'interprétation collective des rêves entretenait une inspiration onirique dont il était le garant, et qui pouvait avoir des répercussions religieuses.

Le hadith donne aussi des indications pratiques. Comme par exemple que tout rêve qui vient de Dieu se reconnaît à ce qu'il est accompagné de soulagement et de joie, alors que tout rêve qui vient du diable met mal à l'aise. Il conseille de ne raconter que les rêves qui proviennent de Dieu, et de taire ceux qui proviennent du diable. Il indique aussi que l'état de pureté du cæur du dormeur se retrouve dans le degré de clarté d'un rêve.

Par ailleurs, on l'a vu, le sommeil peut devenir le moment de la visitation de Dieu ou celui d'une présence démoniaque. Comme la pureté renvoie à la relation au monde divin et l'impureté attire le démon, le hadith prescrit un certain nombre de gestes de purification devant être accomplis avant de s'endormir ou suite au réveil. Bref, il convient autant de se préparer au rêve que de savoir l'accueillir.



L'onirocritique ou interprétation des rêves


L'lslam s'est aussi doté de toute une tradition onirocritique. Car si Dieu peut envoyer à un rêveur un message en clair, non codé, le plus souvent le rêve est fait de symboles, et il doit donc être interpréter. Mais comment interpréter les symboles rencontrés en rêves ?

Pour opérer la translation de sens des symboles oniriques, on a d'abord cherché dans la Tradition scripturaire et dans l'usage des premiers Compagnons du Prophète. Mais on s'est vite rendu compte que d'une part chaque symbole ne prenait son sens que dans la relation aux autres éléments du rêve, et que d'autre part il pouvait revêtir un sens original propre au rêveur. Les interprétations possibles se sont donc multipliées en tenant toutefois compte d'un principe de base : l'image onirique est censée renvoyer à un «au-delà» du rêveur. C'est-à-dire qu'elle est transpersonnelle du point de vue téléologique même si sa signification immédiate est personnelle.

 

En guise de conclusion

 

L'interprétation des songes nécessite selon le Coran un choix et une inspiration de Dieu. C'est en conséquence une science divine. Et chez les mystiques musulmans, comme Ibn Arabi par exemple, le rêve est une source de lumière spirituelle. Mais il est aussi possible de faire une lecture psychologique de ce qui précède et retenir qu'il nous est dit que :

• le rêve peut avoir un effet compensateur d'une attitude consciente trop unilatérale,
• il nécessite le plus souvent une interprétation, mais son sens peut aussi être transparent,
• son interprétation doit renvoyer au registre symbolique propre au rêveur,
• elle doit aussi renvoyer le rêveur à plus que lui-même...

Si l'on ajoute à cela que par exemple Ibn Sirin (fin 7ème-début 8ème siècle : 654-728) recommandait de lire un rêve en reliant entre elles les images apparemment sans lien en utilisant les jeux de mots ou l'étymologie, ou encore qu'il convenait de tenir compte des désirs et des craintes cachés du rêveur, on a pratiquement tous les éléments utiles pour commencer un travail thérapeutique d'interprétation des rêves ... On vit tous d'emprunts...

On retiendra aussi toutefois que, comme dans le Christianisme, l'Islam ne recommande pas d'interroger le sens de n'importe quel rêve. La question continue donc à se poser : le travail de n'importe quelle image qui traverse mon esprit me conduit-il obligatoirement à la santé psychique ?

 

* Article publié dans la revue 3e millénaire, n° 110, décémbre 2013, pp. 58-59.

Bibliographie (ajoutée par Roger Ripert)

Fonds Oniros

1196 - Le Grand livre de l'interprétation des rêves, Ibn Sirin (Muhammad), Dar Al Bouraq, Beyrouth, 3èm éd., 1999, 648 p. Livre relié. Tr. de l'arabe par Youssef Seddik. Ouvrage aussi édité en 1993 et 1998. Publié aussi par les Éd. de l'Aube, en 2005.

1429 - L'interprétation des rêves dans la tradition islamique, Ibn Sirin, Alif éditions, 1998, 230 p. Livre Dossier - Photocopie offerte par David Guerdon.

993 - Les songes de Mahomet, Doutté (Edmond), In "La Société musulmane du Maghreb. Magie et religion dans I'Afrique du Nord", A. Jourdan, Alger, 1909, pp. 397-415 - Extrait de livre

153 - Les songes et leur interprétation - Sources orientales II, Sauneron (Serge) (ed.) Ed du Seuil, Paris, 1959, 331 p. Anthologie. Les songes et leur interprétation dans I'Egypte ancienne, à Babylone, chez les hittites, selon Canaan et Israël, selon l'Islam, chez les peuples altaïques, chez les persans, selon les Ahl-e-haqq du kurdistan iranien, en lnde, chez les cambodgiens...

245 - Interprétations du rêve au Maroc, Bibliothèque d'ethnopsychiatrie, Benjamin Kilborne, La Pensée sauvage, 1978, 242 p.

Références

• 1430 - Ibn Sirin, Muhammad (654-728)
L'interprétation des rêves : manuel d'oniromancie musulmane/Ibn Sîrîn; présenté et trad. de l'arabe par Dominique Penot, Alif, 1992 (3e éd.1996). Une autre version de l'ouvrage.

1431 - Dictionnaire de l'interprétation des rêves selon l'Islam, Mohand Akli Haddadou, Casbah Editions, 2011.

• Le rêve et son interprétation dans l'Islam : avec un répertoire de 350 symboles pour analyser ses rêves, Mohand Akli Haddadou, Entreprise nationale du livre, 1991.

 

Interprétation des rêves dans l'Islam

 

Sources : Wikipedia et Wikibis

 

Le rêve a toujours suscité de l'intérêt tant pour les adeptes des sciences pures que pour les partisans des sciences parallèles ou théologiques.
En Islam, l'interprétation des rêves revêt une importance particulière différente de ce que laisse penser les ouvrages d'un certain nombre d'orientalistes de renom.

 

Le sommeil et le rêve dans le Coran et dans le hadith

 

Dans le Coran


Le Coran contient une sourate qui porte une importance particulière à l'interprétation des rêves : la Sourate "JOSEPH".
Elle commence par le propre rêve du Patriarche :


Nous te racontons le meilleur récit, grâce à la révélation que Nous te faisons dans ce Coran même si tu étais auparavant du nombre des inattentifs (à ces récits). (3) Quand Joseph dit à son père : «Ô mon père, j’ai vu [en songe], onze étoiles, et aussi le soleil et la lune; je les ai vus prosternés devant moi». (4) «Ô mon fils, dit-il, ne raconte pas ta vision à tes frères car ils monteraient un complot contre toi; le Diable est certainement pour l’homme un ennemi déclaré. (5) Ainsi ton Seigneur te choisira et t’enseignera l’interprétation des rêves, et Il parfera Son bienfait sur toi et sur la famille de Jacob, tout comme Il l’a parfait auparavant sur tes deux ancêtres, Abraham et Isaac, car ton Seigneur est Omniscient et Sage. (6) [1]


Puis, sont citées les rêves de ses deux compagnons de prison avec l'interprétation :


Deux valets entrèrent avec lui en prison. L’un d’eux dit : «Je me voyais [en rêve] pressant du raisin...» Et l’autre dit : «Et moi, je me voyais portant sur ma tête du pain dont les oiseaux mangeaient. Apprends-nous l’interprétation (de nos rêves), nous te voyons au nombre des bienfaisants». (36) «La nourriture qui vous est attribuée ne vous parviendra point, dit-il, que je ne vous aie avisés de son interprétation [de votre nourriture] avant qu’elle ne vous arrive. Cela (1) fait partie de ce que mon Seigneur m’a enseigné. Certes, j’ai abandonné la religion d’un peuple qui ne croit pas en Allah et qui nie la vie future». (37) Et j’ai suivi la religion de mes ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob. Il ne nous convient pas d’associer à Allah quoi que ce soit. Ceci (1) est une grâce d’Allah sur nous et sur tout le monde; mais la plupart des gens ne sont pas reconnaissants. (38) Ô mes deux compagnons de prison ! Qui est le meilleur : des Seigneurs éparpillés ou Allah, l’Unique, le Dominateur suprême ? (39) Vous n’adorez, en dehors de Lui, que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres, et à l’appui desquels Allah n’a fait descendre aucune preuve. Le pouvoir n’appartient qu’à Allah. Il vous a commandé de n’adorer que Lui. Telle est la religion droite; mais la plupart des gens ne savent pas. (40) Ô mes deux compagnons de prison ! L’un de vous donnera du vin à boire à son maître; quant à l’autre, il sera crucifié, et les oiseaux mangeront de sa tête. L’affaire sur laquelle vous me consultez est déjà décidée.» (41) Et il dit à celui des deux dont il pensait qu’il serait délivré : «Parle de moi auprès de ton maître» (42) [2]


Par la suite le rêve du Roi de l'Égypte est annoncé avec son interprétation :


Et le roi dit : «En vérité, je voyais (en rêve) sept vaches grasses mangées par sept maigres; et sept épis verts, et autant d’autres, secs. Ô conseil de notables, donnez-moi une explication de ma vision, si vous savez interpréter le rêve» (43) Ils dirent : «C’est un amas de rêves ! Et nous ne savons pas interpréter les rêves !» (44) Or, celui des deux qui avait été délivré et qui, après quelque temps se rappela, dit : «Je vous en donnerai l’interprétation. Envoyez-moi donc». (45) «Ô toi, Joseph, le véridique ! Eclaire-nous au sujet de sept vaches grasses que mangent sept très maigres, et sept épis verts et autant d’autres, secs, afin que je retourne aux gens et qu’ils sachent [l’interprétation exacte du rêve]». (46) Alors [Joseph dit] : «Vous sèmerez pendant sept années consécutives. Tout ce que vous aurez moissonné, laissez-le en épi, sauf le peu que vous consommerez. (47) Viendront ensuite sept années de disette qui consommeront tout ce que vous aurez amassé pour elles sauf le peu que vous aurez réservé [comme semence]. (48) Puis, viendra après cela une année où les gens seront secourus [par la pluie] et iront au pressoir.» (49) [3]


Enfin, la sourate se termine par l'interprétation et la réalisation du rêve de Joseph cité dans les premiers versets :



Lorsqu’ils s’introduisirent auprès de Joseph, celui-ci accueillit ses père et mère, et leur dit : «Entrez en Egypte, en toute sécurité, si Allah le veut !» (99) Et il éleva ses parents sur le trône, et tous tombèrent devant lui, prosterné s(1). Et il dit: «Ô mon père, voilà l’interprétation de mon rêve de jadis. Allah l’a bel et bien réalisé... Et Il m’a certainement fait du bien quand Il m’a fait sortir de prison et qu’Il vous a fait venir de la campagne, [du désert], après que le Diable ait suscité la discorde entre mes frères et moi. Mon Seigneur est plein de douceur pour ce qu’Il veut. Et c’est Lui l’Omniscient, le Sage. (100) Ô mon Seigneur, Tu m’as donné du pouvoir et m’as enseigné l’interprétation des rêves. [C’est Toi Le] Créateur des cieux et de la terre, Tu es mon patron, ici-bas et dans l’au-delà. Fais-moi mourir en parfaite soumission et fais moi rejoindre les vertueux. (101) [4]

Dans le hadith

Le hadith affirme sans ambiguïté que le rêve véridique est une partie de la prophétie (5), qui va perdurer jusqu'à la fin des temps. Ibn Qayyim al-Jawziyya avance que le rêve véridique est le prélude de la prophétie, et que son caractère prémonitoire est en fonction de la sincérité de celui qui le voit. Ainsi, celui qui aurait le privilège de voir des rêves prémonitoires sera le plus sincère dans ses paroles parmi les hommes.
Le prophète a classifié les rêves en trois catégories :

• le rêve véridique qui est une émanation de Dieu.
• les rêves sataniques qui sont des susurrements d'Iblis et de ses soldats.
• les songes équivoques issus simplement des passions humaines.


Le prophète Mahomet interprète des rêves

 

D’après Ibn Abbâs,

un homme vint trouver l'Envoyé d'Allah et lui dit : "Cette nuit j'ai vu en songe un nuage qui laissait tomber en gouttes du beurre et du miel et la foule se précipitait pour les recueillir dans leurs paumes, les uns en prenant peu, d'autres beaucoup, lorsque tout à coup une corde lia le ciel à la terre et je te vis saisir cette corde et t'élever dans les airs. Puis vint un autre homme qui saisit la corde et s'éleva également; il vint ensuite un autre qui fit la même chose, puis un troisième vint et saisit la corde qui se rompit puis se rejoignit de nouveau afin de lui permettre de s'élever également". - "O Envoyé d'Allah, toi, pour qui je sacrifierais la vie de mon père, dit alors 'Abû Bakr, au nom d'Allah, laisse-moi donner l'interprétation de ce songe". - "Interprète-le", répondit le Prophète . - "Le nuage, reprit 'Abû Bakr, c'est l'islam; le miel et le beurre qui en tombaient c’est le Coran avec sa beauté et sa douceur; c'est le Coran dont les uns lisaient beaucoup et les autres peu. Quant à la corde liant le ciel à la terre, c'est la Vérité que tu nous as apportée et c'est en t'y attachant qu'Allah t'élevé. Après toi, viendra un homme qui se saisira de cette corde (de la Vérité) et qui, grâce à elle, s'élèvera. Un autre homme viendra ensuite et fera de même. Enfin, viendra un homme qui se saisira de la corde qui se rompra puis se rejoindra et l'homme s'élèvera. O Envoyé d'Allah ! Toi pour qui je sacrifierais la vie de mon père, dis-moi si ce que j'ai dit est juste ou faux". - "Ton interprétation, répliqua le Prophète, est en partie juste et en partie fausse". - "Par Dieu, ô Envoyé d'Allah, dis-moi, je t'en conjure, en quoi je me suis trompé". - "N'adjure pas", répondit le Prophète (6).


La formule de l'adhan est issue d'un rêve d'un des sahaba


Après l'ordonnance de la salat, le prophète et ses compagnons étaient préoccupé de choisir un moyen pour l'appel à la prière. Ils avaient le choix entre la trompette (Bûq) des Juifs et la cloche (Nâqûs) des Chrétiens. Abdellah Ibn Zayd vint voir le Prophète :


«J'ai vu cette nuit en songe un homme m'aborder; il était vêtu de deux vêtements de couleur verte; il tenait dans les mains un simandre. Je lui dis : "Ô serviteur de Dieu, vends-tu cette simandre"? Il me demanda : "Qu'en feras-tu" ? Je répondis : "Nous nous en servirons pour appeler à la prière" Il me dit : "Ne voudrais-tu pas que je te montre mieux que cela"? Qu'est-ce, lui demandais-je ? - Tu diras, répondit-il : "Allâhu Akbar"... (suit la formule de l'adhan) (7)

L'interprétation des rêves est un art et non une science


La société musulmane, dans laquelle l'interprétation des rêves reste autorisée, est très différente d'un Occident chrétien séparé de l'inconscient, mais elle n'a pas développé de véritable méthodes d'interprétation des rêves (8). L'ouvrage d'Ibn Sirin reste une référence dans le domaine de l'oniromancie arabe. Plusieurs traductions en langues étrangères ont été réalisées. On en cite :

• Le rêve et ses symboles--autrement ! : une autre façon d'interpréter ses rêves d'après l'ouvrage "L'interprétation des rêves" d'Ibn Sirine, Muhammad Ibn Sïrîn, Ameur Affès, Editions Al-Resalah, 1999, 237 pages.

• L'interprétation des Rêves. Ibn Sirin.(VII Siècle), Ibn Sirin, Alif/Format Livre De Poche, 2003.

Le Prophète a dit qu'il ne fallait pas interpréter les rêves n'importe comment (9). L'interprétation se base sur la compréhension du symbolisme. Ce symbolisme a des aspects qui sont universels et d'autres qui sont régionaux, car liés aux cultures. Ainsi, la vue du Soleil dans le rêve peut symboliser le père ou l'autorité politique du pays du songeur selon le contexte du rêve. La couleuvre peut indiquer les biens terrestres, etc.
Un hadith sahih du Prophète avertit qu'il ne faut pas prendre à la légère l'interprétation des rêves. Il annonce que le rêve se trouve sur les pattes d'oiseau, il tomberait une fois interprété. Ainsi, si l'interprétation d'un bon rêve se fait dans un sens contraire, il se peut que le mal surviendra au lieu du bien.


Physique ou psychique ?
L'ascension du Prophète


L'isra et le miraj (voir Wikipedia) du Prophète de l'islam étaient selon beaucoup de savants une ascension physique et avec le cœur car rien n'est impossible avec la Puissance de Dieu en Islam. Bien que beaucoup de matérialistes se disant musulmans essayent d'interpréter cela en disant que c'était un simple rêve, ce n'est qu'une affirmation sans fondement car dans l'Islam on ne doit prendre une science que chez quelqu'un de savant et il s'avère que les savants sont clairs à ce sujet (10).


Notes et références

1. Coran, Sourate XII, versets 3 à 6.
2. Coran, Sourate XII, versets 36 à 42.
3. Coran, Sourate XII, versets 43 à 49.
4. Coran, Sourate XII, versets 99 à 101.
5. Il a été rapporté dans le Sahih de Bukhari, sous le numéro 6474, que le Prophète a dit que le bon rêve vu par l'homme pieux constitue une des 46 parties de la prophétie.
6. Sahih Mouslim, n° 4214 [?]
7. La divination arabe, Toufic Fahd, Brill Archive, 1966, page 278.
8. Sommeil et rêves : Psychique et physiologique, les deux faces de notre vie, Champs ouverts, Jean-Michel Crabbé, Editions Ellebore, 2003, ISBN 2868980724,9782868980724
9. Fat'h ul-bârî, tome 12, pp. 539-541.
10. [1] [archive]


Liens externes

http://interpretation-reve-islam.com/
http://www.papotonsensemble.com/p/interpretation-des-reves-en-islam.html

 

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