EFFET DE SERRE

ET RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE PLANETAIRE

PARTIE II

LES CONSÉQUENCES

 

 

Les mises en garde des scientifiques


Les savants en sont désormais convaincus : le climat change; les températures augmenteront plus vite en cent ans que lors des dix mille dernières années. Des modifications qui peuvent rendre plus vulnérable l'espèce humaine. Jusqu'où les équilibres fondamentaux de la planète vont-ils résister ? Jusqu'à quel point l'homme sera-t-il capable de s'adapter ?

Le professeur Paul Crutzen a la pose et le propos modestes. Ce Prix Nobel de chimie avoue que c'est par hasard, alors qu'il travaillait dans les années 60 comme informaticien à l'Institut météorologique de Stockholm, qu'il a été amené à faire une des grandes découvertes du siècle. Contrairement à ce que toute la communauté scientifique croit à l'époque, il établit que la couche d'ozone qui, là-haut, protège les hommes et les plantes des ultraviolets meurtriers du Soleil ne se renforce pas, mais qu'elle s'amincit dangereusement sous l'action des molécules chimiques en provenance de l'activité industrielle. Le désormais célèbre "trou dans la couche d'ozone" est démasqué, mais la nouvelle, en 1970, est tellement stupéfiante que Paul Crutzen garde sa découverte pour lui : "Je n'étais pas chimiste et je me disais que je devais m'être trompé. Il y avait tant de chimistes dans le monde...".
Deux ans plus tard - consacrés à des études chimiques à Oxford -, il publie ses travaux. Au même moment, les professeurs Sherwood Rowland et Mario Molina aboutissent à des résultats identiques. Ils obtiendront le Nobel ensemble. L'humanité a échappé au risque majeur que faisait peser sur elle ces molécules invisibles et inodores (chlorofluocarbones et oxydes d'azote) présentes dans les aérosols et toute la chaîne du froid. Malgré le baroud d'honneur de quelques bataillons scientifiques repliés dans la tranchée du scepticisme et les cris de désespoir de la plupart des milieux industriels, la communauté internationale réagit promptement. Un protocole international d'arrêt des gaz tueurs d'ozone est signé en 1987 à Montréal. La couche d'ozone est - en principe - sauvée. Les cancers de la peau ne se multiplieront pas. Et l'industrie chimique ne s'est pas effondrée.
"Nous avons eu de la chance, commente Paul Crutzen. Il était très facile d'interdire ces gaz et de les remplacer." Des substituts moins nocifs ont, en effet, été rapidement mis en oeuvre. Mais, aujourd'hui, dans son bureau de l'Institut Max-Plank de Mayence (la Mecque de la recherche allemande), Paul Creutzen est inquiet. Son inquiétude a un nom : réchauffement climatique.
D'autres gaz - le gaz carbonique (CO2) et le méthane (CH4) principalement -, en provenance eux aussi de l'activité humaine, ont été identifiés comme les responsables du renforcement de la couche gazeuse qui, comme une serre, garde dans l'atmosphère une partie de la chaleur solaire (sans cette couche, la température de la Terre descendrait aux alentours de -18°C). Mais trop d'épaisseur nuit, et un "effet de serre" trop accentué serait insupportable pour le climat, dont l'équilibre organise toute la vie, humaine, animale, végétale ou maritime.
Or, ces gaz " à effet de serre ", à la différence des tueurs d'ozone, sont impossibles à éliminer ou à récupérer. Quant à leur remplacement, il obligerait à une révolution énergétique et technologique copernicienne : le solaire, l'éolien, l'hydroélectrique ou... le nucléaire, à la place du charbon et du pétrole ! " Cette fois, dit Paul Creutzen, le monde ne sera pas à même de réagir aussi rapidement, car les combustibles fossiles, qui sont la force motrice du réchauffement de la planète, sont aussi celle de l'économie mondiale. " Le charbon et le pétrole - les deux tiers de l'énergie que les hommes utilisent à travers le monde pour produire, se déplacer ou se chauffer - sont les principaux responsables des émissions de gaz carbonique. Même chose pour le méthane : il provient pour l'essentiel des nouveaux modes culturaux qui ont permis à l'agriculture d'accompagner la croissance démographique et de doubler, en vingt ans, la production alimentaire. Une production qui devra encore doubler d'ici une vingtaine d'années. La question climatique conduit donc au coeur de l'activité humaine. Si celle-ci, pour la première fois de la très longue histoire de la planète, modifie l'équilibre climatique en l'espace d'un siècle, "un petit clin d'oeil", selon l'expression du Prix Nobel John Holdren, où allons-nous ?
L'humanité est, à juste titre, tétanisée par cette perspective. Les 3 % à 4 % de carbone supplémentaire (c'est-à-dire 7 milliards de tonnes environ) que l'homme injecte, chaque année un peu plus, dans l'air vont-ils vraiment suffire à dérégler cette immense machine énergétique, complexe, fragile et encore largement méconnue que constitue le couple océan-atmosphère ? Faudra-t-il arrêter les usines, abandonner sa voiture et se mettre au régime maigre ? "En étant réaliste, estime Paul Creutzen, je dois dire que j'ai plus de raisons d'être pessimiste qu'optimiste. J'ai bien peur qu'aucune mesure importante ne soit prise avant que nous n'ayons une mauvaise surprise."
Les premiers indices de la "mauvaise surprise" sont manifestes, même s'ils ne constituent pas encore, au sens scientifique, des "preuves". Il s'agit plutôt d'"un faisceau de convergences". On n'a pas eu le temps - le phénomène n'en est qu'à ses prémisses - de vérifier la tendance sur une longue période. Les scientifiques restent prudents. Pas d'effet d'annonce, donc, sur l'effet de serre, surtout quand on sait que la "variabilité" du climat est un état normal de celui-ci.
Certains ont guerroyé. Groupée en commando autour de leur gourou du Massachusetts Institute of Technology, Richard Lindzen, un scientifique de haut niveau dont le journal, New Scientist, estime néanmoins que "les idées sont notoirement difficiles à appréhender", l'école des sceptiques a, pendant une dizaine d'années, contesté la réalité du phénomène, attribuant sans nuance cette "lubie" aux "laissés-pour-compte de la science", dont certains sont ouvertement accusés d'être "manipulés" par le vice-président des Etats-Unis, Al Gore.
Leurs arguments n'étaient pas sans valeur et reposaient en particulier sur la rétroaction négative de la vapeur d'eau et les limites des modèles informatiques, "tripatouillés", selon eux. Avec le temps, le progrès des connaissances aidant (la climatologie est une science neuve) et les observations venant progressivement valider les modèles, ils ont peu à peu baissé la garde, enracinant leurs doutes dans les incertitudes qui demeurent (la réaction de l'océan, les courants marins, le comportement des nuages), campant longtemps sur l'idée que, puisqu'on ne pouvait rien conclure définitivement, il ne fallait surtout pas engager l'économie de nos sociétés dans des bouleversements peut-être inutiles. Richard Lindzen considère maintenant qu'il peut s'agir d'un "petit vacillement" dû à une moindre résistance de la nature et concède que, bien que "petit", ce réchauffement ne doit pas "conduire à ne rien faire". Un chercheur respecté comme Michael Schlesinger, de l'université de Yale, pour qui la hausse des températures aurait des effets bénéfiques sur la croissance des plantes et leur capacité à absorber le CO, n'en estime pas moins que "ce serait de la folie de rester les bras croisés". L'école des sceptiques a encaissé un rude coup quand on a appris que l'industrie américaine du pétrole et du charbon finançait les travaux de certains de ses membres, comme Patrick Michaels, le plus farouche lieutenant de Lindzen. Lequel eut cet aveu à l'adresse de ses adversaires : "S'il n'y avait pas d'implications politiques, nous pourrions trouver un terrain d'entente." "On trouvera toujours un scientifique pour demander cinquante ans de plus", estime, avec un brin d'humeur, le géochimiste Jean-Claude Duplessy, dont les recherches en paléoclimatologie dans les glaces du Groenland font autorité. Même son de cloche chez James McCarthy, de l'université Harvard : "Dans le monde de la recherche, le point de vue des sceptiques est marginal. "Les sites spécialisés d'Internet bruissent de débats passionnés à propos des incertitudes sur l'ampleur du phénomène, mais on ne rencontre plus guère de scientifiques qui remettent en cause la réalité de celui-ci. Dans une récente livraison, Business Week en tirait la conclusion : "Désolé, messieurs les sceptiques, les scientifiques ont trouvé le smoking gun [l'arme et la preuve du crime]."
Les ordinateurs et les modèles prévisionnels des climatologues ne sont certes pas prophètes. Outils d'expertise, ils rendent cependant tous le même verdict : le réchauffement est là, et bien là, même s'il est encore en partie masqué par la force d'inertie du couple océan-atmosphère, qui freine la tendance à la hausse de la courbe générale. Les gaz d'origine anthropique (humaine) en sont responsables. Quels que soient les inter ou rétroactions qui interviennent, compliquant ou perturbant le processus, ces émissions qui s'accroissent conduisent au renforcement de l'effet de serre, donc au réchauffement. "Personne n'a pu construire un modèle qui ne réponde pas à un accroissement de CO par un réchauffement", assène Hervé Le Teut, du laboratoire de météorologie dynamique du CNRS. Le réchauffement progressera, sur un siècle, à un rythme de dix à cinquante fois supérieur à celui que l'humanité a connu en dix mille ans ; depuis que la civilisation s'est installée dans un climat globalement stable : + 0,5 C ces dernières années, + 1 à + 5°C supplémentaires selon les projections modélisées sur cent ans, contre + 1°C en moyenne par millénaire depuis la fin de la dernière glaciation.
Pour Jean-Claude Duplessy, pour James Hansen, directeur de l'Institut Goddart d'études spatiales de la NASA, pour Robert Watson, directeur du département environnement de la Banque mondiale, pour Kevin Trenberth, du Centre national de recherche atmosphérique des Etats-Unis, pour Thomas Karl, du Centre national des archives climatiques américaines, pour l'écrasante majorité du monde scientifique comme pour la masse des agronomes, forestiers ou hydrologues, la hausse des températures est désormais "un fait incontestable". C'est "l'empreinte digital " que le changement climatique a déjà laissée.
Depuis que les relevés de température sont fiables, c'est-à-dire depuis un siècle et demi environ, les dix plus fortes moyennes se sont concentrées ces dernières années. Avec 15,4°C, l'année 1995 a battu tous les records. 1996 fut, selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), "la dix-huitième année consécutive marquée par des anomalies positives de la température". Tout indique que 1997 ne devrait pas être loin du maximum de 1995. "Le coup est parti, ce n'est plus possible de faire la politique de l'autruche", en conclut Jean-Claude Duplessy. Désormais, il n'y a plus deux camps caricaturaux qui s'affrontent sur un futur lointain et largement imperceptible : les incorrigibles zélateurs du progrès d'un côté et les agitateurs de la pensée apocalyptique de l'autre. Il y a une certitude, proche et tangible, ainsi résumée par James Baker, de l'US National Oceanic and Atmosphere Administration : "L'humanité a atteint le point où son impact sur le climat est aussi significatif que celui de la nature." Même diagnostic de Jean Jouzel, climatologue au Commissariat à l'énergie atomique et représentant scientifique du gouvernement français dans les recherches menées par le Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) mis en place par les Nations unies : "Nous sommes confrontés à un problème sérieux qui va au-delà du principe de précaution."

Le "signal" est donné. Aux yeux du profane, il peut paraître faible. Ne sommes-nous pas habitués à des amplitudes de 20°C ou plus selon les saisons ? Mais il s'agit d'une hausse globale moyenne qui accentue les variations régionales et saisonnières. Avec une différence de 5° par rapport à la moyenne du climat actuel, en plus ou en moins, on se retrouve dans des échelles comparables à celles qui ont provoqué les grands bouleversements climatiques de l'histoire géologique.

Au maximum de la dernière grande glaciation, les carottages dans les glaces de l'Arctique, qui constitue la grande mémoire du climat passé, révèlent que la température moyenne n'était que de 4 à 5° inférieure à celle d'aujourd'hui. Quand les dinosaures ont disparu, la différence moyenne était de 6 à 7°. Or, remarque Jean Jouzel, "il n'y a pas plus de probabilité de faire plus 1 degré que plus 3". Les équilibres des écosystèmes sont fragiles. La modification, même limitée, du régime des pluies peut changer, ici, un climat sec en désert et obliger, là, à élever des digues.

L'origine du réchauffement n'est désormais pas plus discutée que sa réalité : l'homme est coupable, pas la nature. L'immense travail interdisciplinaire qui a été accompli par le GIEC - quatre mille scientifiques internationaux, "labellisés" par leurs gouvernements respectifs, qui ne se sont appuyés que sur des travaux dûment vérifiés et sur des rapports âprement discutés - a été longtemps contesté. En particulier par les sceptiques. Malgré les lazzis, les équipes du GIEC ont continué à aligner courbes et graphiques, observations et données. Et leur travail est désormais admis comme base de discussion par l'ensemble de la communauté scientique comme par tous les gouvernements. "C'est la meilleure évaluation que nous ayons", juge Rosina Bierbaum, conseiller au bureau des sciences de la Maison Blanche.

Il aura fallu six mille pages de rapports et des années de discussions parfois contradictoires pour que le GIEC parvienne, en 1995, à affirmer, dans un langage qui reste d'une prudence extrême en raison du télescopage des intérêts économiques et nationaux en son sein, qu'il y a "une influence perceptible de l'homme sur le climat" et que, si aucune preuve décisive ne pouvait encore être avancée, si les connaissances restaient "limitées sur de nombreux processus essentiels", une convergence d'éléments "suggérait" cette influence.

En 1990, dans un premier rapport, le GIEC ne relevait qu'un réchauffement "comparable à la variabilité naturelle". Cinq ans de recherches ont permis de franchir un pas très important dans la maîtrise de la connaissance. Cela rend d'autant plus crédible les projections du GIEC : une hausse des températures comprise entre 1°C et 3,5° d'ici 2100, certains scientifiques en son sein allant jusqu'à envisager sérieusement une hausse de 5°. Après avoir décrit un phénomène dont il a identifié la réalité, puis les causes, le GIEC travaille à établir les conséquences régionales du réchauffement. Ce troisième rapport, prévu pour être publié en 2000, est très attendu ; il portera à la connaissance du monde l'état prévisible des lieux soumis au réchauffement. Autrement dit, ce qui va changer dans les écosystèmes terrestres et aquatiques ainsi que dans les secteurs socioéconomiques ; quels continents, quels pays, quelles régions, quelles populations, quels secteurs économiques vont y gagner et lesquels vont y perdre en termes de développement, de santé et de bien-être.

D'ores et déjà, le deuxième rapport avertit : "Les divers secteurs de la société doivent s'attendre à être confrontés à des bouleversements multiples et à la nécessité de s'y adapter." Le doublement des concentrations de gaz à effet de serre est inévitable, même si les pays du monde parviennent à stabiliser leurs émissions à leur niveau actuel. Le GIEC a "calé " sa prévision de hausse entre 1 et 3,5°C, avec un scénario moyen à +2°, dans cette hypothèse et dans cette hypothèse seulement. Il ne manque cependant pas d'évoquer que les concentrations seront bien plus importantes (un triplement ou un quadruplement) - et les conséquences d'autant plus dramatiques - si ces émissions continuent de croître à la vitesse actuelle.

Les conséquences répertoriées par le deuxième rapport du GIEC - "les plus probables en accord avec nos connaissances", selon l'Organisation météorologique mondiale - font état de tendances générales inquiétantes. "L'intensification du cycle hydrologique global" d'abord, c'est-à-dire la perturbation du régime des pluies avec de plus fortes disparités saisonnières, en particulier sur l'hémisphère Nord, des sécheresses plus fréquentes et plus étendues au nord de la zone subtropicale, des inondations plus violentes et des tempêtes plus nombreuses (ouragans, cyclones, tornades), un renforcement de la désertification dans les zones arides ou semi-arides, des pénuries d'eau plus marquées; "une hausse du niveau de la mer par dilatation thermique et fonte des glaciers" ensuite, entre 15 et 95 centimètres, susceptible de fragiliser plusieurs zones littorales et d'envahir des deltas où les habitations et l'activité économique se sont concentrées (près de la moitié de la population mondiale vit à proximité des océans), voire de condamner des petites îles à une quasi-disparition; "Une modification des écosystèmes et de la végétation" avec des migrations de 150 à 550 kilomètres vers le Nord qui pourraient entraîner des substitutions difficiles ou provoquer des disparitions brutales ; " un risque de recrudescence des maladies infectieuses à transmission par vecteur " tels que paludisme, dengue ou fièvre jaune, imputable à l'extension de l'aire de répartition et à la période de reproduction des vecteurs.
Au total, au-delà d'une diminution du PIB mondial de 1,5 à 2,5 points, c'est une vulnérabilité accrue que le GIEC et le stress climatique promettent à l'homme. Sans doute les pays industrialisés trouveront-ils les moyens de s'y adapter, plus ou moins douloureusement. Nul doute en revanche que les pays les plus pauvres, ceux qui sont le plus soumis aux aléas naturels, vont payer la facture. Dans l'hémisphère Sud, là où le rapport à l'environnement naturel, l'eau, les pluies, le sol, les forêts, la mer, est une condition de la survie de tous les jours, des milliards d'hommes et de femmes n'ont pas attendu pour faire l'amère expérience des changements climatiques. L'augmentation des catastrophes naturelles, les déficits chroniques en eau ou la modification du régime des pluies, ils connaissent déjà. L'ensemble de ces phénomènes climatiques extrêmes et parfois contradictoires constituent le témoignage vivant du principe du bouleversement climatique : un dérèglement paroxysmique. Autrement dit, le climat perd la boule. Du moins celui auquel l'humanité était habituée depuis qu'un grand singe a pris rang d'homme à la grande roulette de l'évolution naturelle.
Les responsables de l'Organisation météorologique mondiale, premiers inquiets - "plus le temps passe, plus les observations et les indices s'accumulent", estime Michel Jarraud, secrétaire général adjoint de l'organisation -, avertissent que ces dérèglements détectés régionalement peuvent être surestimés par la médiatisation dont ils font l'objet. Force amplificatrice de l'image ou pas, il n'empêche qu'aujourd'hui l'est de l'Afrique est soumis à des inondations meurtrières alors qu'elle venait d'être accablée de sécheresse (le même phénomène s'est produit récemment, dans le sens inverse, en Corée du Nord). Les précipitations ont nettement diminué dans les régions méditerranéennes, au Sahel et autour du golfe de Guinée. Les glaciers des Alpes ont perdu près de la moitié de leur volume et la calotte glaciaire du nord et du nord-est du Groenland fond plus vite qu'elle ne se reconstitue. La température en Sibérie a augmenté de 3°C. Les zones arides ou semi-arides sont plus chaudes sans devenir plus humides. Un cinquième du territoire espagnol est soumis à la désertification. Les provinces du nord de la Chine sont victimes d'une sécheresse persistante. La végétation des zones septentrionales de l'hémisphère nord se développe. Les insectes ravageurs et les champignons pathogènes (chenille processionnaire du pin ou chancre du châtaignier) s'attaquent de plus en plus aux arbres du nord de la France. Le retard de la mousson a permis le développement de grands incendies en Indonésie...
La faute à El Nino, aléa climatique "normal" ? Justement. Son intensité et sa fréquence interrogent. Sa puissance destructrice n'est-elle pas aggravée par le réchauffement climatique ? "La question se pose", reconnaît le professeur François Delsol, directeur du programme consacré à la recherche atmosphérique à l'OMM. Un enquêteur du Guardian, David Plotz, a posé la question aux scientifiques. "Certains disent que le réchauffement climatique rend El Nino plus terrible; les autres répondent qu'El Nino rend le réchauffement climatique plus sévère", conclut-il plaisamment. En tout cas, l'épisode 1997-1998 sera probablement le plus violent du siècle. Il avait d'ailleurs été prévu par les modèles des météorologues, ce qui montre le degré de fiabilité auquel on est désormais parvenu. Les autorités indonésiennes avaient été prévenues mais n'ont tenu aucun compte de l'alerte.
Même si les indices convergent, nombre d'incertitudes demeurent. Elles ont principalement trait à la rétroaction des océans, des courants, des nuages, de la glace, des systèmes terrestres et marins modifiés ainsi qu'à l'effet parasite des aérosols, gaz, poussières ou cendres qui refroidissent l'atmosphère. Mais la nature du doute s'est déplacée. Celui-ci ne porte plus sur la réalité du phénomène, ni sur son lien avec les émissions de gaz dues aux activités humaines. Ni même sur une série de conséquences prévisibles. Mais sur le degré d'amplitude de celles-ci. Un nouveau débat oppose ceux qui "espèrent" que, dans sa grande sagesse, la nature saura trouver la parade, corrigera ou neutralisera le réchauffement, à ceux qui au contraire "craignent" qu'elle se révolte et n'amplifie le mouvement. Les "optimistes" (en général les anciens sceptiques) misent sur l'océan et ses immenses ressources d'inertie pour "annuler l'effet de serre additionnel" ou du moins l'amortir. L'océan, en effet, avec les "puits de carbone" que sont les forêts, a toujours été le maître régisseur de la concentration de CO dans l'atmosphère. Sur les 7 milliards de tonnes rejetées annuellement par le facteur humain, on sait qu'il en récupère en ce moment au moins deux et les forêts une. Les "pessimistes" s'interrogent. Jusqu'à quand l'océan fera-t-il ainsi le gros dos ? Sera-t-il capable de faire face à une nouvelle augmentation si, au lieu du doublement de la concentration de gaz dans l'atmosphère, on passe à un triplement, voire à un quadruplement ?
"L'océan n'est pas nécessairement le grand régulateur que l'on croyait, il ne faut pas compter sur lui pour pomper automatiquement les surplus de CO", explique Jean-Claude Duplessy à ceux qui se satisferaient d'une "vision tranquille". Les paléoclimatologues ont détecté dans les glaces qu'il est susceptible de grands bouleversements en quelques dizaines d'années et qu'à partir du franchissement d'un seuil il a un effet amplificateur. "Le risque est plus qu'un cas d'école", confirme Jean Jouzel puisque ce type de variations rapides a été observé dans le passé. Car la répartition et la régulation du climat s'opère dans l'océan à partir d'une circulation qui transporte, tel un gigantesque tapis roulant, eaux chaudes et courants froids d'un pôle à l'autre de la planète. Le ralentissement plus ou moins fort de cette circulation océanique - à cause en particulier d'un surcroît de pluie dans l'Atlantique nord, hypothèse que les experts du GIEC ont retenue comme plausible dans leur rapport - pourrait constituer la pire des "surprises". Le grand régulateur se mettrait alors à cahoter ou tomberait en panne. Les conséquences seraient imprévisibles. "Au fur et à mesure que les émissions de gaz à effet de serre augmenteront, nous entrerons dans un régime climatique totalement nouveau, sans aucun équivalent au cours du dernier million d'années, insiste Jean-Claude Duplessy. Nous sommes dès maintenant partis vers un grand plongeon dans l'inconnu." Deux chercheurs de l'université de Princeton, M . Manabe et M. Stouffer, ont osé simuler le ralentissement de la circulation océanique. Selon leurs calculs, si la concentration de gaz quadruple, le "tapis roulant" serait cinq fois plus lent et les Etats-Unis connaitraient une hausse des températures de 10°C !
Tout concourt donc à ce que l'augmentation des émissions de gaz soit freinée ou stoppée car, selon la formule de Jean Jouzel, "plus on s'éloigne du climat actuel, plus le risque s'élève". Or on en est loin. Si l'Union européenne, meilleure élève de la classe, parvient grosso modo à stabiliser en l'an 2000 ses émissions à leur niveau de 1990, les Etats-Unis (qui produisent un quart des émissions) sont, selon l'US Agency's Energy, sur une pente d'augmentation de 34 % pour 2010. Le Japon a fait + 8 % en cinq ans, la Chine + 27 % depuis 1990, l'Inde + 28 %, le Brésil + 20 % et l'Indonésie + 40 %. Globalement, l'Agence internationale de l'énergie estime que, si les tendances actuelles se maintiennent, en particulier une forte demande de pétrole, la planète émettra 49 % supplémentaires de gaz à effet de serre en 2010. La marche vers le quadruplement des concentrations dont tout le monde a la hantise serait alors triomphale. A moins qu'elle ne soit interrompue à Kyoto où la communauté internationale a rendez-vous au début du mois de décembre, pour mettre en oeuvre les moyens de réagir. Un protocole de réduction des émissions est au menu. Il soulève polémiques et conflits entre les Etats et entre les Etats et les entreprises. Mais son urgence ne se discute pas. "Le temps est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre", a déjà averti le climatologue Benjamin Santer, un des principaux rédacteurs du deuxième rapport du GIEC.

 

 

Le réchauffement climatique et ses conséquences en général

 

Les mesures contenues dans le protocole adopté par les 159 pays présents à la conférence de Kyoto, et qui sera soumis à la plupart des parlements nationaux, reposent sur un diagnostic établi ces dernières années par quelque 4 000 scientifiques regroupés dans le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Les deux rapports du GIEC, publiés en 1990 et 1995, établissent avec une "quasi-certitude" la réalité du changement climatique. Ils avancent plusieurs hypothèses sur l'ampleur de celui-ci et en analysent les conséquences sur les écosystèmes, les activités économiques et la santé des hommes. Un changement dû à l'homme. Ce n'est pas le premier grand changement climatique de l'histoire de la planète, mais celui-ci est, pour la première fois, provoqué par les gaz issus des activités humaines (l'industrie, le transport et l'agriculture). C'est également la première fois qu'une modification du climat se produira de manière aussi rapide : un siècle environ, contre des millénaires pour les précédents. Une ampleur problématique. La température moyenne de la Terre a déjà augmenté d'un demi-degré, et les années les plus chaudes sont concentrées dans la dernière décade. Selon les modèles climatiques qui s'avèrent de plus en plus fiables et précis, les projections situent la hausse entre 1 degré Celsius (C) et 5 °C d'ici à un siècle. A + 1 °C, les conséquences seront maîtrisables ; plus on se rapprochera du haut de la fourchette, plus l'humanité s'orientera vers l'inconnu.

Des conséquences brutales

Nombre de signes révèlent déjà le bouleversement climatique en cours. Il se traduit par une aggravation des phénomènes extrêmes - tempêtes, sécheresses, inondations - et la modification du régime et de la répartition des pluies. Des changements très importants pourraient intervenir dans les écosystèmes avec une extension de la désertification, un glissement des zones et des types de végétation vers les pôles et, probablement, la disparition de nombre d'entre elles. Le niveau des mers pourrait monter jusqu'à un mètre, inondant des littorals et des deltas très peuplés ainsi que des petites îles dont certaines sont menacées de disparaître. L'humanité plus vulnérable. Les hommes devront affronter de nouveaux risques et de nouvelles pressions, plus ou moins accentués selon le degré d'augmentation de la température, surtout dans les zones les plus pauvres et les plus peuplées de la planète. Les ressources en eau seraient particulièrement affectées de même que les productions agricoles dans les régions sèches, arides et semi-arides. L'apparition de disettes et de famines localisées est probable. Les zones tropicales souffriront d'une recrudescence de tempêtes entraînant la destruction d'infrastructures. Les vecteurs de maladies comme la malaria ou le choléra seront favorisés.
Les Etats-Unis et l'Europe s'affrontent à la conférence climatique de Kyoto. Les conditions de réduction des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, devraient faire l'objet d'un protocole international. Objectifs contraignants ou recours au marché, participation des pays du Sud ou pas, les divergences sur la méthode divisent la planète en deux camps. Deux mauvaises nouvelles attendent les délégués des 165 pays signataires de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques qui doivent se réunir, du 1er au 13 décembre, à Kyoto, pour élaborer un protocole international de réduction des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique (Le Monde du 26, 27 et 28 novembre).
Les climatologues britanniques du centre de prévision météorologique de Hadley et de l'université d'East Anglia ont établi que l'année 1997 sera, en moyenne, la plus chaude de toutes celles qu'on a pu observer depuis 1860. Le record sera ainsi battu pour la cinquième fois depuis le début de la décennie. Le "signal" du réchauffement global que la plupart des scientifiques croient voir dans la hausse de la courbe des températures s'en trouve un peu plus confirmé.

Réalité établie
Autre mauvaise nouvelle : Eurostat a fait savoir, jeudi 27 novembre, que les émissions de gaz carbonique (CO2), principal responsable d'un renforcement de l'effet de serre, ont augmenté de 1,7 % dans l'Union européenne en 1995 par rapport à l'année précédente. L'Europe, qui passe pour le meilleur élève dans la lutte contre l'effet de serre, n'a pas un aussi bon dossier que ça. Quant aux Etats-Unis, on a appris il y a quelques semaines que leurs émissions ont grimpé en un an de 3,4 %. Le dossier américain est exécrable. De même que celui du Japon : + 8 % en cinq ans. De leur côté, les pays émergents prennent les mauvaises habitudes de leurs aînés : près de 30 % supplémentaires pour la Chine et l'Inde, de 1990 à 1995, + 20 % pour le Brésil, + 40 % pour l'Indonésie... La convergence de plus en plus serrée des indices de dérèglement climatique - sécheresses, inondations, tempêtes -, la coïncidence entre les projections informatiques et les données observées, les effets dévastateurs d'El Niño, l'inquiétude grandissante de l'opinion, vont-ils bousculer la guerre de position à laquelle se livrent les principales puissances depuis plusieurs années et débloquer la négociation de Kyoto ? L'enjeu de la conférence climatique est sans précédent. Les rapports scientifiques du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui servent de base à cette grande négociation planétaire, ne laissent guère de place au doute : le réchauffement est une réalité établie, ses causes résident dans la combustion des énergies fossiles (pétrole et charbon) et dans les pratiques agricoles intensives. La seule incertitude réside désormais dans l'amplitude des conséquences dont on sait qu'elles seront plus ou moins négatives, voire catastrophiques, selon que la communauté internationale parviendra ou non à inverser la tendance à la hausse des rejets de gaz.

Intérêts nationaux
Il faut trouver une solution pour maîtriser des gaz qu'on ne peut pas, techniquement, piéger et constituent le fondement énergétique des économies modernes. C'est rien moins qu'une option sur le mode de développement du XXIe siècle qui est en cause. Exceptés la plupart des groupes pétroliers et charbonniers et les Etats de l'OPEP, plus personne ne conteste la gravité du défi. Les divergences portent sur la faisabilité et les moyens à mettre en oeuvre. Pour l'instant, le jeu des intérêts nationaux a figé les positions, dessinant une carte des alliances et des rapports de force inédite. Les Etats-Unis n'envisagent qu'une stabilisation des émissions autour de 2010 au niveau de 1990 et s'opposent ouvertement à l'Union européenne qui propose une réduction de 15 %. Soutenue par les milieux industriels internationaux (lire ci-dessous), l'Amérique souhaite faire appel au marché en introduisant un système d'échange comme les "permis négociables", la pollution devenant une matière première librement négociable, comme le blé à la Bourse de Chicago ou les métaux à celle de Londres. Les Européens, appuyés, eux, par les réseaux d'ONG (lire ci-dessous), se refusent à entrer dans cette logique si elle n'est pas "encadrée" par des objectifs de réduction contraignants et une institution de régulation. Derrière les Etats-Unis se retrouve en bloc le monde anglo-saxon, Canada, Nouvelle-Zélande et Australie, à l'exception du Royaume-Uni de Tony Blair qui, avec la France et l'Allemagne, est un des partisans les plus combatifs de la réduction. Mais l'ensemble des pays d'Amérique latine, sauf l'Argentine, appuient la position européenne de même que tous les pays du Sud, Chine en tête. Il faut dire que l'Union européenne, contrairement aux Etats-Unis, veut exempter, dans un premier temps, les pays du Sud d'un objectif de réduction afin de ne pas pénaliser leur développement. Les petites îles-Etats, malgré leur dépendance, pour la plupart, vis-à-vis des Etats-Unis ou de l'Australie, se sont elles aussi rangées du côté européen, plaidant même pour une réduction de 20 %. Reste le Japon, qui aimerait que la première grande négociation internationale qui se déroule sur son territoire se conclue par un succès. II propose une solution intermédiaire - réduction de 5 % et intégration des instruments économiques de marché - qui pourrait constituer la base d'un compromis que toutes les délégations affirment rechercher. L'envers du "miracle asiatique". La facture écologique que présente aujourd'hui le "miracle asiatique", tant encensé jusqu'à ces derniers mois, confine au désastre. L'Asie est la région la plus polluée du monde, comme le rappelle une synthèse de chiffres publiée, samedi 29 novembre, par le New York Times. Selon un étude des Nations unies, l'Asie concentre treize des quinze villes dont la pollution de l'air est la plus élevée. A en croire l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale, 1,56 million d'Asiatiques meurent chaque année des effets de la seule pollution de l'air. Les chiffres en Chine sont particulièrement alarmants (Le Monde du 27 septembre). L'OMS estime que les taux de dioxyde de soufre dans les grandes villes de l'empire du Milieu sont entre deux et cinq fois supérieurs aux normes fixées par l'organisation. Le Japon aspire à jouer les médiateurs La conférence internationale sur le climat, qui s'ouvre le 1er décembre à Kyoto, sera un test de l'ambition du Japon de devenir une grande puissance civile. Le poids économique de l'archipel dans le monde contraste avec le profil bas de Tokyo en matière de sécurité et de stratégie. Les contraintes constitutionnelles et son alliance avec les Etats-Unis, pierre angulaire de sa diplomatie, ne laissent guère de marges de manoeuvre au Japon. En matière d'aide au développement et de protection de l'environnement, il en a davantage et voudrait faire de ces questions les axes d'une diplomatie lui assurant un plus grand crédit politique sur la scène mondiale et renforçant ses chances d'obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Le succès de la conférence de Kyoto est pourtant loin d'être acquis étant donné les divergences des positions entre Américains, Européens et Japonais sur les taux de réduction d'émissions des gaz à l'origine de l'effet de serre responsable du réchauffement préoccupant de la planète. "Si Tokyo avait été conscient des difficultés et des répercussions mondiales de cette conférence, je pense que le gouvernement aurait hésité à proposer d'accueillir cette troisième conférence sur les climats", reconnaît un haut fonctionnaire. " Mais aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre choix que de réussir. Si Kyoto se conclut sur un engagement chiffré de réduction des émissions de gaz assorti d'obligations précises, nous considérerons que ce sera un succès politique", poursuit-il. Selon le directeur de l'Agence pour l'environnement, Hiroshi Oki, qui assumera la présidence de la conférence de Kyoto, le Japon ne considère pas que la proposition américaine de "réduction zéro" (maintien des émissions jusqu'en 2012 à leur niveau de 1990) puisse servir de base de négociation. "Nous devons parvenir à un objectif de réduction contraignant", a-t-il déclaré. M. Oki estime que certains Etats européens sont prêts à faire preuve de flexibilité au sujet du taux de réduction (15 % d'ici 2010) retenu par l'Union européenne. Les Japonais ont une position médiane (réduction de 5 % d'ici 2012). Indépendamment d'un engagement chiffré et contraignant auquel ils tiennent, les Japonais entendent élargir le débat en débloquant la question de la participation des pays du Sud à ce cycle de négociations sur les remèdes au réchauffement de la planète. Les Américains souhaitent inclure les plus avancés d'entre eux (Chine, Brésil, Mexique) afin qu'ils soient aussi contraints à certains efforts mais ceux-ci se retranchent derrière les engagements de la première conférence sur le climat de Berlin qui les en dispensent afin de ne pas peser sur leur développement. A l'issue du sommet sur la coopération économique en Asie-pacifique (APEC) qui vient de se tenir à Vancouver, le premier ministre Ryutaro Hashimoto a lancé une proposition dans ce sens, dont il avait annoncé les principales orientations dans son discours aux Nations unies en juin. Baptisée "Initiative de Kyoto", cette proposition vise à offrir une assistance aux pays en voie de développement afin de les aider à combattre l'effet de serre et à mieux utiliser leur énergie. L'assistance nippone consistera en financements (prêts à 0,75 % d'intérêt sur 40 ans) et en transferts de "technologies vertes". Le Japon s'engage en outre à accueillir pendant cinq ans à partir de 1998 trois mille experts des pays du Sud pour les former à la lutte contre les pollutions, à la conservation des forêts et aux techniques d'économie d'énergie. "Le Japon estime qu'il est en position favorable pour jouer un rôle de médiateur entre les pays avancés et les pays en voie de développement, explique le haut fonctionnaire. Nous étions dans leur situation il y a trente ou quarante ans." Depuis les années 70, sous le double effet des chocs pétroliers et des grandes affaires de la pollution (drame de Minamata), héritées de la période de haute croissance de la décennie précédente, le Japon a accompli de notables progrès en matière de lutte contre la pollution et les émissions de gaz. Ses aciéries ou ses voitures sont parmi les moins polluantes du monde et le ciel de Tokyo est un des plus clairs d'Asie. Tokyo estime donc que 5 % de réduction des émissions de CO2 (qui revient en réalité, par un mécanisme de différenciation, à une réduction effective de 2,5 %) est un objectif raisonnable. Il est jugé largement insuffisant par les écologistes locaux. En dépit de la stagnation de l'économie et étant donné les progrès déjà accomplis, le gouvernement est l'objet de pressions moins fortes de la part des milieux d'affaires que ne l'est son homologue américain. Selon un sondage réalisé par le quotidien Sankei, 70 % des industriels interrogés déclarent avoir déjà fixé leurs objectifs de lutte contre le réchauffement de l'atmosphère. Même si 33 % estiment que l'objectif de réduction de 5 % des émissions est possible à atteindre, 16 % seulement sont d'ores et déjà à même de le faire. Le ministère du commerce international et de l'industrie (MITI) et le patronat s'opposent, en revanche, à l'introduction, proposée par l'agence pour l'environnement, d'une taxe sur les émissions frappant les combustibles "fossiles" à l'origine de l'émission de dioxine de carbone (CO2). Il pèse cependant une inconnue sur la possibilité d'atteindre l'objectif fixé. Celui-ci suppose en effet que le Japon développe sa production d'énergie de source nucléaire et construise d'ici 2010 une vingtaine de nouveaux réacteurs qui viendront s'ajouter au cinquante-trois en service. Il est loin d'être certain que le gouvernement pourra mener à bien une telle politique étant donné l'opposition de l'opinion publique à l'installation de nouvelles centrales.

Quelques chiffres
- Depuis le début de l'ère industrielle, la température a augmenté de 0,5° (1997 sera sans doute l'année la plus chaude jamais enregistrée), le niveau des océans s'est élevé de 10 à 25 cm. En un siècle, les températures pourraient augmenter à un rythme 10 à 50 fois plus rapide qu'au cours... des 10.000 dernières années.
?La hausse de la température pourrait être de 1 à 3,5° d'ici 2100, voire de 5° (une différence de 5° en plus ou en moins est comparable aux situations qui ont provoqué les grands bouleversements climatiques de l'histoire).
- Chaque année, les humains rejettent quelque 7 milliards de tonnes de C02 supplémentaires, lesquelles viennent rejoindre la couvercle de vapeur d'eau et de gaz à l'origine de l'effet de serre.
- En 1996, les USA produisent en moyenne 19,88 tonnes de C02 par habitant et par an, l'UE dans son ensemble 2,3 tonnes, la France 6,23 tonnes (en 2010, le secteur des transports devrait représenter à lui seul dans l'hexagone 40 % des émissions de gaz carbonique).
- Premier pollueur : les Etats-Unis, avec 22 % des émissions de CO2 (selon l'agence américaine de l'énergie, les USA pourraient augmenter ces émissions de 34 % d'ici 2010).
- La Chine arrive en second avec 14 %.
- Le Japon a émis 8 % de plus de gaz à effet de serre en cinq ans, "la Chine + 27 % depuis 1990, l'Inde + 28 %, le Brésil + 20 % et l'Indonésie + 40 %", constate "Le Monde".
- Selon le journal de Pékin "China Daily", qui cite des experts internationaux, 64 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des pays industrialisés, alors que ces derniers ne représentent que 25 % de la population mondiale.
- La demande mondiale de pétrole et de charbon pourrait augmenter de 30 % d'ici 15 ans.

 

 

Les conséquences de l'effet de serre pour chaque continent

 

Les pays "perdants" seront les pays les plus pauvres et les plus peuplés. Les "gagnants" seront les pays tempérés situés les plus au nord et les régions boréales Le troisième rapport d'évaluation du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) devrait déterminer les conséquences régionales du changement climatique et être publié en 2000. Une première mouture de ce rapport, dont nous avons eu connaissance, a déjà été élaborée. Elle devrait servir de base au document final. Ses évaluations reposent sur l'estimation retenue par le GIEC d'un réchauffement moyen de la planète de 2°C d'ici à 2100, calculée à partir du doublement des concentrations de gaz à effet de serre. Cependant, si les émissions de gaz continuent à progresser de 10 % à 20 % par décennie, comme l'indiquent les derniers chiffres connus, leur concentration triplera ou quadruplera au cours du siècle, scénario noir que le GIEC n'a pas simulé. Les informations que nous donnons et que nous avons fait figurer en cartes ont pour origine ce prérapport.

TENDANCES GÉNÉRALES


La nouvelle évaluation du GIEC sur les impacts régionaux du changement climatique conclut à "une plus grande vulnérabilité de la santé humaine, des écosystèmes et des secteurs socioéconomiques" sous l'impact d'un réchauffement climatique qui sera très variable selon les régions du monde. Le réchauffement a "le potentiel de bouleverser l'aptitude des systèmes physiques et biologiques de la Terre, de fournir les biens et services essentiels pour un développement économique durable".

L'AFRIQUE


L'Afrique est le continent le plus vulnérable. "Beaucoup d'écosystèmes et d'organismes" ne seront pas capables de s'adapter "à des conditions plus chaudes dans les zones désertiques, arides ou semi- arides. Les pâturages et les champs de l'ouest, de l'est et du sud du continent, où une réduction des précipitations est prévue, sont particulièrement menacés. Le déséquilibre hydrologique provoquera l'effondrement de plusieurs activités économiques. La production hydroélectrique souffrira de la réduction du débit des rivières. L'augmentation des sécheresses d'été et des températures d'hiver sera préjudiciable à l'agriculture, provoquant disettes et famines locales. Les rendements pourraient connaître une baisse allant jusqu'à 30 %. Des changements dans les courants marins entraîneront la migration d'espèces de poissons, réduisant les prises de la pêche artisanale. Le littoral du Sénégal, de la Sierra Leone, du Nigeria, du Cameroun, du Gabon et de l'Angola est susceptible d'être envahi en partie par la mer, de même que le delta du Nil. Côte est et côte ouest seront affectées par des tempêtes. La malaria, la dengue et la fièvre jaune infecteront de nouvelles régions. L'activité touristique devrait régresser.

LE MOYEN-ORIENT ET L'ASIE CENTRALE


Dans cette région à prédominance aride et semi-aride, "les terres qui sont des déserts resteront des déserts". Une petite hausse des précipitations sera annulée par l'élévation des températures et une plus forte évaporation. La pénurie d'eau, déjà sensible, devrait être "exacerbée", devenant un "facteur limitant" pour les écosystèmes, pour l'agriculture, ainsi que pour la présence humaine. La production de blé au Pakistan et au Kazakhstan sera particulièrement affectée et la sécurité alimentaire de plusieurs pays menacée.

L'EUROPE


La situation sera radicalement différente au nord et au sud du continent. En Scandinavie et dans le nord de la Russie, les forêts envahiront la toundra. Les sols gelés auront tendance à fondre. On assistera à une vaste mutation des espèces végétales et animales, avec un risque de disparition pour nombre d'entre elles. La pluie deviendra plus abondante, l'hiver, sur la partie nord. En revanche, la moitié sud du continent sera moins arrosée et connaîtra des problèmes d'eau. Le nord et le nord-ouest seront soumis à des inondations tandis que le sud subira des sécheresses entraînant une forte augmentation des besoins en irrigation. Les cultures de céréales seront favorisées au nord ainsi qu'en Europe centrale et en Europe de l'Est, au détriment de la Grèce, de l'Espagne, de l'Italie et du sud de la France. La hausse du niveau de la mer menacera les côtes des Pays-Bas, de l'Allemagne, de l'Ukraine et de la Russie ainsi que les deltas méditerranéens. Les glaciers des Alpes devraient quasiment avoir disparu à la fin du XXIe siècle. Des températures plus élevées permettront une baisse de la demande d'énergie.

L'AMÉRIQUE DU NORD


Le climat devrait devenir nettement plus sec sur une large partie du continent, en particulier dans le centre, l'ouest et le sud. Les grandes plaines du sud et du sud-est ainsi que la ceinture de blé souffriront de sécheresses "sévères", avec des risques accrus d'incendies. En revanche, les plaines du Nord et du Nord-Ouest profiteront d'une température plus chaude et d'une plus grande pluviosité, surtout en hiver, permettant d'envisager une baisse de la consommation énergétique. La hausse du niveau de la mer devrait être sensible sur la plupart des côtes et des estuaires et menacera les ressources en eau douce par des intrusions d'eau de mer.

L'AMÉRIQUE LATINE


La pluviosité et le ruissellement des eaux devraient diminuer sur le continent sud-américain, appauvrissant les réserves souterraines d'eau, particulièrement au Panama, au Costa Rica, au Chili et dans les Andes. La production agricole baissera au Mexique et dans plusieurs régions du Brésil et du Chili, encourageant la migration vers les villes. Le sud de l'Argentine devrait, au contraire, améliorer sa productivité malgré les inondations. Le risque d'élévation du niveau de la mer sera particulièrement sensible dans l'isthme centraméricain, au Venezuela et en Argentine. Le continent sera soumis à une augmentation des tempêtes. Malaria, dengue et choléra gagneront de nouveaux territoires.

L'ASIE TEMPÉRÉE


Cette région, du Japon à la Sibérie en passant par la plus grande partie de la Chine, se présente avec un maximum d'incertitude. On n'a établi qu'une diminution des ressources en eau et de la masse des glaciers. De grandes variations dans les rendements agricoles sont attendues selon les régions, en particulier en Chine. Le nord de la Sibérie devrait voir sa productivité agricole augmenter, mais celle-ci devrait baisser au Sud-Ouest. La côte du Japon, où sont concentrés 50 % de l'industrie, est sous la menace d'une hausse du niveau de la mer à partir de 1 mètre.

L'ASIE TROPICALE


"Le changement climatique s'ajoutera aux autres stress de la région comme l'urbanisation rapide, l'épuisement des ressources naturelles, les pollutions et la dégradation des terres".Il sera particulièrement négatif sur les écosystèmes côtiers à cause de la hausse du niveau et de la température de la mer. Au Bangladesh, des dizaines de millions de personnes pourraient être déplacées. Les côtes de l'Asie du Sud-Est sont également menacées et, avec elles, les ressources de la mer et du tourisme. Les glaciers de l'Himalaya vont accélérer leur régression et les disponibilités en eau en provenance des neiges vont décroître. La sécurité alimentaire sera étroitement dépendante de la puissance destructrice des cyclones, des inondations et des sécheresses. Les maladies infectieuses, malaria et dengue, devraient se développer.

L'OCÉANIE


Les côtes de l'Australie et des îles du Pacifique Sud seront soumises à de violentes tempêtes, mais il semble que la Grande Barrière de corail soit capable de résister à une hausse du niveau de la mer. L'Australie connaîtra une aggravation des sécheresses. Les ressources en eau des petites îles vont baisser. En Nouvelle-Zélande, les neiges diminueront.

LES PETITES ÎLES


Situées pour la plupart dans les tropiques, les petites îles sont très vulnérables à la hausse du niveau de la mer et à l'aggravation des cyclones. Le territoire de certaines d'entre elles comme les Maldives, les Bahamas, Kiribati ou Marshall pourrait être en grande partie submergé. La salinisation menace les ressources en eau. Le tourisme, principale ressource économique, en souffrira.

 

Les états divergent sur les solutions

 

Malgré la vive opposition entre l'Europe, partisane d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre à coups de mesures contraignantes, et les Etats-Unis, qui souhaitent une stabilisation grâce à des mécanismes de marché, la conférence climatique de Kyoto devrait permettre de remettre la planète dans le bon sens de la marche. C'est la nouvelle de la semaine : Tim Wirth a trouvé un autre job ! Quelques jours avant l'ouverture de la conférence de Kyoto, le responsable de la délégation américaine, incarnation de l'intransigeance de son pays dans les négociations climatiques, a claqué la porte de la Maison Blanche. No comment. Ted Turner, qui se dépense sans compter pour que les Etats-Unis changent d'attitude et acceptent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, lui a immédiatement proposé la direction de sa fondation. Etrange. D'autant plus que le sénateur Tim Wirth était de ceux qui, il n'y a pas longtemps, dénonçaient haut et fort les dangers de l'effet de serre. Aurait-il essayé, sans succès, de convaincre Bill Clinton d'assouplir sa position ? Voilà en tout cas qui va mettre un grain de sel supplémentaire dans la grande négociation planétaire de Kyoto. Les camps paraissent irréductiblement figés.
L'Europe contre les Etats-Unis, avec, au milieu, le Japon et, derrière les deux champions, une foule de supporteurs irascibles. L'enjeu est de taille : engager toutes les nations du monde à contenir la menace de plus en plus prégnante d'un réchauffement climatique dont les conséquences sont susceptibles de compromettre le développement économique et le bien-être des populations.
Les politiques ont d'ailleurs bien reçu le message des scientifiques. Maurice Strong, l'ex-secrétaire général du Sommet de la Terre de Rio : "Si nous n'agissons pas vite et fort, la nature le fera de façon bien plus brutale" ; Al Gore, le vice-président américain : "Plus nous attendrons, plus les choix à venir seront désagréables"; Tony Blair, le premier ministre britannique : "Si nous échouons à Kyoto, nous échouons pour nos enfants" ; Bill Clinton lui-même, devant les présentateurs météo de toutes les télévisions américaines qu'il a conviés à Washington pour les sensibiliser au sujet : "Beaucoup d'Américains voient venir le train, mais n'entendent pas le sifflet." Mais, à la grande loterie climatique qui semble d'ores et déjà organiser la ligne de partage entre les gagnants et les perdants, selon la bonne vieille fracture Nord-Sud, riches et pauvres, privilégiés et exclus, les politiques ont aussi fait leurs comptes. Les décisions d'agir, ou d'agir peu, ou de ne pas agir, ont des conséquences directes en termes géostratégiques. Telle qu'elle se pose désormais, la question climatique touche aux perspectives énergétiques, et l'on sait que l'on peut faire au moins une guerre pour le pétrole. Le réchauffement de la planète oblige à repenser les modes de production et de transport. La sécurité alimentaire (et l'arme qu'elle constitue toujours) est à ce prix, de même que l'avenir de milliards de gens qui vivent au bord de mers qui risquent de monter dans des zones arides en voie de désertification ou près de tropiques en proie aux cyclones. Les responsabilités respectives des pays industrialisés et de ceux qui sont en quête de développement dans la gestion des biens communs - l'eau, la pluie, l'atmosphère, l'océan - sont remises à plat. "Le réchauffement pose la question de la rationalité des décisions politiques face à de grands risques à probabilité incertaine ou inconnue", estime l'économiste Jean-Claude Hourcade, qui a participé, ès qualité, aux travaux du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dont les rapports constituent la base des négociations de Kyoto. Ajoutons à cela, pour compliquer le tableau, la grande foire des égoïsmes nationaux et individuels. L'Australie, par exemple. Voici un pays qui n'a de cesse de brandir la bannière écologique sur toutes les tribunes internationales. Ne souhaite-t-elle pas organiser à Sydney les premiers Jeux olympiques "verts" de l'histoire ? Or, sa dépendance à l'égard des exportations de charbon l'amène à être le pays qui refuse avec le plus d'agressivité la moindre perspective de limitation. On l'a même vu se livrer à un chantage sur les petites îles-Etats du Pacifique sud qui profitent de sa manne, mais qui, menacées plus que toute autre par la hausse du niveau de la mer, exigent avec véhémence une réduction de 20 % des émissions de gaz. Selon une récente enquête, une large majorité d'Américains (71 %) considèrent que le réchauffement est un problème " urgent " appelant la nécessité d'un accord international; mais plus de 50 % refusent toute perspective de taxe sur les carburants. Un tel sondage donnerait probablement des résultats équivalents en Europe ou ailleurs. Qui, quelque part, ne pense pas un peu comme Thomas Gale Moore, membre éminent du Hoover Institute : "La plupart des Américains préfèrent avoir chaud plutôt que froid et ils ont raison ? "L'inévitable question des gros sous pèse aussi, d'autant plus que l'impératif de réduction des dépenses publiques s'est mondialisé. Combien cela va-t-il coûter ? Rien du tout, répond le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui a calculé qu'une réduction de 21 % des émissions de gaz carbonique (C2) d'ici à 2010 permettrait de faire 136 milliards de dollars d'économies d'énergie aux Etats-Unis. Un maximum, 227 milliards de dollars et des centaines de milliers d'emplois, rétorque la Global Climate Coalition, qui regroupe les principaux industriels nord-américains. Un petit peu, entre 15 et 35 millions d'écus en 2010, soit 0,2 % à 0,4 % du PIB européen, avance l'Union européenne. Face à cette volée de chiffres contradictoires, le GIEC, dans un résumé à l'intention des décideurs, considère que les estimations ont "un caractère hautement spéculatif" et s'en tient sagement au principe que "la vie humaine est un élément extérieur au marché". Car la première question, celle qui détermine tout le reste, est bien celle-ci : comment éviter que l'existence de pans entiers de la population mondiale ne soit fragilisée, comment faire en sorte que les hommes, bardés comme jamais de technologies et de connaissances, ne se retrouvent pas plus vulnérables devant une catastrophe naturelle qu'ils ont malencontreusement provoquée ? Le défi tient en deux chiffres explosifs : croissance de la population et du développement aidant, la demande d'énergie à base de charbon et de pétrole augmentera de 30 % dans les quinze prochaines années, selon Robert Priddle, directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie; et, selon la FAO, les besoins alimentaires seront, en 2020, l'équivalent du double de la quantité disponible aujourd'hui. Plus de pétrole et de charbon consommés, c'est encore plus de gaz carbonique envoyé dans l'atmosphère. Plus d'agriculture intensive, de rizières et de troupeaux, c'est la promesse de plus grandes quantités de méthane. Les deux principaux gaz responsables du renforcement de l'effet de serre, dont, à Kyoto, on se propose de stabiliser les émissions, semblent avoir de beaux jours devant eux. Mission impossible, alors ? Difficile, sans doute, mais peut-être pas aussi hors de portée qu'il n'y paraît. L'opposition entre les Etats-Unis et l'Union européenne, pour spectaculaire qu'elle est, ne doit pas masquer que les deux puissances sont, sur le fond, d'accord sur l'essentiel, à savoir maîtriser et réduire les émissions de gaz, identifiés à l'unisson des deux côtés de l'Atlantique comme porteurs de lourdes menaces. Un clivage existe, et il est probable qu'il entretiendra le suspense à Kyoto. Les Etats-Unis promettent de s'en tenir à une stabilisation entre 2008 et 2012 au niveau de 1990, alors que les Quinze s'engagent sur une réduction de 15 % avant 2010. Les Américains proposent d'agir en s'appuyant sur la flexibilité des instruments du nouveau marché de la pollution (permis négociables, exécutions conjointes, Bourse d'échange) - instruments qu'ils ont expérimentés chez eux contre les émissions de soufre -, alors que les Européens privilégient des objectifs contraignants et réglementaires. Mais les premiers n'ont pas dit définitivement non à un objectif de réduction. Et les seconds sont prêts, dans le cadre de quotas de réduction significative par pays et avec des outils institutionnels qui permettent de contrôler le marché de la pollution, à intégrer les propositions américaines. Mercredi 26 novembre, la ministre de l'environnement française, Dominique Voynet, qui ne passe pas pour une partisane d'un monde où la pollution serait à vendre, envisageait publiquement l'éventuelle acceptation d'un système de permis négociable" si, "au préalable", des objectifs de réduction "ambitieux" étaient fixés. Les différences d'approche révèlent en réalité une divergence traditionnelle entre les deux continents, d'ordre historique et culturel, sur le mode de régulation du marché, ainsi que sur le rôle de l'Etat. Elles ne sont pas pour autant incompatibles. Les conditions des uns et des autres seront sans doute âprement discutées. Elles peuvent cohabiter. L'espace d'un compromis est ouvert. Il restera ensuite à savoir si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Kyoto peut donc réussir, quoi qu'on en dise ici ou là. C'est sans doute l'essentiel, car un accord au Japon sonnera comme le signal d'une mise en mouvement. Le plus de réduction possible au rythme le plus rapide possible, comme le souhaite l'Europe, constituerait sans doute un résultat parfait dans la mesure où la meilleure pollution est celle qui n'a pas eu lieu. Mais un engagement significatif de l'ensemble des nations du monde pour inverser la tendance vers ce qui apparaît à beaucoup comme un suicide collectif constituerait, en tout état de cause, un mieux. Au départ, le sens d'un mouvement compte peut-être plus que son contenu. La seule divergence susceptible de faire échouer les négociations réside dans la volonté affichée des Etats-Unis d'impliquer immédiatement les pays du Sud dans un processus de réduction. Personne ne conteste la nécessité que des grands pays comme la Chine, l'Inde, le Mexique ou le Brésil en viennent eux aussi à réduire leurs émissions de gaz qui commencent à progresser (aujourd'hui, un Chinois ou un Indien en produit néanmoins dix à vingt fois moins qu'un Américain). Mais exiger d'eux qu'ils y procèdent tout de suite en se privant d'une grande partie des moyens énergétiques que les pays industrialisés ont eus pour se développer, alors qu'ils n'ont pas pollué le nid, relève de l'inacceptable. Comment mettre les automobiles de Los Angeles ou les centrales thermiques allemandes sur le même plan que les rizières d'Asie ou les cultures sur brûlis d'Afrique ? On est là en présence d'une divergence qui touche à la morale des relations internationales, dont les négociations de Kyoto ne sont pas forcément dispensées. Ce serait, comme dit le chercheur indien Anil Agarwal, accepter que ceux qui ont "une dette naturelle globale" s'en affranchissent sur le dos des autres, revendiquer que les pollueurs fassent payer les victimes. Lors de la signature, en 1987, du protocole de Montréal pour l'élimination des gaz qui attaquaient la couche d'ozone, les pays industrialisés, responsables du phénomène, n'ont-ils pas décidé de prendre les devants, acceptant que ceux du Sud ne les rejoignent que progressivement ? En pratique, rien ne s'oppose à ce que les processus de réduction démarrent. Les solutions d'une moindre consommation énergétique existent. Elles sont, selon la Commission de Bruxelles, "techniquement possibles et socialement acceptables". Diversification des sources, économies d'énergie, développement des énergies renouvelables, "chasse au gaspi", nouvelles technologies, recyclage des matériaux, modernisation des installations, gestions plus efficientes... De ce point de vue, les industries américaine et européenne ont montré, depuis les deux chocs pétroliers, que les progrès pouvaient être spectaculaires. Le "business challenge" s'est révélé positif. Des gisements d'économies considérables existent encore dans le secteur des transports (nouveaux carburants, nouveaux moteurs, nouveaux véhicules, amélioration de l'offre des transports en commun, réhabilitation du rail) et dans celui de l'habitat (isolation, matériaux adaptés, éclairages économes). Et l'agriculture peut, elle aussi, mener une révolution douce qui passe par la modification des pratiques intensives. Pour terrasser l'hydre de l'effet de serre, il ne s'agit donc pas de déclarer "une économie de guerre". Mais encore faut-il le vouloir. Et le faire. La mise en oeuvre d'une "transition énergétique" aura un coût et provoquera des grincements de dents. Les lobbies ne manqueront pas de dresser des sièges. Mais les gouvernements disposent d'un outil efficace pour conduire le mouvement : la carotte et le bâton fiscal, rebaptisés écotaxe. Du mal, finalement, peut naître un bien : une meilleure productivité, une croissance plus équilibrée, et des comportements moins hystériques. Au bout de l'effet de serre, la civilisation moderne est au défi de trouver un autre équilibre et d'entrer dans un cercle vertueux.

 

Mon avis sur la question


Je suis d'une nature assez sceptique, et en gros je ne crois qu'à ce que je vois. Mais en voyant les résultats mondiaux, chaque mois, des températures globales, j'ai tendance à m'inquiéter. En effet, la tendance à la hausse s'est terriblement accrue depuis une vingtaine d'année. 1998 a été l'année la plus chaude, succédant à 1997 qui succédait elle-même à 1995 et ainsi de suite. On se souvient de l'été 98 comme extrêmement chaud sur les Etats-Unis. La France, malgré un ensoleillement plutôt faible, a connu une vague de chaleur exceptionnelle en août avec 37 à 41° du Bordelais à la Beauce jusqu'à la Bourgogne. Des records sont d'ailleurs tombés en pagaille sur de nombreuses régions. De plus, le réchauffement climatique semble renforcer les cyclones (on se souvient du monstre "Mitch" en octobre 98 qui a anéanti des pays entiers en Amérique Centrale !), les tempêtes ou encore les tornades qui se multiplient, et ce un peu partout dans le monde. Les scientifiques ne sont pas tellement d'accord entre eux; certains sont alarmistes tandis que d'autres prennent les données avec prudence, pensant même que le réchauffement de ces dernières années est peut-être un cycle normal dans la climatologie mondiale, comme ce fut le cas lors de la petite ère glaciaire entre 1570 et 1710. Les hivers froids et neigeux s'étaient brusquement multipliés, sans explication vraiment valable encore actuellement. On dit parfois que la planète suit une certaine ellipse qui l'éloigne parfois un peu plus du soleil, d'où un rayonnement un peu moins important...

Une chose semble sûre toutefois : le climat change, comme le stipule le long exposé que vous avez peut-être lu ci-dessus. On en ressent même les effets à l'échelon local. La France a connu une succession d'années trop chaudes surtout depuis 1988. Seules les années 1991, 1993 et 1996 ont été "normales". L'année 1994 détient le record de l'année la plus chaude avec une succession de vagues de chaleur en toutes saisons. Cette année 99 par exemple, les quatre premiers mois offrent généralement un excédent de températures, à quelques exceptions près (les Alpes ont connu un coup de froid en février). Même le mois de février qui nous a apporté un épisode neigeux relativement important jusqu'en plaine s'est révélé trop chaud ! Que dire de janvier qui a permis aux températures d'atteindre 15 à 17° sur un grand quart nord-est de la France. En 1998, seuls deux mois ont été plus frais : juillet et novembre. Tous les autres mois ont été trop chauds ou proches de la normale.

Y a-t-il de quoi s'inquiéter ? A mon humble avis, OUI !

On ne s'étonne même plus de dépasser 10° en janvier et 20° en mars, tout le monde se plaint du "froid" quand les températures sont normales, les vagues de chaleur se succèdent en toutes saisons, et même les grands courants de nord ou nord-ouest ne parviennent pas à vraiment faire chuter les températures. Ca va mal ! Si l'année 1998 a battu tous les records mondiaux, 1999 reste parmi les années les plus chaudes même si aucun record mensuel n'est tombé pour le moment. Dans le détail, janvier a été le cinquième plus chaud après 98, 88, 83 et 95; février 99 arrive en troisième position après 98 et 95; 4 mois de mars ont été plus chauds que celui de 99: 98, 90, 97 et 95; enfin avril 99 arrive en quatrième position après 98, 91 et 90. En avril, la température moyenne mondiale a dépassé la normale de 0,44°C, cela paraît peu mais c'est considérable.
Fort heureusement, le phénomène El Niño a laissé sa place à La Niña, ce qui modifie beaucoup le climat mondial. En effet, El Niño a tendance à renforcer la hausse générale de la température globale. Malgré La Niña, nous restons au-dessus de la normale, mais elle nous offre un peu de répit.
Généralement, les précipitations ont dépassé les normales. On le sait, plus l'air est chaud et plus il contient de vapeur d'eau. Quelques régions du monde ont tout de même connu un temps plus frais que la normale : l'ouest des Etats-Unis, l'ensemble de l'Amérique du Sud, l'Afrique Centrale, l'Australie ou encore quelques petites portions de l'Asie. Partout ailleurs, y compris chez nous, il a fait trop chaud... Mais maintenant il est trop tard pour faire machine-arrière. Les états ont pris des mesures trop tardivement, et certains gaz émis il y a dix ans n'ont même pas encore atteint les hautes couches de l'atmosphère ! En bref, nous avons de chauds étés devant nous.
Chez nous, l'augmentation de la température devrait toutefois se traduire par une hausse de l'humidité, d'où une baisse de l'ensoleillement et du rayonnement, donc la hausse des températures sera un peu compensée par les nuages plus nombreux. Mais cela ne suffira sans doute pas !...

 

 

 

Un mois d'octobre exceptionnellement doux, selon Météo-France,
mais "hasardeux" [sic], selon cet organisme,
de relier directement ces records au réchauffement climatique !

Entendez par là : Météo-France est partie prenante de la société industrielle
et ne saurait, par conséquent, l'incriminer...

Roger Ripert, 5/11/5

 

PARIS (AFP) - 4/11/5 - Le mois d'octobre a offert à toutes les régions de France des températures exceptionnellement douces, s'établissant en moyenne à +3.2 degrés celsius sur l'ensemble du territoire par rapport à la normale, un record seulement battu en octobre 2001 (+3.5 degrés), a annoncé vendredi Météo-France.
Depuis 1950, a indiqué Météo-France, les moyennes les plus élevées pour un mois d'octobre ont été 2001 (+3.5 °C par rapport à la moyenne), 2005 (+3.2), 1995 (+3.1) et 1990 (+1.9), a précisé Météo-France.

A la fin du mois (entre le 27 et le 31), de nombreux records ont été battus: 24 degrés en région parisienne (contre 22.3 en 1989), 25.7 à Bourges (24.2 en 1989), 22.8 à Metz (21.9 en 1968), 21.1 à Lille (20.5 en 1968).

Enfin, la douceur nocturne a également été très marquée avec des valeurs parfois supérieures à 15 degrés, a déclaré Météo-France.

A part les 5 premiers jours du mois qui étaient "un peu frais", octobre 2005 a présenté "presque constamment" des températures supérieures aux moyennes de saison. Il a été le plus chaud depuis 1950 à Paris, au Mans, à Lyon...

L'excédent maximal - 4 degrés - a été atteint sur une large partie centrale du pays, "allant du Nord au Bassin parisien, à la Normandie, Lorraine, Centre, Poitou-Charentes, Limousin, Auvergne et Rhône-Alpes". Il a été nettement plus faible - 1 à 2 degrés - près de la Méditerranée.

La météorologie nationale a expliqué que cette douceur était "due à la fréquence des vents soufflant du sud et apportant des masses d'air doux en provenance du sud de l'Europe ou d'Afrique du nord".

"Il est hasardeux de relier directement ces records au réchauffement climatique", a-t-elle encore indiqué.

 

 

 

Les conséquences en France du réchauffement climatique

PARIS (AFP) - 10/11/5 - "D'ici la fin du 21è siècle" [sic], l'été caniculaire de 2003 sera presque devenu une norme, les hivers seront plus humides dans la moitié nord mais on ne skiera plus guère dans les montagnes françaises, préviennent les experts.
Les deux scénarios les plus extrêmes des climatologues envisagent à cette date pour la France une hausse de la température moyenne de 2 à 2,5 degrés Celsius pour le plus optimiste et de 3 à 3,5°C pour le plus pessimiste (par rapport à l'année de référence 1990), dans les deux cas beaucoup plus marquée en été qu'en hiver.

Cette évolution est énorme si l'on considère qu'à la dernière période glaciaire il y a 20.000 ans, avec cinq degrés de moins sur la Terre, la banquise recouvrait l'Europe.

"Depuis 1975, le réchauffement est déjà très marqué en France et en Europe de l'ouest, de plus d'un degré par an contre 0,6 C° à l'échelle de la planète", relève le climatologue Jean Jouzel, représentant français au bureau du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais).

En 2001, le dernier rapport de ce groupe d'experts de l'ONU prévoyait une augmentation moyenne planétaire de 1,4 à 5,8 degrés en 2100 par rapport à 1990, selon les scénarios.

Pour la France, les experts ont réalisé récemment une synthèse de scénarios climatiques dérivés de ceux du GIEC. "Nous avons calculé les changements de température pour la phase 1960/1989 et pour 2070/2099, soit deux périodes de 30 ans", explique Serge Planton, responsable du groupe de recherches Climat à Météo-France, en détaillant deux scénarios, un pessimiste (A2) et un plus optimiste (B2).

Dans les deux cas, indique M. Planton, les précipitations présenteront d'importantes variations saisonnières: jusqu'à 20% de pluies supplémentaires en hiver et 35% en moins en été, affectant surtout le sud (A2). Jusqu'à 10% de précipitations supplémentaires et de 5 à 25% en moins en été dans le scénario B2.

Etés secs, étés chauds: alors que de 1960 à 1989, une seule journée d'été dépassait chaque année les 35 degrés en moyenne nationale -indépendamment des surchauffes observées localement-, on pourrait compter de un à sept jours de grosse chaleur (B2), voire 14 jours (A2), à la fin du 21è siècle. Dans ce cas, un été sur deux serait au moins aussi chaud que l'été 2003.

Le nombre de jours de sécheresse pourrait atteindre 24 par an (B2) ou même 29 (A2), contre 20 jours pour la plus longue période de sécheresse observée sur la période 1960-89, souligne Serge Planton.

Parallèlement, la diminution de l'enneigement en France se confirme. Pour deux degrés de plus, la période d'enneigement diminuerait d'un mois et toucherait surtout la moyenne montagne (1.550-2.500 m), poursuit-il. Une telle évolution condamnerait la plupart des stations des Alpes et des Pyrénées.

Quant aux glaciers, "ils ne cessent de reculer depuis dix ans, comme celui d'Argentières dans les Alpes. Et ils vont continuer de fondre", note encore l'expert de Météo-France.

La France ne sera ni épargnée ni particulièrement exposée au réchauffement climatique, mais ses régions sud, comme tout le pourtour méditerranéen, courront des risques accrus de sécheresse et, par conséquent, d'incendies.

"Quand on parle de réchauffement climatique, c'est tout un ensemble : la végétation change, les dates des vendanges ont été été pratiquement déplacées d'un mois en un siècle... Il existe toute une série d'indices probants, même sans thermomètre", prévient Jean Jouzel.

 

 

Et, pendant ce temps, la France risque de ne pas respecter Kyoto, estiment des écologistes

PARIS (AFP) - 10/11/5 - La France "risque de ne pas tenir son engagement au titre du protocole de Kyoto", avec des "mesurettes", le plus souvent non suivies d'application, estime le Réseau Action Climat-France (RAC-F) qui coordonne les positions des grandes associations écologistes.
Le bilan d'un an et demi d'application du Plan Climat est "bien maigre", estime le Réseau à la veille d'un colloque de suivi de ce programme national de lutte contre l'effet de serre, adopté en juillet 2004.

En matière de logements, le Réseau se félicite que les crédits d'impôt pour les travaux de maîtrise de l'énergie et les équipements d'énergies renouvelables aient été, comme prévu, revalorisés. Il juge néanmoins "ces mesures bien insuffisantes pour permettre de rattraper le retard français" sur le logement écologique. Il dénonce la "frilosité" de l'action des pouvoirs publics pour rénover les bâtiments anciens et réduire leur consommation d'énergie.

Il condamne par ailleurs "l'absence de mesures fortes" pour les transports, "parent pauvre de la politique gouvernementale" alors que le bond des émissions de CO2 de ce secteur est "très préoccupant".

"Au lieu de s'attaquer frontalement à l'augmentation du trafic voitures et poids lourds en instaurant une politique courageuse (fiscalité, réglementations, urbanisme), le gouvernement parie sur d'hypothétiques réductions spontanées des émissions de CO2 des véhicules", écrit le Réseau.

Le Réseau Action Climat (CAN en anglais) revendique 340 associations membres à l'échelle mondiale. En France il rassemble une vingtaine d'associations, dont Greenpeace, WWF, les Amis de la Terre et FNE (France nature environnement).

 

 

 

Les catastrophes "naturelles" [industrielles] ont fait 91.000 morts dans le monde en 2005

GENEVE (AFP) - 30/1/6 - Le nombre de catastrophes naturelles a augmenté l'an dernier mais elles ont fait moins de morts qu'en 2004, année marquée par le tsunami dans l'océan Indien, ont annoncé lundi les Nations unies, qui redoutent un accroissement des cataclysmes à l'avenir.
Au total, 360 catastrophes ont frappé la planète en 2005 contre 305 l'année précédente, faisant 91.900 morts, dont 73.338 dans le tremblement de terre qui a secoué le nord du Pakistan en octobre, a calculé le secrétariat de la Stratégie internationale de l'ONU pour la prévention des catastrophes (ISDR).

En 2004, le bilan s'était élevé à 244.500 morts, dont 226.408 dans le raz de marée du 26 décembre.

Sans le tsunami, le nombre de victimes aurait décru régulièrement au cours des dernières années grâce aux efforts de prévention des pays les plus vulnérables, a souligné l'ISDR.

Au Bangladesh, où un cyclone a fait 300.000 morts en 1970, la mise en place de systèmes d'alerte et de plans d'évacuation a permis de ramener depuis à quelques centaines le nombre de victimes lors de circonstances similaires. Mais la baisse du nombre de décès est trompeuse, a estimé devant la presse Salvano Briceno, le patron de l'ISDR.

Le nombre de personnes touchées par les catastrophes a ainsi augmenté l'an dernier pour atteindre 157 millions, contre 150 en 2004, après deux décennies d'augmentation régulière.

"La vulnérabilité augmente et des groupes de populations de plus en plus nombreuses sont touchés. Les décès diminuent, mais cela ne veut pas dire que les conséquences sont moins graves", a souligné Debarati Guha-Sapir, du Centre d'épidémiologie des catastrophes de Louvain (Belgique).

Si les pays riches ont démontré qu'il est possible de réduire l'impact des catastrophes, comme le Japon avec ses normes de construction anti-sismiques, les mégalopoles du monde en développement inquiètent les spécialistes.

"On ne peut rien faire contre les dangers proprement dits", a estimé M. Briceno. "Mais la vulnérabilité est causée par le fait que tous les jours on construit mal et que des gens sont logés dans des zones à risque".

"Si l'on ajoute la dégradation de l'environnement et le réchauffement climatique, le risque de catastrophes de plus en plus graves est à la hausse dans l'avenir, même si nous réduisons le nombre de morts", a-t-il souligné.

"Cela peut se produire à Téhéran, à Bombay, Shanghai, Jakarta, Bogota, Mexico ou Caracas. Il y a des mégalopoles construites sur des failles sismiques qui peuvent provoquer à tout moment une grosse catastrophe", a-t-il averti.

La capacité de résister aux désastres varie d'un pays à l'autre, a souligné le responsable onusien. Dans les Caraïbes, le même cyclone fait systématiquement beaucoup plus de morts en Haïti qu'à Cuba ou en Jamaïque dont les plans d'évacuation sont donnés en modèles.

La même inégalité se constate à l'intérieur d'un même pays, comme les Etats-Unis, où la Louisiane a beaucoup plus souffert de l'ouragan Katrina en août dernier que la Floride, mieux préparée.

La perte économique provoquée par les "catastrophes naturelles" [sic] s'est envolée à 159 milliards de dollars l'an dernier contre 92,9 milliards en 2004, une inflation largement liée au coût de Katrina (125 mds USD).

 

 

L'Australie aux avant-postes du réchauffement climatique

GOULBURN, Australie (AP) - 14/3/6 - Le réchauffement climatique a pris de l'avance en Australie. Températures moyennes en hausse chaque année, feux de broussaille à répétition, sécheresse chronique, inondations plus graves, hausse de la mortalité liée à la chaleur, réserves naturelles et espèces animales menacées : les effets dévastateurs du phénomène se font déjà sentir sur ce continent.

A deux heures de route de Sydney, la région de Goulburn, renommée pour ses élevages de moutons mérinos, pourrait bien représenter, avec une longueur d'avance, l'image future du réchauffement climatique, un concentré des problèmes que risque de rencontrer le monde d'ici quelques décennies.

Dans la ville de Goulburn, pour cause de pénuries d'eau chroniques, les habitants ont oublié ce que veut dire laver sa voiture ou arroser son jardin. Les élèves ne fréquentent plus les terrains de sport, si secs et si durs qu'ils en deviennent dangereux.

Goulburn se situe sur un plateau frappé par une sécheresse continue depuis quatre ans. Sa principale retenue d'eau est tombée à moins de 10% de sa capacité. A tel point que ses 23.000 habitants ont dû changer radicalement leurs habitudes et adopter un mode de vie entièrement tourné sur les économies et le recyclage d'eau.

"C'est vraiment un signe des temps", constate Gail Lawton, qui a dépensé 100.000 dollars australiens (61.000 euros) pour faire installer une machine de recyclage d'eau dans sa laverie automatique et sa station de lavage de voitures. "J'ai l'impression que les dirigeants du monde ne prennent pas cela suffisamment au sérieux."

L'année 2005 a été la plus chaude en Australie depuis que les archives météorologiques existent. La température moyenne à travers ce pays continent a atteint 22,89 degrés centigrades, soit 1,09 degré de plus que la température moyenne des années 1960-1990. Et cela devrait s'empirer dans les prochaines décennies, avec une hausse moyenne supplémentaire de un à six degrés d'ici 2070, selon les prévisions du principal centre de recherche publique, l'Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth.

Cet organisme gouvernemental attribue cette hausse des températures principalement à de plus fortes concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, comme le dioxyde de carbone.

Si ces prévisions se confirment, la température des mers va, elle aussi, augmenter, accélérant la destruction de la Grande Barrière de corail, au large de l'Australie. La hausse considérable des feux de maquis et de broussaille qui font déjà rage chaque été est aussi à prévoir. Les experts craignent une hausse de la mortalité par suite de maladies liées à la chaleur, pouvant atteindre 15.000 morts supplémentaires par an d'ici 2100.

D'après les scientifiques et spécialistes de l'environnement, si le réchauffement climatique se fait déjà sentir si fort en Australie, c'est en raison de sa situation géographique, autour des latitudes tropicales de l'hémisphère sud, avec un historique d'excès climatiques, tels que l'alternance fréquente de sécheresses et d'inondations.

L'Australie est le continent habité le plus sec de la planète - seul l'Antarctique est plus sec -, si bien que tout déclin des précipitations ou toute hausse des températures a un fort impact sur les réserves d'eau et sur l'agriculture, entre autres choses.

Pour les associations de défense de l'environnement, la réponse réside dans le Protocole de Kyoto, qui fixe des objectifs chiffrés de réductions des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2012 et qui appelle au développement de sources d'énergie alternatives comme l'énergie éolienne ou solaire.

Le gouvernement australien reconnaît que les températures moyennes s'élèvent. C'est pourtant le seul pays industrialisé, avec les Etats-Unis, à avoir refusé de signer le Protocole de Kyoto. Canberra explique ne pas vouloir pénaliser les industries fortement consommatrices d'énergie [sic].

D'après la branche australienne du WWF, si le réchauffement climatique se poursuit au rythme actuel en Australie, le nombre d'incendies de maquis et de broussaille progressera à terme de 150%, et des réserves naturelles comme les marais du Kakadu disparaîtront. Ce qui contribuera à "l'extinction massive de mammifères, d'oiseaux, d'insectes et de flore", prédit le Fonds.

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Le cyclone Larry balaie la côte nord-est de l'Australie

Une autre conséquence du réchauffement climatique, du fait du réchauffement des eaux...

R. Ripert

SYDNEY (AP) - 20/3/6 - Le cyclone tropical Larry, classé en catégorie quatre sur une échelle qui compte cinq niveaux, balayait lundi la côte nord-est de l'Australie avec des vents soufflant jusqu'à 290km/h, causant d'importants dégâts et faisant trois blessés.

Le Premier ministre de la province du Queensland a déclaré l'état d'urgence. "Il s'agit du pire cyclone que nous ayons eu depuis des dizaines d'années", a déclaré Peter Bettie à la télévision lundi.

Les services d'urgence, ceux du Premier ministre, du ministère de la Justice et de la Défense se réunissaient dans la capitale Canberra pour discuter d'un déploiement de soldats sur la zone touchée.

Larry a touché terre au niveau de la localité d'Innisfail (à environ 100km au sud de la ville de Cairns), un site touristique connu comme point de départ des croisières sur la Grande barrière de corail, selon Jonty Hall, des services météorologiques australiens.

Ce dernier a qualifié les conditions de "terribles" et a averti d'une possible montée des eaux et de vents violents le long d'une bande de 300km sur la côte nord-est de la province du Queensland.

Selon une porte-parole de la police tenue à l'anonymat, les vents ont arraché les toits de nombreux bâtiments et couché plusieurs arbres à Innisfail, où 109 personnes ont été évacuées de leurs habitations, situées dans des zones inondables.

Jusqu'ici, seulement trois personnes ont été blessées, a précisé cette porte-parole.

Le département des services d'urgences de la province du Queensland a indiqué que les équipes de secours attendaient que les vents se calment avant d'évaluer précisément les dégâts.

Dimanche soir, le directeur des services d'urgences du Queensland, Frank Pagano, a comparé la puissance dévastatrice de Larry à celle de l'ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle-Orléans au mois d'août.

"Il s'agit du cyclone le plus dévastateur que nous puissions avoir sur la côte est du Queensland depuis des dizaines d'années", a-t-il déclaré. "Il va y avoir de la destruction".

La compagnie aérienne australienne Quantas a annulé ses vols prévus lundi matin à destination de Cairns et de Townsville, les deux plus grosses villes situées sur la trajectoire de Larry. AP

 

 

 

EFFET DE SERRE 3 : LES CATASTROPHES ÉCOLOGIQUES DES ANNÉES SUIVANTES...

 

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