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LA DIMENSION SOCIALE DU RÊVE

PSYCHOSOCIOLOGIE DU RÊVE

Par Roger Ripert

Conférence à l'Ile de la Réunion, décembre 2006.

Que dire de la dimension sociale du «rêve», c'est-à-dire de la place qu'occupe cet état de vigilance dans le fonctionnement des sociétés et des cultures ?
Un petit rappel historique, distinguant le rêve nocturne et le rêve à caractère chamanique, s'avère ici indispensable.

Voir aussi le cours n° 14 de la Formation à l'onirologie

 

I - LE RÊVE NOCTURNE

 

Le rêve dans la culture occidentale

 

Dans notre culture dite «occidentale», tout au moins, sous prétexte de lutte contre le paganisme et l'hérésie, le rêve, qu'il soit nocturne ou d'ordre chamanique (induits par des enthéogènes), a fait l'objet d'une violente répression par les autorités religieuses en place, dès le début du Moyen-Age.

Saint Jérôme et le pape Grégoire sont les figures marquantes de cette répression monothéiste obscurantiste qui perdure encore de nos jours.

Dans la Vulgate, sa traduction latine de l'Ancien testament, publiée au IV ème siècle et qui fit autorité jusqu'à la fin du XIXème, saint Jérôme n'hésita pas à falsifier le texte original en hébreu en traduisant le mot "anan", qui signifie divination, par "observare somnia", interprétation des rêves, assimilant ainsi l'interprétation des rêves à la sorcellerie.

Le premier concile d'Ancyre (314) avait condamné les interprètes de songes à cinq ans de pénitence. Le pape Grégoire les punit de mort au début du VIII ème siècle !

A noter, en France, en droite ligne de cette répression moyenâgeuse, l'abrogation toute récente d'un texte du Code pénal condamnant également les interprètes de rêves, et le rêve du même coup !

Pour compléter le tableau de cette longue période noire de féroce répression, tant du rêve, de ses interprètes que des rêveurs, ajoutons la destruction à la même époque des lieux d'incubation des rêves, tels les temples d'Esculape dans la Grèce antique, et celle des lieux de culte celtiques à caractère chamanique.

Il faudra attendre la fin du XIXe et le début du XXe pour que le rêve, avec l'avènement de la société industrielle et de la pensée cartésienne, retrouve une certaine considération sociale, tant à travers les mouvements littéraires, tels le romantisme et le surréalisme, qu'au plan de la recherche expérimentale, par la mise en évidence de l'état de rêve, et de la thérapie, via le mouvement psychanalytique, notamment.

Pour autant, notre société occidentale n'a guère changé depuis le Moyen-Age dans son attitude vis-à-vis du rêve et des autres états de conscience dont elle a décidé globalement de se couper.

Pourquoi tant de haine à l'égard du rêve et des rêveurs ?

"Penser à une chose, c'est y rêver", a martelé Léon d'Hervey de Saint-Denys, pionnier français du rêve lucide.

Si pensées et rêves ne font qu'un, comme le montre l'expérience,
Si les pensées en rêve s'inscrivent en continuité avec celles de l'état de veille, comme le montre la recherche expérimentale,

alors, on peut comprendre aisément que notre libre pensée en rêve (rêver, c'est "vagabonder"), source de notre libre agir, puisse remettre en cause les dogmes rigides et sectaires qui prétendent diriger nos comportements.

Partant de là, le point de vue libertaire à l'égard de nos rêves — et de notre imaginaire en général — ne cadre plus avec celui des systèmes de croyances figés et uniformes vis-à-vis desquels il entre alors en conflit.

Par leur répression du rêve qui, paradoxalement, constitue leur fondement, les religions monothéistes entendent bien ainsi garder la main mise sur la direction intérieure de notre société, c'est-à-dire celle de nos consciences.

De même, notre société industrielle et matérialiste actuelle, qui modèle à l'extérieur nos comportements, voit dans le vrai rêve une source potentielle de contestation de son fonctionnement capitaliste axé sur la production et la consommation de biens matériels dont elle se charge elle-même de faire la propagande. Comme elle le dit si bien : «Faut pas rêver !» Entendez par là, vous ne devez pas rêver par vous-même et suivre vos propres rêves. Nous nous chargeons de fabriquer les rêves artificiels qu'une publicité tapageuse vous poussera sans cesse à consommer. Et si le bien-être ne va pas de pair malgré tout avec ces rêves artificiels, qu'à cela ne tienne : la société machiniste vous amènera aussi à consommer, de gré ou de force, somnifères, tranquillisants et neuroleptiques, toutes ces substances anti-rêve d'une camisole pharmaceutico-chimique qui vous empêchera purement et simplement de rêver !

Partant de là, il est clair que le rêve, au sens noble et naturel du terme, ne peut guère avoir de place dans notre société occidentale en ce début de XXIème siècle.

Quant aux rêveurs et aux onirologues, ceux qui osent encore librement les raconter, les partager, les induire, les étudier et/ou les interpréter, ils ne sont en fait qu'une infime minorité d'individus, mal considérés, porteurs d'une image négative qui mêle au sourire méprisant la suspicion sectaire. Deux exemples pour illustrer ces propos.

La place du rêve chez les Français

 

Faute de connaître le contenu des rêves des Français — une recherche objective menée par l'analyse quantitative des rêves pourrait pourtant nous apporter facilement une réponse — l'étude sociologique menée par les Duvignaud à la fin des années 70 nous éclaire néanmoins, en partie, sur les rapports qu'ils entretiennent avec le rêve (La banque des rêves - Essai d'anthropologie du rêveur contemporain, Payot, 1979).
L'étude a porté sur 2000 rêves ou bribes de rêve.
Les rêveurs ont été classés en six catégories sociales : ruraux, ouvriers, cadres, employés, commerçants et "intellectuels".
L'âge et le sexe des rêveurs se sont avérés moins déterminants que l’appartenance professionnelle et le milieu culturel.
Certaines professions éloignent du monde onirique : les hommes d’affaires, les industriels, les grands et petits commerçants rejettent le rêve, le méprisent, ont un rappel onirique faible à inexistant.
Ainsi, un contexte culturel matérialiste semble devenir inhibiteur du rappel onirique. Le désintérêt pour le rêve s’accompagnant d’un mépris pour l’imaginaire.

 

 

Le rêve dans les cultures pro-rêve

 

Avant qu'elles ne soient en grande partie décimées par la société occidentale et ses religions monothéistes, la plupart des cultures dites primitives accordaient au rêve (nocturne ou chamanique) une place centrale dans leur fonctionnement social.

Une approche ethonologique détaillée n'a pas sa place ici, mais pour les personnes intéressées, je les renvoie notamment à l'ouvrage de Geza Roheim, à visée psychanalytique, ou à celui de Michel Perrin sur les Guajiros.

A titre d'exemple, j'aimerais néanmoins vous dire quelques mots sur certains de ces "peuples du rêve", davantage étudiés que les autres et répartis sur trois continents : les Iroquois d'Amérique du Nord, les Senoï de Malaisie et les aborigènes d'Australie.

 

Les Iroquois


Peuple semi-agricole du Nord-Est américain, les Iroquois tiennent une place d’autant plus importante qu’ils ont été étudiés d’abord au XVIIe siècle par les Jésuites, puis n’ont cessé de l’être jusqu’à nos jours.

«Les Iroquois n’ont, à proprement parler, qu’une seule divinité — le rêve», écrit le Père Frémin en 1669.

Il ajoute : «C’est à lui qu’ils font soumission et ils suivent ses ordres avec la plus grande exactitude (...) Quoi qu’ils pensent avoir fait en rêve, ils se croient absolument obligés de l’exécuter au plus tôt.»
Ce trait distingue les Iroquois d’autres peuples qui trient entre grands rêves et activité onirique de moindre intérêt.

Approche freudienne s'il en est, "En plus des désirs que nous avons généralement, qui sont libres ou au moins volontaires, ils croient que notre âme at d'autres désirs, qui sont innés et cachés, et que notre âme fait connaître ces désirs naturels par le moyen des rêves qui sont son langage" (rapporté par le père jésuite Ragueneau en 1649).

Pour eux, de tels désirs doivent trouver un accomplissement, sinon l’âme affamée se retournera contre le corps et le rendra malade, parfois jusqu’à la mort.

En outre, les Iroquois accordent attention aux éléments prémonitoires présents dans les rêves. Ils y trouvent aussi «l’accès à une haute source de sagesse». Lorsque le rêveur rencontre des êtres surréels, esprits guides, animaux de pouvoir, ancêtres, etc., toute la communauté doit l’aider à interpréter correctement leur message.

Comme le note Patricia Garfield dans son premier ouvrage, "La Créativité onirique", où elle nous invite à tirer parti des enseignements des Rêveurs amérindiens, "Toutes les tribus amérindiennesont attribué au rêve une importance existentielle particulière".

Les Senoï de Malaisie

Voir aussi le cours n° 12 de la Formation à l'onirologie (Le questionnaire senoï)

 

Un autre «peuple du rêve» a défrayé la chronique onirologique et la querelle a son propos rebondit de façon régulière.
Il s’agit d’une ethnie de la jungle des montagnes malaises, les Senoï, actuellement partagés en deux clans, les Temiars et les Semai, pour une population totale d’environ 12 000 personnes.
Plusieurs études ethnologiques se sont succédées depuis les années 30, où ils furent «découverts» par Pat Noone et Kilton Stewart.
Les Senoï représentent la population indigène de Malaisie et, malgré le peuplement plus tardif, vers -2000, de l’île par des émigrants de Chine, sont restés comme un isolat culturel. Les conquérants les ont repoussés dans les montagnes ou réduits en esclavage. De ce fait, l’ethnie senoï n’a cessé de diminuer en nombre, passant de 9 millions à 12 000 âmes. Ils vivent en petites unités de 50 à 100 personnes, dans les longues maisons communautaires fréquentes dans le sud est asiatique primitif. Leur économie allie la chasse, à la sarbacane, à une petite agriculture de subsistance : manioc, maïs, riz, légumes et fruits. Ils pratiquent aussi un artisanat centré sur le bambou. Ajoutons la pêche et nous obtenons un mode de vie comparable à celui des Indiens d’Amazonie.
Les premières observations ont noté qu’il s’agissait d’un peuple non-violent. Mais il faut nuancer cette affirmation.
Cette non-violence, même s’il nous faut en relativiser la prégnance, viendrait de leur rapport tout à fait privilégié au monde du rêve.
Pour le résumer, les Senoï accordent la plus grande attention à leurs rêves. Ils les racontent en famille le matin et tirent de là leurs activités économiques ou artistiques. Mais là où d’autres peuples se soumettent aux injonctions du rêve, le répètent ou le prennent comme oracle, les Senoï, eux, tentent de le maîtriser. Les jeunes reçoivent un enseignement très précis destiné à leur faire affronter les adversaires présents dans les cauchemars, à les transformer en esprits-alliés en exigeant d’eux un cadeau onirique qui concrétise cette alliance.
De ces observations ethnographiques, certains psychologues américains ont tiré une technique de thérapie onirique fort efficace. Mais la spécificité de la culture senoï a été occultée dans l’opération. En particulier, le statut des Alliés oniriques n’est pas forcément le même chez les indigénes de Malaisie et dans le cabinet de Patricia Garfield. Aussi, lorsque la psychologue anglaise Ann Faraday s’est rendue chez les Senoï, ces derniers n’ont pas reconnu leur culture dans ce qu’elle leur en restituait. D’où une querelle, surgie dans les années 80 et encore d’actualité, entre ethnologues à la recherche d’enseignements existentiels et psychologues devenus ethnographes. Plusieurs facteurs rentrent en jeu : depuis les années 30, la société senoï s’est vue confrontée à la réalité macropolitique régionale et n’a sans doute pas pu préserver toutes les facettes de son identité; d’autre part, la thérapie dite senoï représente une transposition qui ne tient pas compte des facteurs culturels propres à un peuple de chasseurs-jardiniers du Pacifique. Là où le psychologue californien verra, dans les Alliés, des aspects de la psyché individuelle, les Senoï semblent bien avoir une attitude magico-religieuse et leur donner un statut de type totémique.

Les Aborigènes d'Australie

Voir aussi Le Temps du rêve

 

La population indigène d’Australie semble occuper ce continent depuis 50 000 ans environ. C’est une des plus primitives du monde, mais son organisation sociale n'en demeure pas moins très élaborée : un chef dirige la vie quotidienne mais il est soumis à l’autorité du Conseil des Anciens, qui peut lui-même faire appel - si nécessaire - à l’Assemblée populaire, où tous les hommes ont un droit égal de décision.
Le contact avec les Européens, à la fin du XVIIIe siècle, fut comme toujours une catastrophe. Estimée à environ 400 000 membres, la population aborigène de l’époque fut décimée très rapidement, principalement par des épidémies de variole. Spoliée de la plupart de ses terres, elle vécut jusqu’en 1967 dans des réserves dont elle n’avait pas le droit de sortir. Son nombre était alors tombée à 100 000 (certains disent même 30.000).

Le nomadisme

Avant l’arrivée des Européens, toutes les tribus australiennes étaient du type chasseurs/cueilleurs. A la saison sèche (novembre-décembre), de grands rassemblements avaient lieu autour des point d’eau. Le reste de l’année, on se dispersait en petits groupes et l’on déambulait sur d’immenses territoires semi-désertiques, le bush, à la recherche de nourriture.
Comme pour toutes les sociétés primitives, la terre appartient à la tribu et ne peut être ni vendue ni échangée. Les indigènes appartiennent aussi à la terre : ils n’habitent pas seulement un lieu, ce lieu les habite (de la même façon que nos enfants ne nous appartiennent pas : c’est nous qui leur appartenons, nous n’en sommes que responsables). Quand un envahisseur creuse des mines, il perfore le corps et l’âme de tout autochtone.
Appartenir à son époque ne demande aucun effort; appartenir à son lieu exige une créativité permanente. En tant que nomades, les aborigènes se fichent de l’Etre ou de l’Avoir, ils ne s’intéressent qu’au devenir. C’est l’énergie et ses métamorphoses qui les motivent et non la Substance, qu’elle soit matérielle ou spirituelle. L’existence est un voyage à inventer.

Les relations avec le monde moderne

En 1967, les Aborigènes sont enfin autorisés à sortir de leurs réserves et à circuler sur leurs propres terres; ils deviennent des citoyens australiens à part entière, ayant droit de vote. Depuis 1976, le gouvernement encourage l’autogestion des réserves et mène même une politique de restitution des terres et d’indemnisation.
Si la population indigène est remontée à 200 000 membres, ses conditions de vie sont devenues déplorables : les taux d’alcoolisme, de délinquance et de mortalité n’ont cessé de grimper. L’argent et l’afflux facile de biens de consommation est devenu un facteur supplémentaire de déstructuration, au grand désespoir des nouveaux gestionnaires occidentaux. Il n’existe quasiment pas de «noirs» ayant acquis un niveau universitaire. A l’exception des tribus du désert central et du nord, isolées des Blancs, les tensions interraciales s’exacerbent...

Ce sont les Aborigènes eux-mêmes qui ont choisi le terme «The Dreaming» ou simplement «Dreaming» en tant qu’équivalent le plus proche du concept indigène alcheringa utilisé par les Arunta (la tribu des Aranda localisé près d’Alice Springs dans le Territoire du Nord) ou celui de jukurrpa utilisé par la plupart des tribus du désert central et occidental, la tribu des Warlpiri notamment.
Ce concept aborigène du Dreaming (le Rêve avec un grand R) ne doit pas être confondu avec le rêve nocturne (le rêve avec un petit r), même s’il témoigne par son apparentement linguistique d’une cosmologie (rapport au monde et à l’espace-temps) qui accorde une place essentielle au rêve nocturne et à l’imaginaire en général.
Le Rêve renvoit ainsi de manière plus large à l’Histoire, la mythologie et l’organisation sociale propre à une culture parfaitement originale qui est celle des Aborigènes australiens.
La confusion du terme Dreaming avec l’expérience onirique a provoqué bien des malentendus : on pense encore trop souvent que les Aborigènes accorderaient un statut de réalité à ce qu’ils voient dans le sommeil ne faisant pas la différence avec le monde à l’état de veille.
Certes ils n’opposent pas le rêve au réel à notre manière, car ils ne le restreignent pas à un univers imaginaire mais lisent les images nocturnes à la recherche de signes du réel. Ils interprètent leurs rêves pour s’en guider dans le quotidien, y lire des messages des êtres ancestraux, voir et entendre des innovations rituelles sous forme de peintures et de chants qu’ils disent avoir été «oubliés» et «retrouvés».
C’est donc en tant que mémoire vivante, non seulement individuelle mais cosmologique, que le rêve a sa propre dimension et qu’il semble entretenir une relation active avec l’univers sensible.
Les actes humains s’inscrivent ainsi dans une «philosophie» qui pose non une prédestination, ou une éternelle répétition, mais les règles à jouer des parties différentes qui forment et transforment leur vie individuelle ou collective.
En ce sens, la Loi du Rêve serait ce jeu dont les règles ne sont pas immuables mais ne peuvent se modifier que dans certaines limites.

 

 

ALCHERINGA 2000 : LE RÊVE PLANÉTAIRE

Rêver pour la Terre : le rêve planétaire du solstice d'hiver 1990

 

Sur la base du premier Rêve mondial organisé en 1982 par l'Américain Bill Stimson, à simple vocation planétaire, l'association Oniros a organisé en 1990 un nouveau rêve à cette échelle, avec cette fois un contenu précis d'induction : rêver ensemble pour la Terre.

La fin des années 80 ayant marqué la première prise de conscience écologique sur les menaces émergentes de l'effet de serre, la médiatisation de l'événement fut retentissante — trois chaînes de télévision présentes sur les lieux, une dépêche d'agence et un numéro vert d'appel — autant qu'éphémère !
Il est vrai que l'analyse a posteriori des quelque 300 rêves communiqués — européens et nord-américains — n'avait rien de réjouissant : elle tenait plus du cauchemar que du rêve (voir la couverture de la revue Oniros). Un cauchemar que la société industrielle préférait déjà oublier plutôt que de l'affronter et de tenter de le résoudre.

Un cauchemar planétaire qui, 15 ans plus tard, faute de réelle prise en compte (les solutions avancées par les participants au Rêve planétaire montraient pourtant le chemin), est devenu aujourd'hui, pour chacun d'entre nous, une réalité tangible.
Les catastrophes dites «naturelles» — induites de facto par la société industrielle —, se succèdent, tout comme les conférences des experts mondiaux qui prétendent y faire face.

Comme le dit à juste titre l'astrophysicien Hubert Reeves, dans une récente dépêche de l'agence AFP datée du 27 oct. 2005, à Montréal, c'est la survie de l'espèce humaine qui est en cause :

«Nous pourrions faire partie d'une nouvelle extinction d'espèce», a déclaré Hubert Reeves après avoir évoqué la disparation passée de nombreuses espèces animales, dont les dinosaures. Pour M. Reeves, il n'en tient qu'à l'homme de résoudre cette situation puisqu'il est clair que le réchauffement de la planète est dû à au moins 90% à l'activité humaine et il faut en tenir compte.

II - LE RÊVE CHAMANIQUE

Le chamanisme

Voir aussi Le Chamanisme

 

Le chamanisme, au sens étroit du terme, est une religion primitive qui s'enracine dans les régions septentrionales de l'Empire russe et aux zones adjacentes, telles la Laponie et la Mongolie. Il a été observé dans les régions du centre de l'Asie et de la Sibérie, en Laponie et chez les Eskimo (ou Inuit), au Népal et au Tibet et dans l'Amérique indienne.
Une religion, à condition de considérer une religion comme une représentation du monde, inséparable des pratiques qui l'ont engendrée et qui l'accompagnent : la transe extatique — induite notamment par les enthéogènes — et l'incubation onirique, en l'occurrence.

Tout le monde s'accorde sur ce point : "chamane" viendrait de "çaman", mot de la langue des Toungouses (appelés maintenant Evenks), ethnie du groupe linguistique mongol disséminée dans toute le Sibérie orientale, jusqu'en Chine.
Une étymologie a été proposée : dérivant de "ça-", connaître, "çaman" siginfierait "celui qui sait". Une autre fait dériver le mot d'une racine verbale signifiant "s'agiter, bondir, danser". Cette dernière rappelle la soi-disante "hystérie arctique" observée notamment chez les Toungouses, liée a l'absorption de l'Amanita muscaria.
Dans plusieurs autres langues un mot commun désigne le chaman et le rêve.
"Un grand chamane est avant tout un bon rêveur" disait un chamane bouriate.

La capacité pour l'être humain de transcender son environnement diurne et d'accéder au monde de l'esprit, existe dans toutes les sociétés cultivant l'idée d'une réalité à plusieurs niveaux de conscience, différents mais perméables. Qu'il s'agisse du rêve nocturne ou du rêve induit à l'état de veille par la transe extatique.

Qualifié de "praticien du rêve" par l'ethnologue Michel Perrin, le chamane utilise le rythme, la danse et les substances psychotropes pour obtenir la transe et les rêves qui lui permettent d'accéder au monde des esprits, source de son rôle social et terrain de son action.

Intercédant auprès des esprits, le chamane est à la fois sage et guérisseur, et son rôle social consiste à réguler les relations entre le groupe social et son environnement, au sens large du terme, tant extérieur qu'intérieur.

Pour illustrer de manière vivante ces propos introductifs, je ne vous parlerai pas davantage des Toungouses (si ce n'est de l'Amanita muscaria !) mais de ma propre expérience en matière de chamanisme, suite à mon rencontre, fin 1969, de la célèbre curandera (guérisseuse) mazatèque : Maria Sabina.

 

Chamanisme et plantes psychoactives

A l’instar du rêve nocturne, nombre de substances hallucinogènes ou psychoactives, principalement issues du monde végétal, ont de tout temps et dans toutes les cultures conduit l’homme à la découverte et à l’exploration de son univers intérieur.
De par leur pouvoir rapide et puissant de changer l’esprit, ces «médecines de l’âme» ont pris rapidement une dimension socio-culturelle et religieuse importante, voire essentielle.

Comme le rêve nocturne, elles demeurent plus ou moins sacralisées ou frappées d’interdits. Une même démarcation fondée sur les statuts accordés aux mondes intérieur et extérieur oppose aujourd’hui de manière radicale les cultures chamaniques à la culture occidentale.

A l’opposé de notre culture matérialiste tournée vers l’extérieur, où la transe psychédélique comme le rêve et l’imaginaire en général se voient dévalorisés et marginalisés, dans les cultures chamaniques (encore proches de la nature) les principales plantes à propriétés psychotropes, telles que le Peyotl ou les champignons hallucinogènes, font partie intégrante de la vie sociale et religieuse par l’intermédiaire des chamanes-guérisseurs.

S’opposant à la thèse défendue par Mircea Eliade, l’Américain Terence McKenna soutient l’idée émise par R. Gordon Wasson selon laquelle «la présence dans une culture chamanique d’une substance hallucinogène est la marque d’une culture authentique et vivante alors que sa phase décadente se caractérise par des rituels élaborés, des épreuves et la dépendance à l’égard de personnalités pathologiques («Hallucinogenic Mushrooms and Evolution», Revision, vol. 10 n° 4, printemps 1988)».

En effet, comment une culture dite chamanique pourrait-elle être «authentique et vivante» sans une étroite et véritable communion de l’homme avec son environnement «naturel» ? Est-il étonnant, par exemple, que la grande tentative de retour à la «nature» qui marqua le mouvement psychédélique et communautaire des années 60 se soit accompagné à la fois de la redécouverte des substances hallucinogènes et de la naissance du mouvement écologique.
Sur les traces de Gordon Wasson et de Roger Heim (à l’époque, directeur du Muséum d’histoire naturelle de Paris), la quête mystique des «routards» aboutissait bien souvent à Huautla de Jimenez, ce haut lieu de pélerinage mycologique, perché sur la montagne en pleine forêt mazatèque, près de Oaxaca*.

Certains eurent la chance d’y rencontrer une curandera, telle la célèbre Maria Sabina, même si, en période sèche, les Teonanacatl (littéralement, la chair de Dieu), liés au culte de Tlaloc, divinité de la foudre et des eaux, ne furent pas toujours au rendez-vous des «voyageurs» qui souhaitaient les «faire parler»...

Toujours bien vivant chez nombre de tribus amérindiennes du sud du Mexique, le culte des champignons remonterait au moins jusqu’au XIIIe siècle av. J.-C., comme l’atteste une étude monographique des champignons de pierre réalisée par St. F. Borhegyi (cf. R. Heim, Champignons toxiques et hallucinogènes) et il aurait été associé au pratiques hiératiques des Mayas, comme semble le prouver la découverte dans la région de Vera Cruz d’une terre cuite fort ancienne, d’origine totonaque, représentant un champignon sur lequel une femme pose une main tandis que l’autre bras levé paraît invoqué les dieux.

Indissociable de son biotope (la forêt ou la prairie) et de son partenaire symbiotique (l’arbre ou la vache), le champignon hallucinogène — archétype de la substance psychoactive —, apparaît ainsi pour Terence McKenna comme une sorte de lux natura, une conscience/lucidité unissant l’homme à la nature dans une relation symbiotique de dépendance mutuelle et de bénéfices partagés.
A l’opposé du champignon atomique, porteur d’apocalypse, les petits champignons magiques redécouverts par notre culture occidentale semblent bien préfigurer la prise de conscience écologique et le retour au chamanisme qu’implique le nouveau paradigme, intégratif et holiste, unissant Rêve et Réalité.

Rapport entre le rêve et la transe psychédélique

Les effets induits par la psilocine et la psilocybine, principes actifs des champignons hallucinogènes, diffèrent peu de ceux que provoque le fameux LSD-25. Fruit de l’analyse de multiples séances à caractère thérapeutique, une cartographie détaillée des diverses expériences induites par cette substance chimique — abstraites, esthétiques, psychodynamiques, périnatales ou transpersonnelles —, a été dressée par le Dr Stanislav Grof dans son ouvrage Royaumes de l’inconscient humain.
Comme le souligne ce chercheur, outre les facteurs liés à la personnalité et aux conditions de vie du moment, «l’environnement est une variable extrêmement importante, susceptible d’influencer fortement la nature de l’expérience». Si, tout comme le rêve nocturne, l’expérience hallucinogène nous transporte dans le monde intérieur de l’esprit, elle n’est pas étrangère au corps, au monde extérieur et, en particulier, aux stimuli externes qui viendront l’orienter.

Le rêve d’incubation, tel qu’on l’induisait dans les temples d’Esculape ou la cérémonie du velada pratiquée par Maria Sabina sont révélateurs à cet égard de l’importance du cadre et de la préparation du «voyage», qu’il soit onirique ou psychédélique.

La «résonnance» est un autre phénomène notoire commun à ces deux types d’expérience intérieure. Dans le rêve nocturne, elle se manifeste souvent par un vécu composite lié à la chaîne des associations d’idées et des sentiments qui les accompagnent, et, dans l’expérience psychédélique, par une extrême richesse des perceptions et une créativité inhabituelle.
Néanmoins, seul le rêve lucide peut rendre compte d’une quasi identité expérientielle avec la transe psychédélique, ainsi que le montre au plan physique le ressenti caractéristique d’afflux énergétique et vibratoire qui signe tant l’irruption de la lucidité en rêve que les effets des champignons. Comme le rapporte Peter Stattford dans son Encyclopédie des psychédéliques, dans la demi-heure ou les quarante-cinq minutes qui suivent l’ingestion des champignons la personne éprouve tout d’abord un sentiment général de relaxation qui se traduit par «une sensation agréable de chatouillement dans tout le corps et un sentiment de complète harmonie (Peter Stattford, Psychedelics Encyclopedia, p. 226)». Une sensation de montée d’énergie, d’élévation et d’expansion de conscience ressentie aussi lors de survenue de la lucidité en rêve, et qui se double, comme le note Ken Kelzer, d'une clarté mentale aiguë (The Sun and The Shadow, p. 216).

Si le rêve lucide et la transe psychédélique ont l’«éveil» (la lucidité) pour point commun, celui-ci diffère néanmoins du fait de la nature des états de vigilance dans lesquels il survient (intériorité dans l’état de rêve et extériorité dans l’état de veille).
Partant de là, le rêve lucide apparaît davantage comme une prise de conscience interne du monde extérieur alors que la transe psychédélique, à l’inverse, est plus une prise de conscience externe du monde intérieur.
De ce fait, pris en grande quantité et dans un cadre inapproprié, les champignons hallucinogènes peuvent nous faire basculer non sans danger dans le monde hallucinatoire, alors que la perte de lucidité, en rêve, ne peut que nous replonger, sans risque, dans le rêve hallucinatoire ordinaire ou entraîner un réveil.
Comme l’Allemand Paul Tholey l’a montré, il est possible de combiner ces deux modes d’éveil de notre conscience. Faute de réels champignons, les personnes qui connaissent par expérience leurs effets peuvent induire en rêve lucide, de manière volontaire et sans courir de risque, une expérience hallucinogène qui prendra alors une tournure hallucinatoire et dont le contenu sera aussi riche que celui décrit par R. G. Wasson lors de ses premiers «voyages»...

 

Le néo-chamanisme aujourd'hui

Comme nous l'avons dans la première partie de mon exposé : faute d'une réelle prise en compte des états de conscience liés au Rêve, la société industrielle nous mène bel et bien à une catastrophe écologique planétaire.

Certes, un mouvement altermondialiste a vu le jour, mais sans un fondement religieux impliquant, à mon sens, un retour au chamanisme primitif, ce mouvement risque fort de perdre la partie dans cette course contre la montre pour notre survie...

Comme le propose l'ESCS — l'Eglise Suisse du Champignon Sacré—, un ré-alignement urgent à la Nature, à Gaïa, la Terre-Mère, semble bien s'avérer indispensable via un retour au Rêve, à la Nature et aux pratiques chamaniques.

Je cite (avec quelques modifications personnelles) :

"Un champignon peut-il être "Dieu" ?
Tel que nous comprenons les commentaires qui nous sont parvenus, il existe une incertitude foncière sur nos "croyances fondamentales".

Le Champignon Sacré n'est aucun cas "un être divin sur terre au milieu du profane" - car tandis que les prophètes sont révérés par leurs disciples, c'est par la symbiose avec le Champignon Sacré ('l'ingestion du Champignon Sacré') que la religion est pratiquée, éprouvée et ainsi vécue.

Le mot "église" est employé pour exprimer l'idée d'une communauté spirituelle, d'aucune construction ou endroit particulier. Les amis du Champignon Sacré n'éprouvent ni le besoin d'un endroit de culte particulier (cathédrale), ni le besoin de personnes spécifiques (prêtres, papes), pour pratiquer leur religion - le seul être dont ils aient besoin pour faire l'expérience de la religion est le Champignon Sacré.

Le mot 'religion' signifie 'ré-alignement [à Dieu]'.

Dieu est 'le processus créatif dynamique', 'la vie', 'la nature', tout ce qui est.

Nous n'éditons pas des dogmes, quiconque consommant les Champignons Sacrés afin de faire l'expérience de la religion véritable est notre parent spirituel, qu'il soit membre de l'ESCS ou pas.

Nous ne voyons pas beaucoup de différences entre la religion dont on fait l'expérience à l'aide des Champignons sacrés, de l'ayahuasca, des cactus sacrés, ou d'autres enthéogènes.

Toutes les expériences religieuses facilitées par les enthéogènes ("les champignons et les plantes qui engendrent dieu à l'intérieur de soi") sont considérées comme ayant essentiellement la même nature de pratique religieuse, pour autant que ces enthéogènes croissent sur terre.

L'Europe étant traditionnellement une terre de croissance de nombreux champignons sacrés, nous nous considérons comme les héritiers spirituels des druides celtiques (assassinés par les romains), dautant que des cultures amérindiennes fondées sur le champignon sacré (en partie décimées par les catholiques romains espagnols).

Les Champignons Sacrés ne sont pas des "drogues illicites" ou '"substances contrôlées", parce que :
- leur usage n'entraîne aucun danger pour la santé, aucun danger de dépendance n'est lié à la consommation des Champignons sacrés
- ils furent conservés à l'extérieur des listes internationales prohibitives (en raison des droits de l'homme ! Accord des Nations Unies de 1971)
- ils n'affectent pas les "degrés de dopamine" du cerveau - contrairement à toutes les drogues illicites, à la plupart des drogues légales; les sports, le partenariat et le travail régulier, qui eux également, affectent les niveaux de dopamine et devraient donc être considérés 'bien plus dangereux que les Champignons Sacrés'
- alors que les substances "Psilocybine" et "Psilocine' sont 'contrôlées mondialement', agissantes à des doses minimes, pouvant facilement être synthétisées à prix réduit pour être employées comme des 'armes-terroristes-non-mortelles', il n'existe aucun risque pour la santé lié à ces substances. Par conséquent les Champignons sacrés n'ont jamais été criminalisés et ne peuvent pas être rendus illégaux sans enfreindre nos droits humains fondamentaux - tout effort de faire apparaître les Champignons sacrés comme "illégaux"' est "un moyen inhumain d'action discriminatoire et de désinformation'", contre des individus possédant une vision du monde non conforme et pacifiste.
Les Champignons Sacrés sont "des champignons guérisseurs de l'âme", des amis des Champignons sacrés se trouvent poursuivis en raison de leur vision du monde et de leur pratique religieuse !
Beaucoup d'amis des Champignons sacrés sont sévèrement poursuivis en raison de leur refus de l'approche "chrétienne orthodoxe", en prétendant être beaucoup plus proches du "christianisme véritable'" que les personnes qui se définissent eux-mêmes comme "chrétiens"...

 



LIENS

 


Dreamers United welcomes anything that can help to bring dreamers together,
and eventually promote dreaming as a mainstream activity.

Les Rêveurs Unis accueille tout ce qui peut aider à rassembler les rêveurs
et, si possible, promouvoir le rêve en tant qu'activité principale

 

Here are a few suggestions

• Dream art.
• Short articles about dreams, through which dreamworkers introduce themselves to each other and to a wider audience.
• Ideas - short or long - on how to bring dreamers together.
• Ideas on popularizing dreaming.
• Research findings from European dream researchers.
• Dream meetings.
• Perhaps announcements for "commercial" events, like dream workshops.
Or anything else that helps.

Harry Bosma runs the site in dutch, english and german

 

Nota bene (Roger Ripert) : ce site n'est plus actif depuis le 20/10/2010.

 

 

 

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