Nos rêves seront vos cauchemars
par Olivier Cabanel
Agoravox - 23/10/14 - Face à un monde ou il est admis que l’argent règne en maître, que l’élu soit un nanti, que le «meilleur» gagne, et que le plus faible soit humilié, il reste encore aujourd’hui des «Diogènes», qui osent dirent aux puissants leurs 4 vérités, en prônant d’autres valeurs, et en les priant de s’écarter de leur soleil.
L’un d’eux s’appelle Pierre Rabhi.
Il est le cauchemar des toqués de l’agriculture productiviste, voire industrielle, ceux qui ont cru à la fable du rendement à tout prix, prônant pour mieux rentabiliser une exploitation l’arrachage des haies, afin de permettre des parcelles toujours plus grandes, permettant l’utilisation d’engins agricoles toujours plus géants, résolvant les problèmes générés par les insectes prédateurs par l’utilisation de pesticides en tout genre, pour finalement produire des plantes dangereuses à la santé, et provoquant un gaspillage insensé.
Il s’agit pour lui, et pour beaucoup d’autres, d’installer la cohérence au cœur de sa propre vie, en dépassant nos contradictions internes, en considérant différemment la notion du progrès.
Dès 1981, il s’était attelé à transmettre son savoir faire dans les pays arides d’Afrique, mais aussi en France, et ailleurs, avec le but de redonner leur autonomie alimentaire aux citoyens, défendant un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre, soutenant le développement de pratiques agricoles accessibles à tous. lien
Aujourd’hui, l’agriculture façon Rabhi, fait de plus en plus d’adeptes, et ceux qui la pratiquent vivent de mieux en mieux, alors que les autres font le constat qu’ils produisent des aliments de plus en plus contestés et s’appauvrissent progressivement.
Un autre s’appelle Paul Ariès.
Il est l’un des chantres de la décroissance, convaincu que nous allons dans le mur depuis le début, que le travail, tel que notre société l ’a conçu, est une punition, étymologiquement une souffrance, qu’il nous faut gagner notre vie, alors qu’elle nous est donnée, que l’obsolescence programmée n’est qu’un outil de plus pour asservir l’humain, puisque obligé tel Sisyphe de refaire pour rien inlassablement le même geste, obligé d’acheter régulièrement des produits de consommation que l’on a fragilisé pour mieux les vendre.
En tout cas, pour Paul Ariès, prétendre que le travail serait le but de nos vies lui fait dresser les cheveux sur la tête : «aujourd’hui, le travail a perdu son rapport avec la vie quotidienne, on travaille pourquoi ? Pour avoir un pouvoir d’achat et moi j’aurais tendance à dire, face au débat sur le harcèlement au travail, on ne pourra pas en finir si nous ne nous ne renonçons pas être en même temps des forçats de la consommation».
Un autre de ces «Diogènes» s’appelle Jeremy Rifkin,
Partisan de la décentralisation, de l’énergie partagée, mais aussi d’économie partagée, à échelle humaine, défiant ainsi les banques, les géants de l’économie qui ont voulu mettre l’humain en coupe réglée, le piégeant par des crédits, faisant de lui un esclave volontaire, obligé de travailler pour tenir la tête hors de l’eau, et finalement passant sa vie à la gaspiller.
Après avoir évoqué «la fin du travail», il propose maintenant la troisième révolution industrielle, qui va signer le déclin du capitalisme, par le biais de l’Internet des objets, (imprimantes 3D, intelligence artificielle…) et de l’économie solidaire.
Pour l’énergie, par exemple, il en prône le partage, avec comme point de départ, la production locale, et consommation sur place, partagée dans un cercle réduit de consommateurs.
Il est convaincu qu’il faut revoir le contrat social, trouver une autre manière de redistribuer les richesses, et partager au mieux les gains de l’énorme productivité actuelle et à venir.
Et puis il y a ceux qui réclament une logique 6ème République.
Une république débarrassée de la monarchie présidentielle, et fondant les nouveaux droits personnels, écologiques et sociaux dont notre pays a besoin. Ils ne croient pas au modèle actuel de démocratie, farce électorale destinée à mettre au pouvoir des bourgeois, des aristocrates, des nantis, des politiciens juste assez habiles pour faire croire aux citoyens qu’il veut les servir, alors qu’ils pensent surtout à se servir eux-mêmes, et ils se refusent à envisager qu’un élu condamné par la justice puisse briguer de nouveaux mandats. Mais les projets proposés semblent encore bien timides si l’on regarde l’organigramme proposé dans lequel l’élu garde un pouvoir important.
Les privilèges y semblent acquis, ainsi que la durée des mandats, les salaires des élus, leurs pouvoirs…et la nouvelle constitution devrait aller bien au-delà, insistant sur le fait que l’élu ne peut qu’être au service du citoyen, appliquant à la lettre le programme qui l’a fait élire, dans une République libérée des tentations monarchiques, voire bourgeoises, en se souvenant que 1789 n’a été qu’une pitoyable manipulation menée par les bourgeois qui ont armé le peuple, afin de détrôner le Roi, et de prendre le pouvoir.
Voila donc le tableau posé et nul ne sait qui l’emportera, de David ou de Goliath…mais la crise qui n’en finit pas, et qui menace récemment de rebondir, pourrait bien donner raison à ceux qui ont déjà décidé de tourner la page, sans attendre des lendemains qui déchantent, constatant que chaque fois qu’ils votent, ils sont trahis, et se refusant à légitimer les extrémistes, qui profitent du désarrois et de la désespérance des citoyens pour emmener le peuple vers la piste la plus dangereuse.
En effet, de nombreux économistes craignent pour 2015 l’éclatement d’une nouvelle bulle financière, car l’apparente bonne santé des américains, des britanniques pourrait bien n’être qu’illusoire. lien
Les chiffres de l’emploi sont biaisés, les résultats financiers gonflés artificiellement, et dans tous les pays industrialisés, la misère continue à gagner du terrain.
Déjà, le lauréat du prix Nobel d’économie Robert Shiller, évoquait dès décembre 2013 la possibilité d’une nouvelle bulle financière… lien
C’est peut-être l’occasion de rappeler la pensée de Pablo Neruda : «il meurt lentement celui qui devient esclave de l’habitude, refaisant tous les jours les mêmes chemins, celui qui ne change jamais de repère, ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements, ou qui ne parle jamais à un inconnu, celui qui évite la passion, celui qui ne change pas de cap, celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves, celui qui, pas une seule fois dans sa vie n’a fui les conseils sensés».
Comme dit mon vieil ami africain : «fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d’y rester».
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel |