L' ALTERNATIVE | ||
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GLOBALIZATION | ||
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L'ALTERNATIVE
UNE
POLITIQUE ALTERMONDIALISTE
A L'ÉCHELLE PLANÉTAIRE
GAÏA, LA TERRE-MERE, N'EST PAS A VENDRE !
NON A L'EMPIRE US-OTAN-SICK
(Société Industrielle Capitaliste et de Konsommation)
*UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE
CONJUGUANT NATURE ET VALEURS HUMAINES
*
L'ECOLOGIE AVANT L'ECONOMIE
ET NON L'INVERSE !*
L'HOMME AVANT LA MACHINE
ET NON L'INVERSE !*
POUR UNE GOUVERNANCE DES PEUPLES
ET NON DES ETATS/NATIONS !
Il ne suffit plus de dire qu'une alternative à la S.I.C est possible :
il est urgent de la mettre en place ici et maintenant !Roger Ripert
*
Elections Bush : les altermondialistes veulent renforcer le mouvement
PARIS (AFP) - 4/11/4 - La réélection de George W. Bush à la présidence américaine suscite déception et inquiétude chez les altermondialistes, qui y voient un motif d'accroître leur mobilisation pour faire grandir l'exigence d'une autre gouvernance de la planète.
Au dernier Forum social mondial (FSM) à Bombay en Inde, qui a réuni plus de 100.000 altermondialistes en janvier, Bush était l'ennemi juré : les allées du forum étaient couvertes de portraits caricaturant le président américain, tour à tour représenté en vampire sanguinolent, en criminel ou en démon hindou.
Si l'altermondialisation ne se résume pas à "l'anti-Bush", plusieurs responsables d'associations, ONG et syndicats impliqués dans le mouvement altermondialiste n'ont pas caché jeudi leur inquiétude.
"Nous sommes très déçus", a confié à l'AFP le Britannique Alex Callinicos (Globalise Resistance, néoradicaux), l'un des organisateurs du Forum social européen qui s'est tenu à Londres à la mi-octobre, tandis que l'essayiste franco-américaine Susan George (Attac) s'est dite "effondrée".
"C'est extrêmement grave pour la paix du monde", a jugé Bernard Cassen, président d'honneur d'Attac.
"Très mauvaise nouvelle", a renchéri l'économiste Gustave Massiah, président du Centre de recherche et d'information sur le développement (CRID), qui "craint que Bush se sente plus libre pour poursuivre ses orientations sur le plan guerrier et sur le plan économique, avec l'affirmation d'une ligne plus que jamais impérialiste".
Raoul-Marc Jennar, chercheur à Oxfam et président de l'Unité de recherche, de formation et d'information sur la globalisation (Urfig), a estimé qu'on ne pouvait "pas se réjouir de l'élection d'un président qui incarne, encore plus fortement que ne l'avait fait Ronald Reagan, les intérêts des entreprises privées et des grandes sociétés multinationales américaines".
"C'est évidemment une mauvaise nouvelle, mais avec 51% des voix pour Bush et 48% pour Kerry, on ne peut pas dire qu'on soit dans une situation de consensus. Une petite moitié des Américains n'était pas pour cette politique là", a estimé Christophe Aguitton, syndicaliste à SUD.
Pour autant, avec Bush, "l'ennemi est clairement désigné, on n'a pas d'illusions à se faire sur ce qui va se passer", a témoigné P. K. Murthy, syndicaliste indien, organisateur du FSM de Bombay. "Avec un George W. Bush à la tête des Etats-Unis, les choses sont plus claires. Au moins, ce n'est pas un discours ambigu qu'on aurait peut-être pu avoir avec John Kerry. Il faut reconnaître à Bush qu'il a la clarté de ses intentions et la fermeté de ses choix", a estimé M. Jennar. Pour M. Callinicos, si "dans les discours, Kerry est différent, dans la pratique, je doute qu'il eût vraiment été très différent de Bush". Interrogé sur les conséquences éventuelles sur le mouvement, ce dernier a déclaré : "la réélection de Bush nous donne toutes les raisons de poursuivre la construction de notre mouvement". Sentiment partagé par Bernard Cassen, pour qui "cette élection va renforcer les forces et les mouvements anti-libéraux un peu partout"."Bush incarne exactement tout ce que la majorité de la planète exècre, un modèle ultra libéral et criminel.
C'est plus facile de se définir par rapport à un contre-modèle absolu", a-t-il ajouté. Pour Gustave Massiah, c'est "l'occasion, plus que jamais, de refuser cet unilatéralisme, et de dire qu'"un autre monde est possible" ?
"Il est temps que ce pays cesse d'être l'objet d'une honte revêtue de la couleur de l'argent",
a dit Marcos, critique virulent du capitalisme mondial débridé qui a accusé l'élite financière du pays d'égoisme et de manque de vision dans un pays où des millions d'habitants vivent dans la pauvreté.
Le sous-commandant Marcos est arrivé avec 23 dirigeants de la rébellion zapatiste sur le Zocalo, la place principale de Mexico. Le célèbre guérillero masqué a conclu sa "marche pour la dignité des Indiens" par un discours devant des dizaines de milliers de personnes.
Les zapatistes
entreprennent six mois
de mobilisation
à travers le Mexique
Le sous-commandant Marcos,
chef de l'Armée zapatiste
de libération nationale (EZLN)LA GARRUCHA (AFP) - 1/1/6 - Le sous-commandant Marcos, chef de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), a entamé dimanche avec plus d'un millier de militants un voyage de six mois à travers le Mexique dans le but de créer un front politique alternatif national face aux partis traditionnels.
Le chef médiatique de l'EZLN, le sous-commandant Marcos, a quitté la municipalité rebelle de La Garrucha sur une moto immatriculée EZLN avec un casque noir sur la tête, marquant le début de son voyage politique qui doit le conduire dans les 32 Etats du pays.A la recherche d'un second souffle, le mouvement zapatiste abandonne les armes -au moins temporairement- et quitte les territoires qu'il contrôle dans les montagnes du sud-est du Mexique pour une opération de mobilisation politique, "L'autre campagne", en marge de la campagne électorale pour la présidentielle du 2 juillet.
Le chef de l'EZLN était suivi par plus d'un millier de militants zapatistes qui ont quitté La Garrucha à bord de camions, d'autocars et de voitures, en direction San Cristobal de las Casas, la capitale historique du Chiapas, première étape de "L'autre campagne".
La mobilisation se veut pacifique, l'EZLN ayant renoncé il y a six mois aux "opérations militaires offensives".
La plupart des militants, sans armes, avaient le visage caché par des cagoules de laine de noire. Des femmes et des enfants faisaient partie du cortège.
Tout au long de la tournée du sous-commandant Marcos, qui se présente désormais comme "le délégué zéro", sa sécurité sera assurée par des militants de la guérilla zapatiste non armés.
Exactement douze ans après le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994, l'EZLN entreprend son deuxième "Zapatour", terme utilisé par la presse mexicaine, après la "Marche pour la paix" de 2001 qui s'était conclue à Mexico par un discours devant le Congrès, sans avancée sur la situation des communautés indiennes du pays.
Les autorités mexicaines ont annoncé qu'elles ne s'opposeraient pas à "L'autre campagne", tant que ses promoteurs resteraient dans le cadre de la loi.
Plusieurs milliers de personnes étaient attendues pour une grande réunion publique, dimanche en fin d'après-midi, à San Cristobal, où le sous-commandant Marcos et les dirigeants de l'EZLN devaient s'exprimer sur leur nouvelle stratégie.
L'EZLN rejette en bloc tous les partis politiques mexicains, y compris le Parti de la révolution démocratique (PRD, centre gauche), dont le candidat à la présidentielle Andres Manuel Lopez Obrador est donné favori par les sondages. Les zapatistes ne lui accordent aucun crédit et plaident en faveur de positions plus radicales pour lutter contre le néolibéralisme et la mondialisation.
L'action de l'EZLN sera désormais civile et politique mais cela ne signifie pas pour autant la fin de la lutte armée.
Le gouvernement mexicain et l'Eglise ont salué la nouvelle orientation politique des zapatistes.
Des sympathisants mexicains et étrangers (américains, canadiens, italiens et allemands) accompagnaient la caravane zapatiste entre La Garrucha et San Cristobal.
Des slogans peints sur la carrosserie des véhicules du convoi disaient : "Vive la société civile nationale et internationale !", "Vive l'autre campagne !".
Depuis l'été 2003, trente municipalités du Chiapas contrôlées par les zapatistes ont été réorganisées administrativement en cinq "Conseils de bonne gouvernance". Ces municipalités échappent désormais à l'autorité du pouvoir mexicain et sont administrées par ses habitants, des Indiens vivant dans une grande pauvreté.
Bush dehors !
Manifestation anti-Bush à Mar del Plata en Argentine, quelques heures avant l'arrivée du Président américain à l'occasion du sommet des Amériques. Des militants de gauche, essentiellement d'Amérique latine, vont tenir parallèlement un "contre-sommet", le "sommet des peuples", lors duquel le président vénézuélien Hugo Chavez devrait prendre la parole ce vendredi.
Photo prise le 3 novembre 2005
Reuters/Carlos Barria
Mar del Plata se prépare à des manifestations anti-Bush
MAR DEL PLATA, Argentine (Reuters) - 4/11/5 - Le président George Bush est arrivé jeudi soir en Argentine, dans la station balnéaire de Mar del Plata, pour le "sommet des Amériques", mais sa venue devrait attirer des milliers de manifestants hostiles à la politique américaine en Irak et à la politique économique des Etats-Unis à l'égard de l'Amérique latine.
Des militants de gauche, essentiellement d'Amérique latine, vont tenir parallèlement un "contre-sommet", le "sommet des peuples", lors duquel le président vénézuélien Hugo Chavez, principal détracteur en Amérique du Sud de la politique de George Bush, devrait prendre la parole ce vendredi.
Plus de 7.500 policiers argentins ont établi d'ores et déjà un cordon de sécurité autour des hôtels réservés pour les hôtes du sommet et ont entrepris de patrouiller dans les rues et sur les plages de Mar del Plata, station de 600.000 habitants qui avait jeudi des airs de ville fantôme. Au large, des vedettes des garde-côtes surveillaient le rivage et l'accès à l'espace aérien était restreint. La majeure partie des écoles ont annulé les cours.
Diego Maradona est monté jeudi soir à bord d'un train affrété par Chavez de Buenos Aires à Mar del Plata, pour venir lui aussi manifester contre la politique de Bush. Le réalisateur Emir Kusturica, né à Sarajevo, ainsi que le leader indien Evo Morales, donné favori de l'élection présidentielle bolivienne, doivent aussi prendre ce train pour atteindre Mar del Plata.
Fidel Castro, seul dirigeant à ne pas être invité au sommet, a dépêché une délégation d'athlètes cubains au "sommet des peuples" pour y soutenir Chavez.
Affrontement sur l'ALCA au Sommet des Amériques
MAR DEL PLATA, Argentine (AP) - 4/11/5 - L'ouverture du Sommet des Amériques à Mar del Plata, en Argentine, a tourné vendredi à l'affrontement entre partisans et adversaires du projet de zone de libre-échange à l'échelle du continent (ALCA) défendu par George W. Bush, mais rejeté notamment par le président vénézuélien Hugo Chavez.
Le 4e Sommet des Amériques, qui réunit jusqu'à samedi les chefs d'Etat et de gouvernement de 34 pays d'Amérique latine, devait être marqué par une lutte d'influence entre le président américain et son homologue vénézuélien, opposant déclaré à l'ALCA et critique de M. Bush.
Aux cris de "Bush, dehors !", quelque 10.000 manifestants ont défilé dans les rues de la station balnéaire argentine, illustrant le scepticisme de nombreux Latino-Américains à l'égard du projet de vaste marché commun de l'Alaska à la Terre de Feu, la Zone de libre-échange des Amériques (ALCA), soutenu par Washington.
La légende argentine du football Diego Maradona, qui arborait un T-shirt accusant George W. Bush de crimes de guerre, était arrivé en train de Buenos Aires avec d'autres manifestants pour l'occasion.
Devant une gigantesque banderole d'Ernesto Che Guevara, Hugo Chavez a demandé aux manifestants de l'aider à bloquer les efforts destinés à relancer les négociations sur l'ALCA. "C'est seulement unis que nous pouvons vaincre l'impérialisme et apporter une vie meilleure à nos peuples", a-t-il affirmé. "L'ALCA est morte et nous allons l'enterrer ici."
M. Chavez comptait s'adresser vendredi aux participants d'un "contre-sommet", ou "Sommet du peuple", organisé en marge du Sommet des Amériques. Il était possible qu'il rencontre ensuite le président américain.
Le président vénézuélien a l'intention d'utiliser ce sommet continental comme une tribune pour dénoncer les Etats-Unis comme un modèle "capitaliste et impérialiste" qui exploite les économies des pays en développement.
Toutefois, le président mexicain Vicente Fox a assuré qu'une majorité des pays du continent étaient favorables aux négociations en vue de créer l'ALCA et que ces pourparlers devraient progresser. M. Fox a calculé que sur les 34 pays présents à Mar del Plata, 29 soutenaient cette initiative. Outre le Venezuela, les pays hostiles sont l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, a-t-il souligné.
Si elle voyait le jour, cette zone de libre-échange deviendrait la plus importante au monde, devant l'Union européenne. Mais les négociations en vue de sa création piétinent depuis des années.
Le président Bush a rencontré son homologue argentin Nestor Kirchner, avec qui il entretient des relations glaciales, et des dirigeants d'autres pays avant d'assister au sommet. Il a cherché à redorer l'image des Etats-Unis sur le continent en louant les efforts de l'Argentine pour redresser son économie.
"L'économie a changé de manière spectaculaire grâce aux décisions sages que vous avez prises", a-t-il déclaré à M. Kirchner.
Après le sommet, M. Bush se rendra au Brésil, où il rencontrera dimanche le président Luiz Inacio Lula da Silva, puis fera étape au Panama avant de regagner les Etats-Unis.
Evo Morales annonce la couleur : arc-en-ciel !
LA PAZ/MADRID (LatinReporters.com) - 22/12/5 - par Christian Galloy.
De multiples déclarations post-électorales du leader indien Evo Morales, qui sera investi à la présidence de la Bolivie le 22 janvier, précisent la portée des principaux changements qu'il avait annoncés, à savoir :
la nationalisation des hydrocarbures (dont le gaz naturel),
la légalisation de la coca
et la lutte contre "l'impérialisme nord-américain".
Evo Morales a remporté l'élection présidentielle du 18 décembre dès le premier tour avec une majorité absolue de 54,14% (résultat provisoire incluant 94% des bureaux de vote), contre 28,57% à son principal adversaire, l'ex-président Jorge Quiroga (droite libérale). Sous réserves de précisions ultérieures d'Evo Morales et de ses collaborateurs, la politique qui sera suivie dans les trois domaines considérés peut actuellement se résumer comme suit:
Nationalisation des hydrocarbures (en particulier du gaz naturel)
- Principe général : l'Etat sera propriétaire de toutes les ressources naturelles, y compris à la bouche du puits, et en contrôlera la production et la commercialisation.
- Cette propriété est en principe déjà établie par une loi de mai 2005 (découlant du référendum de juillet 2004), mais Evo Morales estime que des clauses de contrats avec les multinationales ne respectent pas ce droit de propriété de l'Etat à la bouche du puits. Les contrats seraient en conséquence "nuls de plein droit". Autre cause de nullité invoquée par Evo Morales: "les contrats n'ont pas été ratifiés par le Congrès" (Parlement).
- Tous les contrats avec les multinationales seront donc révisés. Vingt-six multinationales exploitent le gaz naturel bolivien, dont les réserves sont les plus importantes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela. Les sociétés qui ont le plus investi sont la brésilienne Petrobras et l'hispano-argentine Repsol-YPF. La française Total, l'américaine Exxon Mobil et British Gas sont également présentes. Le Brésil et l'Argentine, en déficit énergétique, sont les principaux acheteurs du gaz bolivien.
- Argument complémentaire d'Evo Morales pour justifier la révision des contrats: ils ont été signés lorsque le baril de pétrole brut, dont le prix influence celui du gaz, valait 18 ou 19 dollars, alors que le baril est aujourd'hui à plus de 60 dollars. Le gaz bolivien sera donc vendu plus cher.
- Les nouveaux contrats seront "équilibrés" indique Evo Morales. Les multinationales seront rétribuées pour leurs services (exploration, extraction). Elles auront un statut "d'associé, non de propriétaire ni de patron". Leurs biens ne seront ni expropriés ni confisqués. Récupération de l'investissement et bénéfices raisonnables seront garantis, mais l'Etat contrôlera la production et la commercialisation.
Légalisation des plantations de coca
- Principe général : coca ne signifie pas cocaïne. La Bolivie respectera l'usage traditionnel de la feuille de coca et cherchera à promouvoir de nouvelles utilisations et formes de commercialisation légales. L'élaboration de cocaïne (extraite de la feuille de coca) et le trafic de drogue seront combattus.
- Evo Morales rappelle que les plantations de coca sont déjà légales en Bolivie, sur une superficie [12.000 hectares; ndlr] calculée théoriquement pour couvrir l'utilisation traditionnelle de la feuille de coca, qui a des propriétés médicinales et alimentaires. Le problème est que le total des plantations est évalué aujourd'hui à quelque 28.000 hectares. Plus de la moitié de la production bolivienne de feuilles de coca serait donc illégale. Selon les adversaires d'Evo Morales, dont les Etats-Unis, elle serait déviée vers l'élaboration de cocaïne.
- Arrêt de la politique de destruction des plantations excédentaires, dont dépend la survie de milliers de paysans. "Zéro coca signifierait zéro cocaleros, zéro Quechuas et zéro Aymaras" explique Evo Morales. [Quechuas et Aymaras sont les ethnies amérindiennes dominantes en Bolivie; ndlr]. Il ajoute: "On ne peut pas dépénaliser le coca-cola et pénaliser la feuille de coca".
- Le prochain gouvernement "étudiera le marché légal de la feuille de coca" et cherchera à le développer. Il définira "avec les paysans l'étendue des zones de cultures". Un référendum sur cette question n'est pas exclu.
- Evo Morales propose aux Etats-Unis de lutter ensemble, sans ingérence intérieure (et surtout pas d'ingérence militaire), en faveur d'un "zéro cocaïne et zéro trafic de drogue". Mais pour aboutir à "zéro cocaïne", il faut aussi un "marché zéro". "Tant qu'il y aura un marché pour la cocaïne, des feuilles de coca seront déviées vers ce marché, aussi rationalisées puissent être les plantations" précise Evo Morales. Les Etats-Unis, premier consommateur mondial de cocaïne, sont ainsi invités à assumer leurs responsabilités.
Relations extérieures. Lutte contre "l'impérialisme nord-américain"
- Principe général : "ni soumission ni subordination" de la Bolivie. Sur cette base, Evo Morales souhaite un dialogue avec les Etats-Unis. (La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a estimé en substance que Washington jugerait sur pièces la nouvelle politique bolivienne).
- Coordination probable de la politique extérieure de la Bolivie avec celle de Cuba et du Venezuela, adversaires notoires des Etats-Unis, mais attention prioritaire aux intérêts de la Bolivie. A la double question "Chaviste? Castriste?", Evo Morales répond : "Je suis katariste [Tupac-Katari, chef amérindien, fut écartelé au 18e siècle par les Espagnols; ndlr] ...et je suis Evo". "Mais j'apprécie, poursuit-il, que le Venezuela, comme Cuba avant lui, ait vaincu l'analphabétisme". Evo Morales dit "admirer" le président vénézuélien Hugo Chavez, qui "lutte avec son peuple pour la dignité, la souveraineté et les ressources naturelles".
- Rejet du néo-libéralisme économique. Evo Morales se prononce contre un éventuel traité de libre-échange avec les Etats-Unis, déjà conclu par Washington avec le Chili, que devraient imiter d'autres pays andins (Colombie, Equateur et Pérou). Ce type de traité "ferme les coopératives et les micro-entreprises... Nous avons besoin d'un commerce de peuple à peuple pour résoudre les problèmes économiques sans concentrer le capital dans quelques mains" dit Evo Morales.
- Refus de toute présence militaire américaine, y compris celle que Washington justifierait par la lutte contre le narcotrafic. Pour "freiner la superbe de l'empire [nord-américain]" et son interventionnisme, "l'Amérique latine a besoin d'une alliance avec l'Europe" estime Evo Morales.
- Au nom des droits de l'homme, Evo Morales sollicitera des Etats-Unis l'extradition de l'ex-président Gonzalo Sanchez de Lozada, chef de l'Etat bolivien lors de la "guerre du gaz", qui fit en 2003 des dizaines de morts parmi les manifestants opposés à l'exportation de gaz vers l'Amérique du Nord via un port chilien.
- Persistance de la tension avec le Chili. "Pas de gaz [bolivien pour le Chili] ni de relations diplomatiques sans accès de la Bolivie à la mer" avertit Evo Morales. (Lors de la Guerre du Pacifique, conclue en 1883, le Chili, "ennemi historique", s'est approprié la façade maritime de la Bolivie, qui revendique sa restitution au moins partielle. Hugo Chavez soutient la revendication territoriale bolivienne.)
LatinReporters.com est un collectif de journalistes qui analysent l'actualité latino-américaine et espagnole. Le texte de cet article peut être reproduit aux conditions explicitées sur le site www.latinreporters.com*
Résistances indigènes
Revendications indiennes en Amérique latine : le cas d’Evo Morales
Christian Rudel, novembre 2002
Depuis quelques lustres l’Amérique latine montre, chaque jour un peu plus, sa face cachée, sa face amérindienne. Plus exactement, les peuples amérindiens que l’irruption des Européens, voici cinq siècles, avait poussés aux oubliettes, veulent faire reconnaître leurs droits et leur place dans les États que les péripéties de l’Histoire leur ont assignés. C’est alors le soulèvement néo-zapatiste des Indiens du Chiapas, le 1er janvier 1994 ; ce sont les organisations indiennes d’Équateur qui chassent deux présidents de la République - Abdalá Bucarám, en 1997 et Jamil Nahuad en 2000 - après plusieurs soulèvements et, tout récemment, c’est l’Indien aymara Evo Morales, appuyé sur le Mouvement vers le socialisme qui, d’un coup d’épaule, bouleverse l’échiquier politique bolivien et apparaît un instant comme un possible président de la République.
Ce fut un retentissant coup de tonnerre dans le ciel andin lorsque, au soir du 30 juin dernier, les premiers décomptes des élections générales boliviennes annoncèrent le succès du Mouvement vers le socialisme (Movimiento al Socialismo, MAS) du leader indien Evo Morales Ayma. Nouveaux coups de tonnerre les jours suivants lorsque le résultat final propulsa le MAS, avec 20,94 % des suffrages exprimés, au second rang des partis, lui accordant 26 députés et 8 sénateurs, tandis que son chef, désormais en position de briguer la présidence de la République - une première dans l’histoire bolivienne - était réélu député avec 83,3 % des suffrages dans sa circonscription. Des chiffres qui signent, semble-t-il, le déclin des partis traditionnels et peut-être aussi la disparition de la vieille gauche bolivienne. Devant le résultat final des élections et le succès de son parti, Evo Morales commenta : "Après cinq cents ans de colonialisme, nous, les pauvres, avons récupéré le droit de nous diriger nous-mêmes. L’avènement du peuple bolivien n’est plus à venir, il s’inscrit dans l’actualité..."
L’émergence politique du peuple, des pauvres, des Indiens, oui, mais pas encore le pouvoir. Car Evo Morales n’a pas été élu président de la République. Élection impensable, impossible. Les députés et sénateurs du MAS, joints à une poignée d’élus d’autres formations indiennes - une large quarantaine au total -, n’ont pu empêcher, le 4 août 2002, l’élection par le Congrès, de Gonzalo Sánchez de Losada. Ce dernier, qui avait déjà été président de 1993 à 1997 et qui appartient au Mouvement national révolutionnaire (MNR) - le parti qui réalisa la révolution de 1952 mais dont les couleurs sont depuis longtemps défraîchies - avait dû faire appel, pour être élu, au Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), autre parti historique au drapeau élimé, dont le "patron", Jaime Paz Zamora, lui aussi ancien président, est loin de compter parmi ses amis. Paz Zamora exprimait sans doute quelque gêne devant cette alliance presque contre nature à laquelle il participait lorsqu’il dit : "Qu’il est difficile, parfois, d’être bolivien ! Qu’il est difficile, dans certaines circonstances, d’aimer la Bolivie !" Mais entre anciens présidents, il faut bien parfois s’entraider, et, surtout, il fallait barrer la route à l’Indien.
Si Evo Morales n’a pas été élu président par le parlement le 4 août - en fait, il ne pouvait l’être - le pouvoir, toujours aux mains des blancs et des métis occidentalisés devra désormais tenir compte de l’irruption des Indiens sur la scène politique. De nombreux journaux boliviens le demandent, tout en battant leur coulpe et celle des gouvernants pour "n’avoir pas voulu regarder ces hommes [les Indiens] aux pommettes saillantes en quête de dignité et de terres à cultiver", tandis que d’autres avertissent qu’ "il est grand temps que les bienfaits de la démocratie parviennent jusque dans les parties les plus reculées et les plus pauvres du pays".
Quant à l’opinion internationale, elle n’avait accordé, dans le meilleur des cas, qu’une attention distraite à la marche quotidienne du peuple bolivien, et aux actions et manifestations, de plus en plus nombreuses de ces dernières années - marches de protestation, grèves, barrages de routes, etc. Il est vrai que la Bolivie est "loin", peu peuplée et qu’elle passe pour nourrir abondamment le folklore latino-américain des révolutions à répétition. Peut-être aussi estimait-on que tout allait pour le mieux dans la meilleure des Bolivie depuis le retour à la démocratie, "retour" que l’on peut dater du 5 octobre 1982, jour de l’arrivée au pouvoir de Hernán Siles Zuazo qui ne fit que mettre fin à dix-huit ans de dures dictatures militaires.
Mais aucun des grands problèmes n’allait trouver de solution. Par exemple ceux de la distribution de la terre et de la restitution des terres traditionnelles indiennes. Certes, le gouvernement issu de la révolution de 1952 avait bien lancé une réforme agraire (loi du 2 août 1953) mais elle montra vite ses insuffisances et ses limites et elle n’atteignit pas le sud et l’est du pays. D’autre part, au cours des années de dictature, d’autres problèmes socio-économiques étaient apparus, tous plus ou moins liés à la rapide expansion démographique - phénomène largement indien - qui avait fait passer la population de 3 millions en 1950 à 4,6 millions en 1980 pour la pousser ensuite aux 8,5 millions d’aujourd’hui.
Le déclic d’une campagne continentale
Avec le retour de la démocratie, les manifestations populaires de protestation et de demandes sont devenues plus nombreuses, déclenchées et favorisées par la campagne continentale "Cinq cents ans de résistance indigène, noire et populaire" qui avait vu le jour au cours des années précédant les festivités annoncées pour le cinquième centenaire de la "découverte" de l’Amérique.
En Bolivie, une des premières manifestations écloses autour de cette campagne fut la grande marche des Indiens de la forêt amazonienne qui, à partir de Trinidad, chef-lieu du Beni, prirent la route de La Paz, le 15 août 1990, pour demander l’arrêt du massacre de la forêt par les grandes compagnies forestières. Il serait fastidieux d’énumérer la longue liste des diverses manifestations qui suivirent. La plus récente, la "Marche pour la souveraineté populaire, le territoire et les ressources naturelles", partie de Santa Cruz de la Sierra, arriva à La Paz le 13 mai dernier, quelques semaines avant les élections, après avoir dû déjouer plusieurs interventions policières ; elle avait rassemblé quelque 2 500 marcheurs (hommes, femmes et enfants) représentant une cinquantaine d’organisations indiennes aussi bien locales que régionales et nationales. Cette marche reprenait les demandes de la "Marche pour la vie et la souveraineté" (Cochabamba, 9 avril 2001 - La Paz, 23 avril), par exemple, réforme de la loi agraire et maintien ou retour sous contrôle national des secteurs stratégiques de l’économie, demandes déjà présentes dans le programme du Mouvement vers le socialisme.
Une loi agraire presque oubliée...
Depuis longtemps, le grand sujet de mécontentement est celui de la mauvaise répartition de la terre et de la lenteur de la mise en application de la loi agraire du 18 octobre 1996, loi qui reconnaît, entre autres, le droit à la légalisation des terres communautaires traditionnelles indiennes. Elle prévoit aussi la légalisation des titres de propriété portant sur 103 millions d’hectares de terres rurales, ce processus de légalisation devant être terminé en octobre 2006. Mais la légalisation des titres de propriété des petits paysans et des communautés indiennes n’avance qu’au ralenti si elle n’est pas délibérément entravée et retardée. Ainsi, au début de 2002 - cinq ans après la loi - seulement les titres portant sur 10 millions d’hectares appartenant aux petits paysans avaient été légalisés. Quant aux Indiens des "basses terres" de l’Orient, qui demandent 52 "territoires" totalisant 24,4 millions d’hectares, ils n’avaient reçu, en avril 2002, que 2,05 millions d’hectares. À la même date, les Indiens de l’Altiplano (39 "territoires", soit 9 millions d’hectares) n’avaient reçu que les 12 000 correspondants à l’ayllu Socoya, dans le département de Potosí.
On comprendra donc l’impatience, l’indignation et la révolte des paysans sans terre - ceux-ci ont créé en juin 2001 un Mouvement des sans-terre, réplique bolivienne du fameux MST brésilien - des petits paysans et des Indiens si l’on ajoute que le gouvernement accorde, par centaines de milliers d’hectares, des concessions aux compagnies pétrolières et aux compagnies forestières, les premières polluant l’environnement et les secondes détruisant sans vergogne l’habitat naturel des Indiens sylvicoles. Une certaine interprétation de la loi agraire permet en effet d’accorder la préférence aux grandes compagnies, industrielles et agro-industrielles. Enfin, les crédits d’État accordés au secteur rural vont en priorité aux gros propriétaires : des 800 millions de dollars accordés l’an dernier plus de 600 ont été accaparés, souvent à des fins de spéculations, par 171 latifundistes.
Quand Washington veut en finir avec la feuille de coca
Autre sujet de mécontentement des paysans et des Indiens, la lutte contre la drogue qui se traduit ici par la lutte contre les cultures de coca. Une lutte fort mal comprise car la feuille de coca elle-même n’est pas une drogue, la coca fait partie depuis la nuit des temps de la culture andine et sa consommation, à diverses fins - alimentaires, conviviale, rituelle et religieuse - est quotidienne. La feuille de coca n’a été transformée en drogue - cocaïne - que sous la demande de l’Occident. Sa culture a alors pris de vastes proportions, débordant largement les Yungas, vallées proches de La Paz, région traditionnelle de production de coca, pour conquérir le Chapare, vaste plaine subtropicale du département de Cochabamba. Cette conquête-colonisation fut en particulier le fait des mineurs qui, licenciés des mines d’étain en 1986-1987, trouvèrent dans la culture de la coca un moyen de survie.
En fait, la culture de la coca pour la cocaïne avait commencé plus d’une décennie plus tôt et s’était développée sous la dictature du général Banzer (1971-1978) et de ses successeurs, l’un d’eux, le général Luís García Meza (1980) étant un notoire trafiquant international de drogue. En ces temps-là, au tout début des années 1980, la Bolivie était le premier producteur de feuille de coca : environ 80 000 tonnes (qui permettaient d’obtenir quelque 300 tonnes de pâte) provenant de 50 000 hectares, dont 12 000 dans les Yungas et 35 000 dans le Chapare. Elle recevait alors au moins 3 milliards de dollars, soit cinq fois plus que le revenu des exportations légales ; mais les producteurs de coca ne se partageaient qu’une faible partie de cette somme.
Sous la pression des États-Unis, des plans d’éradication de la coca ont été élaborés. Le premier, le "plan Dignité", sous le gouvernement du général Banzer - qui, on le sait, avait réussi le tour de force de revenir "démocratiquement" au pouvoir en 1997 - visait à ne conserver que les cultures nécessaires à la consommation nationale traditionnelle. Les cultures du Chapare devaient donc disparaître. Plus tard, un second plan dit "Zéro Coca" prétendit en finir avec toutes les cultures de coca. Washington lia l’aide économique à La Paz à cette condition.
Des unités spéciales de l’armée bolivienne - par exemple l’UMOPAR, ou Unité mobile de patrouilles rurales et ceux que l’on appelle les "Dálmatas", les Dalmatiens - ainsi que des "conseillers" et des mercenaires nord-américains furent chargés de l’exécution de ces plans et la brutalité devint le quotidien de ces opérations. Les cocaleros - producteurs de coca - et tous ceux qui travaillent et vivent autour de la coca, des dizaines de milliers de personnes, ne pouvaient que s’opposer à ces plans. Depuis des années, dans le Chapare militarisé, les affrontements entre cocaleros et "forces d’occupation" se succèdent. Ainsi, en janvier dernier, un de ces affrontements se solda par 6 morts, 80 blessés et 60 arrestations de dirigeants. Au départ, le décret 26 415, du 27 novembre 2001 qui interdit la commercialisation, la manutention et le séchage de la coca dans les zones de culture non traditionnelles. Les cocaleros du Chapare (grande zone non traditionnelle) demandaient l’abrogation de ce décret qu’ils considèrent anticonstitutionnel. Les affrontements de ces dernières années ont fait au moins 64 morts, 80 blessés graves sans compter 4 000 cas de détentions abusives et de tortures, selon un bilan présenté par l’Assemblée permanente des droits de l’homme.
"Nous jurons de défendre la coca..."
Quoi qu’il en soit, la coca est toujours présente et si des dizaines d’hectares sont détruits ici ils reparaissent plus loin et, malgré la violence au quotidien, les cocaleros se sont organisés autour de dirigeants comme Evo Morales, Luís Gutipa et Delfin Oliveira. Ils résistent avec l’énergie du désespoir car ils sentent que la disparition de la coca signifierait leur propre disparition. Rien n’a été fait pour leur assurer, après éradication, un minimum d’avenir économique. Les propositions d’industrialisation de la coca pour en tirer divers produits - alimentaires, pharmaceutiques, de beauté, etc. - n’ont pas été prises en considération. Les cultures alternatives - légumes, fruits citriques - sensées prendre la relève de la coca, n’ont pas vraiment démarré et manquent dès le départ de marchés d’exportation. Sánchez de Losada lui-même reconnaissait, au cours de son premier mandat, que la réussite des cultures alternatives dépendait de la bonne volonté des pays riches mais "ils ne veulent pas ouvrir leurs marchés et veulent que la coca disparaisse sans qu’il leur en coûte rien". "L’éradication de la coca serait la mort des pays andins", disait un manifeste signé le 17 avril 1993 par les délégués des planteurs de coca de Bolivie, de Colombie et du Pérou. Manifeste qui précise : "Pour nous, la coca est tout : notre survie physique, nos mythes, notre cosmovision, la joie de vivre, la parole de nos ancêtres, le dialogue perpétuel avec la Pachamama, notre raison d’être et de nous situer dans le monde... C’est pourquoi... nous jurons de défendre la coca de toutes nos forces en investissant dans cette bataille notre énergie, notre intelligence et notre ténacité, bref, toute notre vie !"
Le combat pour le maintien et le respect de la feuille de coca n’est sans doute pas près de cesser, malgré la pauvreté des cocaleros, qui ne retirent, bien évidemment qu’une infime partie de l’argent généré par la drogue. Pauvreté des cocaleros, pauvreté de la population bolivienne dans son ensemble, laquelle s’élève à l’heure actuelle à environ 8,5 millions de personnes. Face à environ 5 % de cette population que l’on peut classer "riche" selon les normes occidentales, plus de 70 % vit dans la pauvreté et la quasi-totalité des ruraux - quelque 3,4 millions de personnes - n’échappe pas à la misère. Pour eux, la réalité quotidienne se décline en mauvais logements, sous-alimentation, maladies nombreuses et facilement guérissables ailleurs, peu ou pas d’accès aux services médicaux, mortalité infantile élevée (jusqu’à 190 ‰), espérance de vie réduite (47 ans dans le département de La Paz, 39 ans dans celui de Potosí, etc.)
Vers une Assemblée constituante populaire ?
Sur ce terreau de pauvreté et de misère, d’injustices sociales, d’humiliations et de discriminations raciales - tout cela lourd héritage de la colonie et de la fausse indépendance nationale qui lui a fait suite - le Mouvement vers le socialisme d’Evo Morales n’a eu aucune peine, à partir des cocaleros en sursis de disparition, de pousser de plus en plus profondément ses racines.
Faute de mieux, ou avec d’évidentes intentions, on a étiqueté le MAS comme un parti d’extrême gauche et même comme "un ramassis de communistes, de trotskistes, de protestants évangéliques, d’indigénistes, de nationalistes, de "sans-terre", et de castristes" et l’on a réduit son programme à la seule défense de la feuille de coca. Quant à son leader, il ne serait qu’un "anti-américain primaire" et un "simple paysan". Si ces qualificatifs et ces définitions laissent paraître l’inquiétude, voire la peur des classes dirigeantes de la politique et de l’économie, il faut d’abord préciser que le "Mouvement" est un parti en formation qui, pour cela, regroupe outre de nombreux syndicats et organisations de paysans et de cocaleros, le parti Izquierda Unida (IU ou Gauche unie, en fait un parti pluriel pour une nouvelle gauche), des organisations étudiantes et d’autres en provenance des classes moyennes durement touchées par la grave détérioration de la situation économique. Il faut aussi reconnaître que le "Mouvement" a attiré quelques éléments qui n’ont pas grand chose à voir avec la défense des cocaleros et des classes oubliées, qui ont d’autres objectifs que ceux du MAS - mais c’est le lot de tous les partis - mais qui peuvent exercer de lourdes pressions sur un leader d’autant plus malléable que sa culture politique est sommaire et qu’il risque de se laisser enivrer par ses premiers grands succès.
Quoi qu’il en soit, le programme du MAS se caractérise par des mesures radicales que l’on peut qualifier d’anticapitalistes, d’anti-mondialistes ou, plus simplement de nationalistes - telles que nationalisation des secteurs clés de l’économie (pétrole, énergie, transports, télécommunications), arrêt du paiement de la dette extérieure (énorme, plus de cinq milliards de dollars), fin de l’intervention étasunienne, ouverte ou déguisée, dans les opérations anti-coca, respect et maintien de cette plante, etc. Enfin, et surtout, le MAS propose la réunion d’une Assemblée constituante populaire afin de mettre fin au vieux système politique, redéfinir la nature de l’État bolivien pour l’adapter à la réalité pluriethnique et pluriculturelle de la nation et donner une place officielle à la philosophie - la cosmovision - et à la pratique sociale communautaire qui ont permis la vie et la survie des peuples andins.
Ce projet d’Assemblée constituante populaire semble déjà à certains un premier pas en direction d’une société communiste dictatoriale mais il est évident que le MAS ne peut que s’opposer à la politique néo-libérale de globalisation de l’économie, dont le coût social des dernières années est particulièrement élevé mais qu’entend poursuivre et renforcer le président Sánchez de Losada. Ce qui promet des débats houleux au Parlement. Et peut-être plus car, a averti Morales, "au parlement, nous allons essayer, pacifiquement, de changer les lois, mais si on ne nous entend pas, le peuple se soulèvera pour un grand combat social". Paroles d’après victoire électorale, certes, mais Morales sait qu’il sera entendu et soutenu par une base sociale bien plus large que les 581 884 voix qu’il a recueillies le 30 juin dernier. Tout comme il sait que le président Sánchez de Losada ne renoncera ni au plan d’éradication de la coca ni à la pratique de l’économie néo-libérale, dont il a été le champion au cours de son premier mandat.
Ainsi, le grand programme de travaux publics - un milliard de dollars - que le président a présenté lors de son discours d’investiture ne pourra être financé que par l’exportation, aux États-Unis, du gaz naturel dont la Bolivie possède d’importantes réserves. Déjà, bien que le tracé du gazoduc vers un port d’embarquement de la côte pacifique ne soit pas encore choisi, l’opposition s’élève contre cette exportation qui ne ferait que prolonger le rôle multiséculaire de la Bolivie, celui d’exportatrice de matières premières au détriment de la mise en place d’une véritable industrie nationale, gage d’indépendance. Le projet du Mouvement vers le socialisme rejoint les luttes engagées ailleurs par les Amérindiens, au Chiapas et en Équateur, par exemple. Mais ces dernières luttes, bien organisées et déjà avancées, ne peuvent être comparées avec celles qui ne font que commencer en Bolivie. Le projet bolivien, encore imparfait, doit être explicité, développé, affiné, expliqué et s’appuyer sur des structures solides. Sa mise en application entraînera luttes de clan et dérives, comme partout ailleurs et il finira peut-être par s’enliser - comme tant de réformes et de révolutions. Mais, sur les hautes terres des Andes, l’histoire semble bien avoir pris un nouvel élan.
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Evo Morales appelle à Paris à changer le modèle néolibéral
PARIS (AFP) - 6/1/6 - Le président bolivien élu Evo Morales, champion de la cause indienne, a appelé vendredi à "changer le modèle néolibéral" en entamant une visite de deux jours à Paris.
"Je veux apprendre à éliminer les inégalités, à améliorer le sort de notre peuple, à changer le modèle néolibéral, pour une Bolivie digne", a déclaré à la presse M. Morales, premier Indien a accéder à la présidence de son pays.Il a souligné que la Bolivie n'était "pas pauvre", elle est au contraire "extrêmement riche en ressources naturelles mais celles-ci ont été pillées".
Fils de paysans pauvres aymaras et quechuas, les deux ethnies prédominantes en Bolivie, il a expliqué qu'il ne chercherait pas à "venger" les populations autochtones. "Maintenant que nous sommes parvenus là où nous sommes, nous ne voulons pas que l'on pense que nous allons venger 500 ans d'injustices subies par les peuples indigènes", a-t-il dit. "Nous recherchons l'unité des Boliviens".A l'adresse des investisseurs européens, il a déclaré : "Nous avons besoin du commerce, mais il nous faut un commerce juste [équitable], dont notre peuple puisse tirer bénéfice".
M. Morales, qui s'entretiendra samedi avec le président français Jacques Chirac, a récemment annoncé une révision de tous les contrats d'exploitation d'hydrocarbures passés avec les multinationales.
Le ministère français des Affaires étrangères a fait savoir vendredi que la France profiterait de cette visite pour "lui rappeler l'importance d'avoir une stabilité juridique, une certaine sécurité juridique pour les investisseurs".
La France veut aussi voir ce qu'elle "peut faire en termes de coopération institutionnelle avec la Bolivie", a précisé le porte-parole du ministère.
Vingt-six compagnies gazières ou pétrolières multinationales travaillent en Bolivie, dont l'espagnole Repsol YPF (Madrid: REP.MC - actualité) , mais aussi la française Total, la britannique British Gas ou l'anglo-néerlandais Royal Dutch Shell (London: RDSB.L - actualité).
Le pays andin détient les secondes réserves de gaz naturel d’Amérique du Sud, derrière le Venezuela.
M. Morales, qui s'est rendu au Venezuela, en Espagne, aux Pays-Bas et doit poursuivre sa tournée en Chine, en Afrique du Sud et au Brésil, a estimé que son élection "avait généré un certain enthousiasme y compris chez les institutions financières internationales, lassées de la corruption qui régnait" en Bolivie.
Il s'est dit prêt à montrer l'exemple. "Moi et les parlementaires, nous ne toucherons que 50% de notre salaire", a-t-il expliqué, précisant qu'"avec ces économies nous allons créer un fonds destiné à embaucher davantage d'instituteurs".
M. Morales, chef syndical des planteurs de coca, a réaffirmé qu'il allait se battre pour que les Nations unies retirent "la feuille de coca de la liste de poisons ou de stupéfiants".
"La feuille de coca à l'état pur ne nuit pas à la santé", a-t-il assuré. "Ce n'est pas possible que l'on puisse en faire du Coca-Cola et qu'on ne puisse pas s'en servir dans le monde andin pour faire du thé, du dentifrice ou un produit pour lutter contre l'obésité".
Le président élu s'est dit surtout "ouvert au dialogue" avec tous les pays, "y compris avec les Etats-Unis, pays qui ne peut pas nous donner des leçons en matière de droits de l'Homme".
Evo Morales s'est entretenu vendredi matin avec Danielle Mitterrand, présidente de France-Libertés et épouse de l'ancien président socialiste François Mitterrand décédé il y a dix ans.
Il devait intervenir dans la soirée à la Maison de l'Amérique latine à Paris, dans le cadre d'une conférence organisée par la Banque interaméricaine de développement (BID).
José Bové, leader de la Confédération paysanne,
discutant ici avec son avocat Me Francois Roux.
Photo prise le 20 décembre 2001 /Georges BartoliJeudi 1er aout 2002 - José Bové est sorti ce matin de la prison de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Il y était incarcéré depuis le 19 juin pour le démontage du chantier d'un McDonald's le 11 août 1999 à Millau (Aveyron)...
Mais ses démêlés judiciaires ne sont pas terminés. Dans d'autres affaires, la destruction d'OGM à Agen et à Montpellier, il reste passible de 14 mois de prison ferme, peine prononcée en appel le 20 novembre 2001 et qu'il devra peut-être purger l'an prochain. José Bové doit par ailleurs comparaître en septembre devant le tribunal correctionnel de Foix (Ariège), là encore pour l'arrachage de plans de maïs transgéniques.
Le combat continue...
Dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, l’ONU a désigné Équiterre, en partenariat avec Réseau Action Climat Canada (RAC) pour assurer l’accueil et le secrétariat des groupes environnementaux.
Quelque 3000 à 4000 représentants d’Organisations Non Gouvernementales en Environnement (ONGE) sont attendues à la Conférence.
En plus de constituer un point de rassemblement des organisations environnementales, le Secrétariat participera à la planification du travail des ONGE pendant la Conférence.
Fondée en 1969, Survival International est une organisation mondiale de soutien aux peuples indigènes.
Elle défend leur volonté de décider de leur propre avenir et les aide à garantir leur vie, leurs terres et leurs droits fondamentaux.
MANIFESTE PLANETAIRE
Texte fondateur des humains associés (1984)
Sur notre planète bleue blues qui vit dans la peur terrifiante des guerres de toutes sortes, guerre fanatique, guerre psychologique, guerre bactériologique, guerre de haine, guerre religieuse, guerre économique...nous avons perdu presque toute valeur en tant qu'individu. Chacun de nous aujourd'hui vaut moins que le vêtement qu'il porte, à moins qu'il ne représente une puissance sans visage. Nous vivons sur une poudrière qui peut s'embraser d'un moment à l'autre, et nous oublions que le changement de cette situation dépend de la prise de conscience de chacun de nous en particulier.
Nous voulons inviter à réfléchir sur notre condition humaine, sur le fait que nous formons un tout indivisé et, de par ce fait, ne pas nous arrêter sur ce qui nous divise, mais chercher ce qui nous unit.
Nous invitons à réfléchir sur notre irresponsabilité personnelle vis-à-vis de notre espèce et de notre planète, réfléchir sur notre bêtise, notre naïveté qui permettent aux meneurs de jeu, aux avides de pouvoir de tous bords de nous mener par le bout du nez, en prétextant qu'ils savent mieux que nous-mêmes ce qui nous convient en tant que choix de vie.
Nous invitons à nous respecter les uns les autres, à respecter les opinions, les croyances de chacun sans chercher à tout prix à avoir raison, sans chercher à nous convertir les uns les autres. Il ne s'agit pas d'une invitation à l'attroupement, ni une invitation à l'uniformisation où nos différences seraient effacées, moins encore à adopter la politique de l'autruche à leur sujet, mais de les reconnaître et les utiliser comme complémentaires car chacun est unique en soi.
Nous invitons à choisir de nous laisser guider par notre conscience, à assumer pleinement notre liberté d'être, à réaliser l'humanité en nous, dans la responsabilité partagée.
Nous appelons à la dignité humaine, à la tolérance, à la solidarité, à l'amitié et à la reconnaissance. Nous savons tous que nous sommes capables du meilleur comme du pire, nous savons aussi que nous pouvons, si nous le voulons, réaliser l'harmonie en nous et autour de nous et nous rappelons que : La terre aussi est unique. Ne la gâchons pas. Ne nous gâchons pas.
Les dix objectifs qui guident les actions du
FORUM SOCIAL MONDIAL 2009
Les diverses activités autogérées du FSM seront axées sur l'un des 10 objectifs ci-dessus. Elles sont proposées par des organisations, des groupes d'organisations ou réseaux, au cours du processus d'inscription des activités pour le FSM 2009. Les objectifs ont été fixés après une vaste consultation publique auprès de divers organisations et entités qui participent au processus du FSM. Vous pouvez prendre connaissance des objectifs, enregistrer votre organisme pour y participer à l'événement et proposer de une à quatre activités autogérées.Pour le FSM 2009, vous pouvez également vous inscrire pour des activités qui ne sont pas nécessairement liées à l'un des 10 objectifs spécifiques : autour d'échanges d'expériences, de bilans des FSM et du mouvement altermondialiste, ainsi que sur les perspectives d'avenir.
1 . Pour la construction d'un monde de paix, de justice, d'éthique et de respect des diverses spiritualités, sans armes, en particulier sans armes nucléaires;
2 . Pour la libération du monde de la domination du capital, des multinationales, de la domination impérialiste, patriarcale, coloniale et néo-coloniale et des systèmes inégaux de commerce, pour l'annulation de la dette des pays appauvris;
3 . Pour assurer l'accès universel et soutenable aux bien communs de l'humanité et de la nature, pour préserver notre planète et ses ressources, en particulier l’eau, les forêts et les sources renouvelables d'énergie;
4 . Pour la démocratisation et décolonisation de la connaissance, de la culture et de la communication, pour la création d’un système partagé de connaissances et de savoirs, avec le démantèlement des Droits de Propriété Intellectuelle;
5 . Pour la dignité, la diversité, la garantie de l'égalité de genre, de race, d'ethnie, de génération, d'orientation sexuelle et pour éliminer toutes les formes de discrimination et de castes (discrimination fondée sur la descendance);
6 . Pour la garantie (au long de la vie de toutes les personnes) des droits économiques, sociaux, humains, culturels et environnementaux, en particulier le droit aux soins de santé, à l'éducation, au logement, à l'emploi, au travail décent, à la communication et à l'alimentation (avec la garantie de de la sécurité et de la souveraineté alimentaire);
7 . Pour la construction d'un ordre mondial basé sur la souveraineté, l'autodétermination et les droits des peuples, y compris des minorités et des migrants;
8 . Pour la construction d'une économie démocratisée, émancipatrice, soutenable et solidaire, avec un commerce éthique et juste, centrée sur tous les peuples;
9 . Pour la construction et le développement de structures et d'institutions politiques et économiques – locales, nationales et globales – réellement démocratiques, avec la pleine participation des peuples sur les décisions et le contrôle des affaires et des ressources publiques.
10 . Pour la défense de la nature (l'Amazonie et les autres écosystèmes) comme source de vie pour la Planète Terre et pour les peuples originaires du monde (indigènes, afro-descendants, tribaux, côtiers) qui exigent leurs territoires, langues, cultures, identités, justice environnementale, spiritualité et bien vivre.*
Les militants du Forum social mondial voient des opportunités dans la crise
Par Bradley Brooks
AP - 29/1/9 - Des militants présents au Forum social mondial ont souligné mercredi l'opportunité que représente pour le monde la crise du capitalisme. C'est l'occasion de faire entendre leur message, alternatif à celui du Forum économique de Davos.
Sous un soleil dardant alourdi par l'humidité de l'Amazone, Tran Dac Loi, venu du Vietnam, a estimé que l'affaissement de la finance mondiale prouvait que les pays riches et les grandes entreprises n'apportent pas toutes les réponses voulues.
"La crise montre l'impasse du modèle capitaliste de développement, un système uniquement tiré par le profit qui bénéficie seulement à une minorité", a résumé Tran, président de la Fondation vietnamienne pour la Paix et le développement. "Il est temps de chercher des modes de développement alternatifs qui placent l'homme au centre" a-t-il suggéré.
L'atmosphère n'était pourtant pas à la jubilation parmi les quelque 100.000 personnes réunies à ce forum alternatif, même si la crise rend les gens plus critiques à l'égard du capitalisme pur.
"Les gens sont las de nous entendre, lassés des plaintes de la gauche, mais maintenant il faut qu'ils nous écoutent" a estimé Ellen Pereira Carvahlo, une jeune Brésilienne de 18 ans qui distribuait des tracts devant le stand du Mouvement pour la Démocratie directe. "Je ne suis qu'une jeune étudiante, a-t-elle poursuivi. Je n'ai pas les réponses, mais au moins j'en cherche. Je crois tout de même que la crise rend les gens plus attentifs à notre message."
Certains participants ont reconnu l'absence d'un message global du Forum social mondial, une critique rémanente à leur égard. Les alter-mondialistes soulèvent des problèmes, mais apportent peu de solutions. "Nous travaillons tous pour la justice sociale, nous sommes forts pour identifier les problèmes, mais nous devons encore progresser pour ce qui est de trouver des remèdes" a ainsi reconnu Priiti Darooka, venue de New Dehli. Elle dirige le programme indien pour les droits économiques, sociaux et culturels des femmes.
Le contraste entre d'un coté la chaleur de la jungle et la mode "hippie" à Belem, de l'autre le froid des cols enneigés où évoluent des entrepreneurs en costumes-cravattes illustre assez la distance qui sépare les deux forums, à tous points de vue. AP
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Hugo Chavez presse les altermondialistes de passer à l'offensive
Yana MARULL
AFP - 29/1/9 - Le président vénézuélien Hugo Chavez a pressé jeudi les altermondialistes réunis au Forum social mondial de Belem de "passer à l'offensive" contre le capitalisme libéral. Lire la suite l'articleLe chef de file de la gauche radicale en Amérique latine a retrouvé dans la ville amazonienne ses homologues de quatre autres pays pour discuter d'initiatives communes contre la crise du capitalisme, à l'occasion du grand rassemblement des altermondialistes. Luiz Inacio Lula da Silva (Brésil), Hugo Chavez (Venezuela), Evo Morales (Bolivie), Rafael Correa (Equateur) et Fernando Lugo (Paraguay) ont été invités par les organisateurs du Forum Social Mondial (FSM).Au programme de leurs discussions figurent l'impact de la crise économique sur leurs pays, la recherche d'alternatives au modèle de développement capitaliste et la lutte contre le réchauffement climatique."Le FSM doit passer à l'offensive parce qu'il a été dans ses premières années le bastion de la résistance à l'offensive libérale", a exhorté Hugo Chavez qui a accueilli en 2006 l'édition latino-américaine du FSM."Pourvu que l'alternative (au système néo-libéral) vienne de ce Forum et d'Amérique latine", a dit l'Equatorien Rafael Correa. A son arrivée, il s'est joint à un orchestre et a chanté "Commandante Che Guevara" en duo avec Fernando Lugo, alors que les militants répondaient en choeur: "le peuple uni ne sera jamais vaincu!"Les quatre présidents les plus à gauche (Venezuela, Bolivie, Equateur, Paraguay), sans le Brésilien Lula, devaient participer à un débat organisé par le Mouvement des Travailleurs ruraux sans terre (MST) du Brésil et Via Campesina, l'organisation paysanne internationale."Nous avons invité les présidents qui ont une vraie relation avec les mouvements populaires et sont engagés dans la construction d'une alliance politique et souhaitent avancer dans l'intégration sud-américaine", a dit le dirigeant du MST Ulisses Manaças pour qui Lula "ne fait plus partie de ces gens là".Lula, un ancien ouvrier métallurgiste et dirigeant syndicaliste est un habitué du FSM depuis sa fondation à Porto Alegre (sud du Brésil) en 2001 où il était venu faire campagne avant son élection en 2002.A Belem, il devait présenter un projet de sortie de crise passant "par un nouveau modèle productif et de consommation écologiquement durable", a affirmé son porte-parole, Marcelo Baumbach.Les cinq présidents devaient se réunir en privé pour discuter "de l'impact de la crise économique en Amérique latine et d'initiatives communes pour la combattre", a ajouté le porte-parole.Ces chefs d'Etat n'étaient toutefois pas épargnés non plus par les critiques. "Nous devons soutenir les présidents qui disent être de notre côté, mais ils doivent montrer qu'ils le sont dans la pratique", a déclaré Miguel Palacin, responsable de la coordination andine des organisations indigènes.Une grande affiche au siège d'un syndicat prône "l'opposition" au président Lula, tandis que la Confédération des nations indigènes d'Equateur (Conaie) exhorte le FSM à "déclarer le président équatorien persona non grata", considérant ses actions "répessives et racistes".Amnesty International a également appelé le président paraguayen "à faire la preuve de son engagement envers les droits des peuples indigènes".Quelque 100.000 militants de 150 pays participent à ce FSM qui s'est ouvert mardi sous sa traditionnelle devise "un autre monde est possible".
Meeting durant le Forum social mondial à Belem le 29 janvier 2009
Copyright © 2009 AFP
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Les altermondialistes tentent de s'organiser pour combattre le capitalisme
Par Yana MARULL
AFP - 31/1/9 - Alors que le gotha de la finance cherche des solutions à la crise au Forum économique mondial de Davos, 100.000 altermondialistes réunis en Amazonie, à Belém, tentent avec difficulté de mettre en pratique leur devise "un autre monde est possible"."La crise nous pose un défi énorme avec de nombreuses conséquences possibles", a déclaré François Houtart, président du Centre Tricontinental (CETRI), dont le siège est en Belgique.
Selon lui, "ou bien les gens seront tellement touchés qu'ils ne réagiront pas, ou bien il y aura des révoltes ou une résistance organisée" au système.
M. Houtard a cité le cas de la Zone de libre-échange des Amériques "qui n'a jamais vu le jour grâce à la pression des mouvements populaires" qui s'y opposaient.
"Si le Forum social mondial (FSM) ne donne pas de réponses à la crise du néo-libéralisme, pour obtenir la paix dans le monde et pour instaurer des modèles de substitution, il sera dépassé", a mis en garde le philosophe brésilien Emir Sader.
Plus de 2.000 séminaires, débats et conférences ont été programmés au cours des cinq jours du FSM de mercredi à dimanche, dont une bonne partie pour débattre du "post-capitalisme".
Une taxe sur les transactions financières internationales reversée aux pays pauvres, l'élimination de la dette du tiers-monde, un commerce équitable et une économie solidaire figurent parmi les innombrables propositions des centaines d'organisations présentes. Tous, en quête d'une meilleure utilisation de leurs armes : l'opinion publique, la pression populaire et les manifestations.
Pour la première fois au FSM on s'occupe peu du sommet concurrent à Davos, que les altermondialsites considèrent comme "un échec" car il représente à leurs yeux le symbole du capitalisme en crise.
"Ce n'est pas Davos qui donnera les solutions de rechange car ce sont eux (les décideurs politiques et économiques) qui ont créé cette situation", a estimé Candido Grzybowski, organisateur du forum.
Le militant philippin Walden Bello préconise une approche plus politique du FSM de Belém face à la crise afin de devenir "une force effective d'intervention qui puisse changer les choses dans la mondialisation".
Le président vénézuélien Hugo Chavez a justement exhorté à Belém les altermondialistes "à passer à l'offensive et à ne pas rester dans les tranchées".
Mais parmi les militants prévaut l'idée que le FSM doit rester un espace de dialogue et non pas devenir un mouvement avec une voix unique, et qu'il doit aussi garder ses distances par rapport aux politiques.
"J'espère que les gouvernements suivront les mouvements sociaux et non pas que les mouvements suivront les gouvernements", a déclaré Gina Vargas, une sociologue et féministe péruvienne, critiquant la "proximité" de nombreux mouvements avec les gouvernements de gauche en Amérique latine, comme celui d'Hugo Chavez.
"La crise financière montre ce que l'écologie avait déjà montré : que le système capitaliste est un système suicidaire. Nous devons profiter de sa remise en cause pour que davantage de gens prennent conscience du fait qu'il faut changer profondément le système", a estimé le Brésilien Chico Whitaker, l'un des fondateurs du FSM.
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Le Forum social de Belem prédit la mort du capitalisme
Reuters - 1/2/9 - Le Forum mondial social de Belem, au Brésil, s'est achevé dimanche après six jours de débats et de manifestations qui ont rassemblé 100.000 activistes de gauche et écologistes, pourfendeurs d'un système capitaliste qu'ils jugent en faillite. Lire la suite l'article
Cette réunion des "altermondialistes", la plus importante de ce type jamais tenue, coïncidait avec le Forum économique de Davos, en Suisse, qui rassemble chaque année la crème des décideurs politiques et économiques de la planète.
Outre le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, quatre chefs d'État d'Amérique du Sud ont tenu à faire le voyage dans la ville amazonienne, en cette période de crise financière et de ralentissement économique qui confirme à leurs yeux la justesse de leurs vues dans la condamnation du néo-libéralisme économique.
La mauvaise gestion de l'économie aux États-Unis sème le chaos à travers le monde et le "socialisme du XXIe siècle" est la seule façon d'aller de l'avant, a ainsi estimé jeudi dernier le président socialiste vénézuélien Hugo Chavez, accueilli en héros.
"Nous assistons à une crise du système capitaliste mondial et des choix économiques irresponsables du gouvernement des États-Unis", a ajouté le chantre de la "révolution bolivarienne".
Ont également participé à ce forum social les présidents équatorien Rafael Correa, paraguayen Fernando Lugo et bolivien Evo Morales.
"Les gens ici considèrent que le capitalisme est condamné, et c'est tout ce qu'ils espèrent", a déclaré Shannon Bell, professeur de sciences politiques à l'université York de Toronto, qui a assisté aux réunions consacrées à l'"écosocialisme".
Le gouvernement brésilien a consacré 50 millions de dollars à cette réunion, à laquelle une douzaine de ses ministres ont participé.
Stuart Grudgings, version française Guy Kerivel
En parallèle, Davos (le FCM) s'achève sans apporter de réponse à la crise du capitalisme !
LE FORUM CAPITALISTE] MONDIAL
Par Edith Lederer
AP - 1/2/9 - L'humeur est restée sombre à Davos, où le Forum économique mondial (WEF) s'est achevé dimanche sans offrir de réelles perspectives. Après cinq jours de conférences et de réunions, les décideurs politiques et économiques, englués dans l'indécision et l'incertitude, n'ont pas apporté de solutions nouvelles pour faire face à la crise."Tout le monde est perdu à Davos", observait Kishore Mahbubani, doyen de l'école d'administration Lee Kuan à Singapour, résumant le désarroi ambiant. "Personne ne semble prendre la mesure de cette crise et ce qu'il faut faire pour en sortir", a-t-il confié à l'Associated Press, plaidant pour une remise à plat complète du système financier international, que peu étaient prêts à suggérer dans le cadre surprotégé de la station alpine suisse.
L'impression d'une tâche immense à accomplir était la plus partagée dans les allées de ce rendez-vous des élites, au faste revu à la baisse cette année pour cause de crise. Dans ce contexte, beaucoup plaçaient leurs espoirs dans le G-20 prévu en avril à Londres, voyant dans cette réunion des grandes puissances et des économies émergentes la première étape vers une "réforme du système financier à l'échelle mondiale" [sic].
"Le travail le plus dur commence maintenant", a estimé Klaus Schwab, fondateur et président du WEF, favorable à une refonte du système bancaire, mais aussi de la régulation financière et de la gouvernance d'entreprise.
Conscient que le G-20 ne permettrait pas de résoudre tous les problèmes, M. Schwab a annoncé que le forum lancerait dans quelques semaines une "Initiative de réforme mondiale", soutenue selon lui par la plupart des dirigeants venus assister à cette 39e édition du Forum, du Premier ministre chinois Wen Jiabao au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
Sobriété oblige, les Sharon Stone, Angelina Jolie et autres célébrités du show business, présentes lors des dernières éditions du forum, n'ont pas été invitées cette année. Pas même Bono, le chanteur humaniste, interlocuteur habituel des grands de ce monde. Les projecteurs étaient cette fois braqués sur les chefs d'Etat et de gouvernement, notamment les Premiers ministres russe Vladimir Poutine et britannique Gordon Brown et la chancelière allemande Angela Merkel, qui tous ont condamné le recours au protectionnisme.
Le plus attendu d'entre tous, le nouveau président américain Barack Obama, n'était pas là. Mais beaucoup avait leur avis sur la façon dont il devrait agir dans un grand nombre de dossiers allant de la crise financière au processus de paix au Proche-Orient, sans oublier l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan.
Fait marquant de ce forum, qui en aura manqué, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a quitté Davos sur un coup de sang après un accrochage verbal avec le président israélien Shimon Pérès, qui justifiait la récente opération de Tsahal dans la Bande de Gaza. L'incident a contribué à faire du chef du gouvernement turc un héros dans le monde arabe.
Dans un style nettement moins théâtral, des leaders politiques et économiques ont imputé aux Etats-Unis la crise financière qui se transforme aujourd'hui en récession mondiale. La volonté manifestée par Washington de protéger les sidérurgistes américains a confirmé la crainte de nouvelles barrières douanières, au détriment du commerce mondial.
"Davos incarne le débat à l'échelle de la planète", a résumé Stephen Roach, président pour l'Asie de la banque d'investissement Morgan Stanley, l'un des rares à avoir averti des dangers que faisait courir à l'économie mondiale la crise américaine des crédits hypothécaires à risque. "Nous entrons à présent dans la phase la plus détestable de toute crise, celle des accusations."
C'est sur cette note pessimiste que le forum de Davos a refermé ses portes, en même temps que son antithèse, le Forum social mondial organisé à Bélem, au Brésil. La veille des affrontements avaient opposé à Genève des policiers et des manifestants altermondialistes qui entendaient protester contre le WEF malgré l'interdiction des autorités. AP
Comment sortir du capitalisme ? Vers un socialisme civil [l’écosocialisme]
Par Thomas Coutrot
Article publié le 1er/12/2008
Source : ATTAC http://www.france.attac.org
Utopia organisait le 18 novembre 2008 une conférence sur le thème "Peut-on envisager concrètement une sortie du capitalisme ?"
Cette conférence était soutenue par Thomas Coutrot, économiste membre du Conseil scientifique d’Attac-France. Les discutants étaient Roger Martelli du PCF et Maryse Dumas de la CGT.
On pourra lire le texte de l’intervention de Thomas Coutrot qu’il a intitulé "Comment sortir du capitalisme ? Vers un socialisme civil".
Il explique que les quatre piliers du néolibéralisme (libre circulation des capitaux et marchandises, privatisation, flexibilité du travail et pouvoir absolu des actionnaires) sont en crise profonde, crise qui conduira le néolibéralisme à ne pas s’en remettre, tant l’exigence d’une intervention considérable de type public sonne le glas du système.
Il montre ensuite les raisons du sortir du capitalisme en indiquant que les urgences sociale, écologique et démocratique ne sauraient se contenter de "régulations" qui, très vite, montreraient leurs limites intrinsèques au capitalisme lui-même.
Mais alors, il pose la seule question qui vaille, au plan politique, à savoir, comment sortir du capitalisme ? Il remarque en préalable que, jusqu’alors le mouvement social n’a pas pu, pour ce faire, répondre de manière satisfaisante à trois questions-clefs relatives au sujet, au rythme et à la méthode de cette sortie.
Il livre une vingtaine d’étapes-actions qui devront jalonner cette sortie.
Enfin, en conclusion et s’inscrivant dans la pensée du sociologue Erik Olin Wright, il note que "les sociétés modernes sont structurées autour de trois pôles fondamentaux : l’économie, l’Etat et la société civile". C’est évidemment la place du capital qu’il convient de mettre en cause, au sein de l’entreprise, à l’égard de la main d’œuvre et comme support "d’investissement" tous azimuts.
JC Introduction
La crise actuelle est une crise majeure du capitalisme, telle que celui-ci en a connue à la fin du XIXe siècle et dans les années 1930. Il faut avoir conscience que nous n’en sommes qu’au début, que d’autres effondrements majeurs, bancaires, industriels et monétaires, sont devant nous, et surtout une période de dépression économique longue. Suite à la crise bancaire provoquée au début des années 1990 par l’éclatement d’une bulle immobilière, le Japon a connu quinze années de stagnation alors même que son économie était tirée par les exportations vers la Chine et les USA. Aujourd’hui la crise est planétaire, il n’y a plus nulle part où exporter. Elle ouvre une période de grands dangers, mais aussi de grandes opportunités : comme le disait l’historien Immanuel Wallerstein dans une récente interview, « nous sommes dans une période, assez rare, où la crise et l’impuissance des puissants laissent une place au libre arbitre de chacun : il existe aujourd’hui un laps de temps pendant lequel nous avons chacun la possibilité d’influencer l’avenir par notre action individuelle », et surtout, ajouterais-je, par notre action collective.Le néolibéralisme ne survivra sans doute pas à cette crise, ce sera le premier point que je développerai. Mais c’est une autre affaire pour ce qui concerne le capitalisme. Wallerstein suggère un scénario noir – «un système d’exploitation encore plus violent que le capitalisme» – mais on peut penser à un autre scénario, aussi vraisemblable mais guère plus réjouissant, celui d’un «capitalisme dictatorial et xénophobe», ou bien d’une « écodictature », comme l’écrivait André Gorz dans un texte écrit peu avant sa mort.Ce texte remarquable s’intitulait «La sortie du capitalisme a commencé» - et c’est mon second point. En effet, si l’on veut éviter le scénario noir, j’essaierai de montrer qu’il est plus réaliste d’envisager une sortie du capitalisme que d’en rechercher un nouveau mode de régulation, un « néo-keynésianisme vert mondial », qui conserverait les traits essentiels du capitalisme, en particulier l’orientation de l’économie en fonction du seul impératif du profit. Dans une troisième partie j’ébaucherai une stratégie de sortie du capitalisme et d’affirmation d’un nouveau mode d’organisation de la société qu’on pourrait qualifier – en empruntant ce terme à l’économiste Bruno Théret - de « socialisme civil ». Pourquoi le néolibéralisme ne se relèvera pas
Le néolibéralisme repose sur quatre piliers : la libre circulation des marchandises et des capitaux (l’utopie de la «liquidité» parfaite), la privatisation généralisée, la flexibilité du travail, le pouvoir absolu des actionnaires dans l’entreprise. Il a donné lieu à une vague d’innovation financière qui a échappé à tout contrôle. La finance mondiale a monstrueusement proliféré et se trouve aujourd’hui en voie d’implosion. Par la précarisation et la mise en concurrence des salariés du monde entier, le néolibéralisme a permis aux actionnaires de confisquer les gains de productivité : mais pour préserver la dynamique de la consommation, le système a dû recourir à l’empilement inconsidéré de dettes publiques et privées. L’épisode des subprimes n’est que le sommet de ce château de cartes qui ne pouvait à terme que s’effondrer. Nous y sommes.
Le néolibéralisme est un modèle de société, mais un étrange modèle puisqu’il est fondamentalement antisocial. Il repose sur l’hypostasie de l’individu égocentrique qui fait advenir l’intérêt général par la libre poursuite de son intérêt particulier. Il prône la soumission de la société à l’économie (« there is no such thing as society », « la société ça n’existe pas », disait Margaret Thatcher), la dissolution généralisée des collectifs et des solidarités sociales. Le capitalisme a toujours eu tendance à détruire les formes traditionnelles de socialisation, mais les sociologues classiques espéraient que la division du travail ou la démocratie introduiraient des formes alternatives de socialité. Or le néolibéralisme, qui est comme le dit Michel Husson un « pur capitalisme », où la logique capitaliste est libérée de toute entrave, ne porte aucune forme nouvelle de solidarité sociale. La liquidité totale du capital débouche sur la liquidation de la société. Prenons l’exemple de la monnaie, l’une des institutions de base de nos sociétés marchandes : jusqu’à présent elle était nécessairement adossée à un État, à une souveraineté. L’essor d’un marché financier mondialisé parfaitement fluide, et en particulier la généralisation des produits dérivés, permet en théorie de construire des équivalences entre tous les titres financiers. Des économistes américains ont analysé ce phénomène inédit comme une tentative de construire une monnaie mondiale privée, sans État mondial. L’effondrement actuel est celui de cette chimère théorique. La crise financière actuelle pourrait d’ailleurs bien culminer dans une crise monétaire, un effondrement du dollar, aux conséquences désastreuses pour tous.
Dans les années à venir les États et donc aussi les contribuables vont être appelés à renflouer un système financier et productif en déroute : les banques et l’automobile, puis la plupart des secteurs, vont être frappés par de gigantesques faillites qu’on ne pourra repousser (peut-être) que par des injections massives d’argent public, l’explosion des déficits des États et/ou l’activation massive de la planche à billets. L’idéologie néolibérale ne s’en remettra pas. La période de crise sociale et politique qui s’ouvre sera si profonde que les piliers du néolibéralisme ne seront plus politiquement défendables, du moins à l’intérieur de la légalité institutionnelle. Pourquoi il faut sortir du capitalisme
Que signifierait alors instaurer un nouveau mode de régulation du capitalisme ? Restreindre politiquement le déploiement de la logique du profit ; viser un keynésianisme vert mondial. Il faudra bien sûr soutenir toute tentative sincère en ce sens (qu’on ne voit pas encore poindre, il faut le reconnaître, quand on lit la récente déclaration du G20, simple réaffirmation incantatoire des principes du néolibéralisme). Mais cette voie me semble peu réaliste pour quatre raisons au moins : «réguler» c’est reculer pour mieux sauter : c’est vouloir domestiquer le pouvoir du capital sans porter atteinte aux sources de sa puissance. Tant que les détenteurs de capitaux disposeront du pouvoir de décision économique, il n’auront de cesse de coloniser la sphère politique, de reconquérir l’hégémonie idéologique (par leur domination totale sur les mass médias) et de diviser les mouvements sociaux, jusqu’à défaire les règles un moment concédées. C’est la contradiction fondamentale des sociétés capitalistes, entre une sphère politique où un homme vaut en théorie une voix, et une sphère économique où le pouvoir réside dans l’argent. D’accord, dira-t-on, mais si une régulation du capitalisme permet de le civiliser pendant quelques décennies, c’est toujours bon à prendre... Sauf que ce programme ne permet pas de répondre aux trois urgences sociale, écologique et démocratique.
l’urgence sociale : le coût de la sortie capitaliste de crise par renflouement de la finance sera exorbitant pour les populations, au Nord et encore plus au Sud. Sauf à supposer que les gouvernements redistribuent les richesses grâce à une fiscalité confiscatoire sur les hauts revenus et les gros patrimoines. Mais cela supposerait un tel renversement des rapports de force sociaux que le système capitaliste lui-même y survivrait difficilement : si les mouvements sociaux sont capables d’imposer une redistribution radicale des richesses, pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas redistribuer aussi le pouvoir de décision économique.
l’urgence écologique : l’humanité ne peut plus se permettre un nouveau cycle de croissance capitaliste, même keynésien. Le capitalisme suppose l’accumulation et la croissance indéfinies, la marchandisation de la nature et des relations humaines ; or il nous faut organiser rapidement une forte décroissance des consommations énergétiques, des émissions de GES et des pollutions chimiques, une forte réduction du temps de travail. Le capitalisme ne sait pas faire ça – ou il ne le fera que sous la pression d’un mouvement social qui menacerait son existence même.
l’urgence démocratique, enfin : comme le dit Wallerstein, « les maîtres du système vont tenter de trouver des boucs émissaires à l’effondrement de leur hégémonie ».
Certes l’élection d’Obama est une bonne nouvelle, mais la dérive sécuritaire, xénophobe et guerrière pourrait fort bien reprendre et s’aggraver en cas d’échec –probable– des projets de réforme cosmétique du système aujourd’hui en débat. N’oublions pas que la crise de 29 a directement causé la guerre. Pour sauver ce qui reste de démocratie politique, il faudra imposer la démocratie économique, c’est-à-dire remettre en cause le pouvoir censitaire des actionnaires.
Non seulement il faut se préparer à sortir du capitalisme, mais cela va devenir une question politique d’actualité dans les années à venir. On peut anticiper la montée d’une profonde colère sociale devant le cynisme des élites économiques et politiques néolibérales (et social-libérales). Que nous proposent-elles en effet ? Après trois décennies qui ont vu la stagnation ou la baisse du niveau de vie général, et l’enrichissement scandaleux d’une infime minorité, les peuples devraient maintenant supporter non seulement le chômage et la misère de masse, mais encore un détournement massif des ressources publiques pour renflouer le système financier et les grands groupes capitalistes. Le philosophe Axel Honneth, le successeur de Jurgen Habermas à Francfort, nous explique que les mouvements sociaux trouvent de façon très générale leur source non pas tant dans des conflits d’intérêts matériels que dans l’expérience du déni de reconnaissance, du mépris social. Nous entrons sans doute dans une ère où l’expérience du mépris va percuter de plein fouet des millions de gens. Les luttes sociales se dérouleront bien sûr dans les entreprises (malgré le chômage et la précarité qui vont s’aggraver), mais aussi et surtout dans la rue, autour des banques, des sièges sociaux, des Bourses, à l’occasion des expulsions de locataires, de salariés occupant leur entreprise, de sans papiers... On peut aussi parier sur l’émergence de pratiques alternatives d’entraide, de survie, d’expérimentation, comme on l’a vu au Brésil ou en Argentine après des effondrements économiques : coopératives, systèmes d’échange locaux, etc. Pour éviter que la colère sociale soit détournée vers les habituels boucs émissaires, il faudra à la fois – j’y reviendrai - un puissant mouvement d’auto-organisation de la société, et l’irruption de nouvelles forces politiques dans les institutions pour y mener des politiques de transformation sociale. Comment sortir du capitalisme ?
Si la question de la sortie du capitalisme est posée, comment y répondre ? Le mouvement ouvrier a buté sur trois problèmes clés : le sujet de cette transformation (la classe ouvrière ? le prolétariat ? le salariat ?), son rythme (réforme ou révolution ?) et sa méthode (par en haut ou par en bas, l’État ou l’auto-organisation sociale ?).
Concernant le sujet de la transformation sociale, très brièvement, je me contenterai de dire qu’on ne peut plus le concevoir comme une seule classe sociale, mais comme une convergence de forces sociales très diverses pour défendre et promouvoir les intérêts de la société dans son ensemble, contre les logiques mortifères du capital et de la guerre. On peut parler du «bloc social altermondialiste», cette alliance non-classiste qu’on voit émerger dans les forums sociaux, entre mouvements ouvrier, écologiste, paysan, féministe, indigène, pacifiste, de solidarité internationale, etc., bref, entre de multiples composantes de la société civile, qui expriment, comme le disait Karl Polanyi, la résistance de la société face à l’utopie du Grand Marché autorégulateur.
Concernant le rythme de la transformation sociale : la révolution ne peut plus être pensée sur le modèle du Grand Soir. On ne basculera pas d’un coup de la société actuelle dans une autre après un bref épisode révolutionnaire. D’abord parce qu’il n’existe pas aujourd’hui de projet socialiste (ou décroissantiste...) prêt à porter. Ensuite et surtout parce que la leçon majeure de l’échec du léninisme –et même du marxisme à cet égard–, c’est que le socialisme n’est pas l’enfant naturel du capitalisme, le fruit spontané de ses contradictions. Comme disait Gramsci le changement de société suppose une longue guerre de positions. Dans cette guerre de positions le bloc social alternatif (altermondialiste en l’occurrence) conteste l’hégémonie sociale du bloc capitaliste (néolibéral). Il construit lui-même, pas à pas, son programme, ses institutions alternatives, son hégémonie idéologique, au plan économique et politique. Il n’y a pas de chemin tracé, de modèle à appliquer, mais une longue période de création et d’innovation sociale, comme l’a été d’ailleurs l’émergence du capitalisme. Cela ne veut pas dire qu’une crise révolutionnaire – une « guerre de mouvement » - pourra être évitée (on l’a vu en 1789). Mais elle ne viendra, éventuellement, qu’après une phase de maturation qui pourrait durer plusieurs décennies. Nous ne pouvons pas écrire l’Histoire à l’avance, mais l’année 2008 marque probablement l’entrée dans cette « guerre de positions » entre deux blocs sociaux antagoniques en lutte pour l’hégémonie.
Le troisième point clé est celui de la méthode de la transformation sociale. Dans le mouvement ouvrier, les marxistes (généralement étatistes) s’opposaient aux libertaires (plutôt basistes). (Bien sûr c’est plus complexe, Rosa Luxembourg, Gramsci ou les autogestionnaires se sont démarqués d’une vision étatiste). Il importe d’affirmer que la stratégie de transformation sociale doit marcher sur les deux jambes de l’intervention publique et de l’autonomie populaire. Pour des raisons que je ne développerai pas ici, mais qui tiennent à l’inévitable tendance à l’émancipation des représentants vis à vis de leurs mandants, l’État est un outil mais aussi un obstacle ; il est autant un problème qu’une solution. La conquête du pouvoir politique est donc une nécessité mais les mouvements sociaux doivent conserver toute leur autonomie pour mettre la pression sur les élus, même les plus progressistes.
Il faut donc à la fois un programme politique qui prépare un dépassement du capitalisme en organisant l’intervention du plus grand nombre dans toutes les sphères de la société, dans l’économie mais aussi dans l’ÉTAT. Mais il faut en même temps que prolifèrent les initiatives des mouvements sociaux et l’auto-organisation de la société civile.
Commençons par le programme de mesures politiques. Au plan économique on peut énumérer un certain nombre de changements des règles du jeu qu’une gauche de transformation sociale devrait porter dans le débat politique au plan régional, national, européen et mondial, et commencer à mettre en oeuvre là ou c’est possible (là je vous propose une liste de 11 orientations) :socialiser le système bancaire : l’entrée à reculons de l’État dans le capital des banques vise à redresser le système pour le rendre aux actionnaires privés. Il faut au contraire que les pouvoirs publics – au niveau régional, national ou européen selon les cas - assument la propriété des banques et associent à leur gestion les salariés, les organisations syndicales, les associations d’usagers, de défense de l’environnement, etc. Il doit s’agir non pas d’une étatisation mais d’une appropriation sociale, je préfère dire d’une « socialisation ». (Le même principe devra être appliqué à l’ensemble des services publics, et aux grands groupes en faillite). La monnaie et le crédit doivent être désormais considérés comme des biens publics, trop importants pour être laissés entre les mains irresponsables de leurs actionnaires. Les Banques centrales doivent revenir sous contrôle politique et pouvoir prêter aux pouvoirs publics pour financer les investissements publics.
réorienter les investissements publics et privés, notamment par une politique du crédit : les taux d’intérêt doivent être modulés en fonction de l’utilité sociale et écologique des productions
redistribuer les richesses : réformer la fiscalité, frapper les hauts revenus et patrimoines, instaurer un revenu garanti de haut niveau, décréter un revenu maximum (Roosevelt avait augmenté le taux marginal d’imposition jusqu’à 94% en 1945)
définanciariser les entreprises : réduire la liquidité des marchés financiers (réglementation, taxes globales sur les transactions financières), réserver le droit de vote aux actionnaires stables, réduire le financement sur les marchés, voire fermer les Bourses, facteur majeur d’instabilité, qui prélèvent plus de ressources qu’elles n’en apportent aux entreprises
démocratiser le pouvoir dans l’entreprise : instaurer un droit de veto des comités d’entreprises sur les décisions en matière d’emploi et d’investissement, élargir les CE aux sous-traitants et aux autres parties prenantes, favoriser la reprise des entreprises par leurs salariés
développer des services publics démocratiques et décentralisés, dans le domaine du logement, des transports, de la dépendance, ..., pour étendre l’accès aux droits sociaux et la sphère de la gratuité
réduire la précarité de l’emploi par une sécurité sociale professionnelle
favoriser la consommation responsable : développer un système public d’information sur la qualité sociale et environnementale des productions, avec obligation de transparence de la part des entreprises, sous contrôle des comités d’entreprise élargis
refonder la construction européenne, pour une harmonisation dans le progrès des conditions sociales et environnementales, pour une fiscalité européenne sur le capital et les émissions de GES, un réel budget de l’Union et un programme européen d’investissements dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables, à hauteur de 5% du PIB
refonder le commerce international, pour un système d’échanges solidaires, une taxe kilométrique mondiale favorisant la relocalisation des productions
refonder le système monétaire international, négocier un nouveau Bretton Woods dans la lignée des propositions de Keynes et de la Charte de la Havane votée par l’ONU en 1948 (qui créait une monnaie mondiale et interdisait les déséquilibres commerciaux)
En même temps il faudra changer les règles du jeu politique, accroître le contrôle citoyen sur les institutions, viser la démocratisation de l’État : là je suggère 5 orientations : limiter l’autonomie des représentants (non cumul, durée maximale, référendum révocatoire, rémunération des élus égale au revenu moyen, remplacer le Sénat par une Chambre des citoyens tirée au sort...)
développer les procédures de démocratie directe (budgets participatifs, référendums d’initiative populaire...)
développer la démocratie délibérative (conférences de citoyens...)
limiter l’emprise des grandes fortunes sur les médias, instaurer un soutien public aux médias alternatifs et citoyens
soutenir les initiatives d’auto-organisation citoyenne dans l’économie, la culture, l’éducation populaire...
Car la deuxième jambe de la transformation sociale, c’est le développement de l’autonomie populaire, de l’intervention directe des citoyens dans les affaires économiques et politiques; je propose ici quatre axes de lutte : - contrôle citoyen sur les entreprises (consommation responsable, boycotts, alliances ONG/syndicats...) ; ainsi dans les mois et années à venir je pense qu’une alliance entre les syndicats des banques et les associations (usagers, chômeurs, mal logés, écologistes, Attac...) serait décisive pour porter l’exigence d’une socialisation démocratique du système bancaire, en faisant pression sur les pouvoirs publics et les directions des banques pour une nouvelle politique du crédit
- développement de réseaux économiques solidaires, de «zones libres», affranchies de l’emprise du capital : commerce équitable, réseaux de production et d’échanges locaux, coopératives, entreprises sociales... ce que Diane Elson, une économiste marxiste britannique particulièrement stimulante, appelle la «socialisation du marché» ;
- développement de réseaux productifs et culturels basés sur la coopération décentralisée et gratuite, à l’image de la communauté du libre sur Internet (il s’agit là d’un outil majeur de construction d’une contre-culture, indispensable dans la guerre de positions)
- exercice d’une pression constante sur les institutions par des campagnes de mobilisation populaire, construites au sein des instances autonomes dont se dote le mouvement altermondialiste (cf. la proposition de l’écologiste britannique George Monbiot d’un Parlement mondial des citoyens, contre-pouvoir d’influence sur les institutions internationales, élu par les populations indépendamment des structures étatiques).
Conclusion : quel modèle de société alternative ?
Comme l’explique le sociologue nord-américain Erik Olin Wright, les sociétés modernes sont structurées autour de trois pôles fondamentaux : l’économie, l’État et la société civile.
Dans le capitalisme, l’économie (le capital) exerce son hégémonie sur l’État et sur la société civile. Dans le «socialisme» bureaucratique l’État domine, absorbe même l’économie et la société civile.
Dans le «socialisme civil», c’est la société civile qui assure son hégémonie sur l’économie et sur l’État. Le capitalisme recherche la marchandisation généralisée, le «socialisme» bureaucratique se fonde sur l’étatisation de la société, le socialisme civil peut être décrit comme une entreprise de civilisation. Il ne décrète pas l’abolition de l’État ou du marché, mais organise progressivement (et à très long terme) leur dépérissement par leur socialisation.
La stratégie ici ébauchée amène une remise en cause des institutions centrales du capitalisme : le despotisme du capital dans l’entreprise, la liberté (pour le capital) d’exploiter la main-d’œuvre par les outils du chômage et de la précarité, la liberté (toujours pour le capital) de circuler et de s’investir où il l’entend. Elle s’attaque donc aux rapports de propriété capitalistes eux-mêmes. Elle s’attaque tout autant aux mécanismes de la domination étatique, à l’accumulation privative de capital politique. C’est donc une stratégie révolutionnaire. Mais il s’agit aussi et d’abord d’une stratégie réformiste. Aucune des avancées démocratiques évoquées n’est par elle-même une rupture de l’ordre capitaliste. La démocratisation et la socialisation de l’économie résulteront d’abord d’une série d’avancées démocratiques partielles combinées qui sapent le pouvoir du capital. Grâce à ces avancées, la société civile fera son apprentissage collectif de la gestion de l’économie et de l’État. Jusqu’où le capitalisme pourra-t-il s’adapter ? Jusqu’où les élites économiques supporteront-elles de voir leur pouvoir désarticulé, encerclé, contrôlé de l’intérieur et de l’extérieur, du dessus et du dessous, par des mouvements sociaux et des acteurs politiques déterminés à faire valoir le principe démocratique dans toutes les sphères de la société ?
Il est bien trop tôt pour se poser ce genre de questions. C’est pourquoi le clivage traditionnel entre réformistes et révolutionnaires n’est pas vraiment opératoire dans la période actuelle. Personnellement, je pense que si le capital commence à perdre cette guerre de positions, il réagira violemment. Il faudra alors que la société tranche la question des droits à la propriété privée des grands moyens de production. La société civile pourra alors instaurer son hégémonie – celle de la démocratie - sur l’économie et sur l’État. Mais aujourd’hui le clivage pertinent à gauche est autre : aménager l’actuel ordre néo-libéral sans contester le pouvoir de la finance, ou bien viser de nouvelles avancées démocratiques, fondées sur la participation active des citoyens aux décisions qui les concernent dans tous les domaines ? Rénovation du néo-libéralisme ou extension de la démocratie ? Tel est le clivage de court et moyen terme. A long terme, si la transformation sociale s’approfondit, elle obligera probablement les sociétés à choisir entre capitalisme et démocratie. Comme vous le voyez, je crois comme vous à la vertu des utopies, mais des utopies réalistes, ancrées dans le mouvement réel des choses et dans la longue durée.
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LIBERTÉ D’EXPRESSION ?
Polices françaises et allemandes tentent d’entraver le tour d’Europe des alternatives !
Par Sophie Chapelle
Basta ! - 22/7/15 - Le Tour Alternatiba, c’est un tour de France et d’Europe à vélo, pour promouvoir les alternatives écologiques et la transition énergétique dans l’espoir de limiter le réchauffement climatique. Un périple de 5 600 kms parti le 5 juin de Bayonne. Mais cette initiative ne semble pas plaire aux polices française et allemande qui ont tenté de bloquer les cyclistes. Pour cause de dopage ? Pas vraiment...Le 20 juillet, les membres du tour marquent une pause devant la centrale nucléaire de Fessenheim. Rien d’interdit jusque-là dans un État de droit... Devant plusieurs médias et caméras, un porte-parole déplore que les milliards engloutis dans la filière nucléaire ne soient pas plutôt investis dans les politiques de sobriété énergétique, comme l’isolation des logements ou le développement des transports collectifs de proximité.
Le porte-parole d’Alternatiba dénonce également la fermeture de Nexcis, une filiale d’EDF à Aix-en-Provence, qui fabrique des vitres à la fois isolantes et productrices d’énergie solaire (notre enquête). Un exemple qui montre bien, pour les organisateurs d’Alternatiba, « que les investissements actuels tournent le dos aux économies d’énergies et aux énergies renouvelables, grâce auxquelles beaucoup plus d’emplois pourraient être créés, répartis sur tout le territoire français, qu’avec les énergies fossiles ou nucléaire ».
Une première opération de fichage depuis le départ du Tour
Les cyclistes reprennent ensuite la route et font une pause repas dans une ferme coopérative et alternative à Tunsel, en Allemagne. C’est là que la situation se complique avec l’arrivée de sept véhicules de police sur les lieux. « Ils ont annoncé aux cyclistes que la France avait demandé au procureur de Freibourg de contrôler l’identité de tous les cyclistes présents, et qu’en cas de refus de leur part, il convenait de bloquer le Tour », relate le communiqué d’Alternatiba. Malgré les protestations, les cyclistes, bloqués par les policiers, déclinent finalement leur identité pour ne pas mettre en retard le périple, expliquent-ils.
« Cette histoire est tout simplement surréaliste, dénoncent les organisateurs. En plein année de la COP21, la France demande à un pays étranger de bloquer le passage d’une mobilisation climatique à la fois 100 % citoyenne, entièrement pacifique et particulièrement constructive. La liberté d’expression connaitrait-elle des limites en France dès lors qu’on évoque la question du nucléaire ? ». Les cyclistes fichés étudient les possibilités de déposer une plainte contre l’intervention de la police allemande. Il s’agit également pour eux de savoir qui a fait cette demande auprès du procureur de Fribourg, et avec quelle motivation.
Ironie de l’histoire, dans une lettre officielle du 10 juillet, la ministre de l’écologie Ségolène Royal vient d’attribuer le label COP21 [1] au Tour Alternatiba. En dépit de ces déboires, la mobilisation se poursuit avec déjà, au compteur de ces cyclistes militants, plus de 2 300 kms. Au terme de ces 35 premières journées, le tour Alternatiba a participé à des dizaines de conférences publiques, de manifestations à vélos, plusieurs concerts et villages associatifs, ainsi que d’innombrables rencontres avec les collectifs, associations et élus locaux. Il leur reste un peu plus de 3 000 kms à parcourir avant d’atteindre Paris le 26 septembre prochain.
Notes
[1] Le label COP21 consiste en la reconnaissance gouvernementale des projets de mobilisation climatique d’intérêt général.—
Tour Alternatiba : incident surréaliste à Fessenheim
23 JUILLET 2015
PAR ALTERNATIBA
Scandaleux : la France demande à la police allemande de bloquer le Tour Alternatiba, en représailles à une prise de parole anti-nucléaire devant la centrale de Fessenheim ! Ironie de l'histoire, la ministre de l'écologie venait d'attribuer le label COP21 à cette "initiative ambitieuse et innovante".
Le Tour Alternatiba est arrivé à Fessenheim ce lundi 20 juillet, après être parti le matin de Mulhouse où 600 personnes avaient accueilli son arrivée la veille dans une ambiance de fête populaire et dans le cadre d'un Alternatiba qui a rassemblé plus de 3000 personnes tout au long d'un beau dimanche ensoleillé.
La police allemande entre dans la ferme où les cyclistes prennent le déjeuner
Nucléaire ou climat, il faut choisir !
Le Tour Alternatiba a marqué une pause devant la centrale nucléaire de Fessenheim pour rappeler l'opposition d'Alternatiba à la filière nucléaire. Devant plusieurs médias et caméras, un porte-parole du Tour a ainsi déploré que les milliards engloutis dans la filière nucléaire ne soient pas plutôt investis dans les politiques de sobriété énergétique (isolation des logements, développement des transports collectifs de proximité etc.) et dans le développement des énergies renouvelables. Le Tour Alternatiba a rappelé que lors de son étape d'Aix-en-Provence, les ouvriers de Nexcis fabriquant des vitres à la fois isolantes et productrices d'énergie solaire protestaient contre la fermeture de cette filiale d'EDF.
Cet exemple montre bien que les investissements actuels tournent le dos aux économies d'énergies et aux énergies renouvelables, grâce auxquelles beaucoup plus d'emplois pourraient être créés, répartis sur tout le territoire français, qu'avec les énergies fossiles ou nucléaire. Le Tour Alternatiba terminait en dénonçant le jeu trouble et anti-démocratique du lobby nucléaire en France qui tente de saboter le développement de l'éolien, et qui va jusqu'à bloquer un engagement présidentiel comme celui de la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Alors que tout s'était jusque là déroulé sans incident et sans aucune remarque de la part des autorités, et que le Tour Alternatiba avait repris son chemin pour rejoindre l'Allemagne toute proche, la gendarmerie l'a bloqué environ un kilomètre plus loin, sur un bord de route. Les gendarmes ont alors entrepris de contrôler l'identité des cyclistes. Quelques uns d'entre eux se sont étonnés de ce contrôle, le premier depuis que le Tour Alternatiba est parti de Bayonne le 5 juin dernier, et alors même que le Tour a pris la parole devant d'innombrables sites, édifices et places et qu'il a croisé à de multiples reprises la gendarmerie sans que jamais elle ne veuille contrôler l'identité de ses participants. Il s'agissait donc clairement d'une opération de fichage des 24 cyclistes ayant participé à la prise de parole devant la centrale de Fessenheim. Bref, la liberté d'expression connaitrait elle des limites particulières en France dés lors qu'on évoque la question du nucléaire
La France fait intervenir la police allemande !
Le commandant de gendarmerie et ses hommes ont néanmoins fini par laisser repartir le Tour Alternatiba, qui a repris sa route normale et a fait une pause repas dans une ferme coopérative et alternative à Tunsel, en Allemagne. C'est là que les cyclistes ont vécu un moment à la fois surréaliste et particulièrement choquant. 7 véhicules de police sont arrivés sur les lieux et la police allemande est entrée dans la ferme, pourtant propriété privée. Ils ont annoncé aux cyclistes que la France avait demandé au procureur de Freiburg de contrôler l'identité de tous les cyclistes présents, et qu'en cas de refus de leur part, il convenait de bloquer le Tour. Après un long moment de protestation contre cet abus de pouvoir manifeste, les policiers allemands bloquant physiquement le départ du Tour, et celui ci commençant à être sérieusement en retard (un rendez-vous avec une centaine d'autres cyclistes était fixé à 18h00 à Freiburg), ces derniers ont tous décliné leur identité.
Une histoire surréaliste en pleine année de la COP21
Cette histoire est tout simplement surréaliste. En plein année de la COP21, la France demande à un pays étranger de bloquer le passage d'une mobilisation climatique à la fois 100 % citoyenne, entièrement pacifique et particulièrement constructive (un tour cycliste de 5 600 km et la traversée de 187 territoires différents pour y promouvoir les différentes alternatives au dérèglement climatique). Ironie de l'histoire, dans une lettre officielle du 10 juillet, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie Mme Ségolène Royal venait de lui attribuer le label COP21 (reconnaissance gouvernementale des projets de mobilisation climatique d'intérêt général), et ce dans des termes particulièrement élogieux pour le Tour Alternatiba.
Les cyclistes du Tour Alternatiba ont rendez-vous ce mardi 21 juillet avec une avocate allemande pour étudier les possibilités de déposer une plainte contre l'intervention de la police allemande. Il s'agira également pour eux de savoir précisément qui a fait cette demande surréaliste auprès du procureur de Freiburg, et avec quelle motivation. Tout cela n'empêchera pas le programme prévu sur Freiburg à l'occasion du passage du Tour Alternatiba de continuer à se dérouler normalement aujourd'hui, avec le maintien des formations, conférences et concerts prévus à partir de 16H00 au parc central de la ville Stadtgarten.