Bonjour,
Je vous remercie d’avoir publié mon témoignage, ainsi que pour les commentaires reçus. Le peu que j’ai lu sur la présentation de votre site montre que j’ai fait des expériences assez semblables aux vôtres, même si le regard que j’y porte est assez différent.
Vous m’excuserez pour mon vocabulaire, n’ayant pas l’habitude de celui que vous employez, mais je pense que mon expérience, qui n’a absolument pas été influencée par votre enseignement (que je respecte tout à fait) peut apporter un peu de lumière à quelques questions ou difficultés qui pourraient être rencontrées.
Voici encore l’essentiel des autres découvertes ou essais que j’avais pratiqués. C’est long mais à peu près complet, sauf pour une ou deux expériences que je ne souhaite pas aborder. Elle font partie de mon intimité à laquelle je désire mettre des limites. Dès lors, je n’écrirai probablement rien de plus, sauf pour répondre à d’éventuelles questions.
Jusque vers 13 ans, je n’ai souhaité que de belles aventures durant ces rêves lucides, et je n’ai jamais été déçu, car notre imagination a un pouvoir créatif incroyable. Je volais avec aisance, parfois parmi des éléments déchaînés. J’étais souvent emmené dans des aventures qui évoluaient très vite, devenant généralement un justicier invincible genre super-héros. Il y avait cependant quelques fois des situations curieuses, parfois très symboliques. Voici quelques constatations :
Concernant la sensation du toucher :
Elle est assez bien reproduite, même si mon imagination n’a pas la volonté de me créer de douleur insupportable. Une exception « limite » toutefois :
Je me battais en rêve à l’épée sur un navire contre un pirate mais c’est comme si les coups étaient prévisibles, ce qui fait qu’ils étaient parés et le combat s’éternisait. J’ai compris que je n’y arriverais pas vu que c’était mon imagination qui créait mes coups comme les siens. Finalement, j’ai écarté les bras en disant « De toute façon tu ne peux rien contre moi car je rêve et je ne peux pas mourir ». Il m’a transpercé le ventre et je peux dire que non seulement j’ai senti l’épée passer, mais en plus la peur, face à cette situation, a été à l’origine d’une douleur tout juste supportable. En tout cas, j’ai vraiment été surpris que ça puisse être aussi vif.
J’ai encore rêvé un jour que je me promenais dans un village avec un groupe de personnes. Il y avait un miroir contre un mur, alors j’ai laissé les autres continuer et me suis arrêté devant. J’ai voulu voir ce qu’il y avait de l’autre côté, sachant que c’était un rêve. J’ai croisé les mains et j’ai passé la tête à travers. Derrière, tout était froid et rigide. J’ai senti la résistance du miroir, un peu comme si j’étais passé à travers un mur de glace. J’ai trouvé que c’était un endroit terrible, où on ne pouvait pas vivre, où tout semblait voué à finir figé.
Concernant les couleurs :
J’ai très peu fait attention aux couleurs. Je me rappelle juste du seul cauchemard que j’aie fait, durant lequel j’étais crucifié sur une sorte de bûcher, et ma famille, au pied, me regardait et me parlait avec un grand mépris. Tout était rouge et noir. Tout à coup, je me suis rendu compte que je rêvais. Je me suis dit que je ne voyais pas pourquoi je resterais là plus longtemps et je suis descendu de la croix. A ce moment, le ciel est redevenu bleu, et la nature a repris ses teintes normales.
En passant devant ma famille, je leur ai dit, en montrant le bûcher : c’est à vous d’y aller, pas à moi. Puis, je suis parti à l’aventure, sans me retourner, n’ayant pas envie de perdre le temps si précieux du rêve lucide.
Concernant la force des sentiments :
Ce que je garde encore du rêve précédent, c’est qu’il m’a montré que les sentiments y étaient pleinement développés. Malheureux, j’étais « complètement » malheureux. En revenant à l’aventure, joyeux, je l’étais aussi complètement. J’ai compris que les sentiments, dans le rêve, sont à l’état pur. Ils semblent avoir une « force » incroyable. La joie, ou n’importe quel état sentimental tiré dans la vie réelle (moment plaisant, livre, film, remarque), sont en quelque sorte toujours « pollués » par notre environnement et nos préjugés. Dans le rêve, il n’y a rien qui leur fasse barrière.
Concernant la musique :
La première fois que je me souviens avoir rêvé en musique, c’était avec la musique de Chi Mai (du film le Professionnel). Cela remplissait tout mon rêve, avec une pureté de son incroyable. C’était en fin de nuit et j’ai fini par me réveiller, tout en gardant en mémoire ce que je venais d’entendre. Je me suis levé et j’ai ouvert la porte de ma chambre. Soudainement, j’ai eu l’impression de continuer de l’entendre parmi les bruits ambiants. Je me suis assis et, en me concentrant, j’ai effectivement pu percevoir cette musique. C’était un voisin qui l’écoutait mais, à travers les murs, c’était à peine audible. Mon imagination avait amplifié dans le rêve ce son à peine capté tout en éliminant les bruits ambiants de l’immeuble et de la circulation. Je pense que cela s’opère ainsi parce que ce n’est pas notre volonté d’entendre ou de conserver ce qui est « moche ». Par la suite, j’ai essayé, à 2 reprises durant des rêves lucides, de faire attention si je rêvais en musique. Du moment que j’y faisais attention, il y avait effectivement une musique de fond, sans savoir si elle était venue pour l’occasion ou si elle faisait partie de l’environnement du rêve, comme elle fait partie des films qu’on regarde à la tv sans toujours y faire attention.
Essai sur le développement personnel :
Toujours à l’âge de 14 – 15 ans, n’ayant pas une très bonne mémoire, je me suis dit que j’avais une chance de développer ça en rêve. Les sentiments, comme dit plus haut, étant à l’état pur, je pensais pouvoir trouver le moyen de développer mon intelligence en cherchant, lors d’un rêve lucide, un professeur qui représenterait les besoins de mon être, qui m’expliquerait comment faire, comment me comporter pour m’améliorer au mieux. De plus, en recevant un tel enseignement que je pourrais alors inscrire et travailler dans mes rêves, je pensais vraiment que j’allais pouvoir influencer la réalité. Cette idée m’a beaucoup enjoué et j’y ai concentré mon attention pour que le prochain rêve lucide, je parte à la recherche de ce « professeur ». La nuit suivante, j’y étais déjà. Autant j’ai eu parfois des difficultés pour voler, faire de la magie, ou faire apparaître des gens que mon imagination ne voulait parfois pas produire, autant mon « professeur » est arrivé avec facilité. On aurait dit qu’il m’attendait depuis toujours, qu’il était là en moi. Il m’est apparu comme un vieux sage de l’antiquité, dans une sorte de robe blanche, très calme et très gentil. Il m’a dit de le suivre car il était nécessaire de trouver un endroit tranquille et agréable pour son enseignement. Je voulais presser le pas car j’avais peur que tout se termine trop vite. Mais ce sage au contraire m’invitait à être tranquille, à prendre du temps pour comprendre les choses. Nous sommes arrivés au bord d’une rivière où il a continué de me parler. Il me conseillait surtout d’évoluer avec calme et sérénité, et cherchait à éveiller mon intérêt sur des sujets que je n’ai pas gardé en mémoire. Après un moment, j’ai perdu la lucidité et suis parti sur d’autres rêves. Ce qui est sûr, c’est qu’au matin j’avais envie de me souvenir de tout, de m’intéresser à tout. J’ai vraiment eu l’impression que c’était efficace, que j’avais commencé à graver cette sagesse au fond de moi, même si on pourrait croire que c’était peut-être dû au fait que j’étais persuadé que ça devait fonctionner.
Trop pris par les autres expériences que je faisais en même temps, j’ai remis la suite de celle-ci à plus tard. Ayant entretemps arrêté ces pratiques, je n’ai jamais revu mon « professeur ».
Concernant la sexualité :
Les essais qui suivent vont sans doute vous faire sourire, mais il sont à replacer dans le contexte de leur époque et de mon âge.
Il faut bien que j’en parle, d’autant plus que j’ai perçu un certain danger dans cette pratique.
Tant que j’étais enfant, le rêve lucide n’était qu’amusement. Adolescent, j’étais très timide. Il devenait impossible de ne pas tenter l’expérience en rêve, sachant que je pourrais avoir n’importe quelle fille et que je n’avais pas besoin de son consentement.
Je me suis mis donc à « programmer » que je voulais rêver à telle ou telle fille, et lorsque j’arrivais au rêve lucide suivant je cherchais la demoiselle. Si je n’arrivais pas à la faire apparaître (ce qui arrivait souvent), je me promenais en rêve jusqu’à ce que je voie une jeune femme et profitais de l’occasion, juste par sport, pour pouvoir me dire que je me l’étais faite.
Je dois cependant admettre que, dans le rêve, je n’avais aucun besoin sexuel, c’était juste pour l’exploi. La « chair » n’y est pas bien représentée, en tout cas elle n’y est pas attirante. Les choses, observées de près en rêve, deviennent floues et semblent perdre leur substance. Se concentrer sur elles tend même à les faire disparaître. Je suis d’ailleurs persuadé que les sexe n’est pas le but du rêve, même si certains veulent absolument dire que le sexe est le moteur de toute chose. Par contre, la mémoire de mes propres sensations se reproduisait de mieux en mieux, à tel point qu’il m’est arrivé de « mouiller » mon lit en vrai. C’est surtout par « sport » que j’ai continué, pensant que je ne risquais rien. Dans le rêve, c’était toujours la même chose : elles ne disaient rien, se laissaient faire à contrecoeur, mais m’observaient d’un regard qui semblait toujours dire « tu le regretteras ». D’un côté cette expression me faisait un peu rire, puisqu’il n’y a plus de lois en rêve, mais d’un autre côté j’avais un doute, sans savoir vraiment quoi.
Le danger :
C’est lorsque j’ai revu ces mêmes personnes dans la réalité que j’ai compris l’erreur : dans le fond de moi-même, en forçant en rêve des actes sexuels sur des personnes sans demander leur consentement, j’avais brisé une bonne partie des barrières de ma conscience, et j’ai dû me forcer pour me dire que je ne devais pas le faire en vrai lorsque j’avais la personne devant moi! Je tiens à préciser que j’ai toujours pu m’y tenir, car ma volonté réelle n’a jamais été d’agresser quelqu’un.
Imaginons maintenant que j’en veuille énormément à une personne qui m’aurait fait du mal dans la réalité, et que je me retienne déjà pour ne pas me venger. Que pour rester dans une action innocente je décide de lui faire du mal lors de mon prochain rêve lucide. Je pense que je n’aurais plus guère de retenue par la suite, étant déjà habitué à commettre cet acte.
Même si, au départ, ce sont des difficultés aux frontières du réveil (voir plus loin) qui m’ont obligé à mettre un temps d’arrêt, c’est essentiellement par crainte de modifier mon comportement, surtout mon agressivité réelle, que je ne suis jamais revenu à l’entraînement qui permet de réactiver les rêves lucides.
Les rêves prémonitoires :
Sur le nombre de rêves que je me suis souvenus, je dois admettre que quelques uns, bien qu’assez rarement, étaient curieusement prémonitoires. Ce n’était jamais des rêves lucides. Il s’agissait généralement de personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps. Je rêvais d’elle et comme par hasard elles téléphonaient le lendemain, ou alors je les voyais dans les 2-3 jours qui suivaient. Un peu comme des gens de qui on parle et que, subitement, ils se pointent. Alors on se contente de dire : quand on parle du loup…
Parmi ces rêves, en voici 2 qui ont été particulièrement précis :
-J’ai rêvé que je travaillais dans une entreprise en été, pour gagner de l’argent, et que ma soeur allait y être employée de façon fixe en même temps. C’est effectivement arrivé un an plus tard.
-Un autre jour, j’ai rêvé d’un collègue qui disait devoir m’opérer des amygdales le lendemain à 16h00 (on travaille dans l’administration et on est pas du tout médecin). Le lendemain à 17h00 (1h de différence), ce collègue se suicidait avec une arme à feu dans sa voiture.
J’ai beaucoup cherché la signification de mes rêves pour deviner l’avenir et… je me suis toujours trompé ! Finalement, je me suis rendu compte que ces rêves prémonitoires ne m’ont jamais servi à rien, alors, depuis de nombreuses années, j’ai totalement abandonné la recherche de leur signification, préférant être plus attentif à mes proches en temps réel.
Les frontières du réveil :
Comme précisé dans ma première lettre concernant ce langage bizarre du sommeil profond que j’avais tenté de « ramener à la surface », il est assez facile de se réveiller volontairement lors d’un rêve lucide. C’est même plutôt le fait de continuer de rêver, lorsque le repos est accompli et qu’on arrive au moment du réveil, qui est plus difficile à maintenir. Je pense n’être parvenu, tout au plus, à maintenir que de quelques instants le sommeil lorsque la nuit était finie. Seulement, en plein rêve lucide où « tout est permis », on a généralement pas envie de se réveiller.
Il m’est pourtant arrivé l’expérience intéressante suivante :
Je me trouvais au chalet de mes parents lorsque je me suis rendu compte une nouvelle fois que je rêvais. C’est une maison entourée de grands prés en pente. J’ai tenté de m’envoler mais je n’y arrivais pas vraiment. Par contre, je pouvais faire d’immenses bonds et j’ai appelé ma soeur pour qu’elle fasse la même chose que moi. On s’élançait en riant et c’était très amusant.
A un moment, je me suis rendu compte que j’allais atterrir dans les barbelés. Dans la panique, j’ai décidé de me réveiller le temps de passer de l’autre côté de la barrière, puis de continuer le rêve.
Ça peut paraître bizarre, mais en rêve lucide on sait ce qu’il faut faire pour se réveiller et se rendormir si c’est dans l’immédiat. C’est ce que j’ai fait. Je pense que je n’étais que somnolent avant de refaire le chemin inverse. J’ai pu reprendre le rêve mais mon sommeil était perturbé et je n’ai pu continuer que quelques instants ce rêve avant de me réveiller à nouveau, cette fois tout à fait.
Je me suis dit que c’était un exercice qui pourrait être extraordinaire si je pouvais garder en mémoire le « mécanisme » qui m’a permis de me rendormir de force. Je me voyais déjà m’endormir à volonté tout en restant lucide. Par la même occasion, j’ai commencé à tenter de rester lucide chaque soir le plus longtemps possible, pour m’approcher toujours plus du moment de l’endormissement. Sur la même période, j’ai forcé le réveil pour me rendormir à plusieurs reprises, mais non seulement cette technique était impossible à garder en mémoire une fois tout à fait réveillé, mais en plus ça a grandement perturbé mon sommeil et j’avais tendance à prendre l’habitude de me réveiller lors de rêves lucides. D’un autre côté, je suis assez rapidement arrivé à rester lucide jusqu’au moment où je sombrais dans le sommeil.
Le mot « sombrer » est plus que justifié car, lorsque j’ai commencé à rejoindre la phase de l’endormissement en restant lucide, j’ai eu l’impression de tomber dans un trou, dans le néant, presque de mourir. J’ai recommencé beaucoup de fois mais je n’ai jamais pu m’y abandonner et ça me réveillait en sursaut. L’ennui, c’est que même lorsque j’ai compris que je n’y arriverais pas, cette habitude de rester lucide était incrustée, et chaque soir je faisais de nombreux « sursauts » avant de m’endormir enfin. Ca a même duré plusieurs mois, m’occasionnant des insomnies. C’est à ce moment que j’ai décidé d’arrêter toutes ces expériences, pour permettre à mon sommeil de retrouver un état « normal ». Je pensais reprendre après deux ans. Ensuite, étant entré en apprentissage, j’ai compris qu’il fallait que je donne la priorité à la vie « active » et que j’attende encore un ou deux ans de plus avant de revenir aux rêves lucides.
Pour couper court à mon « autosuggestion » qui me tentait encore beaucoup, j’ai réussi à « embrouiller » la phrase que je m’étais répétée des milliers de fois pour accéder aux rêves lucides, en utilisant d’autres mots, en mélangeant d’autres verbes, remettant en cause la signification des mots utilisés, jusqu’à ce que je ne sache vraiment plus la phrase de base. Ce ne serait pas vraiment dur d’en refaire une le temps voulu. Le temps a passé et je me suis vraiment plongé dans la vie active, qui nous propose elle-même tant de défis. Je réserve maintenant ce retour pour le cas où je me trouverais un jour handicapé, ou trop vieux pour me déplacer. Les rêves lucides ont continué d’arriver par habitude, et frisent maintenant l’arrêt total.
A l’heure actuelle, le retour aux rêves lucides ne me tente plus, sauf peut-être pour aller retrouver le « sage ». J’ai l’impression qu’il m’attend toujours, au bord de sa rivière. Les rares rêves lucides que je fais encore (2 très courts durant l’année écoulée)ne sont plus très motivés, vu que je n’y tiens plus trop et ne programme plus rien à l’avance.
Voilà, je crois avoir à peu près tout décrit. Je souhaite encore insister un peu sur ce qui concerne le « délai d’intégration onirique » comme vous le définissez. Je crois que chacun peut, en notant ses rêves au matin, trouver son « délai d’incubation » pour assimiler les grands changements, comme par exemple trouver combien de temps on rêve encore régulièrement de l’ancien appartement après avoir déménagé. C’est le temps qu’il lui faudra pour qu’un exercice régulier prenne pied dans un rêve non lucide.
Avec mes meilleures salutations, en espérant vous avoir été utile,
Miguel
Posté par Plazmi sur « onirama » le 23/10/9