Voila.fr 14/04/2010
Après avoir cogné dur sur Dieu dans un précédent ouvrage, le philosophe Michel Onfray s’attaque à Freud dans une « psycho-biographie » de 600 pages où il l’accuse entre autres maux d’être partisan des régimes autoritaires, cupide et menteur.
Le seul titre de ce pavé divisé en cinq parties, « Le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne » (Grasset), à paraître le 21 avril, résume la thèse de l’auteur.
Selon lui, Freud, le père de la psychanalyse, « n’a jamais soigné ni guéri ses patients ». Il légitime « la misogynie et l’homophobie » et se révèle « un compagnon de route du césarisme fasciste autoritaire de son temps », dit-il à l’AFP. « Il a fait par exemple une dédicace élogieuse à Mussolini ».
Les spécialistes du grand Sigmund (1856-1939) s’étranglent. « Cette anecdote est connue de tous les historiens », explique à l’AFP la philosophe et psychanalyste Elisabeth Roudinesco, qui mène la contre-offensive.
En 1933, un disciple italien de Freud lui présente une de ses patientes. Le père de celle-ci, ami de Mussolini, demande à Freud de dédicacer un de ses livres pour le Duce. Le psychanalyste choisit « Pourquoi la guerre? », co-écrit avec Einstein, et note: « A Benito Mussolini, avec le salut respectueux d’un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture ».
« Il faut replacer cela dans le contexte. Ce n’est pas du tout que Freud adhère au fascisme et jamais il n’a fait l’apologie des régimes autoritaires », affirme Mme Roudinesco.
Le livre d’Onfray est « un brûlot truffé d’erreurs et traversé de rumeurs », poursuit-elle. « Il prétend révéler des choses que tout le monde connaît et fait des amalgames ».
« Michel Onfray y traite les Juifs, inventeurs du monothéisme, de précurseurs du nazisme et Freud d’abuseur sexuel, admirateur du régime de Mussolini et complice du régime hitlérien par sa théorisation de la pulsion de mort », s’insurge Mme Roudinesco. « Il fait de la psychanalyse une science fasciste fondée sur l’adéquation du bourreau et de la victime ».
Faux, rétorque Michel Onfray: « Je n’ai jamais dit que Freud était antisémite. Comment pourrais-je dire une telle bêtise, c’est dérisoire et c’est n’importe quoi ! », s’exclame-t-il.
Les quatre soeurs de Freud ont été tuées par les nazis.
« Ce livre est une psycho-biographie nietzschéenne, dans laquelle je croise les faits, les dates et l’oeuvre. Tout est vérifiable », poursuit l’auteur.
« J’ai lu les 6.000 pages de l’oeuvre complète de Freud et sa correspondance. Il y a des notes et une bibliographie à la fin de mon ouvrage. Mais dès qu’on touche à Freud, certains partent au combat pour entretenir les mythologies », ajoute le philosophe.
Michel Onfray se propose, explique-t-il, de penser la psychanalyse comme « une hallucination collective appuyée sur une série de légendes » ainsi qu’il l’a fait avec la religion dans son « Traité d’athéologie » (Grasset, 2005), vendu à plus de 220.000 exemplaires.
Un large pan du livre parle de sexualité. Selon Michel Onfray, si Freud assure avoir choisi de renoncer aux rapports sexuels et de « sublimer », il a en fait « cessé de coucher avec son épouse mais a couché avec sa belle-soeur… ». Entre autres.
Dans cette tempête autour de Freud, « les lecteurs seront les juges de paix », conclut Michel Onfray.
(« Le Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne » – Michel Onfray – éditions Bernard Grasset – 612 p. – 22 euros)